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Référence : 2007CCI671

Date : 20071101

Dossier : 2006-1382(IT)I

ENTRE :

JIM BOERSEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Motifs rendus oralement à l’audience à London (Ontario), le 12 octobre 2007.)

Le juge Boyle

 

[1]     Il s’agit des motifs que j’ai rendus oralement à l’audience tenue à London (Ontario) dans l’affaire intéressant l’année d’imposition 2003 de l’appelant, M. Boersen.

 

[2]     Les faits sont les suivants. Le contribuable a consenti des prêts totalisant plus de 61 000 $ à une société appartenant à son oncle. Les prêts portaient intérêt à un taux de 12 pour 100 et ils étaient constatés par écrit. Il y a eu défaut de paiement. En 1996, le contribuable a intenté des poursuites contre la société débitrice et son oncle pour une somme d’environ 68 000 $. À ce moment‑là, peu importe comment les paiements déjà versés étaient répartis, le contribuable créancier avait une créance de plus de 11 500 $ en principal.

 

[3]     En 2002, je crois, quoi qu’il en soit, avant 2003, le contribuable et les défendeurs ont signé une transaction. Selon les conditions de cette transaction, les défendeurs s’engageaient à payer 10 000 $ en versements échelonnés en règlement complet de la dette. En réalité, pour des raisons qui ne sont pas claires, le contribuable créancier a reçu des paiements totalisant 11 500 $ au titre de la transaction.

 

[4]     La transaction est muette sur la répartition des versements entre le principal et les intérêts impayés. La société débitrice a délivré au contribuable un feuillet T5 selon lequel la somme de 11 500 $ représentait des intérêts. On peut supposer que la société débitrice a déduit la somme à titre d’intérêts pour l’établissement de l’impôt.

 

[5]     Dans son témoignage, le contribuable a affirmé que la somme de 11 500 $ était tout ce qu’il avait reçu après avoir intenté les poursuites judiciaires et qu’il avait traité celle‑ci comme un remboursement du principal impayé. C’est ce qui ressort de la lettre que son avocat a fait parvenir à l’avocat des défendeurs peu après la réception du feuillet T5 susmentionné.

 

[6]     L’ARC a établi à l’égard du contribuable une nouvelle cotisation fondée sur le feuillet T5 qui avait été délivré à ce dernier. La Couronne a supposé dans sa réponse qu’avant le paiement des 11 500 $ en cause, la société débitrice [traduction] « avait totalement remboursé la somme prêtée », ce qui signifie, selon moi, que les avances de principal s’élevant à environ 61 000 $ avaient également été remboursées. La Couronne n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard ni sur aucun autre point.

 

[7]     Dans son témoignage, le contribuable a déclaré sans équivoque qu’aucun remboursement de cette nature n’avait eu lieu. La Couronne n’a pas contesté cette assertion pendant le contre‑interrogatoire. Je signale que rien dans le recueil conjoint de documents, lequel comprenait un formulaire T2020 de l’ARC relatif à une conversation téléphonique avec le débiteur, ne permet de croire que l’ARC disposait d’un quelconque élément de preuve établissant le remboursement du principal, outre l’assertion du débiteur voulant qu’il ait classé quelque part un document à cet effet.

 

[8]     Aucune des parties n’a appelé le débiteur à témoigner. Aucune d’elles n’a mis des chèques en preuve. Le contribuable a bien présenté ses livres comptables faisant état des avances et des sommes remboursées au titre du prêt, et je les accepte pour ce qu’ils sont. Il a également mis en preuve ses livres comptables où figurent des paiements effectués par le débiteur pour des services rendus qui n’avaient aucun lien avec les prêts et les avances.

 

[9]     L’hypothèse de la Couronne voulant que le principal ait été remboursé de façon distincte a manifestement été démolie en l’espèce. Les faits montrent que le contribuable avait une créance de plus de 11 500 $ en principal et probablement de plus de 11 500 $ en intérêts lorsque le montant de la transaction, soit 11 500 $, a été reçu en 2003. La Cour doit donc se demander s’il convient d’affecter cette somme aux intérêts impayés, comme le soutient l’ARC, ou au recouvrement du principal, comme le soutient le contribuable.

 

[10]    En toute franchise, je n’arrive pas à croire que la présente affaire se retrouve devant moi aujourd’hui. Si le principal avait été remboursé, l’ARC aurait dû disposer de certains éléments prouvant ce fait ou elle aurait dû être en mesure de soulever un doute quant à la preuve présentée par le contribuable pour établir que le prêt n’avait pas été remboursé. S’il s’agit simplement de savoir si la somme de 11 500 $ doit être affectée au principal impayé ou aux intérêts impayés, les rapports entre les débiteurs et les créanciers font l’objet de règles de droit bien établies au Canada. Il importe de signaler qu’il paraît de toute façon inutile de débattre de cette question puisqu’un revenu en intérêts supplémentaire, quel qu’il soit, doit être compensé par une perte équivalente de revenu au titre du prêt consenti en vue de gagner des intérêts.

 

[11]    Plus simplement, le paiement doit être affecté conformément aux modalités de l’entente qui le prévoit, dans la mesure où celle‑ci précise le mode d’affectation. Or, la transaction en l’espèce n’en fait pas mention. Lorsque l’entente est muette, le payeur débiteur a le droit, entre lui‑même et le créancier, de répartir le paiement entre deux dettes ou davantage, ou entre le principal et les intérêts. Rien dans la preuve ne permet de penser que le débiteur a informé le contribuable créancier d’une telle affectation lorsqu’il a effectué les paiements. Le fait que le débiteur puisse avoir subséquemment affecté le paiement aux intérêts à l’interne et auprès de l’ARC pour l’établissement de l’impôt ou auprès d’un tiers n’est pas suffisant pour constituer une affectation établie entre le débiteur et le créancier. En l’absence d’une affectation précisée par le débiteur ou prévue dans l’entente, il revient au créancier, lorsqu’il reçoit le paiement, de l’affecter comme il lui convient. C’est ce que M. Boersen a fait dans la présente affaire, même s’il est difficile de savoir s’il a jamais informé le débiteur de la situation.

 

[12]    En outre, lorsque le contribuable a affecté le paiement en priorité au recouvrement du principal plutôt qu’au profit devant être réalisé grâce au prêt, il a agi conformément aux pratiques commerciales habituelles et au bon sens. Autrement dit, les prêteurs qui perdent de l’argent parce que le principal des prêts qu’ils ont consentis n’est pas remboursé auraient bien de la difficulté à convaincre quiconque qu’ils ont gagné de l’argent sous forme d’intérêts au titre de ces prêts. Quoi qu’il en soit, comme il est mentionné plus haut, la somme n’a aucune incidence fiscale par l'effet de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[13]    Pour ces raisons, je fais droit à l’appel du contribuable et je renvoie au ministre la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2003 du contribuable pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation, compte tenu du fait que la somme de 11 500 $ en cause constituait un remboursement non imposable du principal et non des intérêts.

 

[14]    Dans les circonstances, le contribuable a droit aux dépens.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2007.

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de décembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI671

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-1382(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JIM BOERSEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 12 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 1er novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Gerald K. Culliton

Avocat de l’intimée :

Me Andrew Miller

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Gerald K. Culliton

 

                          Cabinet :                  Mountain Mitchell LLP

                                                          Stratford (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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