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Dossier : 2003-3573(IT)G

ENTRE :

CHRISTOPHER M. HENLEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 14 octobre 2005, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me David J. Thompson

 

 

Avocats de l’intimée :

Mes Ronald MacPhee et

Justine Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2000 est accueilli, avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il soit procédé à un nouvel examen et à l’établissement d’une nouvelle cotisation, conformément aux motifs de jugement ci-joints, en tenant compte du fait:

 

1.     que les bons de souscription d’actions attribués à l’appelant constituaient un avantage reçu au titre, dans l’occupation ou en vertu d’un emploi, au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi;

2.     que la valeur de cet avantage était quantifiable et a été reçue par l’appelant le 28 septembre 1998, date à laquelle les bons de souscription d’actions ont été émis;

3.     que la valeur de cet avantage doit être calculée selon le nombre de bons de souscription d’actions attribués au 28 septembre 1998, en fonction de la différence entre la valeur marchande des actions à cette date, laquelle s’établissait à 32 cents l’action, et le prix d’exercice de 31 cents l’action fixé a l’égard des bons de souscription d'actions;

4.     que le produit de 967 480 $ reçu en 2000 à la suite de la levée de l’option accordée au moyen des bons de souscription d’actions et de la disposition des actions acquises ne constituait pas un avantage reçu au titre, dans l’occupation ou en vertu d’un emploi au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi;

5.     que le produit de 967 480 $ constitue un gain en capital que l’appelant a réalisé en 2000.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2006.

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008.

                 

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


 

 

Référence : 2006CCI347

Date : 20060727

Dossier : 2003-3573(IT)G

ENTRE :

CHRISTOPHER M. HENLEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     De 1995 à 1999, l’appelant, Christopher M. Henley, travaillait comme placeur. En 1998, son employeur s’est vu émettre des bons de souscription d’actions par un client en paiement partiel de ses frais de courtage. L’employeur avait déjà attribué une partie de ces bons à l’appelant, cela faisant partie de la rémunération de celui-ci pour les services qu’il avait rendus dans le dossier de ce client.

 

[2]     En 2000, l’appelant a fait lever l’option conférée par les bons de souscription et a fait vendre les actions immédiatement. En établissant la cotisation d’impôt sur le revenu de l’appelant pour l’année 2000, le ministre du Revenu national a inclus comme revenu tiré d’un emploi, en vertu du paragraphe 5(1) et de l’alinéa 6(1)a)[1] de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), le produit de 967 480,16 $, soit la différence entre la valeur marchande des actions à la date d’acquisition (et de disposition) et le prix d’exercice de 31 cents l’action fixé à l’égard des bons de souscription. En réponse à l’opposition de l’appelant, le ministre a ratifié la cotisation au moyen d’un avis de ratification daté du 26 juin 2003. L’appelant conteste maintenant cette ratification.

 

[3]     Un recueil conjoint de documents et un exposé conjoint des faits ont été déposés à l’audience. L'exposé conjoint des faits est ainsi conçu :

 

          [traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

Aux seules fins du présent appel et de tout appel susceptible d’en résulter ou de toute autre procédure intentée dans le cadre de la présente affaire, les parties conviennent que les faits exposés aux présentes sont véridiques. Elles conviennent également que les documents mentionnés ci‑dessous et joints aux présentes comme pièces à l’appui constituent des copies conformes des documents originaux, qu’ils ont été signés par les personnes censées les avoir signés et qu’ils ont été signés aux dates auxquelles ils sont censés l’avoir été. Le présent document n'empêche pas l’une ou l’autre des parties de faire la preuve d'autres faits, pourvu qu'ils ne soient pas incompatibles avec les faits exposés aux présentes.

 

a)         L’appelant était employé de Canaccord Capital Corporation (Canaccord) entre le mois de décembre 1995 et le 4 mai 1999. Il n’était pas employé de Canaccord en 2000.

 

b)         Canaccord exploite une entreprise de courtage de valeurs et exerce des activités connexes.

 

c)         Le 10 juin 1997, Canaccord et Unique Systems Inc., devenue ultérieurement Unique Broadband Systems Inc. (UBS), ont conclu une entente suivant laquelle Canaccord devait agir exclusivement comme mandataire d'UBS dans le cadre d’un projet de financement de trésorerie pour UBS d’un minimum de 3 000 000 $ et d’un maximum de 6 000 000 $ (l’« opération de placement »), réalisé par voie de placement privé en actions.

 

d)         Dans le cadre de l’opération de placement, Canaccord s’est engagée : (1) à faire de son mieux pour structurer le financement, pour le promouvoir et pour obtenir des engagements selon des modalités mutuellement acceptables relativement au projet de financement de la société; (2) en ce qui concerne les obligations qui lui incombaient en vertu de l’entente, à respecter toutes les lois applicables en matière de valeurs mobilières; (3) à conseiller la société sur la structure appropriée du financement et participer à la préparation des documents requis; (4) à organiser des rencontres entre les représentants de la société et des investisseurs éventuels; (5) à aider la société à négocier et à structurer les modalités définitives du financement, et à participer à la conclusion de l’opération.

 

e)         Canaccord a reçu notamment, en contrepartie de ses services, une option de rémunération lui permettant d’acheter, au prix d’émission fixé dans le cadre de l’opération de placement et pendant une période de 24 mois, en tout 10 pour 100 des titres émis ou pouvant être émis,

 

f)          Canaccord a attribué à l’appelant, le 28 mai 1998, 742 692 options de rémunération ou bons de souscription d’actions d'UBS (bons de souscription d’UBS) ou une autre contrepartie reçue au lieu de ceux‑ci.

 

g)         (i) Le 4 septembre 1998, UBS a annoncé par voie de communiqué de presse que la Bourse de Vancouver avait approuvé l’émission de 2 970 767 bons de souscription d’actions (aussi appelés « options de rémunération » au paragraphe précédent) en faveur de Canaccord, relativement à l’acquisition d’une autre société par UBS en septembre 1997, au prix de 0,31 $ l’action.

 

            (ii) L’option conférée par les bons de souscription d’actions pouvait être levée pendant deux ans au prix de 0,31 $ l’action.

 

            (iii) Le cours de clôture des actions d’UBS à la Bourse de Vancouver le 4 septembre 1998 était de 0,31 $ après avoir atteint 0,34 $ durant la journée.

 

            (iv) Les bons de souscription ont été émis en contrepartie de services rendus par Canaccord à UBS.

 

h)         Les bons de souscription permettaient à Canaccord d’acheter des actions d’UBS au prix unitaire de 0,31 $ pendant deux ans. Ils ont été émis le 28 septembre 1998, à un moment où le cours de clôture s’établissait à 0,32 $ l’action. Le cours de clôture des actions d’UBS est demeuré en deçà de 0,31 $ pendant le reste de l’année 1998.

 

i)          Les bons de souscription d’UBS qu’a reçus Canaccord étaient assujettis notamment aux conditions suivantes : ils ne pouvaient pas être négociés en bourse, transférés ou cédés; ils ne pouvaient être convertis en actions si les actions étaient inscrites sur une liste restrictive; ils expiraient 24 mois après la date de l’émission.

 

j)          À tous les moments pertinents en ce qui concerne la présente instance, les bons de souscription ont été détenus au nom de Canaccord avant la levée de l’option qu’ils conféraient.

 

k)         Canaccord a attribué une partie de ces bons de souscription à son employé, l’appelant, en contrepartie des services fournis par lui dans le cadre de son emploi.

 

l)          Canaccord a continué à détenir les bons de souscription de l’appelant, même après qu’il eut quitté son emploi chez Canaccord.

 

m)        À son départ, l’appelant a signé une entente de décharge et de règlement (« l’entente ») avec Canaccord, laquelle prévoyait notamment ce qui suit :

 

            (i) Canaccord avait attribué 742 692 bons de souscription d’UBS à l’appelant sur la foi de sa compréhension que lesdites options étaient non transférables et incessibles et de sa reconnaissance de ce fait par la signature de la décharge.

 

            (ii) Canaccord lèverait l’option conférée par les bons de souscription suivant les directives de l’appelant.

 

            (iii) L’appelant pourrait lever l’option conférée par les bons de souscription, recevant comme produit des espèces et des actions correspondantes déposées dans son compte.

 

            (iv) Canaccord avait le droit de lever, le cas échéant, l’option conférée par les bons de souscription et, si elle le faisait, l’appelant devait recevoir une part proportionnelle de la valeur des options moins les déductions applicables.

 

            (v) L’appelant devait donner ses instructions à des employés désignés de Canaccord par téléphone, télécopieur ou courriel, durant les heures normales d’ouverture.

 

n)         Canaccord n’a pas inscrit la valeur d’avantages relatifs aux bons de souscription sur le feuillet T4 du contribuable pour 1998.

 

o)         Canaccord a levé les options et vendu immédiatement les actions d’UBS ainsi acquises, suivant les instructions de l’appelant, durant la période allant du 12 janvier 2000 au 26 septembre 2000.

 

p)         Canaccord a prélevé une commission sur chaque opération exécutée à la suite des instructions de l’appelant concernant les bons de souscription.

 

q)         Canaccord a payé à l’appelant le produit net tiré de la levée des options et de la disposition des actions d’UBS.

 

r)          Dans le revenu d’emploi indiqué sur le feuillet T4 pour l’année d’imposition 2000 qu’elle a remis à l’appelant, Canaccord a inclus la différence entre le prix stipulée pour la levée des options et le prix de vente des actions d’UBS.

 

[4]     Les dispositions pertinentes du paragraphe 5(1) et de l’alinéa 6(1)a) de la Loi sont rédigées comme suit :

 

5.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, tiré […] d’un emploi est le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l’année.

 

6.(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, […] d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

a) la valeur de[s] […] autres avantages quelconques qu’il a reçus ou dont il a joui au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu […] d’un emploi […]

 

[5]     L’appelant est la seule personne qui a témoigné. J’ai trouvé qu’il était bien informé et que son témoignage était tout à fait crédible. Il reconnaît que l’attribution des bons de souscription d’actions constituait un avantage tiré d’un emploi en vertu de l’alinéa 6(1)a), mais conteste qu’il ait été imposable en 2000. L’appelant est d’avis que cet avantage était quantifiable au moment où l’approbation de l’émission des bons de souscription a été annoncée, à savoir le 4 septembre 1998, ou sinon, à l’une des dates suivantes :

 

1.       le 28 mai 1998, date à laquelle Canaccord a attribué les bons de souscription d’actions à l’appelant;

 

2.       le 28 septembre 1998, date à laquelle les bons de souscription ont été émis en faveur de Canaccord;

 

3.       le 7 mai 1999, date à laquelle l’appelant a quitté son emploi chez Canaccord.

 

Selon l’appelant, l’avantage devrait être inclus dans son revenu de 1998[2] en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Il soutient également que le produit de 967 480 $ reçu en 2000 à la suite de la levée de l’option conférée par les bons de souscription et de la disposition des actions acquises devrait être traité comme un gain en capital[3].

 

[6]     L’intimée s’appuie sur la décision Robertson c. Canada[4] de la Cour d’appel fédérale pour faire valoir qu’il était impossible que l’appelant ait reçu un avantage quantifiable imposable tiré de son emploi avant 2000, soit lorsqu’il a levé l’option conférée par les bons de souscription et a acquis et vendu les actions.

 

[7]     Les faits de l’affaire Robertson ont été résumés comme suit par le juge Marceau :

 

[…] En 1974, l’appelant était au service de M. Jack M. Pierce à titre de gérant de ranch, responsable des activités de l’exploitation. M. Pierce était aussi président et actionnaire d’une société pétrolière, Ranger Oil (Canada) Limited. Afin d’inciter l’appelant à conserver son emploi chez lui à titre de gérant de ranch, Pierce lui a accordé, dans une convention signée le 9 octobre 1974, une option[5] d’achat lui permettant d’acquérir jusqu’à 2 500 des actions ordinaires de Ranger Oil qu’il possédait, au prix unitaire de 15 $ correspondant approximativement à la juste valeur marchande des actions à l’époque. L’option pouvait être levée au rythme annuel de 500 actions pendant les cinq années suivantes, sous réserve de certaines conditions, la principale étant que l’appelant conserve son emploi.

 

Cinq ans plus tard, l’appelant était toujours gérant du ranch de Pierce et il n’avait pas encore levé la plus grande partie de l’option. Entre temps, il y avait eu fractionnement des actions ordinaires de Ranger Oil, ce qui lui donnait le droit, aux termes de la convention, d’acheter 6 000 actions au prix unitaire de 3,75 $. Le 15 septembre 1980, il a levé l’option et acheté les actions pour le prix total de 22 500 $. À cette date, les 6 000 actions avaient une juste valeur marchande de 258 000[6].

 

[8]     En établissant la cotisation, le ministre a considéré la différence comme un avantage en vertu des articles 5 et 6 de la Loi. S’appuyant sur une décision de la Chambre des lords, Abbott v. Philbin[7], M. Robertson a interjeté appel, mais sans succès. Il y a eu nouvel appel, cette fois-ci devant la Cour d’appel fédérale, et le juge Marceau a rejeté le raisonnement du juge de première instance, mais il a dit « [e]t pourtant, j’estime qu’il y a lieu de retenir sa conclusion », termes[8] qui traduisent une certaine insatisfaction quant au résultat.

 

[9]     Faisant siens les motifs de dissidence de lord Keith et de lord Denning dans Abbott v. Philbin, le juge d’appel a exprimé sa pensée en ces termes :

 

Il s’agit en l’espèce de déterminer si l’avantage provenant d’une option d’achat d’actions à un prix établi (en supposant qu’il s’agit d’un avantage imposable) devrait être mesuré et perçu comme s’il s’était matérialisé au moment où il a été conféré, ou au moment de la levée de l’option. Dans l’affaire Abbott v. Philbin, le jugement de la majorité me semble reposer sur deux propositions, l’une fondamentale et l’autre secondaire. Selon les trois lords, si l’on peut dire qu’un avantage a été conféré à un moment donné, plus précisément lorsque l’option a été accordée, il est impossible d’affirmer qu’un autre avantage a été accordé à une date ultérieure. De toute façon, d’ajouter lord Reid, même si nous pouvons parler d’un avantage réalisé par la levée de l’option, il ne serait pas possible de le lier directement à la charge de l’employé.

 

Ma réaction à la proposition principale est la suivante. Il ne faudrait évidemment pas qu’une double taxation soit imposée sur des gains provenant d’une seule opération, ni que le même avantage soit imposé à deux occasions. Nous ne pouvons certainement pas avoir deux avantages du même type, tous deux imposables en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Cela dit, il y a lieu de se demander pourquoi la convention devrait nécessairement être perçue comme ne conférant qu’un seul avantage. Selon moi, on peut difficilement contester qu’un premier avantage découle du fait que l’employeur s’engage, pendant une certaine période, à vendre des actions à un prix fixe, peu importe l’appréciation de la valeur marchande de ces actions, et qu’un deuxième avantage se produit lorsque, le cas échéant, l’employé exerce les droits découlant du premier avantage et lève l’option. Il reste toutefois que, si le deuxième avantage peut être mesuré par l’écart entre le coût de la levée de l’option et la valeur marchande des actions au moment de leur acquisition, le premier avantage, même s’il existe réellement, ne peut faire l’objet d’une quantification indépendante. […]

 

 

[…] De toute façon, indépendamment de toute difficulté textuelle [entre la loi britannique et la loi canadienne], je ne puis voir comment on pourrait contourner le fait que s’il est possible d’acheter des actions à un prix inférieur à leur valeur, c’est uniquement en raison de l’existence d’une promesse faite par l’employeur pour récompenser les services de son employé. La levée de l’option est inséparable de la conclusion de la convention et de la relation employeur‑employé. Nous ne pouvons faire comme si le contribuable qui lève l’option avait possédé les actions dès le départ; le pouvoir d’acquérir les actions ne doit pas être confondu avec la propriété des actions elle‑même. Enfin, n’existait‑il pas une condition de la convention prévoyant que l’option devait être exercée avant la fin de l’emploi ou à quelques jours de celle‑ci : le lien avec les services rendus à titre d’employé ressort encore une fois très clairement.

 

À mon avis, il existe donc deux avantages économiques, découlant tous deux de l’emploi, mais seul le deuxième est quantifiable puisque c’est le seul à se matérialiser par un transfert d’argent ou de valeur pécuniaire de l’employeur à l’employé. Il n’y a aucun transfert au moment où l’employeur accorde l’option : celui‑ci conserve les actions, exerce le droit de vote qu’elles lui confèrent, reçoit les dividendes pour son propre compte et peut disposer des actions, tandis que l’employé n’obtient que la possibilité d’acquérir éventuellement un droit de propriété sur ces actions et de réaliser un profit. À mon avis, l’impôt personnel sur le revenu d’emploi est fondé sur le transfert d’argent ou de valeur pécuniaire de l'employeur vers l’employé. Seul le deuxième avantage, celui qui est quantifiable, est visé par l’alinéa 6(1)a) de la Loi[9].

 

[10]    Les avocats de l’intimée ont soutenu que la présente affaire ne peut être distinguée de l'affaire Robertson. Ainsi, même s’ils concèdent que l’appelant s’est vu conférer un « droit » lorsque les bons de souscription d’actions lui ont été attribués en 1998, ils prétendent que ce droit ne pouvait pas constituer un avantage imposable avant 2000 :

 

          [traduction]

[…] Même si l’appelant s’est vu attribuer ces bons de souscription et avait un droit sur ceux‑ci, lorsque nous regarderons la décision Robertson, je vous indiquerai, Madame la juge, qu’il ressort très clairement de cette décision que l’attribution des bons de souscription ou d’une option confère effectivement un droit à l’appelant, mais que ce n’est pas un avantage imposable en vertu des articles 5 et 6. L’avantage imposable découle du transfert d’argent à l’appelant.

 

[…]

 

L’intimée soutient que le revenu touché par l’appelant n’est pas quantifiable tant que celui-ci ne lève pas, au moyen du mécanisme mis en place par son ancien employeur, l’option conférée par ces bons de souscription, et que ce n’est qu’à ce moment qu’il sait qu’il a négocié 3 000 actions pour 15 000 $ ou 3 000 actions pour 30 $. La valeur de ses actions, quelle qu’elle soit, détermine le revenu qu’il a reçu[10].

 

[…]

 

Et, dans la situation qui se présente ici, et d’après les faits et le témoignage de l’appelant, nous constatons qu’il y a eu très manifestement un transfert d’argent lorsqu’il a donné ses directives à Canaccord. Celle‑ci procède de la manière que j’ai décrite précédemment; elle vend, achète les actions et envoie un chèque à l’appelant. Nous soutenons, en toute déférence, que c’est ce transfert d’argent qui, selon ce que dit la Cour d’appel fédérale, devrait être considéré comme un avantage imposable en vertu des articles 5 et 6 de la Loi[11].

 

[11]    Si je comprends bien l’argument de l’intimée exposé ci-dessus, compte tenu de l’arrêt Robertson, il est impossible, en droit, que l’appelant ait reçu un avantage imposable quantifiable, au sens de l’alinéa 6(1)a), avant l’année 2000 quand l’option conférée par les bons de souscription d’actions a été levée et les actions acquises ont été vendues.

 

[12]    De toute évidence, comme l’ont souligné les deux avocats dans leur argumentation, la Cour est liée par les décisions de la Cour d’appel fédérale. Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’intimée ait bien interprété les motifs exposés dans Robertson. Je penche davantage pour l’argument de l’appelant suivant lequel l’affaire Robertson a été tranchée en fonction de ses faits particuliers; par conséquent, il n’y a en droit rien qui empêche la Cour de tirer comme conclusion de fait que les bons de souscription d’actions pouvaient être quantifiés avant la levée, en 2000, de l’option qu’ils conféraient. J’accepte également l’argument de l’appelant suivant lequel les faits de la présente affaire se distinguent de ceux de l’affaire Robertson.

 

[13]    Tout d’abord, en ce qui a trait aux dispositions législatives, il faut mentionner que l’alinéa 6(1)a) fait partie de la section B, intitulée Calcul du revenu, de la partie I de la Loi. L’article 3, qui est le premier article de la section B, prévoit que le « revenu » doit être calculé suivant les règles applicables à sa source; en cas de pluralité des sources, le revenu tiré de chacune doit être calculée séparément, et le « total des sommes » provenant de ces sources constitue le « revenu » du contribuable pour l’année d’imposition.

 

[14]    La sous‑section A, intitulée Revenu ou perte provenant d’une charge ou d’un emploi, de la section B comprend les articles 5 et 6. L'article 5, qui apparaît sous la rubrique Règles fondamentales, définit le revenu tiré d’un emploi comme « le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l’année [d’imposition] ».

 

[15]    L’article 6 figure sous la rubrique Éléments à inclure. L’alinéa 6(1)a) prévoit l’inclusion de la valeur des « autres avantages quelconques ». L’objet de cette disposition de large portée[12] est d’inclure la valeur des récompenses reçues par l’employé qui, autrement, pourraient ne pas être englobées par l’expression « traitement, […] salaire et toute autre rémunération ». En conformité avec les dispositions générales du paragraphe 5(1), aux termes de l’alinéa 6(1)a) la valeur de ces avantages doit être incluse dans le revenu tiré d’un emploi pour l’année d’imposition dans laquelle cette valeur est reçue.

 

[16]    Cependant, l’alinéa 6(1)a) ne comporte aucune indication quant à ce qui constitue un « avantage » ou quant à la façon d’en quantifier la « valeur ». Ces questions sont laissées au juge des faits, qui les tranche selon les circonstances particulières à chaque affaire. En tranchant ces questions, la Cour doit tenir compte de l’obligation qui incombe au ministre en vertu de la Loi d’imposer l’avantage économique reçu par le contribuable dans une année d’imposition, tout en respectant également les principes fondamentaux sous-tendant le régime fiscal canadien, à savoir : (en l’absence d’une disposition déterminative) le contribuable doit avoir en fait reçu un avantage économique, la source de cet avantage économique doit être déterminée et les règles de calcul applicables à cette source doivent être observées[13].

 

[17]    Dans Robertson, même s’il a adopté les motifs de la minorité dissidente dans Abbott v. Philbin, le juge Marceau a cité un extrait tiré des motifs de la majorité dans lequel lord Reid établit, sur le plan factuel, pour les situations où il s’agit d’une [traduction] « rémunération […] donnée sous forme d’option », une distinction entre le cas où [traduction] « l’option en elle‑même est la gratification[14] » et celui où [traduction] l’option n’est pas la gratification – [où] il n’y a aucune gratification tant que l’option n'est pas levée et que les actions ne sont pas émises[15] ». Même si, en fin de compte, la Cour d’appel fédérale a conclu que la situation de M. Robertson tombait dans cette dernière catégorie, le fait qu’elle ait cité ce passage donne à entendre que, suivant les faits, l’autre possibilité existe.

 

[18]    Compte tenu des faits particuliers à l’affaire Robertson, la Cour d’appel fédérale était d'avis que « le premier avantage, même s’il existe réellement, ne peut faire l’objet d’une quantification indépendante ». Même s’il a qualifié le premier avantage d’« option » en exposant les faits établis en première instance, le juge Marceau a en fin de compte conclu que :

 

[…] c’est une offre que l’employé reçoit (une offre que l’employeur peut faire de façon irrévocable s’il le désire et qui sera habituellement appelée une « option », mais qui demeure néanmoins une simple offre), et aucun avantage quantifiable ne se matérialise tant que l’offre n’est pas levée. Ce n’est que si l’offre est levée qu’un avantage peut être reçu par l’employé et que cet avantage devient imposable à titre de revenu tiré d’un emploi, peu importe que le lien avec l’emploi soit encore en vigueur[16]. [Non souligné dans l’original.]

 

La Cour d’appel fédérale a aussi évoqué expressément la nature conditionnelle de la « simple offre » de M. Pierce et son lien avec l’emploi de M. Robertson :

 

Enfin, n’existait‑il pas une condition de la convention prévoyant que l’option devait être exercée avant la fin de l’emploi ou à quelques jours de celle‑ci : le lien avec les services rendus à titre d’employé ressort encore une fois très clairement[17].

 

[19]    Il importe de mentionner aussi la conclusion de fait suivant laquelle les actions de Ranger Oil faisant l’objet de l’offre étaient déjà émises et l’employeur, M. Pierce, en est, en tout temps, demeuré maître : « [] celui‑ci conserve les actions, exerce le droit de vote qu’elles lui confèrent, reçoit les dividendes pour son propre compte et peut disposer des actions[18] […] ». Cela laisse entendre que M. Pierce ne s’était pas engagé à conserver suffisamment d’actions pour remplir la promesse faite à M. Robertson, si jamais celui‑ci choisissait de se prévaloir de la « simple offre » de M. Pierce. Selon le juge Marceau, la « simple offre » de 1974 ne s’est matérialisée en « option » qu’en 1980, année où le destinataire de l’offre s’en est prévalu. C’est dans ce contexte que la Cour d’appel fédérale a conclu :

 

Selon moi, on peut difficilement contester qu’un premier avantage découle du fait que l’employeur s’engage, pendant une certaine période, à vendre des actions à un prix fixe, peu importe l’appréciation de la valeur marchande de ces actions, et qu’un deuxième avantage se produit lorsque, le cas échéant, l’employé exerce les droits découlant du premier avantage et lève l’option. Il reste toutefois que, si le deuxième avantage peut être mesuré par l’écart entre le coût de la levée de l’option et la valeur marchande des actions au moment de leur acquisition, le premier avantage, même s’il existe réellement, ne peut faire l’objet d’une quantification indépendante [19]. [Non souligné dans l’original.]

 

[20]    Dans la présente affaire, le seul avantage reçu par l’appelant au titre de son emploi, ce sont les bons de souscription d’actions eux‑mêmes. Les deux parties reconnaissent qu’ils faisaient partie de sa rémunération pour les services qu’il avait rendus dans le dossier d’UBS. En fait, l’idée d’utiliser des bons de souscription d’actions comme forme de rémunération procédait de l’entente intervenue entre Canaccord et UBS.

 

[21]    Canaccord s’était engagée à faire le nécessaire pour permettre à l’appelant de jouir de ses droits en tant que titulaire des bons de souscription d’actions qui lui avait été attribués. Les conditions rattachées aux bons de souscription d’actions obligeaient UBS à honorer les souscriptions d’actions que faisait le titulaire de bons de souscription. En outre, dans le cas où les bons de souscription d’actions ne seraient pas émis, UBS était tenue de rémunérer Canaccord au moyen d'une « autre contrepartie reçue au lieu de ceux‑ci »; en pareilles circonstances, Canaccord était également tenue de payer à l’appelant une part proportionnelle de cette autre contrepartie – promesse qui ne valait pas grand-chose si aucune valeur quantifiable ne pouvait être attribuée aux bons de souscription d’actions tant qu’ils ne seraient pas émis, que l’option qu’ils conféraient ne serait pas levée et que les actions ne seraient pas vendues. L’inclusion de cette condition dans l’entente entre des parties comme Canaccord et l’appelant, qui possédaient tant d’expérience et de connaissances en matière de placement, étaye l’argument de l’appelant suivant lequel la valeur des bons de souscription d’actions pouvait être quantifiée dès leur attribution en mai 1998. Il se trouve que les bons de souscription d’actions ont bel et bien été émis, tel qu’il avait été prévu, le 28 septembre 1998, et ils étaient détenus pour l’appelant par Canaccord, tel qu’il avait été convenu, dans son compte de « stock », à titre d’« allocation », essentiellement de la même manière qu’elle l’aurait fait pour un de ses clients.

 

[22]    Les avocats de l’intimée ont soutenu que les limites[20] imposées à l’appelant par les conditions rattachées aux bons de souscription d’actions les rendaient comparables à la « simple offre » faite à M. Robertson. Je ne crois pas que ce soit le cas. Dans Robertson, la Cour d’appel fédérale a conclu à l’existence d’un lien quelconque entre l’emploi de M. Robertson et les limites à son pouvoir de se prévaloir de l’offre de son employeur. Dans la présente affaire, les limites qu’il a pu y avoir procédaient non pas de la relation d’emploi entre Canaccord et l’appelant, mais plutôt directement de l’entente de rémunération intervenue entre Canaccord et UBS, ou indirectement de la Bourse de Vancouver à titre d’autorité de réglementation du secteur. En fait, ce qui était inhérente à son emploi, c’était la possibilité pour l’appelant de contourner ces limites imposées par des tiers : par exemple, le processus par lequel il pouvait exercer pleinement ses droits sur les bons de souscription d’actions[21].

 

[23]    Toutefois, les avocats de l’intimée ont soutenu que, puisque Canaccord conservait pendant les 24 mois de leur validité le droit de lever l’option que conféraient les bons de souscription d’actions, l’appelant n’avait pas de [traduction] « droit acquis absolu » sur ceux‑ci et était donc tout aussi exposé aux caprices de son employeur que M. Robertson. Cet argument ne me convainc pas. Compte tenu du fait que les bons de souscription d’actions avaient été émis en faveur de Canaccord et étaient, à première vue, non transférables ou incessibles, Canaccord conservait forcément les droits en common law que ces bons lui conféraient. Le droit en equity opposable[22], découlant de son contrat de travail avec Canaccord, qu’avait l’appelant sur les bons de souscription d’actions qui lui avaient été attribués, une fois ceux-ci émis, ne s’en trouvait pourtant pas diminué. En outre, même si Canaccord avait levé l’option conférée par les bons de souscription[23], elle aurait été tenue, en vertu de leur contrat de travail, de remettre à l’appelant sa part proportionnelle du produit, après déduction des frais et commissions, le cas échéant. Voilà qui met en évidence la nature inconditionnelle du droit de l’appelant sur les bons de souscription d’actions en tant que biens, mais il ne s’ensuit pas forcément qu’il faille en conclure que la source de ce produit était l’emploi de l’appelant.

 

[24]    La preuve de l’appelant me convainc également que, en conservant ce droit, Canaccord accomplissait son devoir de surveillance à titre de courtier, veillant (comme elle l’aurait fait pour n’importe quel client) à ce que l’appelant ne manque pas, par mégarde, une occasion avantageuse, faute d’exercer avant son expiration l’option conférée par les bons de souscription d’actions. Cet élément et le fait qu’on faisait payer des frais à l’appelant indiquent le changement dans la nature des relations entre Canaccord et l’appelant une fois les bons de souscription d’actions émis. À partir de ce moment-là, leurs relations en ce qui concerne les bons de souscription d’actions attribués n’étaient plus celles d’employeur et employé mais plutôt celles de courtier et client. C’était à ce moment que se trouvait rompu le lien entre l’emploi de l’appelant et tout avantage économique dépassant la valeur des bons de souscription d’actions au 28 septembre 1998.

 

[25]    Bien que le concept d’évaluation d’options ne soit pas nouveau[24], depuis la décision Robertson, la technologie a accru de façon spectaculaire la facilité avec laquelle les données nécessaires au calcul de leur valeur peuvent être obtenues. Dans Robertson, les motifs ne permettent pas de savoir clairement la preuve dont la cour disposait quant à la façon de faire une telle évaluation; à l’audition de la présente affaire, toutefois, l’appelant a présenté une liasse de documents générés par ordinateur[25] et montrant la fourchette quotidienne des cours des actions d’UBS entre mai 1998 et septembre 2000. L’appelant a aussi témoigné[26] au sujet des méthodes d’évaluation qu’il utilisait dans le cadre de son travail de placeur. Il a expliqué qu’un bon de souscription d’actions possède une [traduction] « valeur intrinsèque[27] » lorsqu’il est [traduction] « dans le cours », autrement dit, lorsque la valeur de l’action un jour donné (que nous supposons, aux fins de la présente analyse, être le jour où une option est levée) est supérieure au prix d’exercice fixé à l’égard de ce bon de souscription. Dans son argumentation, l’avocat de l’appelant a cité une publication[28] qui décrit les méthodes d’évaluation possibles :

 

[traduction]

[…]

 

La valeur d’une option, si elle expirait immédiatement [à savoir, à la date à laquelle l’évaluation doit être faite], selon le prix courant de l’action sous‑jacente. Le montant représentant la mesure dans laquelle l’option est dans le cours. Pour les options d’achat, la différence entre le prix de l’action et le prix de levée, si cette différence est un nombre positif ou zéro ou un nombre négatif[29].

 

[26]    D’ailleurs, l’Agence du revenu du Canada n’ignore pas ces méthodes. L’avocat de l’appelant a cité le bulletin d’interprétation IT-96R6 qui traite, entre autres choses, des avantages accordés aux actionnaires. Dans l'extrait suivant se trouve énoncée la recommandation du ministère pour le calcul de la valeur de l’avantage conféré à un actionnaire individuel à la suite de l’octroi (par opposition à la levée) d’une option :

 

[…]

 

Avantage accordé à un actionnaire

 

3.         À moins que tous les détenteurs d’actions ordinaires du capital‑actions d’une société ne se voient octroyer le droit d’acquérir des actions supplémentaires du capital‑actions, l’octroi d’une option à un actionnaire peut donner lieu à un avantage imposable conformément au paragraphe 15(1) (voir la dernière version du bulletin IT‑116, Droits d’achat d’actions supplémentaires). Dans le cas des options octroyées après le 19 décembre 1991, la société doit accorder des droits identiques au même moment à tous les détenteurs d’actions ordinaires en ce qui a trait à chaque action ordinaire qu’ils détiennent, pour que le paragraphe 15(1) ne s’applique pas.

 

Ainsi, lorsqu’une société accorde, sans contrepartie, à quelques‑uns de ses actionnaires détenteurs d’actions ordinaires seulement, le droit d’acheter des actions supplémentaires du capital‑actions de la société, le paragraphe 15(1) s’applique à ces actionnaires. Il peut également s’ensuivre un avantage imposable selon le paragraphe 15(1) lorsqu’une société accorde à une entité autre qu’un actionnaire l’option d’acquérir des actions de la société. En général, le montant d’un avantage selon le paragraphe 15(1) correspond au plus élevé des montants suivants :

 

·        la valeur commerciale des droits attribués;

 

·        l’excédent de la juste valeur marchande des actions visées par l’option au moment de l’octroi de l’option sur le prix de levée prévu pour l’option.

 

Le montant d’un tel avantage est ajouté aux coûts des droits octroyés conformément au paragraphe 52(1), sauf dans les cas où le montant est autrement ajouté aux coûts ou inclus dans le calcul du prix de base rajusté des droits pour l’actionnaire.

 

[27]    Dans Robertson, la Cour d’appel fédérale ne pouvait pas « […] contourner le fait que s’il est possible d’acheter des actions à un prix inférieur à leur valeur, c’est uniquement en raison de l’existence d’une promesse faite par l’employeur pour récompenser les services de son employé ». (Non souligné dans l’original.) Dans la présente affaire, toutefois, la « promesse faite » par Canaccord était celle de rémunérer l’appelant en partie au moyen de bons de souscription d’actions, promesse qui a finalement été remplie par leur émission le 28 septembre 1998. Les bons de souscription d’actions constituaient un « droit » et étaient par conséquent des « biens[30] » qui, à cette date, lui appartenaient de manière inconditionnelle et irrévocable. Il était loisible à l’appelant d’exploiter les bons de souscription d’actions comme il l’entendait, par exemple, en les utilisant (comme cela se fait régulièrement dans le secteur) comme bien affecté en garantie dans le cadre d’autres transactions ou en levant l’option et se faisant remettre des espèces ou d’autres actions. Les bons de souscription d’actions eux‑mêmes étaient une composante de valeur de sa rémunération et, en conséquence, constituaient un « transfert de valeur pécuniaire » reçu par l’appelant le 28 septembre 1998. Eu égard à ces circonstances, je suis convaincu que la valeur des bons de souscription d’actions pouvait être quantifiée en 1998 en tenant compte du nombre de bons de souscription d’actions attribués et du montant correspondant à l’excédent de la juste valeur marchande des actions d’UBS sur le prix d’exercice fixé relativement aux bons de souscription d’actions. Le 28 septembre 1998, le prix unitaire des actions d’UBS était de 32 cents; le prix d’exercice en ce qui concerne les bons de souscription d’actions était de 31 cents l’action. L’appelant a reçu les bons de souscription d’actions comme un avantage tiré d’un emploi en 1998 et, par conséquent, en vertu du paragraphe 5(1) et de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, cette valeur doit être incluse dans le calcul du revenu de l’appelant pour cette année‑là tiré d’un emploi.

 

[28]    Dans Robertson, le juge Marceau a dit que « [n]ous ne pouvons certainement pas avoir deux avantages du même type, tous deux imposables en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi » et qu’il « ne faudrait […] pas qu’une double taxation soit imposée sur des gains provenant d’une seule opération, ni que le même avantage soit imposé à deux occasions[31] ». Vu la conclusion que l'avantage résultant d’un emploi s’est matérialisé dès l’émission des bons de souscription d’actions en faveur de l’appelant en 1998, il s’ensuit que le produit de 967 480 $ reçu par l’appelant en 2000, à la suite de la levée de l’option conférée par les bons de souscription d’actions et de la disposition des actions acquises, ne peut pas également être attribuable à cette source. À mon avis, le produit reçu en 2000 représente le fruit de la gestion prudente de son capital par l’appelant et devrait être imposé en conséquence.

 

[29]    L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2000 est accueilli, avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il soit procédé à un nouvel examen et à l’établissement d’une nouvelle cotisation en tenant compte du fait :

 

1.     que les bons de souscription d’actions attribués à l’appelant constituaient un avantage reçu au titre, dans l’occupation ou en vertu d’un emploi, au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi;

2.     que la valeur de cet avantage était quantifiable et a été reçue par l’appelant le 28 septembre 1998, date à laquelle les bons de souscription d’actions ont été émis;

3.     que la valeur de cet avantage doit être calculée selon le nombre de bons de souscription d’actions attribués au 28 septembre 1998, en fonction de la différence entre la valeur marchande des actions à cette date, laquelle s’établissait à 32 cents l’action, et le prix d’exercice de 31 cents l’action fixé à l’égard des bons de souscription d'actions;

4.     que le produit de 967 480 $ reçu en 2000 à la suite de la levée de l’option accordée au moyen des bons de souscription d’actions et de la disposition des actions acquises ne constituait pas un avantage reçu au titre, dans l’occupation ou en vertu d’un emploi au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi;

5.     que le produit de 967 480 $ constitue un gain en capital que l’appelant a réalisé en 2000.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2006.

 

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008.

 

 

                 

Erich Klein, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI347

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR:      2003-3573(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CHRISTOPHER M. HENLEY

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 octobre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 27 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me David J. Thompson

 

 

Avocats de l’intimée :

Mes Ronald MacPhee et

Justine Malone

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Me David J. Thompson

 

                   Cabinet :                         Thompson Corbett Webster LLP

                                                          London (Ontario)

      

       Pour l’intimée :                            Me John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] L’article 7 de la Loi ne s’applique pas en l’espèce puisque l’appelant n’était pas un employé de la société qui a émis les bons de souscription d’actions en faveur de son employeur.

 

[2] Ou sinon, dans son revenu de 1999.

 

[3] Sommaire de l’argumentation de l’appelant, paragraphe 30.

 

[4] [1990] 2 C.F. 717 (C.A.F.).

 

[5] Je discuterai plus loin, aux paragraphes 18 et 19 des présents motifs, de ce qui m’embête dans le fait que cet incitatif est qualifié d’option.

 

[6] Ibid., à la page 719.

[7] [1960] 2 All E.R. 763.

 

[8] Robertson, précitée, à la page 724.

[9] Robertson, précitée, aux pages 724 à 727.

 

[10] Transcription, aux pages 137 et 138.

 

[11] Transcription, à la page 148.

 

[12] La Reine c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 (C.S.C.).

 

[13] Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, aux paragraphes 48 et 49 (C.S.C.).

 

[14] « Avantage », dans le contexte de la loi canadienne.

 

[15] Robertson, précitée, à la page 725.

 

[16] Ibid., page 727.

 

[17] Mais je dois avouer, avec égards, avoir eu du mal à voir comment concilier cette affirmation avec les « réserves » formulées par le juge d’appel (aux pages 722 et 723) concernant la conclusion du juge de première instance que l’« option » était assujettie à certaines conditions; notamment celle selon laquelle M. Robertson devait demeurer au service de son employeur : « ces conditions n’ont jamais empêché l’appelant d’acquérir, le jour de la conclusion de la convention et à la fin de chacune des cinq années subséquentes, des droits qu’il pouvait légalement exercer. Il n’existait aucune incertitude quant à l’existence de ces droits ».

[18] Non souligné dans l’original.

 

[19] Robertson, précitée, aux pages 725 et 726.

 

[20] Exposé conjoint des faits, paragraphe i) : les bons de souscription d’actions ne pouvaient être négociés en Bourse; ils ne pouvaient être convertis en actions si les actions étaient inscrites sur une liste restrictive; ils ne pouvaient être transférés ou cédés.

 

[21] Exposé conjoint des faits, paragraphe m) : l’entente de décharge et de règlement désignait certaines personnes chez Canaccord pour recevoir et exécuter les instructions de l’appelant relativement aux bons de souscription d’actions. Même si cela avait été convenu antérieurement, ce n’est qu’au moment où l'appelant a quitté son emploi chez Canaccord, en 1999, que cela a été couché sur le papier pour faire en sorte que les nouveaux gestionnaires (qui entraient alors en fonction) soient au courant de l’entente existant entre l’appelant et leurs prédécesseurs.

 

[22] Re M.C. United Masonry (1983), 40 O.R. (2nd) 330 (C.A. Ont.).

 

[23] En fait, cela ne s’est pas produit et j’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel il ne s’attendait pas à ce que cela se produise.

 

[24] Henderson, succession c. Canada (ministre du Revenu national), [1973] A.C.F. n800 (QL), aux paragraphes 100 et 101, 73 DTC 5471, à la page 5484.

 

[25] Pièce A-3.

 

[26] Non pas en tant qu’expert, mais en tant que personne qui, de par ses fonctions ordinaires, connaissait bien les méthodes courantes d’évaluation des options et les avait appliquées dans le cadre de ces fonctions.

 

[27] Transcription, à la page 39.

 

[28] Lawrence G. McMillan, Options as a Strategic Investment, troisième édition.

 

[29] Transcription, à la page 128.

 

[30] Paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[31] Robertson, précitée, à la page 725.

 

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