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Dossier: 2002-3513(EI)

ENTRE :

SURJIT SINGH NAGRA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MANDEEP DAUR NAGRA,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Surjit Singh Nagra (2002‑3512(EI)) et de Kulwant Singh Nagra (2002-4251(EI)), le 7 avril 2003 à Kelowna (Colombie-Britannique),

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimé :

 

Représentante de l'intervenante :

Me Raj Grewal

 

L'intervenante elle-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

 

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour de juillet 2003.

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

Dossier: 2002-3512(EI)

ENTRE :

SURJIT SINGH NAGRA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Surjit Singh Nagra (2002‑3512(EI)) et de Kulwant Singh Nagra (2002-4251(EI)), le 7 avril 2003 à Kelowna (Colombie-Britannique),

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Raj Grewal

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour de juillet 2003.

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2004.

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

Dossier: 2002-4251(EI)

ENTRE :

KULWANT SINGH NAGRA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Surjit Singh Nagra (2002‑3512(EI)) et 2002‑3513(EI)), le 7 avril 2003 à Kelowna (Colombie‑Britannique),

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Raj Grewal

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour de juillet 2003.

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

Référence: 2003CCI497

Date: 20030718

Dossier: 2002-3512(EI)

ENTRE :

SURJIT SINGH NAGRA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

ET

2002-3513(EI)

SURJIT SINGH NAGRA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

et

 

MANDEEP KAUR NAGRA,

intervenante,

ET

2002-4251(EI)

KULWANT SINGH NAGRA,

appelant,

                                                           et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelant, Surjit Singh Nagra (« M. Nagra » ou « le payeur ») interjette appel à l’encontre d’une décision datée du 27 août 2002 qu’a rendue le ministre du Revenu national (le « ministre ») et selon laquelle l’emploi qu’avait occupé Kulwant Singh Nagra (« Kulwant Nagra » ou « le travailleur ») pendant la période du 4 janvier au 29 octobre 2001 n’était pas un emploi assurable conformément aux dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») pour le motif que M. Nagra et le travailleur avaient entre eux un lien de dépendance. Le ministre, après avoir examiné les circonstances de l’emploi, n’était pas convaincu que les parties auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient eu entre elles aucun lien de dépendance.

 

[2]     Le ministre a également rendu une décision datée du 27 août 2002 selon laquelle l’emploi qu’avait occupé Mandeep Kaur Nagra (« Mandeep Nagra ») pendant la période du 4 janvier au 29 octobre 2001 n’était pas un emploi assurable aux termes de la Loi pour le motif que la travailleuse et M. Nagra avaient entre eux un lien de dépendance et parce que le ministre n’était pas convaincu qu’ils auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient eu entre eux aucun lien de dépendance. Mandeep Nagra a agi à titre d’intervenante relativement à l’appel qu’a interjeté M. Nagra à l’encontre de cette décision.

 

[3]     Kulwant Singh Nagra a interjeté appel à l’encontre de la décision du ministre datée du 27 août 2002 concernant l’emploi qu’il avait occupé auprès de M. Nagra pendant la période pertinente.

 

[4]     L’avocat de l’intimé, les deux appelants et l’intervenante ont accepté que les appels soient entendus sur preuve commune.

 

[5]     Surjit Singh Nagra a témoigné qu’il est le propriétaire d’un verger de pommiers et de poiriers de 20 acres situé à Kelowna, en Colombie‑Britannique. Kulwant Nagra est son neveu et Mandeep Nagra, l’intervenante, est l’épouse de ce dernier. Ils habitent tous deux dans la résidence de M. Nagra et de sa famille. M. Nagra a déclaré que  Kulwant Nagra et Mandeep Nagra sont arrivés à Kelowna en 1997 et que, par la suite, ils avaient travaillé pour lui au verger à temps partiel ou à temps plein. M. Nagra a déclaré que le 25 janvier 2001, il avait quitté Kelowna pour passer quelque temps à Vancouver avant son départ à destination de l’Inde où il prévoyait prendre des vacances jusqu’au 25 mars 2001. En raison de la durée de son absence, il a engagé Kulwant Nagra et Mandeep Nagra pour qu’ils s’occupent de la gestion du verger et qu’ils effectuent tous les travaux nécessaires pour entretenir la propriété et préparer le verger en vue de la saison de croissance à venir.  Les deux travailleurs percevaient une rémunération horaire de 10 $. M. Nagra a déclaré que le taux horaire normal dans l’industrie était de 8 $ pour la première année, mais qu’un travailleur qualifié pouvait percevoir une rémunération de 9 $ l’heure. Entre le mois de janvier et le mois de mars, il était nécessaire de procéder à la taille des arbres et à la cueillette au peigne et, à cet égard, M. Nagra a déclaré que les travailleurs pouvaient établir leur propre horaire de travail. Toutefois, ils devaient consigner leurs heures de travail sur une feuille de temps, feuille que les travailleurs lui ont soumise à son retour. M. Nagra percevait un loyer pour la location d’une autre propriété, et Kulwant Nagra ainsi que son épouse, Mandeep Nagra, lui versaient également un loyer pour habiter dans sa résidence. Chaque mois, le locataire du verger payait le coût de la location en espèces qui s’élevait au montant de 600 $ et, pendant l’absence de M. Nagra, Kulwant Nagra ainsi que Mandeep Nagra se sont versé un salaire à même ces fonds. Par la suite, ils étaient rémunérés par chèque et aussi en espèces. Le cas échéant, M. Nagra obtenait un reçu des travailleurs (pièce A‑1) à titre de confirmation. Une liasse de chèques annulés qui ont été délivrés aux travailleurs a été déposée en preuve sous la cote A‑2. Plusieurs relevés bancaires mensuels du compte d’affaires de M. Nagra détenu à la succursale bancaire de la Banque de Nouvelle‑Écosse à Kelowna ont également été déposés en preuve sous la cote A‑3. M. Nagra a déclaré que, pendant les mois de janvier et de février, il accomplit lui‑même le travail à effectuer, mais qu’au besoin, il engage également de un à trois travailleurs pour lui donner un coup de main. M. Nagra a déclaré que, pendant la période pertinente, il avait, à quelques reprises, demandé à ses travailleurs de retarder l’encaissement de leur chèque de paye jusqu’à ce qu’il puisse déposer suffisamment d’argent dans son compte d’affaires pour couvrir les montants dus. Après le retour de M. Nagra, à la fin du mois de mars, le salaire horaire que percevaient Kulwant Nagra et Mandeep Nagra a été réduit à 9 $ parce qu’il n’était plus nécessaire qu’ils exercent des fonctions de gestion. De 1997 à 2002, M. Nagra a engagé ces deux travailleurs pendant chaque saison de croissance, quelquefois seulement à temps partiel. S’ils étaient engagés à temps plein, alors ce n’était que pour une certaine période au cours de la saison. M. Nagra a déclaré que Kulwant Nagra et Mandeep Nagra préféraient occuper un autre emploi, mais que s’ils n’avaient pas de travail, alors ils travaillaient à son verger si l’on avait besoin de leurs services. Il a aussi déclaré qu’il n’avait jamais mis à pied un autre travailleur simplement pour pouvoir fournir à l’un ou à l’autre, ou aux deux, du travail. L’éclaircissage s’effectuait pendant les mois de juillet et d’août, tandis que les mois de septembre et d’octobre étaient consacrés à la cueillette de six ou sept variétés de pommes qui mûrissaient à différentes périodes. L’une des variétés de poires était cueillie avant toute autre variété de pommes. Quant à un autre variété de poires, elle était cueillie vers le milieu de la saison de la cueillette des pommes. Généralement, à la fin de la saison, on doit procéder au nettoyage du verger, ce qui nécessite environ une semaine de travail, travail qui habituellement requiert les services de deux ou de trois personnes. M. Nagra a renvoyé la Cour aux feuilles de temps (pièce A‑4 et pièce A‑5) qui concernaient respectivement Mandeep Nagra et Kulwant Nagra. Pendant les mois de janvier et de février 2001, Kulwant Nagra a travaillé pour le compte de M. Nagra pratiquement à temps plein parce qu’il travaillait en même temps à la scierie exploitée par Louie Russo Sawmills (1998) Ltd. (« Louie Russo Sawmills ») selon un horaire de travail correspondant à une semaine de travail réduit. Pendant l’été, Kulwant Nagra travaillait davantage d’heures à la scierie et pouvait, en règle générale, travailler au verger pendant les fins de semaine ou en soirée. Pendant la période du 9 avril au 2 juillet 2001, Mandeep Nagra a travaillé pour le compte d’autres employeurs et n’a fourni aucun service que ce soit à M. Nagra. Ce dernier a expliqué qu’au cours d’une haute saison de cueillette, on pouvait compter entre 15 et 20 travailleurs sur le verger, mais que certains d’entre eux ne travaillaient que pendant quelques heures ou quelques jours avant d’exiger leur paye pour ensuite quitter le verger. M. Nagra a déclaré qu’il recrutait des travailleurs en affichant un avis à une société locale ou en publiant une annonce dans un journal de la région. De plus, de nombreuses personnes  à la recherche d’un emploi lui téléphonaient. M. Nagra a déclaré qu’il était au courant du fait que des représentants de la Agricultural Compliance Team (ACT) avaient visité son verger, mais il n’a pas été en mesure de se rappeler si lui‑même ou Kulwant Nagra était sur la propriété à ce moment-là parce ce que le travailleur était peut‑être occupé à conduire un tracteur dans un autre secteur du verger. Il a également déclaré qu’après son retour au verger, le 25 mars 2001, il connaissait l’identité de chaque travailleur et l’emplacement où ils étaient affectés chaque jour, et ce, jusqu’à la fin du mois d’octobre. Bien que tous les autres travailleurs aient été mis à pied un peu plus tôt, à la fin de la saison de la cueillette, Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra ont continué à travailler jusqu’au 29 octobre 2001. M. Nagra a répété qu’il avait versé à Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra un taux horaire de 10 $ pour la seule et unique raison qu’ils étaient des travailleurs qualifiés et qu’ils avaient assumé des responsabilités supplémentaires pendant son absence prolongée durant les mois d’hiver. Par la suite, ils ont perçu un taux horaire de 9 $, soit le même taux que percevait tout autre travailleur qualifié qui n’était pas lié à M. Nagra. Il a expliqué que la main-d’œuvre, dans l’industrie de l’arboriculture fruitière, est extrêmement mobile et qu’après deux étés, la plupart des travailleurs choisissent de ne pas continuer à travailler dans ce domaine. Les deux travailleurs concernés dans les présents appels, ainsi que leurs parents, étaient les seuls travailleurs liés à M. Nagra. De plus, lorsqu’il avait besoin de main‑d’œuvre, il consultait une liste de personnes intéressées et communiquait avec elles par téléphone pour savoir si elles étaient toujours à la recherche d’un emploi. Quelquefois, il engageait des travailleurs à la pièce pour exécuter une fonction particulière pendant une certaine période.  

 

[6]     En contre‑interrogatoire, Surjit Singh Nagra a déclaré que Kulwant Nagra et Mandeep Nagra avaient commencé à habiter dans sa résidence en 1997, avec son épouse, ses enfants et ses parents. En 2000, Kulwant et Mandeep Nagra ont emménagé dans un appartement aménagé au sous-sol. En 2002, les parents de Kulwant Nagra ont quitté l’Inde pour venir s’installer à Kelowna. Ils habitent présentement avec lui. Kulwant et Mandeep Nagra avaient un enfant à cette époque, et c’était l’épouse et/ou les parents de M. Nagra qui en prenaient soin. M. Nagra a déclaré que la plupart des travailleurs étaient rémunérés par chèque, mais que, s’ils n’avaient travaillé que quelques heures, ils percevaient alors leur paye en espèces. M. Nagra a reconnu le livre de paie intitulé « Renseignements détaillés concernant les talons de chèque de paye » et déposé en preuve sous la cote R‑1. Les renseignements qu’il contient concernent l’exploitation de son verger pendant l’année 2001. M. Nagra a déclaré qu’à son retour de vacances, il avait versé le solde des salaires dus aux deux travailleurs en cause pour combler l’écart entre leur salaire réel et le montant prélevé après avoir perçu l’argent du loyer auprès du locataire. Selon le livre de paie que tenait à jour un comptable autonome qu’avait engagé M. Nagra, Kulwant Nagra a réalisé des gains s’élevant à 10 926,50 $, gains qu’il a tirés de son emploi auprès de M. Nagra en 2001. L’avocat a fait remarquer à M. Nagra que, si l’on additionne les montants qui figurent sur les chèques délivrés à Kulwant Nagra aux sommes qui apparaissent sur les reçus qu’il a signés, le résultat ne correspond pas aux sommes qui figurent dans ledit livre de paie. M. Nagra a déclaré qu’il ne pouvait expliquer ces écarts, si de tels écarts existent, concernant l’un ou l’autre des travailleurs en cause. Les feuilles de temps des travailleurs pour les mois de janvier, de février et de mars 2001 ont été remplies par M. Nagra après son retour de l’Inde, et ce dernier a fait parvenir par télécopie des copies de ces feuilles de temps à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Cependant, étant donné que ces documents diffèrent de ceux qu’il tenait à jour quotidiennement, M. Nagra a admis qu’il était possible que ces deux séries de documents comportent des écarts. Les travailleurs ont eux-mêmes rempli leur demande de prestations d’assurance‑emploi (a.‑e.). M. Nagra a déclaré qu’il ne permettait à quiconque de travailler plus de 9 à 10 heures par jour et qu’aucun travail ne s’effectuait pendant la nuit.

 

[7]     L’intervenante n’a pas contre‑interrogé l’appelant.

 

[8]     Kulwant Nagra a témoigné qu’il est un travailleur à la production, qu’il vit à Kelowna, en C.‑B., et qu’il a commencé à travailler pour le compte de M. Nagra le 4 janvier 2001, au taux horaire de 10 $. Il a travaillé pour le compte de l’entreprise  Louie Russo Sawmills entre le 20 février et le 31 août 2001 et il a renvoyé la Cour à ses talons de chèque qui lui ont été remis dans le cadre de cet emploi (pièce A‑6). Quant à l’emploi qu’il occupait au verger de M. Nagra, ses tâches consistaient à tailler les arbres fruitiers au début de la saison puis à cueillir des fruits au fur et à mesure que la saison de croissance progressait. Il a expliqué que, selon ce qu’il comprenait de son taux horaire, il recevait un taux de traitement de 9 $ l’heure pour le travail normal qu’il accomplissait et de 10 $ l’heure pour le travail « plus difficile ». Ses heures normales de travail à la scierie, qui était située à environ cinq minutes en voiture du verger de M. Nagra, étaient de 7 h à 15 h 15, du lundi au vendredi. Son taux de traitement s’élevait à 10 $ l’heure, et il pouvait habituellement travailler une journée complète, bien qu’il soit arrivé à quelques occasions qu’on l’ait renvoyé chez lui après seulement quelques heures de travail. Kulwant Nagra a déclaré qu’il avait travaillé pour le compte de M. Nagra, ou « oncle Surjit », au cours des années précédentes et qu’il avait toujours tenu à jour ses propres relevés de temps en inscrivant ses heures de travail sur un calendrier. Par la suite, on transférait ces renseignements sur une feuille de temps. Pendant la période pertinente, Kulwant Nagra et Mandeep Nagra versaient à M. Nagra un loyer au montant de 500 $, tandis que les autres locataires qui habitaient dans une autre maison située sur la propriété lui versaient un loyer de 600 $ par mois que Kulwant Nagra percevait au nom de M. Nagra pour les mois de février et de mars 2001. De ces sommes, il prélevait les salaires qui lui étaient dus ainsi que ceux de son épouse. Kulwant Nagra a déclaré qu’il se souvenait que des membres de la ACT avaient visité l’un des trois vergers qu’exploitait M. Nagra, mais il a ajouté qu’il avait toujours travaillé au verger situé sur la propriété de ce dernier. Kulwant Nagra a déclaré être convaincu que M. Nagra lui avait versé, en espèces ou par chèque, la totalité des salaires qu’il avait gagnés pendant la période pertinente. Il a renvoyé la Cour aux feuilles de temps (pièce A‑7) sur lesquelles figuraient des entrées correspondant à ses heures de travail et à celles de Mandeep Nagra pour la période du 4 janvier au 9 avril 2001. Cependant, pendant les mois suivants, Mandeep a cessé de travailler au verger parce que la taille des arbres et le ratissage étaient terminés et parce qu’elle ne pouvait pas conduire le tracteur ou déplacer les rampes d’irrigation qui étaient trop lourdes. Les feuilles de temps, déposées en preuve sous la cote A-4, indiquaient que Mandeep Nagra n’avait pas travaillé au verger en mai ou en juin, mais que M. Nagra l’avait engagée en juillet, l’avait mise à pied pendant tout le mois d’août puis l’avait réembauchée en septembre. M. Nagra consignait aussi les heures de travail de Kulwant Nagra et de Mandeep Nagra et les rencontrait afin de s’assurer que les heures qu’il avait consignées dans son livre de paie correspondaient à celles qu’ils avaient inscrites avant de leur verser leurs salaires pour une période en particulier.

 

[9]     En contre‑interrogatoire, Kulwant Nagra a reconnu que les feuilles de temps (pièce R‑2) étaient les originales qu’avait produites M. Nagra et il a déclaré qu’il avait fait parvenir à l’ADRC des copies de ses heures travaillées à la scierie. Il a confirmé qu’il n’avait jamais perçu une rémunération supérieure à 10 $ l’heure pour le travail qu’il avait accompli pour le compte de M. Nagra, et que, lorsqu’il avait été rémunéré en espèces, il avait toujours signé les reçus qui ont été déposés en preuve sous la cote A‑1. S’il avait besoin de fonds, M. Nagra lui versait un certain montant en espèces, paiement qui était confirmé par un reçu signé. Kulwant Nagra a déclaré que, pendant les mois de février et de mars 2001, il avait perçu au total 1 200 $ de loyer auprès du locataire. Quant au loyer que lui‑même et Mandeep Nagra devaient à M. Nagra pour ces deux mois, il totalisait 1 000 $. Conséquemment, ces deux montants ont été pris en considération au moment de calculer le solde des sommes dues en salaire après le retour de M. Nagra à l’exploitation agricole, le 25 mars 2001. Kulwant Nagra a reconnu sa demande de prestations d’assurance‑emploi datée du 15 novembre 2001 et déposée en preuve sous la cote R‑3, et il a admis que le taux de traitement de 9 $ qui y figurait était ce qu’il percevait. Il a également admis qu’il avait perçu, à un certain moment au début de l’année en cause, un taux horaire de 10 $ ou un montant équivalent lorsqu’il était rémunéré à la pièce, mais, en règle générale, le taux habituel était de 9 $ l’heure. Il a déclaré qu’en aucun moment au cours de la période pertinente, il n’avait travaillé à la scierie et au verger pendant une même journée. Il n’a pas été en mesure de se rappeler avec certitude si M. Nagra lui avait versé des sommes en espèces après son retour de l’Inde, mais il croyait qu’il était possible qu’il ait perçu certaines sommes sous cette forme pour couvrir des salaires accumulés qui étaient demeurés impayés. 

 

[10]    Mandeep Nagra a témoigné qu’elle est l’épouse de Kulwant Nagra et qu’elle et son mari avaient commencé à travailler pour le compte de l’oncle Surjit en janvier 2001. Ils travaillaient seuls pratiquement tous les jours en échange d’un salaire horaire de 10 $. Étant donné qu’ils travaillaient toujours ensemble, Kulwant Nagra consignait les heures de travail de son épouse. Après le retour de M. Nagra de l’Inde, leur salaire horaire a été réduit à 9 $ l’heure. Mandeep Nagra a indiqué que, pendant la période du 4 janvier au 9 avril 2001, alors qu’elle travaillait pour le compte de M. Nagra, elle occupait également un autre emploi, de minuit à 4 h, quatre jours par semaine, comme nettoyeuse pour le compte de l’entreprise Amco Commercial (Amco) qui fournit des services de conciergerie, et qu’en échange de ses services, on lui versait un salaire mensuel. Son fils, né en 1999, était pris en charge pendant la journée, et le soir, c’était son mari qui en prenait soin. Bien que son époux se soit chargé de la tenue de livres et qu’il ait consigné les heures travaillées et les salaires perçus, elle a déclaré qu’elle était convaincue que M. Nagra lui avait versé la totalité de ses salaires pour tout le travail qu’elle avait accompli. En 2001, elle a, à quelques occasions, taillé les arbres fruitiers du verger situé sur la propriété de M. Nagra, mais la cueillette s’effectuait dans deux ou trois autres vergers qu’il exploitait également. Avant 1997, elle a travaillé pour le compte de M. Nagra chaque année précédente.

 

[11]    En contre‑interrogatoire, Mandeep Nagra a déclaré qu’elle se souvenait que des membres de la ACT avaient visité le verger situé à Scotty Creek, visite au cours de laquelle elle avait mentionné à un membre de cette équipe d’inspection, qu’il s’agissait de sa première journée de travail (de ratissage) dans ce verger. Elle a expliqué que cette déclaration était exacte, mais elle a ajouté qu’elle avait travaillé auparavant pour le compte de M. Nagra au verger situé sur sa propriété et que ses tâches consistaient à tailler les arbres. Le ratissage à la main s’effectue en avril et nécessite environ deux semaines de travail suivant la taille qui, elle, s’effectue en janvier, en février et en mars. Elle a déclaré qu’elle ignorait l’identité des travailleurs qui s’occupaient de la taille des arbres dans les autres vergers de M. Nagra et qu’elle ne savait pas si Kulwant Nagra avait pris des dispositions avec ces travailleurs pour qu’ils accomplissent cette tâche dans les autres vergers. Elle a admis qu’elle avait indiqué, dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi, que son salaire horaire était de 9 $ l’heure, et ce, même si elle avait perçu un taux de rémunération de 10 $ l’heure pendant les mois d’hiver et qu’elle avait considéré que le paiement à la pièce équivalait à un salaire horaire de 10 $. Elle a quitté l’emploi qu’elle occupait auprès de l’entreprise Amco et a rempli le formulaire approprié (pièce R‑4) lorsqu’elle a présenté une demande de prestations en prenant soin d’indiquer qu’il s’agissait d’un départ volontaire. La raison qu’elle déclare pour avoir quitté cet emploi, le 31 août 2001, était qu’elle n’avait plus personne pour prendre soin de son enfant. Toujours dans le formulaire, elle a mentionné qu’elle avait commencé à « travailler sur une exploitation agricole », faisant référence à un emploi qui consistait à emballer des légumes pour le compte de l’entreprise Sun Valley Foods et qu’elle avait occupé pendant toute l’année suivante. Mandeep Nagra a déclaré que ses parents étaient arrivés au Canada en septembre 2001 et qu’ils habitaient avec elle et son mari. Elle a aussi déclaré que, lorsqu’elle travaillait comme concierge, son emploi du temps consistait à dormir pendant trois ou quatre heures après avoir terminé son quart de travail puis à travailler pendant huit ou neuf heures au verger. Elle a expliqué qu’à cette époque, elle n’était âgée que de 27 ans et que, par conséquent, elle avait la capacité de s’adapter à cet horaire de travail exigeant. 

 

[12]    Brad Novikoff a témoigné qu’il est un agent d’enquêtes et de contrôle engagé par Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Kulwant Nagra et Mandeep Nagra ont rempli une demande de prestations d’a.‑e., et les renseignements qu’ils ont fournis respectivement dans le formulaire révèlent que le payeur, M. Nagra, était l’oncle de Kulwant Nagra et que Mandeep Nagra était l’épouse de ce dernier. Conséquemment, leurs dossiers ont été renvoyés à M. Novikoff pour qu’il procède à une enquête concernant un certain aspect de la relation de travail qui existait entre le payeur et les travailleurs pour le motif qu’ils étaient liés et que, par conséquent, il y avait entre eux un lien de dépendance. Après avoir communiqué avec M. Nagra par voie de lettres, M. Novikoff a obtenu des chèques annulés ainsi qu’un livre de paie (pièce R‑1) indiquant les heures de travail de Kulwant Nagra, de Mandeep Nagra et d’autres travailleurs pendant la période pertinente. De plus, M. Novikoff a déclaré qu’il avait demandé à M. Nagra de lui fournir des registres quotidiens ou certains formulaires de feuille de temps concernant particulièrement Kulwant Nagra et Mandeep Nagra, mais aucun de ces documents ne lui a été expédié. M. Novikoff a déclaré que la ACT avait visité le verger de M. Nagra le 2 avril 2001, à 14 h 45. Le formulaire approprié (pièce R‑5) a été rempli par un employé de la direction générale provinciale des normes du travail agissant à titre de membre de la ACT. Le formulaire en question confirme la présence de l’équipe d’inspection au verger de M. Nagra situé à Scotty Creek. Les seuls travailleurs qui étaient sur place au moment de la visite étaient Mandeep Nagra et Surinder Khunkhun. C’est un membre de la ACT, qui parlait couramment le panjabi et l’anglais, qui a mené les entrevues. Au cours de son enquête, M. Novikoff a obtenu des reçus confirmant le versement de paiements en espèces à Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra ainsi que des reçus pour certaines factures du ménage prétendument payées en espèces. M. Novikoff a rédigé une lettre (pièce R‑6) à l’attention de Rosemary Hunt, une agente des décisions du Régime de pensions du Canada et de l’assurance-emploi dans laquelle il a indiqué qu’il était incapable d’établir un lien entre les paiements que le payeur a prétendument versés en espèces à Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra et les dépôts ultérieurs dans leur compte bancaire personnel. Dans sa lettre, M. Novikoff fait référence à deux paiements en espèces, chacun au montant de 1 019,40 $, qu’ont perçus Kulwant Nagra et Mandeep Nagra auprès du payeur, comme l’attestent des reçus signés et déposés en preuve sous la cote A‑1, et pour lesquels aucun dépôt correspondant auxdites sommes n’a été fait dans les comptes bancaires et pour lesquels il n’existe aucune preuve de paiement pour les besoins du ménage ou autre, malgré le fait qu’ils aient affirmé avoir payé toutes ces factures en espèces. Les seuls documents soumis en vue d’appuyer cette allégation consistent en deux relevés de carte de crédit Visa indiquant deux paiements en espèces au montant de 200 $ et de 80 $, respectivement, effectués le 10 octobre 2001. Par ailleurs, des reçus datés du 13 avril 2001 indiquent que Mandeep Nagra a perçu la somme de 1 000 $ en espèces auprès de M. Nagra, tandis que son mari a, pour sa part, perçu la somme de 800 $ qui lui a également été versée en espèces. M. Novikoff n’a pas été en mesure de repérer un dépôt quelconque correspondant à ces montants, et aucune preuve de dépenses payées à même ces fonds ne lui a été soumise. M. Novikoff a toutefois constaté un dépôt au montant de 300 $ suivant des paiements en espèces qu’a versés le payeur à Mandeep Nagra et à Kulwant Nagra aux montants de 375,69 $ et de 575,69 $, respectivement. Comme il l’a mentionné dans sa lettre à l’attention de l’agente des décisions, M. Novikoff n’a pas été en mesure d’établir un lien entre les dépôts ultérieurs et les reçus confirmant des paiements en espèces qu’a versés M. Nagra à ces travailleurs.

 

[13]    Les deux appelants et l’intervenante ont refusé de contre‑interroger le témoin.

 

[14]    Janet Mah a témoigné qu’elle occupe un emploi comme agente des appels à l’ADRC. Lorsque les décisions qu’a rendues l’agente des décisions ont été portées en appel, les dossiers ont été assignés à Mme Mah et celle‑ci, au nom du ministre, a rendu les décisions qui font l’objet des présents appels. Mme Mah a examiné un relevé d’emploi (pièce R‑7) concernant l’emploi qu’a occupé Mandeep Nagra auprès de M. Nagra, ainsi que d’autres relevés d’emploi relatifs aux autres emplois qu’elle a occupés, notamment comme concierge, pour le compte de l’entreprise Amco, comme empaqueteuse pour le compte de l’entreprise Sun Valley Foods et comme manœuvre pour le compte de la scierie Louie Russo Sawmills du 17 mars 2000 au 3 janvier 2001. Mme Mah a aussi examiné deux autres relevés d’emploi (pièce R‑8) concernant les emplois qu’a occupés Kulwant Nagra auprès de M. Nagra et de la scierie Louie Russo Sawmills. Mme Mah a expliqué qu’elle avait constaté que les gains qu’avaient déclaré Kulwant Nagra et Mandeep Nagra ne correspondaient pas aux paiements réels que leur avait versés M. Nagra. Mme Mah a déclaré qu’elle avait obtenu de la scierie Louie Russo Sawmills une copie de la feuille de temps (pièce R‑9) indiquant les heures de travail de Kulwant Nagra. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas vérifié avec Kulwant Nagra l’exactitude de ce registre, mais qu’elle s’était servi de ce document aux fins de comparaison avec la feuille de temps (pièce R‑10) que M. Nagra avait précédemment fournie à l’agente des décisions. Mme Mah a produit un document de travail (pièce R‑11) dans lequel elle a noté certaines dates à laquelle Kulwant Nagra avait apparemment travaillé pour le compte de la scierie Louie Russo Sawmills et de M. Nagra. Par ailleurs, Mme Mah a trouvé étrange que  Kulwant Nagra ait, semble‑t‑il, travaillé pendant 17 heures consécutives au cours d’une certaine journée en février puisqu’il avait mentionné à l’ADRC qu’il n’avait jamais travaillé de nuit. Mme Mah a déclaré qu’elle n’avait jamais vu la feuille de temps qui figure dans la pièce A‑5 avant qu’elle ne soit présentée en preuve au cours du témoignage de M. Nagra. Lors de son analyse, Mme Mah a examiné le livre de paie (pièce R‑1) afin de comparer les montants des gains qui y figuraient avec ceux qu’a déclarés Kulwant Nagra dans son relevé d’emploi. Selon les calculs de Mme Mah, son analyse des paiements qu’a perçus Kulwant Nagra (pièce R‑12) révèle qu’il avait apparemment perçu la somme de 5 178,66 $ en espèces et la somme de 2 131,21 $ sous forme de chèques pour un montant total de 7 309,87 $. Mme Mah a indiqué qu’elle avait examiné les feuilles de temps concernant Mandeep Nagra qu’elle a obtenues de M. Nagra et de l’entreprise Sun Valley Foods et qui ont été déposées en preuve sous les cotes R‑13 et R‑14, respectivement. Une liste des heures qu’a travaillées Mandeep Nagra pour le compte de l’entreprise Sun Valley Foods figurait dans le dossier de l’agente des décisions, et Mme Mah a constaté que les dates inscrites se rapportaient à l’année 2000. Mme Mah a affirmé qu’elle avait téléphoné au bureau de l’entreprise Sun Valley Foods et qu’elle s’était entretenue avec une personne du service de comptabilité pour qu’on lui confirme que les dates qui avaient été fournies faisaient en fait référence à l’emploi qu’avait occupé Mandeep Nagra auprès de la Sun Valley Foods en 2001 et que la référence à l’année 2000 était une erreur. Mme Mah a également examiné la feuille de temps de la travailleuse (pièce R‑15) concernant son emploi auprès de l’entreprise Amco et a produit une feuille (pièce R‑16) indiquant les heures qu’a travaillées Mandeep Nagra pour le compte de l’entreprise Amco, pour le compte du verger de M. Nagra et pour le compte de l’entreprise Sun Valley Foods. Mme Mah a aussi produit une analyse (pièce R‑17) des gains qu’a réalisés Mandeep Nagra et dans laquelle les paiements qu’a versés M. Nagra ont été comparés au montant déclaré dans son relevé d’emploi. Selon Mme Mah, la travailleuse a perçu un montant total de 7 486,99 $ que lui a versé M. Nagra en espèces et sous forme de chèques. Cependant, son salaire net aurait dû s’élever à 8 841,93 $, ce qui présente un écart de 1 354,94 $. Enfin, Mme Mah a indiqué qu’elle avait également examiné les relevés bancaires du compte personnel de Mandeep Nagra et de son époux et qu’elle n’a pas été en mesure de repérer un dépôt quelconque en espèces. 

 

[15]    Ni l’appelant ni l’intervenante n’ont contre‑interrogé ce témoin.

 

[16]    En réponse aux questions que lui a posées la Cour, Mme Mah a admis qu’elle avait supposé que Mandeep Nagra avait continué à travailler quatre heures par nuit pour le compte de l’entreprise AMCO du mois de janvier au 31 juillet 2001, alors que, selon le témoignage de la travailleuse, elle n’avait travaillé que pour le compte de l’entreprise Sun Valley Foods en mai et en juin 2001, parce que l’entreprise Amco l’avait mise à pied le 30 avril 2001, comme l’indique la lettre, déposée en preuve sous la cote R‑15, qu’a rédigée un agent de cette société et dans laquelle il mentionne que  Mandeep Nagra a occupé un emploi auprès d’Amco du 1er août 2000 au 30 avril 2001 puis du 1er juillet au 31 juillet 2001, pour un salaire mensuel de 1 000 $. Les RE qui figurent dans la pièce R‑7 et qu’a délivrés l’entreprise Amco confirment ces dates et ces montants. Mme Mah a expliqué qu’elle avait trouvé cela plutôt étrange que la travailleuse ait travaillé quatre heures par nuit pour cette entreprise puis 9 heures par jour au verger de M. Nagra. Mme Mah a reconnu qu’en septembre et en octobre 2001, Mandeep Nagra n’avait travaillé que pour le compte de M. Nagra. Finalement, Mme Mah n’a pas donné suite à ses démarches en vue d’obtenir de la Sun Valley Foods un relevé de temps en remplacement de celui dont elle disposait parce qu’après avoir téléphoné au bureau, elle était convaincue que les registres se rapportaient à l’année 2001 et non à l’année 2000, comme elle l’a mentionné à cet égard.

 

[17]    Surjit Nagra a témoigné, en contre‑preuve, qu’il n’était pas en mesure d’expliquer l’écart relatif aux gains qu’ont réalisés les travailleurs et qu’il avait tenté de faire correspondre les reçus aux montants inscrits dans le livre de paie.

 

[18]    L’avocat de l’intimé a déclaré que le ministre avait reconnu que Kulwant Nagra et Mandeep Nagra avaient exercé auprès de M. Nagra un emploi ouvrant droit à pension conformément aux dispositions du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») parce qu’ils fournissaient des services en vertu d’un contrat de louage de services. Cependant, le ministre n’était pas convaincu que ces parties liées répondaient au critère énoncé à l’alinéa5(3)b) de la Loi et, par conséquent, il a décidé que leur emploi auprès du payeur était un emploi exclu. L’avocat a soutenu que les parties étaient non seulement liées entre elles, mais qu’elles étaient également membres d’une famille élargie vivant sous le même toit, partageant leurs repas et se répartissant les tâches ménagères et la garde de l’enfant. À quelques reprises, le versement des salaires a été retardé et, si l’on tient compte des faits dans leur ensemble, leur relation de travail n’était pas à peu près semblable à un contrat de travail qu’auraient conclu des parties n’ayant entre elles aucun lien de dépendance.

 

[19]    Surjit Nagra a maintenu que le travail avait été accompli, conformément à son témoignage et à celui des travailleurs, Kulwant Nagra et Mandeep Nagra, et qu’il les avait rémunérés intégralement en échange de leurs services.

 

[20]    La disposition pertinente de la Loi énoncée à l’alinéa 5(3)b) est ainsi rédigé :

 

(3)   Pour l’application de l’alinéa (2)i),

 

[...]

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[21]    Essentiellement, les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est appuyé et telles qu’elles sont énoncées au paragraphe 4 de la réponse à l’avis d’appel (« la réponse ») déposée dans le cadre de l’appel de M. Nagra, numéro de dossier 2002‑3512(EI), sont les suivantes :

 

[Traduction]

 

e)         l’appelant prétend que Kulwant a travaillé pour lui à son verger pendant la période du 4 janvier au 29 octobre 2001;

 

f)          l’appelant a engagé Kulwant en vertu d’un contrat de travail pour qu’il travaille à son verger à un certain moment au cours de la période en cause;

 

g)         Kulwant a occupé un emploi auprès de la scierie Louie Russo Sawmills et travaillait en moyenne 8 heures par jour, soit de 7 h à 15 h 15, du lundi au vendredi, pendant la période s’échelonnant du 20 février au 30 août 2001;

 

h)         selon les feuilles de temps de Kulwant qu’a produites l’appelant en ce qui concerne la période en cause, Kulwant travaillait prétendument en moyenne neuf heures par jour, de 7 h à 16 h 30, presque, sinon tous les jours de la semaine;

 

i)          le 2 avril 2001, au cours d’une entrevue avec l’appelant qu’ont menée des enquêteurs d’une équipe d’inspection agricole de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), Kulwant n’était pas sur les lieux;

 

j)          la feuille de temps de Kulwant qu’a produite l’appelant datée du 2 avril 2001 indique que Kulwant travaillait prétendument neuf heures par jour au verger, y compris la journée où les enquêteurs de l’équipe d’inspection agricole de DRHC ont visité le verger;

 

k)         les livres de paye de l’appelant indiquent que Kulwant était prétendument rémunéré à un taux horaire de 10 $, tandis que sa demande de prestations d’assurance‑emploi indique qu’il était rémunéré à un taux horaire de 9 $;

 

l)          l’appelant n’a pas rémunéré Kulwant en espèces;

 

m)        Kulwant n’a pas travaillé le nombre d’heures qui figurent sur son relevé d’emploi qu’a délivré l’appelant;

 

n)         l’appelant et Kulwant ont conclu une entente pour permettre à ce dernier d’être admissible à des prestations d’assurance‑emploi auxquelles il n’aurait pas eu droit autrement.

 

[22]    En ce qui concerne l’appel de M. Nagra, numéro de dossier 2002‑3513(EI) et l’intervention de Mandeep Nagra à l’égard de cet appel, la réponse à l’avis d’appel énonce certaines hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé. Ces hypothèses de fait sont les suivantes :

 

[traduction]

 

f)          l’appelant a engagé Mandeep en vertu d’un contrat de travail pour qu’elle travaille à son verger à un certain moment au cours de la période en cause;

 

g)         Mandeep a travaillé pour le compte de l’entreprise Amco Commercial Cleaning de minuit à 4 h, en moyenne cinq ou six jours par semaine, du 1er janvier au 30 avril 2001;

 

h)         selon les feuilles de temps de Mandeep qu’a produites l’appelant en ce qui concerne la période en cause, elle aurait prétendument travaillé au verger de 7 h à 16 h 30 presque, sinon tous les jours de la semaine, du 1er janvier au 9 avril 2001;

 

i)          le 2 avril 2001, au cours d’une entrevue qu’ont menée des enquêteurs d’une équipe d’inspection agricole de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), Mandeep a affirmé que cette date correspondait à sa première journée de travail pour le compte de l’appelant;

 

j)          les feuilles de temps de Mandeep qu’a produites l’appelant indiquent que sa première journée de travail était le 4 janvier 2001;

 

k)         l’appelant n’a pas rémunéré Mandeep en espèces;

 

l)          les livres de paye de l’appelant indiquent que Mandeep était prétendument rémunérée à un taux horaire de 10 $, tandis que sa demande de prestations d’assurance‑emploi indique qu’elle était rémunérée à un taux horaire de 9 $;

 

m)        l’appelant et Mandeep ont conclu une entente pour permettre à cette dernière d’être admissible à des prestations d’assurance‑emploi auxquelles elle n’aurait pas eu droit autrement.

 

[23]    Dans l’affaire Légaré c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.F. n878, décision qu’a rendue la Cour d’appel fédérale, le juge d’appel  Marceau, parlant au nom de cette Cour, a déclaré, à la page 2 du jugement, ceci :

 

            La Cour est ici saisie de deux demandes de contrôle judicaire portées à l’encontre de deux jugements d’un juge de la Cour canadienne de l’impôt dans des affaires reliées l’une à l’autre et entendues sur preuve commune où se soulevaient une fois de plus les difficultés d’interprétation et d’application de cette disposition d’exception du sous‑alinéa 3(2)c)(ii). Une fois de plus, en effet, car plusieurs décisions de la Cour canadienne de l’impôt et plusieurs arrêts de cette Cour se sont déjà penchés sur le sens pratique à donner à ce sous‑alinéa 3(2)c)(ii) depuis son adoption en 1990. On voit tout de suite en lisant le texte les problèmes qu’il pose par delà la pauvreté de son libellé, problèmes qui ont trait principalement à la nature du rôle attribué au ministre, à la portée de sa détermination et, par ricochet, à l’étendue du pouvoir général de révision de la Cour canadienne de l’impôt dans le cadre d’un appel sous l’égide des articles 70 et suivant de la Loi.

 

            Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu’apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n’ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut‑être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

 

            La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L’expression utilisée introduit une sorte d’élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu’il s’agit sans doute d’un pouvoir dont l’exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n’est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler l’enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n’est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre c’est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

[24]    Dans l’arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1998] A.C.F. n316, décision qu’a rendue la Cour d’appel fédérale le 3 mars 1998, on peut lire, à la page 2 de la traduction certifiée conforme, les propos du juge d’appel Pratte qui déclare ceci :

 

[...] Contrairement à ce qu’a pensé le juge, il n’est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu’il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c’est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n’a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre.

 

[25]    Je me pencherai d’abord sur la preuve puisqu’elle concerne la relation de travail qui existait entre Kulwant Nagra et le payeur.

 

[26]    Comme l’ont révélé les hypothèses de fait énoncées aux sous‑paragraphes g) et h) du paragraphe 4 de la réponse à l’avis d’appel de M. Nagra concernant l’emploi qu’exerçait Kulwant Nagra, elles laissent sous-entendre que Kulwant Nagra partageait ses heures de travail, à un certain moment donné, entre son emploi à la scierie Louie Russo Sawmills et celui au verger de M. Nagra. De plus, le ministre s’est appuyé sur le fait que le travailleur était absent lors de la visite de la ACT le 2 avril 2001. Par ailleurs, le ministre a également tenu compte du fait que la feuille de paye indiquait que le salaire horaire que percevait le travailleur était de 10 $ et non de 9 $ comme il était indiqué dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi et lui a attribué une connotation négative. De même, le ministre a prétendu que le travailleur n’avait perçu aucun montant en espèces auprès du payeur et a conclu que M. Nagra et Kulwant Nagra avaient conclu une entente pour que ce dernier puisse être admissible à des prestations d’assurance‑emploi auxquelles il n’aurait pas eu droit autrement.

 

[27]    Le ministre n’a pas tenu compte du fait que Kulwant Nagra avait également travaillé pour le compte du payeur en 1997, en 1998, en 1999 et en 2000. Un examen de la feuille de temps (pièce R‑9) concernant l’emploi qu’a occupé Kulwant Nagra à la scierie Louie Russo Sawmills ainsi que de celle (pièce A‑5) concernant son emploi au verger de M. Nagra révèle que Kulwant Nagra a travaillé au verger entre sept et neuf heures par jour du 4 janvier au 20 février 2001. Toutefois, au cours de cette période, il y a 11 jours où aucun travail n’a été accompli. Kulwant Nagra a commencé à travailler à la scierie le 20 février 2001 et, à compter de cette date jusqu’au 24 février, il n’a pas travaillé au verger. De même, le 24 février 2001, qui correspond à un samedi, il n’a ni travaillé à la scierie ni au verger, mais il a travaillé pendant neuf heures le dimanche suivant puis le lundi, il est retourné à la scierie où il a fait une journée de travail de huit heures. Du 19 au 27 mars inclusivement, Kulwant Nagra a travaillé à la scierie, sauf le 24 mars, qui était aussi un samedi, où il a travaillé pendant neuf heures au verger pour ensuite retourner travailler à la scierie les trois jours suivants avant de travailler de nouveau au verger pour le payeur le 28 mars, et ce, jusqu’à la fin du mois. Pendant cette période, il n’a pas travaillé à la scierie. Le 10 mai 2001, le travailleur a cumulé deux heures de travail à la scierie et dix heures de travail au verger. Je ne peux trouver aucune entrée incongrue qui m’amènerait à conclure que le travailleur gonflait ses heures de travail au verger. Manifestement, la taille des arbres et le ratissage devaient s’effectuer au début de l’année aux fins de préparatifs pour la saison à venir. M. Nagra a quitté le verger le 25 janvier 2001 et n’y est retourné que le 25 mars 2001. Pendant pratiquement toute cette période, il était en Inde. Pendant son absence, Kulwant Nagra, avec l’aide de son épouse, Mandeep, a exercé des fonctions de supervision au verger situé sur la propriété de M. Nagra ainsi qu’aux autres vergers que ce dernier exploitait. Ils ont perçu un loyer totalisant 600 $ auprès d’un locataire pour les mois de février et de mars et ont appliqué ces fonds aux deux mois de loyer totalisant 1 000 $, loyer qu’ils auraient autrement versé à M. Nagra en sa qualité de propriétaire. Au retour de ce dernier, les parties ont tenu compte des montants perçus et du montant attribuable au loyer, ainsi que de la somme de 991,97 $ qu’a perçue Kulwant Nagra en espèces le 23 janvier 2001, comme le confirme un reçu signé déposé en preuve sous la cote A‑1. Un chèque daté du 31 janvier 2001 au montant de 500 $ payable à l’ordre de Mandeep Nagra a été encaissé par cette dernière le 5 février 2001 à la Banque Toronto‑Dominion à Kelowna. Une feuille marquée d’un onglet bleu qui accompagnait la feuille de calcul déposée en preuve sous la cote R‑1 indique que Kulwant Nagra a cumulé 138 heures de travail à la pièce à un taux qui, selon un calcul, correspond à 15,50 $ l’heure. Cependant, selon son témoignage, après le retour de M. Nagra, le taux de rémunération pour accomplir la plupart des travaux réguliers était de 9 $, bien qu’il ait su que le paiement pour le travail à la pièce était plus élevé. L’équipe d’inspection, soit la ACT, s’est présentée au verger situé à Scotty Creek et non à celui qui est situé sur la propriété de M. Nagra, et les renseignements détaillés concernant cette visite, tels qu’ils figurent sur le formulaire pertinent, ne sont fondés que sur des ouï‑dire puisque lesdits renseignements ont été consignés par un membre de l’équipe d’inspection engagé par le gouvernement provincial et non par l’ADRC. Au sous‑paragraphe e) du paragraphe 4 de la réponse, le ministre a supposé ceci :

 

[traduction]

 

l’appelant prétend que Kulwant a travaillé pour lui à son verger pendant la période du 4 janvier au 29 octobre 2001;

 

[28]    Dans le sous‑paragraphe suivant, le ministre s’est appuyé sur cette hypothèse de fait :

 

[traduction]

 

l’appelant a engagé Kulwant en vertu d’un contrat de travail pour qu’il travaille à son verger à un certain moment au cours de la période en cause;

 

[29]    Comme il a été mentionné précédemment, pour l’application du Régime de pensions du Canada, le ministre a reconnu que Kulwant Nagra exerçait un emploi ouvrant droit à pension auprès de M. Nagra.

 

[30]    M. Nagra a témoigné qu’il est difficile de recruter et de garder des travailleurs agricoles d’une part, parce que les tâches à accomplir sont exigeantes et, d’autre part, parce que, pendant l’été, la chaleur est accablante. Il a déclaré qu’il était rare qu’un travailleur reprenne son emploi la saison suivante. Par ailleurs, pendant la saison de la cueillette, certains travailleurs ne travaillaient que quelques heures ou quelques jours avant de percevoir leur paye et de repartir. M. Nagra s’est fié sur des annonces publiées dans un journal et sur le bouche‑à‑oreille pour recruter des travailleurs, au besoin. Au cours d’une saison, les services de quelques travailleurs sont requis pendant certaines périodes, tandis qu’en d’autre temps, il est nécessaire de faire appel aux services de travailleurs plus qualifiés pour conduire un tracteur et pour manipuler le matériel d’arrosage. En ce qui concerne les présents appels, les preuves de paiement de salaires, autres que celles qu’attestent les chèques annulés, dépendent de la bonne volonté de la présente Cour d’admettre les témoignages des travailleurs et du payeur selon lesquels les salaires gagnés étaient versés intégralement et qu’au meilleur de leur connaissance, lesdits revenus ont été consignés correctement.

 

[31]    Compte tenu de la preuve, telle qu’elle se rapporte à l’emploi qu’a exercé Kulwant Nagra auprès de M. Nagra, je conclus que le ministre a ignoré des faits importants. Il a notamment omis de tenir compte du fait que le travailleur a travaillé pour le compte de M. Nagra pendant deux ou trois ans avant 2001. Je conclus également que le ministre a déduit que le travailleur avait, à quelques occasions, prétendu qu’il avait travaillé pendant une journée complète à deux endroits en même temps, à savoir à la scierie et au verger. La feuille de temps (pièce R‑9) n’appuie pas cette conclusion. Le taux horaire inscrit dans la demande de prestations n’est pas particulièrement important si l’on tient compte du fait que c’est le montant total des gains assurables qui importe. De plus, le taux déclaré de 9 $ l’heure est plus que précis, si l’on tient compte du nombre de jours travaillés auquel il s’applique. À mon avis, il n’existe aucune preuve crédible ou raisonnable à l’égard de laquelle le ministre aurait pu tirer la conclusion, d’ailleurs énoncée à tort comme une hypothèse de fait, selon laquelle le travailleur et le payeur avaient mijoté un stratagème en vue de falsifier le nombre d’heures travaillées de manière à augmenter ses chances d’être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. De même, je ne vois aucune raison d’appuyer la conclusion du ministre selon laquelle Kulwant Nagra n’aurait pas autrement été admissible auxdites prestations puisque son RE (pièce 8) que lui a émis la scierie Louie Russo Sawmills indique qu’il avait accumulé 1 508,55 heures de travail assurables et des gains assurables s’élevant à 9 378,72 $. La preuve n’appuie pas l’allégation vague du ministre selon laquelle M. Nagra n’a pas rémunéré le travailleur en espèces, bien qu’il faille examiner les circonstances en tenant compte de la dynamique de la relation familiale qui existait entre l’oncle et le neveu vivant sous le même toit. Janet Mah, l’agente des appels, a témoigné qu’elle avait conclu que certaines journées, le travailleur avait prétendument travaillé au verger et à la scierie. À cet égard, elle a renvoyé la Cour à une feuille de temps (pièce R‑10) provenant du dossier de l’agente des décisions et sur laquelle les heures qu’a travaillées le travailleur à la scierie ont été marquées par quelqu’un à l’encre rouge. Toujours sur cette même feuille, quatre jours sont marqués, soit du 11 au 14 février inclusivement, et semblent indiquer que Kulwant Nagra a travaillé à la scierie 11,5 heures la première journée et 8 heures les jours suivants tout en travaillant neuf heures par jour au verger. Cependant, Kulwant Nagra n’a commencé à travailler à la scierie que le 20 février 2001, ce qu’admet le ministre au sous‑paragraphe g) du paragraphe 4 de la réponse. Si ces feuilles de temps (pièce R‑10) sont exactes et que celle déposée en preuve sous la cote A‑5 ne l’est pas, alors certains jours se chevauchent. Toutefois, l’origine des notes inscrites par la suite n’est pas claire, et il y a confusion quant à savoir qui a produit tel ou tel document, à qui ces documents étaient destinés et quand ils ont été produits.

 

[32]    Je conclus donc que je dois remettre en cause la décision du ministre pour le motif qu’elle n’est pas raisonnable, compte tenu de mon analyse de la preuve. Toutefois, avant de procéder à l’examen requis des indices énoncés à l’alinéa pertinent de la Loi, je dois d’abord tenir compte des circonstances relatives à Mandeep Nagra et décider si je dois également remettre en cause la décision rendue à son égard.

 

[33]    Janet Mah est l’agente des appels qui a examiné l’appel qu’a interjeté Mandeep Nagra à l’encontre de la décision qu’a rendue l’agente des décisions. Il est devenu évident, au cours du témoignage de Mme Mah, qu’elle s’était fondée dans une large mesure sur le relevé des heures (pièce R‑14) qu’a travaillées Mandeep Nagra à l’entreprise Sun Valley Foods. Dans la réponse à l’avis d’appel de M. Nagra (no de dossier 2002‑3513(EI)) qu’il a déposée concernant la travailleuse, le ministre  a supposé, et cette allégation était justifiée, qu’elle avait travaillé de minuit à 4 h, cinq ou six jours par semaine, pour le compte de l’entreprise Amco, du 1er janvier au 30 avril 2001. Cependant, la feuille de temps qui figure dans le dossier de l’agente des décisions concernant les heures de travail de la travailleuse au cours de l’année 2000, et sur laquelle s’est appuyée Mme Mah, indique qu’elle a travaillé entre cinq et huit heures par jour du 11 avril au 4 juin 2000 à l’entreprise Sun Valley Foods. Mme Mah a déclaré qu’elle avait téléphoné au bureau de la Sun Valley Foods et qu’elle s’était entretenue avec une personne qui lui avait assuré que les dates figurant sur la feuille de temps en question étaient inexactes et que lesdites heures de travail étaient correctes dans la mesure où elles représentaient les heures de travail de Mandeep Nagra au cours de l’année 2001. Mme Mah a supposé que la travailleuse occupait encore un emploi pour le compte de l’entreprise Amco tout en travaillant au verger pendant toute la période s’échelonnant du 4 janvier au 31 juillet 2001. Toutefois, la travailleuse n’a travaillé pour le compte de l’entreprise Amco ni en mai et ni en juin. En fait, elle n’y a travaillé qu’en juillet puis elle a quitté son emploi pour le motif qu’elle ne pouvait plus assurer la garde de son enfant. Pendant les mois de mai et de juin 2001, Mandeep Nagra n’a travaillé ni à l’entreprise Amco ni au verger, mais seulement à l’entreprise Sun Valley Foods. Pendant les mois de septembre et d’octobre 2001, elle a exclusivement travaillé pour le compte de M. Nagra. Mme Mah n’a pas été en mesure de rapprocher les gains déclarés sur le RE et ceux inscrits dans le livre de paie avec le montant total des chèques et des sommes versées en espèces que confirment les reçus déposés en preuve sous les cotes A‑1 et A‑2, respectivement. L’entrevue qu’a prétendument menée un membre de la ACT et au cours de laquelle il a noté que la travailleuse avait affirmé qu’il s’agissait de sa première journée de travail pour le compte de M. Nagra n’a pas suffisamment de poids pour que la présente Cour en tienne compte. Mandeep Nagra a indiqué que le 2 avril 2001, elle avait informé l’inspecteur qu’il s’agissait de sa première journée de travail au verger situé à Scotty Creek, propriété qu’apparemment M. Nagra louait. Le ministre a admis que la travailleuse avait occupé un emploi ouvrant droit à pension auprès de M. Nagra pendant la période en cause, mais il a décidé que son emploi n’était pas assurable pour le motif, entre autres choses, qu’elle avait prétendument été rémunérée en espèces et qu’il y avait un écart entre le taux horaire de 10 $ qui lui avait été versé pendant la période du mois de janvier au mois de mars 2001 et le taux horaire de 9 $ qui lui avait été versé par la suite pour lui permettre de compléter son RE et, conséquemment, d’être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. Le ministre a donc conclu que M. Nagra et la travailleuse, comme c’était le cas avec son époux, Kulwant, avaient conclu une entente de manière à falsifier certaines heures de travail pour lui permettre d’être admissible à des prestations d’a.‑e. auxquelles elle n’aurait pas eu droit autrement. Le livre de paie (pièce R‑1) indique que Mandeep Nagra a perçu une rémunération à la pièce correspondant à 15,50 $ l’heure pendant 138 heures. Toutefois, selon son témoignage, elle a perçu une rémunération de 10 $ jusqu’au retour de vacances de M  Nagra puis une rémunération de 9 $ pour accomplir les tâches régulières et un taux horaire plus élevé lorsqu’il s’agissait de faire la cueillette à la pièce, taux qui, selon la travailleuse, avait été calculé à 10 $. Selon les RE déposés en preuve sous la cote R‑7, elle a accumulé 1 250 heures d’emploi assurables auprès de l’entreprise Amco pour des gains totaux assurables s’élevant à 8 000 $. Elle a également réalisé des gains assurables s’élevant à un montant total de 2 351,45 $, ce qui représente 205 heures d’emploi assurables dans le cadre de son emploi pour le compte de la Sun Valley Foods.

 

[34]    Selon ce que je retiens de la preuve, la décision du ministre a été influencée par la fausse hypothèse sur laquelle s’est appuyée Mme Mah selon laquelle Mandeep Nagra avait travaillé quatre heures par nuit à l’entreprise Amco pendant toute la période s’échelonnant du 4 janvier au 31 juillet 2001 tout en travaillant également pour le compte de M. Nagra, et que pendant les mois de mai et de juin, elle avait travaillé et pour le compte d’Amco et pour le compte de la Sun Valley Foods. Toutefois, la travailleuse n’a pas travaillé pour le compte de M. Nagra entre le 9 avril et le 1er juillet 2001. Il semble donc que le ministre n’a tenu compte ni du fait que la travailleuse avait fourni des services au payeur pendant les années précédentes ni des circonstances pertinentes applicables à l’industrie arboricole. Mme Mah a douté qu’il soit possible qu’une personne puisse travailler pendant autant d’heures en une seule journée, comme l’a fait Mandeep Nagra, et conséquemment, elle a conclu que les heures qu’avait prétendument travaillées la travailleuse pour le compte de Nagra étaient excessives. Elle est également parvenue à la conclusion selon laquelle Mandeep Nagra n’avait jamais perçu ses salaires en espèces et, conséquemment, n’a pas admis que les parties avaient considéré certains montants provenant de leur loyer et du loyer perçu auprès du locataire de M. Nagra,  lorsqu’elles ont calculé les salaires gagnés comme s’ils avaient été versés en espèces, et qu’elles les avaient soustraits des salaires impayés. Selon le ministre, cet aspect de leur relation de travail était une escroquerie. Par ailleurs, l’analyse qu’a produite Mme Mah (pièce R‑16) prête à confusion et aurait pu être fondée sur des renseignements mis à jour ainsi que sur des dates exactes, confirmées par écrit, plutôt que d’être fondée sur des renseignements recueillis dans le dossier de l’agente de décision. De même, elle a omis d’obtenir des renseignements supplémentaires dans des circonstances qui semble‑t‑il, étaient conflictuelles en ce qui a trait à la consignation des heures de travail relatives à certaines journées pendant la période pertinente.

 

[35]    Pour tous ces motifs énoncés, je conclus que la décision qu’a rendue le ministre à l’égard de l’emploi qu’a exercé Mandeep Nagra auprès de M. Nagra n’est pas raisonnable et que, par conséquent, je dois la remettre en cause. 

 

[36]    Après avoir donc décidé de remettre les deux décisions en cause, j’en arrive maintenant à une analyse de la preuve qui me permettra de trancher la question en litige, et ce, conformément au libellé de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.

 

La rétribution versée

 

[37]    Le taux horaire versé aux deux travailleurs me semble raisonnable et tout à fait proportionnel au salaire versé à tous les autres travailleurs qui n’étaient pas liés au payeur et qui possédaient de l’expérience dans le domaine de l’arboriculture fruitière. La rémunération à la pièce était la même que celle versée aux autres travailleurs. Pendant les mois de janvier, de février et de mars 2001, Kulwant Nagra et Mandeep Nagra ont perçu un taux horaire de 10 $. Par la suite, soit pendant la saison de la cueillette, ils percevaient un taux horaire de 9 $ ou étaient rémunérés à la pièce. Un examen du livre de paie (pièce R1) révèle que certains travailleurs percevaient un taux horaire de 8 $ et qu’un autre travailleur non lié au payeur, Khunkhun, a, pour sa part, perçu un taux horaire de 10 $ en juillet et en août. Le mode de paiement est désorganisé, et il aurait été préférable que le payeur verse tous les salaires dus à ses travailleurs liés sous forme de chèques. Pendant son absence du Canada, il était tout à fait raisonnable que Kulwant Nagra et Mandeep Nagra consignent leurs heures de travail et qu’ils utilisent l’argent du loyer perçu auprès du locataire qui vivait sur la même propriété et que théoriquement, ils déduisent également ce montant de la somme qu’ils devaient à M. Nagra à titre de loyer de manière à réduire les sommes qu’il leur devait pour les salaires qu’ils avaient gagnés. Il est quelque peu inhabituel, dans une relation de travail, que différents montants, selon les reçus déposés en preuve sous la cote A‑1, soient versés en espèces aux travailleurs. On ne s’attendrait pas normalement à ce qu’un patron s’assied à la table de cuisine et qu’il distribue précisément les sommes de 670,42 $ ou de 1 121,18 $ à titre de versement de salaire à des travailleurs qui n’ont aucun lien avec lui. Quant à la rémunération à la pièce correspondant à 15,50 $ l’heure, elle a été probablement calculée par le comptable de M. Nagra à une date ultérieure, et ce taux plus élevé aurait eu pour effet de réduire la totalité des heures assurables pour cette période imputables à la cueillette des fruits, si l’on compare le résultat que l’on obtiendrait en utilisant le taux horaire de 10 $.   

 

Les modalités d’emploi

 

[38]    Le travail qu’ont accompli Kulwant Nagra et Mandeep Nagra correspondait aux exigences relatives à l’industrie de l’arboriculture fruitière. Les heures de travail sont quelquefois longues, selon ce que permet la température et, en ce qui concerne certaines tâches, elles doivent s’effectuer pendant la morte‑saison. Il ne semble pas que l’on ait fait de graves entorses à la norme puisque les deux travailleurs étaient qualifiés et que M. Nagra les avait déjà engagés précédemment. Il a été convenu qu’ils pouvaient se chercher un autre emploi s’ils souhaitaient générer des revenus supplémentaires, mais ils ne pouvaient s’attendre à être réembauchés pour travailler au verger que s’il y avait du travail, et M. Nagra avait besoin de travailleurs qualifiés.   

 

La durée de l’emploi

 

[39]    La taille et le ratissage devaient s’effectuer en janvier, en février et en mars. Après le 9 avril 2001, les services de Mandeep Nagra n’ont pas été requis parce qu’elle n’avait aucune expérience pour conduire le tracteur ou pour installer et déplacer le système d’arrosage qui était très lourd. Elle n’a donc repris son travail qu’après le 1er juillet et, plus tard, soit en août, ses services étaient de nouveau requis. Elle a commencé à cueillir des fruits en septembre et a continué jusqu’à la fin de la saison de la récolte, soit jusqu’à la mi‑octobre, puis, jusqu’à la fin du mois, elle s’est occupée du nettoyage. La travailleuse et Kulwant Nagra ont été les derniers travailleurs à être mis à pied parce qu’ils avaient de l’expérience relativement aux procédures de fin de saison et parce que les autres travailleurs avaient été engagés principalement pour cueillir des fruits. Kulwant Nagra n’a travaillé que 66 heures pour le compte de Nagra pendant le mois de mai et n’a fourni aucun service au payeur pendant le mois de juin. Il a repris son travail au verger en juillet et en août, période pendant laquelle il avait obtenu de la scierie quelques congés autorisés. Son dernier jour de travail à la scierie a été le 3 septembre 2001, et il a plus ou moins travaillé pour le compte de M. Nagra jusqu’à la fin d’octobre. En juillet, il lui est arrivé, à quelques reprises, de ne travailler que deux heures à la scierie. Il travaillait alors au verger pendant huit ou neuf heures par jour. Dans l’ensemble, je suis d’avis que les circonstances relatives aux services que fournissaient Kulwant Nagra et Mandeep Nagra, si on les examine dans le contexte d’une saison complète, étaient raisonnables, compte tenu de la nature du travail à accomplir dans cette industrie. Il ne semble exister aucun fondement sur lequel je pourrais m’appuyer pour conclure qu’il s’agissait d’un emploi factice. Qui plus est, M. Nagra a témoigné qu’il n’aurait pas mis à pied un autre travailleur uniquement dans le but de permettre à son neveu ou à l’épouse de ce dernier de reprendre leur emploi au verger, et ce, même s’ils étaient tous deux des travailleurs qualifiés.

 

La nature et l’importance du travail accompli

 

[40]    Le travail à accomplir dans un verger est difficile et exigeant. Il est nécessaire d’exécuter de nombreuses et différentes tâches tout au long de la saison. Les deux travailleurs possédaient de l’expérience, et Kulwant Nagra pouvait s’acquitter de certaines tâches que son épouse ne pouvait exécuter. C’est la raison pour laquelle il a travaillé pour le compte de M. Nagra pendant certaines périodes, tandis que son épouse exerçait un emploi auprès d’autres employeurs. Le travail doit être fait et la saison de la cueillette est une période particulièrement occupée, selon de la période de maturation de plusieurs variétés de fruits. Lorsque M. Nagra s’est absenté pendant une période prolongée pour prendre des vacances, il a laissé à Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra le soin de s’occuper de ses vergers et de ses intérêts en matière de location. Ils étaient autorisés à consigner leurs propres heures de travail et étaient rémunérés à un taux horaire légèrement plus élevé, soit un dollar de plus l’heure, pendant cette période. Manifestement, à son retour, M. Nagra a été en mesure de vérifier si le travail à accomplir l’avait été adéquatement.  

 

[41]    Bien entendu, les centaines d’heures qu’ont consacrées les employés de l’ADRC, ainsi que les efforts déployés et les dépenses engagées dans le cadre de tout le processus d’appel n’auraient pas été nécessaires si M. Nagra avait pris le temps et s’était efforcé de documenter, de façon claire et concise, chaque aspect important de la relation de travail qui existait entre lui et les travailleurs avec qui il avait des liens, particulièrement en ce qui concerne le mode de paiement des salaires. Les frais bancaires ne sont pas si coûteux, de sorte que des chèques auraient pu être émis – de l’un à l’autre – que ce soit pour le paiement de loyers ou de salaires. Si des avances en espèces ont été versées de temps à autre, cette pratique n’est pas, en soi, si extraordinaire, à condition que des documents soient produits pour confirmer ces opérations. Dans l’affaire Barbara Docherty v. M.N.R. ‑ [2000] A.C.I. no 690 datée du 6 octobre 2000, j’émets les commentaires suivants :

 

Le modèle à utiliser pour établir une comparaison avec les relations de travail entre parties sans lien de dépendance ne nécessite pas une concordance parfaite. Cette affirmation se trouve confirmée par le libellé de la loi, qui utilise les termes « un contrat de travail à peu près semblable ». Chaque fois que les parties sont liées entre elles au sens de la disposition législative pertinente, la relation de travail comportera nécessairement des particularités, surtout si le conjoint est le seul employé ou s’il fait partie d’un effectif restreint. Cependant, le but n’est pas d’empêcher les personnes qui satisfont aux critères établis de participer au régime national d’assurance‑emploi. Les en exclure sans raison valable est une mesure inéquitable qui va à l’encontre de l’esprit de la loi.

 

[42]    L’article 9.1 du Règlement établi en vertu de la Loi et qui s’avère pertinent aux présents appels est ainsi rédigé :

 

9.1       Lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

 

[43]    Bien que je puisse comprendre que le ministre ait soulevé des doutes et manifesté certaines réserves concernant plusieurs aspects de la présente affaire, les témoignages sous serment qu’ont présentés M. Nagra, Kulwant Nagra et Mandeep Nagra ainsi que certaines preuves documentaires, même si elles étaient quelquefois contradictoires, m’amènent à conclure que les parties auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas été liées et qu’elles n’avaient eu entre elles aucun lien de dépendance. À mon avis, il ne suffit pas à un agent des appels de rendre une décision en s’appuyant essentiellement sur un examen de certains documents qui figurent dans le dossier de l’agent des décisions, surtout lorsque des questions subsistent concernant l’exactitude de certaines feuilles de temps et d’autres documents d’information qui semblent être contradictoires. La feuille de temps qu’a fournie la scierie Louie Russo Sawmills n’a pas été remise à Kulwant Nagra pour qu’il puisse l’examiner et la vérifier. Les deux séries de feuilles de temps (pièces A‑4 et A‑5) ainsi que les autres feuilles qu’a apparemment obtenues l’agente des décisions (pièces  R-10 et R-13) présentent certains écarts entre les heures consignées, mais aucune preuve concernant la méthode ou la façon dont elles ont été calculées et indiquant la personne qui a procédé à ces calculs ne m’a été présentée. M. Nagra a témoigné que la pièce A‑4 contenant la feuille de temps de Mandeep Nagra était exacte et que la pièce A‑5 représentait le registre des heures qu’a travaillées Kulwant Nagra. La visite qu’a effectuée la ACT à la propriété située à Scotty Creek n’a pas permis d’obtenir une preuve quelconque qui aurait pu m’être utile pour trancher les questions en litige des présents appels. Si le but d’une telle visite est de vérifier l’identité des personnes qui travaillent à un endroit particulier au cours d’une journée donnée, alors on devrait poser des questions précises concernant l’emplacement des autres propriétés qu’exploite le payeur et noter les réponses de manière à éliminer ou, du moins, à réduire par la suite toute confusion lorsque les travailleurs fournissent différentes explications, notamment lorsqu’il s’agit de savoir la raison de leur absence pendant une journée en particulier ou la date de début de leur emploi et d’obtenir d’autres données pertinentes après avoir examiné la relation de travail. Les entrevues avec les travailleurs devraient être menées par un employé de l’ADRC et les réponses obtenues inscrites dans un registre élaboré par ce dernier de manière à ce que les témoignages puissent s’appuyer sur ces observations et non sur des notes qu’a prises un employé du gouvernement provincial qui n’est même pas appelé à témoigner et qui ne fait pas partie du processus visant à déterminer, à une date ultérieure, si un emploi en cause est un emploi assurable et/ou ouvrant à pension. Ce membre de la ACT en cause dans la présente affaire doit s’acquitter de ses responsabilités qui, dans le contexte, consistent à mettre en application les politiques d’un organisme dont le mandat vise à s’assurer de la conformité avec les normes du travail en vigueur à l’échelle provinciale.   

 

[44]    Selon les calculs de Mme Mah (pièce R‑12), Kulwant Nagra n’a perçu que la somme totale de 7 309,87 $ qui lui a été versée en espèces et en chèques. Ses gains assurables s’élevaient à 10 926,50 $, comme l’indique son RE (pièce R‑8), ce qui représente 1 184 heures assurables. Quant à son salaire net, il devait correspondre à 8 841,93 $. La liasse de reçus (pièce A‑1) émis pour confirmer les sommes versées en espèces à Kulwant Nagra et à Mandeep Nagra que la Cour a examinée incluait un bout de papier qui indiquait que le chèque numéro M0236, au montant de 500 $, était manquant. M. Nagra a, par la suite, retrouvé le chèque en question, payable à l’ordre de Kulwant Nagra, lequel fait maintenant partie des chèques annulés qui ont été déposés en preuve sous la cote A‑2. Ce chèque, au montant de 500 $, est daté du 31 janvier 2001, mais cette somme n’a pas été incluse dans les calculs de Mme Mah. De plus, un examen des reçus, qui figurent dans la pièce A‑1, révèle que Kulwant Nagra a confirmé, à l’aide d’un reçu daté du 17 juin 2001, la réception d’une somme de 626,80 $ que lui a versée M. Nagra. Toutefois, ce montant n’apparaît pas dans la liste des paiements détaillés qu’a dressée Mme Mah et qui figure dans la pièce R‑12. Selon le RE de Kulwant Nagra concernant l’emploi qu’il a occupé auprès de M. Nagra, il a généré des revenus nets s’élevant à 10 926,50 $ entre le 4 janvier et le 31 octobre 2001. Cette somme correspond à celle qui figure sur la feuille de renseignements détaillés concernant les talons de chèque marquée d’un onglet bleu et que l’on trouve à la fin de la preuve documentaire déposée sous la cote R‑1. Sur ladite feuille apparaît la somme de 9 202,88 $, somme qui représente le salaire net de Kulwant Nagra, une fois les déductions prélevées. Selon les calculs de Mme  Mah (pièce R‑1), le salaire net de Kulwant Nagra s’élevait à 8 841,93 $. Après avoir tenté de rapprocher les paiements qu’a versés M. Nagra à Kulwant Nagra, elle n’a pu retracer que la somme totale de 7 309,87 $, d’où l’écart au montant de 1 532,06 $. Cependant, en additionnant la somme de 500 $ du chèque manquant avec le reçu confirmant un paiement en espèces au montant de 626,50 $, on obtient la somme de 8 436,67 $, somme totale que M. Nagra a versée à Kulwant, l’écart n’étant alors que de 405,26 $.

 

[45]    En ce qui concerne les gains qu’a générés Mandeep Nagra, son RE pertinent (pièce R‑7) indique qu’elle a accumulé 1 154 heures assurables et qu’elle a généré des revenus assurables s’élevant à 10 641 $. Ce chiffre apparaît également dans le livre de paie (pièce R‑1) puisqu’il correspond aux revenus qu’elle a générés pendant l’année en cause. Son salaire net aurait dû correspondre à 8 841,93 $, mais selon les reçus signés et les chèques, les montants qu’elle a perçus ne totalisent que 7 486,99 $, ce qui crée un écart de 1 354,94 $.

 

[46]    Manifestement, les heures et les gains assurables indiqués dans les RE pertinents de Kulwant Nagra et de Mandeep Nagra ne peuvent être totalement justifiés, si l’on s’appuie sur les paiements perçus en espèces ou sous forme de chèques. Par conséquent, dans chaque cas il est nécessaire d’ajuster les montants de manière à refléter la somme exacte, conformément aux dispositions du Règlement susmentionné. Pour ce faire, l’écart entre les paiements perçus doit être déduit du salaire brut, également assurable, qui a été déclaré dans le RE pertinent. Étant donné que le salaire horaire versé à chacun des travailleurs était de 10 $ pendant une partie de la période pertinente et de 9 $ pendant l’autre partie de cette même période, j’ai établi le taux horaire à 9,50 $ pour refléter le montant à diviser par les gains générés qui ont été confirmés de manière à procéder au calcul exact des heures assurables. 

 

[47]    Je conclus que les gains assurables qu’a générés Kulwant Nagra dans le cadre de son emploi pour le compte de M. Nagra totalisent la somme de 10 518,24 $, somme qui représente les gains assurables déclarés moins le montant des paiements non justifiés. En divisant l’écart de 405,26 $ par le taux horaire de 9,50 $, on obtient un résultat de 42,65, que j’arrondis à 43. Je déduis donc ce résultat des heures assurables qui s’élèvent à 1 184, telles qu’elles figurent dans le RE du travailleur, et j’obtiens la somme de 1 141, ce qui maintenant représente le nombre exact d’heures assurables.

 

[48]    Je conclus que les gains assurables qu’a générés Mandeep Nagra dans le cadre de son emploi pour le compte de M. Nagra totalisent la somme de 9 286,06 $, et non pas 10 641 $, comme l’indique son RE. Lorsque l’on divise l’écart entre ces deux montants, soit 1 354,94 $ par 9,50 $, on obtient la somme de 142,62 que j’arrondis à 143. Je déduis donc 143 des heures assurables qui s’élèvent à 1 154, telles qu’elles figurent dans le RE de la travailleuse, et j’obtiens la somme de 1 011, ce qui maintenant représente le nombre exact d’heures d’emploi assurables. 

 

[49]    Les appels qu’ont interjetés Surjit Singh Nagra (numéro de dossier 2002‑3512(EI)) et Kulwant Singh Nagra (numéro de dossier 2002‑4251(EI)) sont admis et la décision qu’a rendue le ministre dans chaque instance est, par conséquent, modifiée de la façon suivante :

 

–        Kulwant Singh Nagra a occupé un emploi assurable auprès de Surjit Singh Nagra entre le 4 janvier et le 29 octobre 2001, période pendant laquelle ses gains assurables totalisaient  10 518,24 $, ce qui correspond à 1 141 heures assurables.

 

[50]    L’appel qu’a interjeté Surjit Singh Nagra (numéro de dossier 2002‑3513(EI)) est admis et la décision du ministre est modifiée de la façon suivante : 

 

–        Mandeep Kaur Nagra a occupé un emploi assurable auprès de Surjit Singh Nagra entre le 4 janvier et le 29 octobre 2001, période pendant laquelle ses gains assurables totalisaient  9 286,06 $, ce qui correspond à 1 011 heures assurables.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 18jour de juillet 2003.

 

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

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