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Dossier : 2004-1904(IT)G

ENTRE :

ENCAN CONSTRUCTION LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 13 septembre 2007 à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Valerie A. Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me D. Glenn Einfeld

Avocat de l’intimée :

Me Victor Caux

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de la cotisation pour mémoire portant le numéro 35441 et datée du 8 août 2003 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

         


Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 2007.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2007CCI579

Date : 20070928

Dossier : 2004-1904(IT)G

ENTRE :

ENCAN CONSTRUCTION LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

 

[1]     Le présent appel concerne la cotisation pour mémoire portant le numéro 35441 et datée du 28 août 2003 établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en application de l’article 224 et du paragraphe 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). La cotisation s’élevant à 16 119,08 $ a été établie en fonction du fait que l’appelante a omis de se conformer à une demande formelle de paiement concernant Eagle Sheet Metal (la société « ESM »), le débiteur fiscal.

 

[2]     La question en litige dans le présent appel est de savoir si l’appelante était tenue de faire un paiement s’élevant à 16 119,08 $ à ESM à la date où elle a reçu la demande formelle de paiement.

 

[3]     Lorsqu’il a établi la cotisation à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les faits énoncés au paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel, qui est rédigée en ces termes : 

 

[traduction]

 

10.       Lorsqu’il a établi la cotisation à l’égard de l’appelante et ratifié cette même cotisation, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         ESM (le « débiteur fiscal ») était une personne morale qui faisait affaire avec l’appelante à titre de sous‑traitant;

 

b)         le débiteur fiscal avait une dette envers le ministre s’élevant à 175 621,40 $, montant calculé en date du 31 octobre 2002;

 

c)         l’appelante a reçu une facture du débiteur fiscal s’élevant à 16 119,08 $ (la « dette ») le 1er octobre 2002;

 

d)         l’appelante était tenue de faire un paiement au débiteur fiscal à l’égard de la dette à compter du  1er octobre 2002;

 

e)         le 31 octobre 2002, l’ADRC a envoyé une demande formelle de paiement à l’appelante l’intimant de payer un montant ne dépassant pas 175 621,40 $ relativement à des montants dus par le débiteur fiscal à la Couronne;

 

f)          le 4 novembre 2002, l’appelante a reçu la demande formelle de paiement datée du 31 octobre 2002;

 

g)         l’appelante a envoyé un chèque au débiteur fiscal le 5 novembre 2002 pour un montant de 16 119,08 $ (le « chèque »);

 

h)         le chèque a été fait relativement à la dette;

 

i)          le débiteur fiscal a déposé le chèque le 14 novembre 2002;

 

j)          l’appelante a omis de se conformer à la demande formelle de paiement datée 31 octobre 2002.

 

[4]     M. Michael Chapman, président de la société appelante, a témoigné au nom de l’appelante. Il a affirmé qu’elle était un entrepreneur général dans le domaine de la construction. En 2002, l’appelante était le principal entrepreneur dans la construction d’un restaurant Wendy’s (le restaurant « Wendy’s ») à Calgary (Alberta). L’appelante a fait appel aux services de la société ESM à titre de sous‑traitant pour le projet. Le 1er octobre 2002, l’appelante a reçu une facture de ESM datée du 25 septembre 2002 s’élevant à 16 119,08 $ (le « montant »). L’appelante a entré les données de cette facture dans son système informatique le 7 octobre 2002. Dans son témoignage, M. Chapman a affirmé que cette facture de ESM était due et payable avant le 31 octobre 2002. Il a aussi affirmé que le 31 octobre 2002, un chèque postdaté au 5 novembre 2002 et portant le numéro 5098 avait été fait à l’ordre de ESM pour le montant. Le chèque a été posté le 31 octobre 2002, en même temps que d’autres chèques pour tous les sous‑traitants du projet. Tous les chèques étaient postdatés au 5 novembre 2002, étant donné que les paiements de Wendy’s étaient souvent en retard. M. Chapman voulait être certain que l’argent serait là au moment où ESM déposerait son chèque. Le chèque a été déposé par ESM le 14 novembre 2002.

 

[5]     Le 4 novembre 2002, l’appelante a reçu la demande formelle de paiement (la « demande ») datée du 31 octobre 2002. Cette demande intimait l’appelante de payer au receveur général, relativement à l’obligation fiscale de ESM, les fonds autrement et alors payables à ESM et tous les autres fonds autrement payables à ESM que l’appelante sera tenue de payer, dans l’année, sans dépasser le montant de 175 621,40 $.

 

[6]     M. Chapman a affirmé que la demande avait été reçue par courrier ordinaire et qu’elle avait été ouverte par la personne au bureau d’accueil. Il n’en a pas été informé. Le contrôleur de l’appelante est parti en vacances le 8 novembre 2002 et n’a pas pris connaissance de la demande avant son retour, le 25 novembre 2002. Le contrôleur a informé M. Chapman que tous les fonds qu’il restait à payer à ESM devaient être conservés pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC »).

 

[7]     Lors de l’audience, M. Chapman a également affirmé qu’à sa connaissance, l’ADRC n’avait communiqué avec personne chez l’appelante avant d’envoyer la demande. Cette affirmation, ainsi que son témoignage sur la question du moment où le chèque a été envoyé à ESM, ne concordent pas avec un document, établi par M. Chapman, joint à l’avis d’appel et compris dans la pièce A-1.

 

[8]     Ceci soulève la question de la crédibilité. Je renvoie donc ici à un commentaire que le juge en chef Bowman a formulé dans la décision Faulkner c. MRN, 2006 CCI 239, au paragraphe 13 :

 

[13]    Je pense qu'il est important que les juges ne soient pas trop prompts à tirer des conclusions relatives à la crédibilité. J’ai dit ce qui suit dans la décision 1084767 Ontario Inc. (Celluland) c. Canada, [2002] A.C.I. no 227 (QL) :

8          La preuve de chacun des deux témoins est radicalement opposée à celle de l’autre. J’ai pris le jugement en délibéré puisque je ne crois pas approprié de tirer à la légère des conclusions relatives à la crédibilité ou, de façon générale, de rendre ces conclusions oralement à l’audience. Le pouvoir et l’obligation d’établir des conclusions relatives à la crédibilité est l’une des plus lourdes responsabilités d’un juge de première instance. Le juge doit exercer cette responsabilité avec soin et après mûre réflexion puisqu’une conclusion défavorable de la crédibilité suppose que l’une des parties ment sous la foi du serment. Vouloir mettre un terme rapidement à une affaire ne peut être une excuse justifiant le mauvais usage de ce pouvoir. La responsabilité qui repose sur le juge d’un procès qui doit tirer des conclusions relatives à la crédibilité doit être particulièrement rigoureuse si l’on considère que l’on ne peut pratiquement pas en appeler de telles conclusions.

 

[9]     À mon avis, M. Chapman a bien expliqué les divergences. Il était un témoin très crédible et j’accepte ses explications.  

 

[10]    Les dispositions de la Loi qui s’appliquent en l’espèce sont rédigées en ces termes :

         

            224.(1) S'il sait ou soupçonne qu'une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu'ils deviennent payables, au receveur général au titre de l'obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.

                […]

            (1.2) Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, tout autre texte législatif fédéral ou provincial et toute règle de droit, mais sous réserve des paragraphes 69(1) et 69.1(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de l'article 11.4 de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, s'il sait ou soupçonne qu'une personne donnée est ou deviendra, dans les douze mois, débiteur d'une somme :

a) soit à un débiteur fiscal, à savoir une personne redevable du montant d'une cotisation en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable;

b) soit à un créancier garanti, à savoir une personne qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal,

            le ministre peut exiger par écrit de la personne donnée que tout ou partie de cette somme soit payé au receveur général, sans délai si la somme est payable immédiatement, sinon dès qu'elle devient payable, au titre du montant de la cotisation en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable dont le débiteur fiscal est redevable. Sur réception de l'avis de cette exigence par la personne donnée, la somme dont le paiement est exigé devient, malgré toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté jusqu'à concurrence du montant de la cotisation et doit être payée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme.

                […]

            (4) Toute personne qui omet de se conformer à une exigence du paragraphe (1), (1.2) ou (3) est tenue de payer à Sa Majesté un montant égal au montant qu'elle était tenue, en vertu du paragraphe (1), (1.2) ou (3), selon le cas, de payer au receveur général.

                […]

            227.(10) Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation pour les montants suivants :

a) un montant payable par une personne en vertu des paragraphes (8), (8.1), (8.2), (8.3) ou (8.4) ou 224(4) ou (4.1) ou des articles 227.1 ou 235;

b) un montant payable par une personne ou une société de personnes en vertu du paragraphe 237.1(7.4);

c) un montant payable par une personne en vertu du paragraphe (10.2) pour défaut par une personne non-résidente d'effectuer une déduction ou une retenue;

d) un montant payable en vertu de la partie XIII par une personne qui réside au Canada.

            Les sections I et J de la partie I s'appliquent, avec les modifications nécessaires, à tout avis de cotisation que le ministre envoie à la personne ou à la société de personnes.

 

[11]    Le chèque envoyé par l’appelante à ESM était postdaté au 5 novembre 2002.  Par conséquent, le 4 novembre 2002, lorsque l’appelante a reçu la demande, elle était encore tenue de faire un paiement à ESM. Sa créance envers ESM n’a pas été acquittée avant que le chèque n’ait été négocié, c’est‑à‑dire à la date inscrite sur le chèque ou après cette date, soit le 5 novembre 2002. Il en est ainsi parce qu’avant la date inscrite sur un chèque postdaté, il y a toujours la possibilité de faire révoquer le chèque (Keyes v. Royal Bank of Canada, [1947] 3 D.L.R. 161 (C.S.C.)).

 

[12]    Comme l’indique le renvoi fait par le juge Estey dans l’arrêt Keyes (précité) à la décision du Conseil privé dans l’affaire Bk. of Baroda Ltd. v. Punjab Nat’l Bk., [1944] A.C. 176:

 

[traduction]

 

[…] Il est impossible de traiter un paiement comme ayant été fait avant la date inscrite sur le chèque. […]

 

[13]    L’appel est rejeté, avec dépens.

 

 

 

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 2007.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI579

 

N° DE DOSSIER :                             2004-1904(IT)G

 

INTITULÉ :                                       ENCAN CONSTRUCTION LTD. ET

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 28 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me D. Glenn Einfeld

Avocat de l’intimée :

Me Victor Caux

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                         Nom :                       Me D. Glenn Einfeld

 

                     Cabinet :                       Einfeld & Company

 

          Pour l’intimée :                         John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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