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Dossier: 2002‑4298(EI)

ENTRE :

LAURIE KING,

appelante,

et

 

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 18 juin 2003 à Fredericton (Nouveau‑Brunswick),

 

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions

 

Représentante de l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Dorena Gillis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel porté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision qu’a rendue la ministre à l’égard de cet appel interjeté devant lui aux termes de l’article 91 de la Loi est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 2003.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2004.

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

Référence: 2003CCI437

Date: 20030702

Dossier: 2002‑4298(EI)

ENTRE :

LAURIE KING,

appelante,

                                                            et   

 

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip

 

[1]     Laurie King a interjeté appel à l’encontre d’une décision de la ministre du Revenu national (la « ministre ») datée du 2 août 2002 selon laquelle l’emploi qu’elle exerçait auprès de Michael Cleghorn faisant affaires sous le nom de M.C. Hammer pendant la période du 24 décembre 2001 au 11 janvier 2002 (la « période pertinente ») n’était pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension [traduction] « pour le motif que le contrat de travail conclu entre [elle] et Michael Cleghorn n’était pas un véritable contrat ». La ministre a conclu, en s’appuyait sur les renseignements qui lui ont été fournis, que Mme King et M. Cleghorn avaient entre eux un lien de dépendance parce que les modalités de l’emploi ne découlaient pas d’une réelle négociation entre un employeur et un employé ayant des intérêts distincts dans les rouages du marché du travail.

 

[2]     Avant le 24 décembre 2001, Mme King a occupé un emploi auprès de deux autres employeurs au cours de l’année, soit la Hoyt Orchards Ltd. pour la période du 9 mai au 29 juin et la A.D. Fiander Associates Ltd. pour la période du 7 septembre au 19 décembre. Elle a déclaré avoir sollicité un emploi auprès de M. Cleghorn, son cousin germain, parce qu’elle voulait générer des gains pour le temps des fêtes et non, comme la ministre l’a prétendu, en vue de cumuler 82,5 heures assurables supplémentaires pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi. Apparemment, les relevés d’emploi de Mme King indiquaient 827,5 heures d’emploi assurable alors qu’elle devait avoir cumulé 910 heures pour être admissible à des prestations.

 

[3]     Mme King a déclaré qu’elle avait travaillé huit heures par jour pendant 13 jours au cours de la période pertinente. Elle a expliqué que, durant les six jours au cours de la période du 24 décembre 2001 au 2 janvier 2002, inclusivement, sauf à Noël, le samedi et le dimanche, ses tâches principales qu’elle accomplissaient pour le compte de M. Cleghorn consistaient à peindre une maison de trois chambres à coucher située sur la rue Connaught à Fredericton, au Nouveau‑Brunswick. Parce qu’elle ne possédait aucune expérience dans ce domaine, il lui a nécessité plus de temps qu’un peintre qualifié pour peindre l’appartement. Le 23 janvier 2002, Mme King a peint quelques articles de mobilier ainsi qu’une salle de bain dans l’atelier de M. Cleghorn. Cette tâche lui a pris deux jours. Au cours de l’une de ces journées, elle a passé l’avant‑midi à peindre et l’après‑midi à effectuer d’autres tâches. Le 7 janvier 2002, elle a commencé à travailler comme aide sur un chantier de construction, trimballant des matériaux sur ce chantier situé sur la rue York à Fredericton et remettant tout en ordre. Elle a été mise à pied le 11 janvier 2002 parce que, a‑t‑elle affirmé, il n’y avait plus de travail pour elle. Mme King a indiqué que quelques jours plus tard, M. Cleghorn avait mis à pied ses deux autres employés.

 

[4]     Mme King a témoigné que M. Cleghorn lui avait offert un emploi parce qu’il cherchait quelqu’un pour remplacer l’un de ses employés, Shawn Bourque, qui avait prévu prendre quelques jours de congé. M. Bourque a, en effet, pris cinq jours de congé et les cinq derniers jours, Mme King a travaillé pour le compte de M. Cleghorn. Les autres jours pendant la période pertinente au cours desquels elle travaillait pour M. Cleghorn, M. Bourque a également travaillé.

 

[5]     Selon Mme King, tous les employés de M. Cleghorn, y compris elle‑même, percevaient un taux de traitement de 10 $ l’heure, et ce, même si les deux autres employés possédaient plus d’expérience qu’elle. Ces deux autres employés, soit Shawn Bourque et Chris Nicholson effectuaient des travaux de rénovation et de charpenterie. Toutefois, ils n’étaient pas des charpentiers autorisés. Mme King les a décrits comme des « aides‑charpentiers » et des « manœuvres ». M. Nicholson travaillait pour le compte de M. Cleghorn depuis que ce dernier avait démarré son entreprise environ, il y avait environ sept ans. Mme King a affirmé qu’elle était également capable d’effectuer des travaux de charpenterie.

 

[6]     L’agent des décisions de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC »), M. Tim Lawton, a questionné Mme King et M. Cleghorn au cours d’entretiens téléphoniques distincts. Selon M. Lawton, certaines réponses qu’ils ont fournies étaient contradictoires. Par exemple, au début, Mme King a affirmé qu’elle n’avait travaillé qu’à un seul endroit, soit dans la résidence située sur la rue Connaught. Elle a dit qu’elle avait peint les murs et les plafonds des trois chambres à coucher. Quant à M. Cleghorn, il a dit qu’elle avait peint tout l’appartement de la rue Connaught qui comportait cinq pièces, ainsi que les placards et la salle de bain de son atelier. M. Lawton a témoigné que M. Cleghorn lui avait mentionné que ces travaux de peinture à son atelier n’avaient nécessité qu’une demi‑journée de travail. L’appelante a aussi travaillé sur le chantier de construction de la rue York. Mme King ignorait quelles étaient les pièces qu’elle avait peintes dans la résidence de la rue Connaught parce qu’il n’y avait aucun meuble. Mme King n’a peint que les murs et les plafonds, mais n’a peint aucune moulure. M. Cleghorn n’a pas supervisé Mme King lorsqu’elle a travaillé dans l’appartement situé sur la rue Connaught. Il ne vérifiait son travail qu’à la fin de la journée.

 

[7]     Mme King a également nié qu’elle avait, au début, indiqué à M. Lawton que M. Cleghorn était présent avec elle sur le lieu de travail sur la rue Connaught. Toutefois, il était présent sur le chantier situé sur la rue York pendant les cinq jours qu’elle y a travaillé. M. Cleghorn a indiqué à M. Lawton qu’il ignorait quelles étaient exactement les heures de travail de l’appelante. Mme King a reconnu qu’elle établissait ses propres heures de travail, soit de 8 h à 16 h 30 ou 17 h, selon le temps qu’elle prenait pour déjeuner. Elle a consigné les heures qu’elle a travaillées à la résidence de la rue Connaught, tandis que M. Cleghorn a consigné celles qu’elle a travaillées sur le chantier de la rue York.

 

[8]     En rendant sa décision, M. Lawton s’est demandé pourquoi 13 jours de travail avaient été nécessaires pour peindre six pièces et un placard.

 

[9]     L’ADRC s’est également demandé si Mme King était rémunérée pour les services qu’elle fournissait. Elle a affirmé qu’elle l’était. Son fiancé, M. David Anderson, s’est souvenu qu’il l’avait conduite à la banque une certaine journée pour qu’elle puisse encaisser un chèque; il a également visité le chantier de la rue York à deux reprises pendant l’heure du déjeuner alors qu’il apportait du café à Mme King. Mme King a déposé en preuve, lors du procès, un feuillet T‑4 pour démontrer qu’elle avait été rémunérée, mais n’a produit aucun talon de chèque, relevé bancaire ou autre document de ce genre pour confirmer le versement de ses salaires.

 

[10]    La ministre a également présumé que, pour l’année d’imposition 2001, M. Cleghorn avait déclaré des revenus d’entreprise s’élevant à 20 135 $ et une perte nette de 2 554 $. Par conséquent, l’avocate de l’intimée a soulevé la question quant à savoir si M. Cleghorn avait pu verser à une personne sans expérience, en l’occurrence Mme King, le même taux horaire que celui qu’il versait à ses employés qualifiés à une époque où il éprouvait des difficultés financières.

 

[11]    M. Cleghorn n’a pas été appelé à témoigner.

 

[12]    La première question à laquelle je dois répondre consiste à savoir si M. Cleghorn a engagé Mme King en vertu d’un contrat de louage de services et, conséquemment, si l’emploi qu’elle occupait était un emploi assurable aux termes de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). Si je conclus que telle était l’entente conclue entre eux, alors je dois déterminer, en m’appuyant sur les faits, s’ils avaient entre eux un lien de dépendance.

 

[13]    Selon la preuve qui m’a été présentée, notamment le témoignage de Mme King elle‑même et les renseignements que M. Lawton a été en mesure d’obtenir auprès de Mme King et de M. Cleghorn, je conclus que Mme King a en effet travaillé pour le compte de M. Cleghorn pendant la période pertinente. Mme King a déclaré qu’elle avait été rémunérée pour les services qu’elle avait fournis; à cet égard, aucune preuve ne démontre le contraire, sauf que la ministre présume qu’elle n’a pas été rémunérée. J’hésite à admettre l’hypothèse de fait qu’a énoncée la ministre comme un fait absolu, notamment lorsqu’un contribuable nie une telle hypothèse et que l’avocate de la ministre ne présente aucune preuve qui pourrait attaquer la crédibilité du contribuable. En pareille circonstance, le fardeau de la preuve incombe à l’appelante. Par conséquent, je conclus que Mme King a travaillé pour le compte de M. Cleghorn en échange d’une rémunération et que ses gains ont été calculés au temps à un taux horaire de 10 $. Conséquemment, comme le définit le paragraphe 5(1) de la Loi, elle a été engagée en vertu d’un contrat de travail pendant la période pertinente.

 

[14]    Cependant, aucune preuve ne démontre que la ministre n’aurait pas exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a conclu que Mme King n’a pas occupé un emploi assurable auprès de M. Cleghorn parce qu’ils avaient entre eux un lien de dépendance aux termes de l’alinéa 5(2)e) de la Loi.

 

[15]    Je suis d’accord avec la conclusion de la ministre selon laquelle il était raisonnable, après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l’emploi, y compris la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, de conclure que M. Cleghorn n’aurait pas conclu un contrat de travail à peu près semblable avec Mme King s’ils n’avaient eu entre eux aucun lien de dépendance, tel que le stipule le paragraphe 5(3) de la Loi.

 

[16]    Premièrement, je doute que M. Cleghorn aurait engagé une personne ayant les mêmes compétences que Mme King, ou le même manque de compétences, pour peindre l’appartement situé sur la rue Connaught et l’aurait rémunérée pour ses six jours de travail alors qu’il aurait pu faire exécuter le travail en moins de temps tout en versant le même taux horaire. Deuxièmement, Mme King a mentionné qu’elle avait été engagée pour remplacer M. Bourque qui avait prévu prendre cinq jours de congé. Cependant, pendant huit jours, elle a travaillé en même temps que M. Bourque; c’est pendant les cinq derniers jours d’emploi de Mme King que M. Bourque s’est absenté. Troisièmement, Mme King percevait le même taux horaire que celui que versait M. Cleghorn à ses deux autres employés qui travaillaient pour lui depuis plus longtemps qu’elle et qui étaient plus qualifiés. Quatrièmement, même si Mme King était une nouvelle employée, elle n’était pas supervisée et elle établissait ses propres heures de travail, du moins pour les six premiers jours de son emploi. Tous ces faits démontrent qu’il ne s’agissait pas d’une relation sans lien de dépendance. 

 

[17]    Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 2003.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice

 

 


 

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