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Dossier : 2002-3648(EI)

ENTRE :

MARTIAL TREMBLAY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 20 août 2003 à Chicoutimi (Québec)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimé :

Me Julie David

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 9e jour de décembre 2003.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

Référence : 2003CCI860

Date : 20031209

Dossier : 2002-3648(EI)

ENTRE :

MARTIAL TREMBLAY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Cet appel a été entendu à Chicoutimi (Québec), le 20 août 2003.

 

[2]     Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelant, Martial Tremblay, lorsqu'au service de Réserve des Cervidés du Saguenay Inc., le payeur, durant la période en litige, soit du 13 octobre 1997 au 2 janvier 1998.

 

[3]     Le 28 juin 2002, le ministre du Revenu national (le « Ministre »), a informé l'appelant de sa décision selon laquelle cet emploi n'était pas assurable car il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services; il n'y avait pas de relation employeur-employé entre le payeur et l'appelant.

 

[4]     En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises, niées ou ignorées par l'appelant :

 

a)         Le payeur, constitué en société le 13 octobre 1990, exploitait une entreprise d'élevage et de vente de cerfs pour la consommation. (admis)

 

b)         Initialement, les actions du payeur étaient réparties également entre l'appelant, Ghislain Tremblay (frère de l'appelant), Bertrand Tremblay (frère de l'appelant) et Réal Simard. (admis)

 

c)         À une date indéterminée en 1997 ou 1998, M. Réal Simard s'est retiré de l'entreprise et, depuis, les actions du payeur sont réparties également entre l'appelant et ses deux frères, Ghislain et Bertrand. (admis)

 

d)         Le payeur exploitait son entreprise à l'année longue avec une période plus active durant les saisons d'automne et d'hiver. (admis)

 

e)         Avant le déluge de 1996, le payeur possédait 750 têtes de cerfs; en 1999, le payeur ne possédait plus que 70 bêtes. (admis)

 

f)          L'appelant rendait des services au payeur depuis le début des opérations. (admis)

 

g)         Durant la période en litige, l'appelant aurait travaillé à la reconstruction des ponts, chemins et clôtures, il aurait négocié avec le Ministère de l'environnement et aurait fait l'entretien régulier du cheptel et de la ferme. (admis)

 

h)         Avant et après la prétendue période en litige, l'appelant a rendu de nombreux services au payeur sans aucune rémunération. (nié)

 

i)          L'appelant a prétendu qu'il gagnait 700 $ par semaine durant les 12 semaines de la période en litige alors que son frère, Ghislain croyait qu'il gagnait 400 $ par semaine durant cette même période. (nié)

 

j)          L'appelant a prétendu qu'il gagnait 700 $ par semaine durant la période en litige alors que le payeur n'avait pas d'argent pour rémunérer son travail avant et après ladite période. (nié)

 

k)         L'appelant prétend qu'il était rémunéré par chèque alors que lui ou le payeur n'ont pu soumettre aucune preuve de la prétendue rémunération versée. (admis)

 

l)          Le payeur ne possédait aucun livre de salaires, de chèques ou de relevés de banque pour justifier le prétendu salaire versé à l'appelant. (admis)

 

m)        Dans ses déclarations d'impôt de 1997 et 1998, l'appelant ne déclare aucun revenu en provenance du payeur. (admis)

 

n)         Le 20 janvier 1998, l'appelant a reçu un relevé d'emploi du payeur indiquant qu'il avait travaillé pendant 480 heures et accumulé une rémunération assurable totalisant 8 400 $ durant la période du 13 octobre 1997 au 2 janvier 1998, soit pendant 12 semaines. (admis)

 

o)         L'appelant avait besoin de 12 semaines de travail assurable pour lui permettre de se qualifier pour recevoir des prestations d'assurance-emploi. (ignoré)

 

p)         Il y a eu arrangement entre les parties dans le seul but de permettre à l'appelant de se qualifier pour recevoir des prestations d'assurance-emploi. (ignoré)

 

[5]     Selon la preuve, l'appelant a travaillé 12 semaines consécutives pour le payeur, soit le nombre exact requis afin de se qualifier à des prestations d'assurance-emploi. Par ailleurs, l'appelant a admis aux enquêteurs avoir rendu des services au payeur avant et après la période en litige, et ce, sans rémunération. Au départ, il a indiqué que le payeur, voulant rentabiliser son entreprise, ne pouvait justifier lui payer un salaire. Maintenant, il soutient qu'il a reçu un salaire pendant la période sous appel, mais rien dans la documentation ne supporte cette prétention.

 

[6]     Dans leurs déclarations aux enquêteurs, l'appelant et son frère Ghislain Tremblay se sont contredits quant à la rémunération versée à l'appelant par le payeur tel que le Ministre le prétend au sous-paragraphe 5 i) de sa réponse à l'avis d'appel.

 

[7]     À deux reprises les enquêteurs ont demandé au payeur de produire une preuve quelconque de la rémunération versée à l'appelant et il a été incapable de le faire. Lors de son témoignage à l'audience, l'appelant a admis ne pas avoir acquiescé à la demande des enquêteurs tout en précisant qu'il se rappelait avoir trouvé des copies de dépôts de chèques. À sa demande, cette Cour lui a accordé un délai d'un mois pour produire ces pièces et, à cette date, celles-ci n'ont pas été produites.

 

[8]     L'appelant a témoigné à l'audition de cette cause, mais son témoignage était hésitant, ambigu et manquait de conviction. Il a contredit les déclarations qu'il avait faites aux enquêteurs. Le témoignage de Ghislain Tremblay aurait pu, peut-être, fournir certaines réponses mais celui-ci n'a pas comparu à l'audition même s'il avait été cité à comparaître par le Ministre. Ghislain Tremblay et l'appelant ont tous deux admis aux enquêteurs que l'appelant avait travaillé pour le payeur sans rémunération.

 

[9]     Les états financiers du payeur, produits en preuve sous les cotes I-1 et I-2, couvrant toute la période en litige ne rapportent, dans les frais d'exploitation, aucun salaire payé à l'appelant.

 

[10]    L'analyse de la preuve recueillie, autant orale que documentaire, ne supporte pas la conclusion qu'il existait entre l'appelant et le payeur un contrat de louage de services. Les critères établis dans la jurisprudence, tels le contrôle, la propriété des outils, les chances de bénéfice et les risques de perte, appliqués aux faits en l'espèce, nous mènent à la conclusion inévitable qu'il n'existait pas un véritable contrat de louage de services, pas plus qu'une relation employeur‑employé entre le payeur et l'appelant.

 

[11]    Ainsi, il a été établi que le contrôle de l'appelant était inexistant. Par ailleurs, l'appelant fournissait sa voiture et des terres pour les opérations du payeur. Sans cet apport de l'appelant, le payeur n'aurait pu exploiter son entreprise.

 

[12]    Le juge Tardif de cette Cour dans l'arrêt Duplin c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2001] A.C.I. no 136 décrivait les composantes essentielles au contrat de louage de services de la façon suivante :

 

...Un véritable contrat de louage de services existe lorsqu'une personne fourni une prestation de travail défini dans le temps et généralement décrite à un livre de salaires, en retour de quoi, il reçoit une juste et raisonnable rémunération par le payeur qui en tout temps doit avoir un pouvoir de contrôle sur les faits et gestes de la personne qu'il rémunère. La rémunération doit correspondre à la prestation de travail exécuté pour une période de temps défini.

 

            [...]

 

            Les composantes fondamentales d'un contrat de louage de services sont d'ordre essentiellement économique. Les registres établis, tels livres de salaires, modalités de paye, etc. doivent être réels et correspondre également à la réalité. À titre d'exemple, le livre de salaires doit consigner les heures travaillées correspondant à la paye émise. Un livre des salaires qui consigne des heures non travaillées ou ne consigne pas des heures travaillées pour la période indiquée est une indication sérieuse qu'il y a eu falsification...

 

[13]    Dans une cause similaire à celle sous étude, dans l'arrêt Acériculture Rémi Lachance et Fils Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 1771, le juge Tardif reprenait des propos semblables dans les termes suivants :

 

L'assurance-chômage n'est pas un programme de soutien à la P.M.E.; il s'agit essentiellement d'une mesure sociale pour aider les personnes ayant perdu leur emploi; cette aide est assujettie au respect de conditions spécifiques. Il doit s'agit d'un véritable emploi commandé par la réalité économique de l'entreprise qui l'a créé. En d'autres termes, les périodes d'emploi doivent être déterminées essentiellement par les besoins de l'entreprise.

 

            [...]

 

            Il ne suffit pas de prétendre que cela n'était pas un travail ou de minimiser l'importance de ce travail exécuté en dehors des périodes en litige pour exclure ces faits de l'analyse.

 

            [...]

 

            En l'espèce, la preuve a clairement démontré qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de louage de services au sens de la Loi; il s'agissait plutôt d'une prestation de travail exécutée dans le cadre d'une entreprise commune et conjointe. Le contenu des deux déclarations statutaires est éloquent quant à l'absence de contrôle sur le travail de l'appelante. D'autre part, je ne retiens pas les explications de l'appelante et de son conjoint quant à l'existence du lien de subordination; je crois qu'ils ont déformé la réalité.

 

            L'assurance-chômage est une mesure sociale mise en place pour venir en aide à ceux et celles qui perdent réellement leur emploi de façon temporaire ou définitive; il doit s'agit d'un véritable emploi et d'une véritable mise à pied, l'assurance‑chômage n'étant pas un programme de soutien financier pour aider les petites et moyennes entreprises à se développer.

 

[14]    L'appelant avait le fardeau de prouver la fausseté des présomptions du Ministre et il ne l'a pas fait.

 

[15]    La prépondérance de la preuve a établi que l'appelant n'occupait pas un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi pendant la période en litige puisque, pendant cette période, l'appelant et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi. Cette Cour doit conclure qu'il y a eu arrangement entre les parties dans l'unique but de permettre à l'appelant de se qualifier aux prestations d'assurance-emploi.

 

[16]    En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 9e jour de décembre 2003.

 

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI860

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3648(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Martial Tremblay et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

le 20 août 2003

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Chicoutimi (Québec)

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 décembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Pour l'intimé :

Me Julie David

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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