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Dossier : 2007-1344(IT)I

ENTRE :

FRANCINE CAOUETTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 13 juillet 2007, à Trois-Rivières (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

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JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2007.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 


 

 

 

Référence : 2007CCI497

Date : 20070910

Dossier : 2007-1344(IT)I

ENTRE :

FRANCINE CAOUETTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Bédard

 

[1]     Il s’agit d’un appel, interjeté selon la procédure informelle, d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2004 de l’appelante. Par avis de nouvelle cotisation daté du 25 septembre 2006, le ministre a refusé à l’appelante la déduction de dépenses d’emploi liées à une voiture. L’appelante s’est dûment opposée à cette nouvelle cotisation le 23 octobre 2006 et, le 8 février 2007, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation.

 

[2]     Pendant la période pertinente, l’appelante travaillait pour la Société canadienne des postes (l’« employeur ») comme facteur. L’appelante devait utiliser sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi. Ainsi, pour livrer le courrier, l’appelante devait parcourir quotidiennement avec sa voiture un trajet d’environ 47 kilomètres, trajet qui nécessitait 340 arrêts. L’appelante était aussi tenue, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à l’utilisation de sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi. L’appelante a reçu de son employeur, en 2004, une allocation de 4 380 $ pour compenser les dépenses afférentes à l’utilisation de sa voiture. Cette allocation est de 42¢ pour les 5 000 premiers kilomètres et de 36¢ pour les 6 335 kilomètres suivants. Cette allocation n’a pas été incluse dans le calcul du revenu de l’appelante tiré de son emploi pour l’année d’imposition 2004.

 

[3]     L’appelante a témoigné que la dépense de 2 352 $ qu'elle avait réclamée dans le calcul de son revenu tiré de son emploi pour l’année d’imposition 2004 représentait les frais afférents à l'utilisation de sa voiture que son employeur n'a pas remboursés. L'appelante a expliqué qu’elle avait établi que les frais afférents à l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier étaient de 6 683 $ en 2004 tout simplement en multipliant la totalité des frais afférents à sa voiture pour l’année 2004 par le pourcentage de l'utilisation de celle‑ci en 2004 pour livrer le courrier. L'appelante a aussi expliqué qu'elle avait récemment fait une analyse plus précise des frais afférents à l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier. Grâce à cette étude, elle en était venue à la conclusion que la méthode qu'elle avait utilisée en 2004 pour établir les coûts liés à l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier lui avait été défavorable en ce que le coût au kilomètre de l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier était beaucoup plus élevé en 2004 que le coût au kilomètre de l'utilisation à des fins personnelles, et ce, à cause des 30 arrêts et départs par kilomètre qu'elle devait effectuer pour livrer le courrier, arrêts et départs qui entraînaient notamment une consommation d'essence très élevée et une usure prématurée de sa voiture. L'appelante a prétendu que les coûts réels de l'utilisation de sa voiture dans l'accomplissement des fonctions de son emploi en 2004 avaient été de 9 266 $ plutôt que de 6 683 $. À cet égard, l'appelante a déposé certaines pièces justificatives (pièce A‑5) pour appuyer sa prétention. Je peux comprendre que le coût au kilomètre d'utilisation de la voiture pour livrer le courrier peut être plus élevé que le coût au kilomètre de l'utilisation à des fins personnelles. Toutefois, l'appelante ne m'a pour autant pas convaincu du coût réel des dépenses afférentes à l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier. En effet, la preuve de l'appelante à cet égard était pour le moins sommaire.

 

[4]     L’appelante soutient que l’allocation versée par son employeur en 2004 était nettement insuffisante et donc déraisonnable, en ce qu’elle ne couvrait même pas la moitié de toutes ses dépenses afférentes à l’utilisation de sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi, et qu’ainsi elle était en droit de réclamer, dans le calcul du revenu tiré de son emploi pour l’année d’imposition 2004 une dépense de 2 352 $ qui représente une partie des dépenses non remboursées par son employeur.

 

[5]     L’intimée soutient essentiellement pour sa part que l’appelante ne pouvait pas, en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi, déduire dans le calcul du revenu tiré de son emploi pour l’année d’imposition 2004 cette dépense de 2 352 $, puisqu’elle a reçu en 2004 une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui n’avait pas été incluse dans le calcul de son revenu pour cette année d’imposition.

 

[6]     Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit :

 

6(1) Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi — Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

[...]

b) Frais personnels ou de subsistance — les sommes qu'il a reçues au cours de l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations à toute autre fin, sauf :

 

[...]

(vii.1) les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé dont l'emploi n'est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

 

8(1) Éléments déductibles — Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

 

[...]

h.1) Frais afférents à un véhicule à moteur — dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas :

[Je souligne.]

 

[7]     Il ressort de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi qu’un contribuable peut déduire, dans le calcul de son revenu tiré d'un emploi, pour une année d’imposition, les frais afférents à une voiture si les conditions suivantes sont satisfaites :

 

i)     le contribuable est habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur;

 

ii)    le contribuable a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de son emploi;

 

iii)   le contribuable doit avoir engagé les sommes déduites pour se déplacer dans l’exercice de ses fonctions.

 

En l’espèce, tous les frais engagés par l’appelante satisfont à ces trois conditions.

 

 

[8]     Toutefois, l'alinéa 8(1)h.1) de la Loi prévoit qu’une telle déduction ne peut pas être réclamée par le contribuable si ce dernier a reçu une allocation qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b) de la Loi, n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année. Le sous-alinéa 6(1)b)vii.1) de la Loi prévoit que ne sont pas incluses dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré de son emploi, pour une année d’imposition, les allocations raisonnables pour l’usage d’un véhicule à moteur qu’un employé (dont l’emploi n’est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur) a reçues de son employeur pour voyager dans l’accomplissement des fonctions de son emploi.

 

[9]     À mon avis, il ressort de ces dispositions de la Loi qu’un contribuable ne peut pas déduire les frais afférents à l’utilisation de sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi s’il a reçu de son employeur une allocation couvrant ces déplacements, à moins que cette allocation soit déraisonnable et qu'elle soit incluse dans le calcul de son revenu pour cette année. Cette position me semble conforme à celle établie dans l’arrêt Brunet c. Canada, 2003 CCI 642. Toutefois, il ne faut pas conclure automatiquement que dès qu’un employé reçoit une allocation raisonnable qui n’est pas incluse dans le calcul de son revenu, cet employé ne peut déduire les frais afférents à l’utilisation de sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi. En effet, je suis d’avis qu’un employé peut déduire les frais afférents à sa voiture relatifs aux déplacements non couverts par l’allocation versée par son employeur, mais tout de même effectués dans l’accomplissement des fonctions de son emploi, et ce, même s’il reçoit une allocation raisonnable couvrant une partie de ses déplacements qui n’est pas incluse dans le calcul de son revenu tiré de son emploi. Par exemple, un employé qui est tenu, pour son emploi, de parcourir 40 000 kilomètres dans une année donnée avec sa voiture et auquel, pour une quelconque raison son employeur lui verse une allocation raisonnable couvrant seulement 10 000 des 40 000 kilomètres parcourus, conserve, à mon avis, le droit de déduire les frais afférents à sa voiture liés aux 30 000 kilomètres pour lesquels il ne reçoit aucune allocation de son employeur et ce, même si l’allocation raisonnable qu’il reçoit de son employeur à l’égard des 10 000 kilomètres n’est pas incluse dans le calcul de son revenu. Cette position me semble conforme à celle établie dans l'arrêt Evans c. Canada, C.C.I., n97‑2588(IT)I, 23 novembre 1998, [1998] A.C.I. no 1055 (QL), et n'est pas nécessairement contraire à celle établie dans l’arrêt Brunet, précité.

 

[10]    Dans notre affaire, la preuve a révélé que l’appelante a reçu, en 2004, une allocation couvrant tous ses déplacements et qu’elle n’a pas inclus cette allocation dans le calcul de son revenu pour cette année. Par conséquent, elle ne pouvait déduire la dépense de 2 352 $ qu'elle avait réclamée dans le calcul de son revenu tiré de son emploi pour l'année d'imposition 2004. En effet, je suis d'avis que dès qu'un contribuable reçoit une allocation raisonnable couvrant tous ses déplacements, il ne peut en aucun cas déduire, en vertu du paragraphe 8(1)h.1) et de l'alinéa 6(1)b)vii.1) de la Loi, des frais non couverts par cette allocation. A contrario, dans la mesure où le contribuable ferait la preuve que cette allocation est déraisonnable, il pourra déduire tous ses frais de déplacement, pourvu qu'il inclue l'allocation reçue de son employeur dans le calcul de son revenu tiré de son emploi pour cette année donnée. En d'autres termes, l'appelante aurait pu déduire tous les frais afférents à l’utilisation de sa voiture dans l’accomplissement des fonctions de son emploi si elle avait démontré que l'allocation versée par son employeur était déraisonnable et si elle avait inclus cette allocation dans le calcul de son revenu tiré de son emploi pour l'année d'imposition 2004. Encore fallait‑il que l'appelante fasse la preuve à la fois du coût réel des frais afférents à l'utilisation de sa voiture pour livrer le courrier et du fait que l'allocation reçue de son employeur était déraisonnable, ce qu'elle n'a pas fait en l'espèce.

 

[11]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI497

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1344(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Francine Caouette et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Trois-Rivières (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 13 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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