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Dossier : 2001-4481(EI)

ENTRE :

DONALD PLOURDE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 20 juin 2003 à Jonquière (Québec)

 

Devant : L'honorable juge J.F. Somers, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l'appelant :

Lyne Poirier

 

Avocate de l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

«J.F. Somers»

Juge suppléant Somers


 

 

 

 

Référence : 2003CCI585

Date : 20030911

Dossier : 2001-4481(EI)

ENTRE :

DONALD PLOURDE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Somers

 

[1]     Cet appel a été entendu à Jonquière (Québec), le 20 juin 2003.

 

[2]     Par lettre en date du 26 octobre 2001, le ministre du Revenu national (le «Ministre») a informé l'appelant de sa décision selon laquelle son emploi auprès de Coopérative forestière Manicouagan-Outardes, le payeur, durant la période en litige, soit du 10 mai 1999 au 30 mars 2000, n'était pas assurable pour le motif qu'il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services et qu'en conséquence il n'existait pas de relation employeur-employé entre lui et le payeur. De plus, le Ministre a informé l'appelant qu'il avait déterminé que son véritable employeur était 1863-2265 Québec Inc. et que son emploi n'était pas assurable parce qu'il contrôlait plus de 40 pour cent des actions comportant droit de vote de cette société.

 

[3]     Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

 

[4]     En rendant sa décision, le Ministre s'est basé sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises ou niées par l'appelant :

 

a)         le payeur a été constitué le 1er juillet 1980; (admis)

 

b)         le payeur exploite une entreprise spécialisée dans la coupe de bois; (admis)

 

c)         le directeur général du payeur est M. Daniel Fournier; (admis)

 

d)         la directrice administrative du payeur est Mme Marie‑Laure Bouchard; (admis)

 

e)         la compagnie 1863-2265 Québec Inc. a été constituée le 15 novembre 1982; (admis)

 

f)          l'appelant est l'unique actionnaire de 1863-2265 Québec Inc.; (admis)

 

g)         le siège social de 1863-2265 Québec Inc. est situé à la résidence de l'appelant au 378, Montaigne à Chicoutimi; (admis)

 

h)         1863-2265 Québec Inc. est propriétaire d'une abatteuse munie d'une tête multifonctionnelle d'une valeur d'environ 450 000 $; (nié)

 

i)          au cours de la période en litige, le payeur avait une entente contractuelle avec 1863-2265 Québec Inc. pour l'abattage du bois; (admis)

 

j)          le payeur versait à l'appelant sa rémunération; (admis)

 

k)         1863-2265 Québec Inc. devait posséder une assurance‑responsabilité à l'égard de l'abatteuse; (admis)

 

l)          1863-2265 Québec Inc. était responsable des frais liés à l'entretien, réparation et utilisation de l'abatteuse; (admis)

 

m)        les frais de transport de l'abatteuse jusqu'au lieu de coupe étaient divisés entre le payeur et 1863-2265 Québec Inc.; (admis)

 

n)         le payeur avait un contremaître sur les lieux de coupe dont les tâches étaient de délimiter le territoire de coupe, de veiller au respect des normes gouvernementales et à la qualité du travail; (admis, sauf à parfaire)

 

o)         le payeur payait à 1863-2265 Québec Inc. 18,00 $ du mètre cube de bois coupé; (nié)

 

p)         le payeur déduisait du montant versé à 1863-2265 Québec Inc. tous les biens et services acquis auprès de la coopérative tels qu'essence, gîte, téléphone, etc.; (admis)

 

q)         de plus, le payeur déduisait de la somme due à 1863-2265 Québec Inc. le montant du salaire de l'appelant augmenté d'une charge de 27,5 % pour les avantages sociaux, tels que CSST, les primes (employé et employeur) de l'assurance-emploi, les primes versées à la Régie des rentes du Québec, etc.; (admis)

 

r)          1863-2265 Québec Inc. assumait entièrement le salaire de l'appelant; (nié)

 

s)         au cours de la période en litige, l'appelant opérait l'abatteuse de 1863‑2265 Québec Inc.; (nié)

 

t)          aucun volume de production n'était imposé à l'appelant. (admis)

 

[5]     La compagnie 1863-2265 Québec Inc. a été constituée le 15 novembre 1982 et l'appelant en est l'unique actionnaire. Le siège social de cette compagnie est situé à la résidence de l'appelant.

 

[6]     Au cours de la période en litige, le payeur avait une entente contractuelle avec 1863-2265 Québec Inc. pour l'abattage de bois. Un contrat d'embauche (pièce A-1) conclu entre le payeur et l'appelant le 10 mai 1999 stipule, entre autres, que l'appelant est engagé comme mécanicien à un taux horaire de 16,36 $. Les conditions d'embauche énoncées à ce contrat sont les suivantes :

 

L'employé s'oblige par la présente à travailler fidèlement au service de la Coopérative forestière Manicouagan-Outardes et s'engage à se conformer à tous les règlements forestiers de la province et de la coopérative.

 

A) DE LA PROVINCE : Particulièrement les lois relatives à l'environnement et à la sécurité au travail.

 

B) DE LA COOPÉRATIVE : Toute la réglementation présentée dans votre convention de travail et ou toute celle formulée par le représentant de la Coopérative.

 

C) J'autorise, par la présente, le médecin désigné de LA COOPÉRATIVE à obtenir une copie complète de mes dossiers médicaux s'il le juge pertinent.

 

IMPORTANT :  Tous les travailleurs se doivent de confirmer verbalement ou par écrit, au représentant de la coopérative, ses heures travaillées. À compter de la fin de la journée de travail, un délai de 24 heures sera accepté pour permettre au travailleur de répondre à cette exigence.

 

                                L'employé sera considéré à l'emploi de la coopérative uniquement sur les lieux d'opération de son travail habituel. Il n'est pas considéré au travail lorsqu'il se rend au travail et lorsqu'il en revient.

 

[7]     Le payeur et l'appelant ont signé, au début des travaux, un document intitulé «Information requise pour embauche d'un nouvel équipement groupe 04» (pièce A-2). L'équipement dont il est fait mention dans ce document est une abatteuse à scie d'une valeur d'environ 500 000 $. Le payeur a fixé le prix de location selon un taux forfaitaire.

 

[8]     La compagnie de l'appelant possédait une assurance-responsabilité à l'égard de l'abatteuse. Cette compagnie était responsable des frais reliés à l'entretien, à la réparation et l'utilisation de l'abatteuse. Les frais de transport de l'abatteuse au lieu de coupe étaient divisés entre le payeur et la compagnie de l'appelant. Le payeur déduisait du montant versé à la compagnie 1863-2265 Québec Inc. tous les biens et services acquis auprès de la coopérative, tels qu'essence, gîte, téléphone, etc. De plus, le payeur déduisait de la somme due à 1863-2265 Québec Inc. le montant du salaire de l'appelant augmenté d'une charge de 27,5 pour cent pour les avantages sociaux tels que CSST, les primes (employé et employeur) de l'assurance-emploi, les primes versées à la Régie des rentes du Québec, etc.

 

[9]     Selon l'appelant, il s'agissait, durant la période en litige, de la première fois qu'il travaillait pour le payeur. Lors de son embauche, l'appelant a reçu un document intitulé «Coopérative forestière Manicouagan-Outardes - Guide du membre (pièce A-3), énonçant les conditions de travail. Selon ce guide, «tout travailleur reconnaît que son adhésion comme membre de la Coopérative est une condition essentielle à son embauche» et la politique des heures payées est la suivante (pages 12 et 13 du guide) :

 

Principe de base

 

Le principe du temps fait, temps payé, doit s'appliquer. Il s'agit de rechercher l'équité entre tous les membres de la Coopérative.

 

Cédules de travail

 

Les cédules de travail sont établies par la direction de la Coopérative, après discussion avec les travailleurs/opérateurs et les propriétaires d'équipement.

 

Rémunération et couverture

 

La Coopérative doit payer et couvrir (C.S.S.T.) les travailleurs que lorsqu'ils sont à l'intérieur de leur cédule établie sur les lieux de travail (secteur de coupe, construction et entretien de chemin et jetée, chargement et transport, bureau, camps, cuisine, etc.) ou en travail commandé sous la direction d'un responsable de la Coopérative. Les travailleurs sont alors des salariés de la Coopérative.

 

1.         Lorsque le travailleur/opérateur effectue du travail de production il est sous la responsabilité de la Coopérative et doit être rémunéré selon les taux prévus par la Coopérative à cette fin.

 

2.         Lorsque le travailleur/opérateur effectue des travaux d'entretien et de réparation sur les cédules de travail établies, la politique du travail compensatoire s'applique ...

 

3.         Lorsque le travailleur/opérateur effectue des travaux de production en dehors des cédules de travail établies, le travailleur doit au préalable en obtenir l'autorisation de la Coopérative et il est alors payé et sous la responsabilité de la Coopérative, seulement lorsque la Coopérative en a été avisée.

 

4.         Lorsque le travailleur/opérateur effectue des travaux d'entretien et de réparation pour le propriétaire, en dehors des cédules de travail établies, il est alors payé et sous la responsabilité du propriétaire d'équipement qui doit en informer la Coopérative lorsque ces travaux sont effectués dans les secteurs d'opération.

 

Le propriétaire est payé et couvert par la Coopérative selon les mêmes principes qui régissent les travailleurs/opérateurs. Il est payé et couvert par la Coopérative lorsqu'il est sur les lieux de travail et durant la cédule de travail établie.

 

Travail compensatoire

 

Lors d'un bris mécanique ou de tout autre arrêt de production de moins de 2 heures, le travailleur/opérateur peut recevoir son temps payé à condition qu'il ne refuse pas du travail compensatoire qu'il peut effectuer.

 

Lorsque le bris mécanique ou l'arrêt de production dure plus de 2 heures, le travailleur/opérateur peut recevoir son temps payé mais, à condition que la Coopérative ait du travail qu'il peut effectuer à lui offrir.

 

Temps de marche

 

Le temps de marche et de déplacement entre le camp et le lieu normal de travail n'est pas considéré comme temps de travail.

 

Ce temps de marche et de déplacement peut être couvert seulement si ce transport du camp au lieu de travail est sous la surveillance d'un responsable de la Coopérative.

 

Autorisation des heures payées

 

Le temps payé par la Coopérative doit être autorisé par le supérieur immédiat de l'employé.

 

Lorsque son temps n'est pas autorisé par le supérieur immédiat, un propriétaire, un propriétaire/opérateur est réputé être à l'emploi du propriétaire lorsqu'il effectue des travaux nécessaires au bon fonctionnement de l'équipement de celui-ci et le propriétaire doit fournir à la Coopérative son numéro de C.S.S.T. pour démontrer qu'il est bien couvert.

 

[10]    L'appelant a expliqué qu'il devait remettre au contremaître une cédule que lui fournissait ce dernier établissant ses heures de travail. Selon l'appelant, il rencontrait le contremaître deux fois par jour. Le contremaître n'a pas témoigné à l'audition de cet appel pour corroborer les affirmations de l'appelant.

 

[11]    L'appelant travaillait comme mécanicien alors que Jean-Marc Pouliot et Daniel Bouchard étaient les opérateurs de l'équipement - un travaillant le jour et l'autre la nuit. L'appelant considérait ces deux opérateurs comme «ses hommes». Le nom de ces opérateurs et celui de l'appelant apparaissent au registre de paie déposé sous la cote A-4.

 

[12]    L'appelant a expliqué que les opérateurs l'aidaient dans ses tâches de mécanicien lorsqu'il y avait un bris de l'équipement lourd et qu'ils étaient payés pendant ce temps. Lorsqu'il y avait un bris majeur le travailleur/opérateur pouvait se voir offrir un travail compensatoire à condition que le payeur en ait à lui offrir (voir page 13 du guide du membre, pièce A-3); donc le travailleur/opérateur n'était pas payé si le payeur n'avait pas d'autre travail à lui offrir.

 

[13]    L'appelant a produit en preuve le registre de paie sous la cote A-4 sur lequel apparaissent, entre autres, les noms de l'appelant et des deux opérateurs Daniel Bouchard et Jean-Marc Pouliot, les heures travaillées, les gains, avantages sociaux, montants de la TPS et de la TVQ à déduire, etc. Ce registre indique également sous la rubrique «sommaire des gains» le volume de la coupe de bois, le taux horaire, etc. ainsi que les détails des achats, soit le carburant, le téléphone, etc.

 

[14]    Selon le sommaire des gains, du montant de 10 821,24 $ était déduit la somme de 6 058,25 $ représentant le salaire de l'appelant et celui des deux opérateurs, ce qui laisse un revenu de 4 762,99 $.

 

[15]    Le salaire-homme et le salaire-machine étaient payés à toutes les deux semaines par transfert bancaire.

 

[16]    En contre-interrogatoire, l'appelant a expliqué que l'équipement lourd consistait en une «abatteuse à tête à scie» d'une valeur de 450 000 $ à 500 000 $. Les deux opérateurs de cet équipement étaient des hommes de la compagnie de l'appelant : Jean-Marc Pouliot était un employé régulier de l'appelant et Daniel Bouchard a été assigné par le payeur à travailler sur l'abatteuse.

 

[17]    Les états financiers de 1863-2265 Québec Inc. (pièce I-1) démontrent, entre autres, les dépenses suivantes pour l'année 1999 sous la rubrique «Frais d'exploitation» : Salaires et charges sociales, 117 231 $; Entretien de la machinerie, 54 461 $; Carburant et huile, 37 508 $; Assurances, 15 273 $; Voyages et repas, 1 345 $.

 

[18]    L'appelant a expliqué que le total des salaires et des charges sociales ci‑haut représentait son salaire et charges sociales ainsi que ceux des deux opérateurs. Il a également expliqué que les charges sociales sont les montants versés à la C.S.S.T., les primes d'assurance-emploi et les primes versées à la Régie des rentes du Québec. Les frais de transport de l'équipement étaient aux frais de la compagnie de l'appelant et du payeur : les frais de transport au lieu de travail étaient assumés par la compagnie de l'appelant et ceux du retour au lieu de résidence par le payeur.

 

[19]    L'appelant reconnaît avoir répondu «non» à la question numéro 28 de sa demande de prestations de chômage, soit «Êtes-vous un travailleur autonome ou exploitez-vous une entreprise (autre que l'agriculture)?» Son explication à sa réponse est qu'il n'était pas un travailleur autonome et n'exploitait pas une entreprise.

 

[20]    L'appelant a été le seul témoin à être entendu au soutien de son appel.

 

[21]    Marie-Laure Bouchard, directrice administrative du payeur et témoin du Ministre, a affirmé qu'elle était responsable des finances du payeur. Elle a expliqué qu'habituellement le propriétaire de la machinerie lourde amenait ses opérateurs pour travailler à la coupe de bois. Daniel Bouchard et Jean‑Marc Pouliot dont les noms apparaissent au registre des salaires (pièce A-4) sont les opérateurs de la machinerie lourde propriété de l'appelant.

 

[22]    Selon ce témoin, l'appelant était le mécanicien qui avait la charge de voir à l'entretien de la machinerie et supervisait le travail des opérateurs. Elle a ajouté que c'était la compagnie 1863-2265 Québec Inc., dont l'appelant était l'unique propriétaire, qui payait pour les frais d'entretien de la machinerie.

 

[23]    Madame Bouchard a expliqué que les frais de la TPS et de la TVQ apparaissant au registre des salaires (pièce A-4) étaient facturés à la compagnie de l'appelant mais que le payeur lui rendait service en faisant tous les calculs. En ce qui a trait au registre des salaires, ce témoin a donné les explications suivantes quant à la colonne des gains :

 

[...] vous avez une colonne de «volume mesuré», «volume avancé». Le volume mesuré, c'est lorsqu'il était passé à la balance; le volume avancé, c'était le bois qui était coupé en forêt, notre mesureur passait et puis il dénombrait les tiges puis il donnait un certain volume à avancer. [...]

 

[24]    Ce témoin a affirmé que l'appelant, par sa compagnie, avait deux pièces d'équipement lourd impliquées dans ce contrat, soit une abatteuse avec tête à scie et une «target»; cette dernière pièce d'équipement ayant pour fonction d'ébrancher et de tronçonner les arbres coupés. Elle a ajouté que ce sont les propriétaires de la machinerie lourde qui choisissent leurs opérateurs et qu'ils en discutent avec la direction générale du payeur. Elle a également ajouté que le propriétaire de la machinerie est responsable de son bon fonctionnement, des frais d'utilisation et de la réparation de celle-ci.

 

[25]    Selon ce témoin, la responsabilité du contremaître est de délimiter le territoire à couper, d'assurer la sécurité, de faire de la prévention, de respecter l'environnement, de faire appliquer les normes de qualité et de s'assurer que toutes les règles et règlements du ministère des Ressources naturelles sont respectées. Elle a déclaré, de plus, que le propriétaire de la machinerie lourde, conjointement avec le superviseur, est celui qui approuve le temps supplémentaire des employés.

 

[26]    Madame Bouchard reconnaît que le document intitulé «contrat de louage de services concernant : l'abattage mécanisé multifonctionnelle de bois court» (pièce I‑3) est un contrat type. La clause 1.4 de ce contrat type se lit comme suit :

 

«LA COOPÉRATIVE» fera la gestion des salaires de ses employés (es) et «L'EXÉCUTANT» assumera les salaires versés dans le contrat. Ils seront majorés d'un montant équivalent à 27.5 % afin de compenser pour les avantages sociaux tels que le Régime de rentes du Québec, la commission de la santé et de sécurité au travail du Québec, l'assurance-chômage, l'assurance‑maladie, les vacances, les congés et autres s'il y a lieu. Ce taux chargé aux artisans pourra être réajusté par la Coopérative advenant le cas où une modification était apportée à l'un ou l'autre de ces taux d'avantages sociaux.

 

[27]    Elle a déclaré que l'exécutant est le propriétaire de la machine. Dans la cause sous étude, la compagnie 1863-2265 Québec Inc., dont l'appelant est l'unique propriétaire, est l'exécutant. Elle a ajouté qu'advenant la vente de la machinerie de la compagnie appartenant à l'appelant, les opérateurs, étant membres de la coopérative, se retrouveraient sur la liste de rappel.

 

[28]    En contre-interrogatoire, madame Bouchard a déclaré que le contrat de louage de services (pièce I-3) n'existait pas lors de l'embauche de l'appelant mais qu'il y avait eu une entente verbale avec l'appelant et sa compagnie et que les conditions énoncées audit contrat étaient les mêmes lors de l'entente verbale.

 

[29]    Ce témoin a expliqué que les tâches du contremaître, en plus de celles énumérées ci-haut, consistaient également à veiller à ce que les opérateurs exécutent bien leur travail, à savoir que le bois soit coupé à la longueur désirée. Elle a ajouté qu'elle ne savait pas à quelle fréquence le contremaître visitait les lieux de travail.

 

[30]    Finalement, madame Bouchard s'est dite d'accord avec l'interprétation suivante de la procureure de l'intimé quant au travail compensatoire :

 

Lors d'un bris mécanique ou de tout autre arrêt de production - donc, la machine ne marche plus - le travailleur ou l'opérateur peut recevoir son temps payé - autrement dit, il continue à recevoir son salaire - â condition qu'il ne refuse pas du travail compensatoire, donc qu'il ne refuse pas d'effectuer d'autre temps pour lequel il a été avancé des sommes.

 

[31]    Dans l'arrêt M.R.N. et Emily Standing (A-857-90), le juge Stone de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé, entre autres, comme suit :

 

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

 

[32]    Dans l'arrêt Duplin c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2001] A.C.I. no 136, le juge Tardif de cette Cour s'est exprimé ainsi au paragraphe 30 de sa décision :

 

En d'autres termes, la volonté des parties à une entente de travail n'est aucunement déterminante pour la qualification d'un contrat de travail en contrat de louage de services. Il s'agit essentiellement d'un élément parmi beaucoup d'autres.

 

[33]    Dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. No. 61, la Cour Suprême du Canada a retenu que le degré de contrôle exercé sur le travailleur est un élément essentiel à considérer afin de décider si ce dernier est un employé ou un entrepreneur indépendant.

 

[34]    La Cour suprême du Canada a énoncé le principe suivant à la page 2 de ce jugement :

 

Aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou en entrepreneur indépendant. Il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur.

 

[35]    Dans la cause sous étude, seulement deux témoins ont été entendus, soit l'appelant et la directrice administrative du payeur.

 

[36]    Il a été fait état du degré de contrôle du payeur sur le travail de l'appelant et de ses opérateurs. L'appelant a expliqué que le contremaître du payeur établissait les heures de travail, désignait les lieux de travail et les visitait deux fois par jour pour vérifier si les directives données étaient respectées.

 

[37]    La Cour doit se limiter à la preuve présentée. Le degré de contrôle est un élément essentiel. Le contremaître, soit celui qui se devait d'exercer ce contrôle, n'a pas témoigné à l'audition de cet appel. L'appelant a témoigné qu'il supervisait le travail de ses opérateurs quand il n'était pas occupé par ses tâches de mécanicien. Il a ajouté que pendant ses périodes libres, il circulait avec son camion, propriété de sa compagnie, pour vérifier le travail de ses opérateurs.

 

[38]    Dans l'arrêt Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.f. no 1337, la Cour d'appel fédérale s'est exprimé en ces termes :

 

Quand on regarde le portrait d'ensemble, il est bien évident qu'il s'agit à prime abord d'un contrat d'entreprise. La propriété de la débusqueuse, le choix du coéquipier, le paiement en fonction d'un volume non défini, l'autonomie de l'équipe sont des éléments déterminants qui, dans le contexte, ne peuvent être associés qu'à un contrat d'entreprise.

 

La surveillance des travaux aux deux jours et le mesurage du volume aux quinze jours ne créent pas en l'espèce de lien de subordination et sont tout à fait compatibles avec les exigences d'un contrat d'entreprise. Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

 

          Il en va de même des normes imposées en matière d'heures et de jours de travail, de jours fériés, de mode d'opération et de sécurité. Les normes sont communes à tous les travailleurs en forêt publique dont les activités sont «encadrées» par le ministère des Ressources naturelles. Elles s'appliquent peu importe que le travailleur soit un simple employé ou un entrepreneur.

 

[39]    Il est normal que le contremaître vérifie la qualité du travail des opérateurs de machinerie. Le payeur était plutôt intéressé au résultat; d'ailleurs l'appelant a déclaré, lors de son témoignage, qu'aucun quota n'était fixé par le payeur.

 

[40]    Selon le registre des salaires (pièce A-4), l'appelant assumait toutes les dépenses reliées aux opérations de la machinerie lourde, payait le salaire aux opérateurs - ainsi que le sien - ainsi que les avantages sociaux mentionnés plus haut. Le payeur rendait service à l'appelant et/ou à sa compagnie en faisant certains calculs et, pour ce service, le payeur chargeait la TPS et la TVQ à l'appelant.

 

[41]    Les états financiers de la compagnie de l'appelant pour l'année 1999 (pièce I-1) corroborent les données inscrites au registre des salaires. Tous les frais d'exploitation de 1863-2265 Québec Inc., dont l'appelant est le seul actionnaire, les salaires, les charges sociales, etc., sont indiqués dans lesdits états financiers.

 

[42]    L'appelant a affirmé à la Cour qu'il n'avait pas d'autre contrat en 1999 que celui avec le payeur; donc l'appelant, par l'entremise de sa compagnie, a rendu des services au payeur en vertu d'un contrat d'entreprise.

 

[43]    Le choix du coéquipier, la surveillance des travailleurs, le paiement en fonction d'un volume non défini et l'autonomie de l'équipe sont tous des éléments déterminants qui, dans le contexte, ne peuvent être associés qu'à un contrat d'entreprise.

 

[44]    L'appelant a déclaré à la Cour que Jean-Marc Pouliot a été l'opérateur régulier de sa machinerie lourde pendant plusieurs années; il a donc amené ce dernier pour effectuer les travaux chez le payeur. L'autre opérateur, Daniel Bouchard, était un travailleur suggéré par le payeur et l'appelant, avant de consentir à son embauche, s'est assuré de sa compétence; ce travailleur était donc sous la surveillance de l'appelant.

 

[45]    Madame Bouchard a témoigné que l'appelant possédait deux pièces d'équipement lourd, soit une abatteuse et une «target» (débrancheuse). L'appelant, pour sa part, a déclaré qu'il, sa compagnie, possédait également un camion de service alors que le contrat de louage d'équipement (pièce A-2) ne mentionne qu'une abatteuse à scie. Madame Bouchard a également affirmé que le propriétaire de la machinerie lourde assumait les coûts pour le temps supplémentaire des opérateurs.

 

[46]    Afin de distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise, la Cour se doit d'examiner les critères énumérés dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, soit le degré de contrôle, la propriété des outils, les chances de profit et risques de perte et l'intégration de l'employé dans l'entreprise de l'employeur.

 

[47]    Quant au degré de contrôle, le fait que le contremaître délimitait le territoire à couper, s'assurait que les normes de qualité en vertu des lois et règlements du ministère des Ressources naturelles étaient respectées, etc. n'est pas un contrôle suffisant pour conclure que l'appelant était un employé du payeur; d'ailleurs l'appelant a déclaré, lors de son témoignage, qu'il surveillait les coéquipiers.

 

[48]    Les outils étaient la propriété de 1863-2265 Québec Inc., propriété de l'appelant.

 

[49]    Les chances de profit et risques de perte sont assumés par la compagnie de l'appelant, tel qu'il appert aux états financiers déposés sous la cote I-1.

 

[50]    La compagnie 1863-2265 Québec Inc. était l'entreprise de l'appelant et ce dernier était intégré dans ses opérations.

 

[51]    Dans la cause Michel Simard et M.R.N., [2002] A.C.I. no 468, le juge suppléant Savoie de cette Cour s'est exprimé ainsi :

 

L'entreprise 2425-9483 Québec Inc. était l'entreprise du travailleur. Ainsi le travailleur et son entreprise 2425-9483 Québec Inc. se sont intégrés à l'appelante au début du projet dans le but d'exécuter le travail convenu. Il faut reconnaître, cependant, qu'on ne détermine pas le sens et la portée d'un contrat par le titre qu'on lui a donné, mais plutôt par les relations et la conduite des parties. C'est ça qui détermine la nature réelle du contrat qui en résulte.

 

[52]    Les faits relatés dans cette cause sont analogues à ceux dans la cause sous étude. Le juge Savoie a conclu que l'appelant n'occupait pas un emploi assurable puisque cet emploi ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services; il n'y avait donc pas de relation employeur-employé. Au paragraphe de son jugement, le juge Savoie s'est exprimé en ces termes :

 

En outre, le véritable employeur de l'appelant était 2425-9483 Québec Inc. mais cet emploi n'est pas assurable parce que l'appelant contrôlait plus de 40 % des actions votantes de cette société.

 

[53]    Compte tenu des circonstances et de la preuve présentée, la Cour conclut que l'appelant était au service de 1863-2265 Québec Inc. et non pas au service de la Coopérative forestière Manicouagan-Outardes. De plus, l'appelant n'occupait pas un emploi assurable, durant la période en litige, puisqu'il contrôlait plus de 40 pour cent des actions donnant droit de vote de 1863-2265 Québec Inc.

 

[54]    En conséquence, l'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

 

« J.F. Somers »

Juge suppléant Somers


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI585

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-4481(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Donald Plourde et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Jonquière (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 20 juin 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable J.F. Somers,

juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

le 11 septembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

Lyne Poirier (représentante)

 

Pour l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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