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Dossier : 2006-2464(EI)

ENTRE :

SHAHLA HATAMI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Shahla Hatami, 2007‑255(EI), le 22 juin 2007, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

MChrista Akey

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national au sujet de l'appel interjeté devant lui en vertu de l'article 91 de la Loi est ratifiée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Dossier : 2007-255(EI)

ENTRE :

SHAHLA HATAMI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Shahla Hatami, 2006‑2464(EI), le 22 juin 2007, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

MChrista Akey

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national au sujet de l'appel interjeté devant lui en vertu de l'article 91 de la Loi est ratifiée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2007CCI428

Date : 20070723

Dossier : 2006-2464(EI)

2007-255(EI)

ENTRE :

SHAHLA HATAMI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Les présents appels, interjetés en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), concernent les dispositions des paragraphes 5(2) et 5(3). La question en litige est de savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu à juste titre que Mme Hatami et son employeur n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Je conclus qu’il était raisonnable pour le ministre d’avoir tiré cette conclusion.

 

Faits

 

[2]     L’époux de Mme Hatami, Iraj Safiyan, a lancé une entreprise d’impression et de reproduction au début de l’année 2002 sous la dénomination 4U Publishing and Printing and Photo Finishing Ltd. (l’entreprise « 4U »). Au début de l’année 2005, il a changé l’emplacement et la dénomination de l’entreprise, laquelle est devenue Vancouver Printplus Inc. (l’entreprise « Printplus »). Les périodes d’emploi en litige sont les périodes couvrant les mois de novembre à décembre 2002, de janvier à mars 2005, lesquelles périodes sont relatives à l’entreprise 4U, et d’avril à mai 2005, laquelle période est relative à l’entreprise Printplus.

 

[3]     Mme Hatami a témoigné qu’elle avait aidé son époux à exploiter son entreprise, étant donné qu’il n’avait pas les moyens d’engager d’autres employés. Elle semble toutefois n’avoir été inscrite dans le livre de paye de 4U qu’en novembre 2002. Avant cela, elle a peut‑être aidé son époux, mais pas de façon régulière et sans être rémunérée. Elle a mentionné qu’elle devait recevoir 1 500 $ par mois pour les mois de novembre et de décembre 2002, étant donné que c’était ce qu’elle recevait auparavant quand elle travaillait dans une garderie. Elle a dit ne pas se souvenir si elle avait réellement reçu 1 500 $ par mois pour les mois de novembre et de décembre 2002. Elle a admis que, contrairement aux autres employés, elle était prête à attendre pour se faire payer. Elle a soutenu qu’elle avait travaillé régulièrement de 9 h à 17 h pendant ces deux mois et qu’elle avait en fait travaillé plus fort que quiconque. Toutefois, en novembre 2002, seulement elle et son époux travaillaient pour l’entreprise. C’est son époux qui lui a donné sa formation. Mme Hatami était enceinte à ce moment‑là et elle a donné naissance à son premier enfant en août 2003. En raison de sa grossesse, elle a arrêté de travailler le 20 décembre 2002.

 

[4]     Parmi les éléments de preuve, des chèques de 200 $ et de 500 $, respectivement, datant de l’été 2002 et payables à Mme Hatami semblent indiquer que l’appelante a reçu une certaine rémunération à un moment où elle n’était pas réellement employée dans l’entreprise. Elle a indiqué que ces chèques avaient probablement été faits à son ordre pour lui permettre d’avoir un fonds de caisse pour l’entreprise.

 

[5]     Mme Hatami n’a pas indiqué clairement si 4U avait engagé quelqu’un pour la remplacer en janvier 2003. Elle croyait toutefois que son époux avait essayé d’engager quelqu’un. L’entreprise avait parfois recours à ce qu’elle appelait des « stagiaires », lesquels n’étaient pas rémunérés.

 

[6]     Mme Hatami est retournée travailler en janvier 2005, alors qu’elle était enceinte de son deuxième enfant. Elle a travaillé dans les locaux de 4U pendant la période allant de janvier à mars 2005 alors que son époux était en train d’établir la nouvelle entreprise, Printplus, à un nouvel emplacement. Elle devait informer les clients du nouvel emplacement, même si elle offrait quand même des services de photocopie à l’ancien emplacement. Elle a fourni des feuilles de temps pour la période sur lesquelles il était indiqué qu’elle avait travaillé de 9 h à 17 h tous les jours ouvrables pour la période de trois mois allant de janvier à mars 2005. Elle a dit qu’elle avait signé ces feuilles lorsqu’elle avait su qu’elle devait le faire selon le Règlement sur l’assurance‑emploi. Elle a rempli et signé les formulaires dans lesquels elle admettait que les feuilles de temps n’avaient pas été remplies au même moment où le travail avait été effectué. Elle n’avait pas rempli les feuilles de temps au départ parce que, d’après ce qu’elle dit, son époux lui faisait confiance, mais celui‑ci exigeait que les autres employés remplissent des feuilles de temps.

 

[7]     Le travail de Mme Hatami consistait à effectuer des photocopies et à assurer le service à la clientèle. Pour ce qui est de la période de cinq mois pendant laquelle elle a travaillé en 2005, elle a dit qu’elle devait recevoir un salaire de 1 500 $ par mois, quoique, encore une fois, elle ne pouvait pas se rappeler si elle avait réellement reçu un tel paiement. Parfois, elle n’encaissait pas de chèque parce que l’entreprise n’avait pas les moyens de la payer. Elle a toutefois soutenu que les paiements avaient été effectués avant la fin de l’année. En 2005, l’entreprise comptait un autre employé qui était payé 9 $ l’heure. Mme Hatami a admis que son époux exerçait ses fonctions quand elle ne travaillait pas.

 

Question – Mme Hatami exerçait‑elle un emploi assurable pendant les périodes de novembre à décembre 2002 et de janvier à mars 2005 où elle travaillait chez 4U et pendant la période d’avril à mai 2005 où elle travaillait chez Printplus?

 

[8]     Les dispositions clées de la Loi sont les paragraphes 5(2) et 5(3) :

 

5(2)      N’est pas un emploi assurable :

            […]

i)          l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3)      Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

a)         la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

b)         l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

Il existe une jurisprudence abondante concernant ces dispositions. La décision Birkland c. M.R.N.[1], où le juge Bowie a formulé les commentaires suivants, constitue un bon résumé du point de vue sur la question :

 

[4]        […] Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

 

[9]     Après avoir entendu le témoignage de Mme Hatami, j’ai conclu que la décision du ministre demeurait raisonnable. J’ai tiré cette conclusion pour les raisons qui suivent.

 

[10]    Tout d’abord, mon impression générale était que, dans le cadre de l’arrangement de travail conclu entre Mme Hatami et l’entreprise de son époux, l’appelante jouait davantage le rôle d’une épouse qui avait aidé son époux du mieux qu’elle pouvait à établir son entreprise. Cela signifiait qu’elle travaillait sporadiquement sans rémunération, par exemple pendant l’été 2002. Cela signifiait aussi qu’elle acceptait de ne pas encaisser des chèques lorsque l’entreprise n’avait pas les moins de la payer. D’ailleurs, je n’ai pas été convaincu que Mme Hatami avait reçu, même avec le temps, la totalité des paiements de 1 500 $ par mois auxquels elle avait peut‑être droit. Elle n’a pas fourni de document à l’appui à cet égard. Cela ne correspond pas du tout à un contrat de travail conclu entre des parties sans lien de dépendance.

 

[11]    Ensuite, Mme Hatami a mentionné qu’elle ne gagnait pas plus que les autres travailleurs, mais il n’existait que peu d’éléments de preuve indiquant que, à l’exception de son époux, l’entreprise comptait plus d’un autre travailleur. On a laissé entendre qu’il y avait des travailleurs bénévoles, mais il ne semble y avoir eu un travailleur payé à l’heure qu’en 2005. Mme Hatami allègue qu’elle n’a pas gagné davantage que les autres travailleurs, étant donné que son salaire de 1 500 $ équivalait au salaire d’un travailleur à temps plein payé 9 $ l’heure. Cela est peut‑être le cas, mais un travailleur payé à l’heure qui est en fait payé chaque mois en fonction des heures de travail consignées, ce n’est pas la même chose qu’un travailleur salarié qui ne consigne pas ses heures de travail (et, à cet égard, j’accorde peu d’importance aux feuilles de temps présentées par Mme Hatami, qui ne sont qu’une façade montée après coup) et qui accepte de ne pas recevoir son salaire lorsque l’entreprise n’en a pas les moyens.

 

[12]    En ce qui concerne la nature et l’importance du travail effectué, Mme Hatami a mentionné dans son témoignage que, lorsqu’elle avait quitté son emploi, son époux avait essayé d’engager quelqu’un d’autre, mais qu’il faisait souvent le travail lui‑même. Elle ne se souvenait pas du nom des autres personnes engagées pour la remplacer. Je conclus que son témoignage au sujet des travailleurs engagés pour la remplacer n’est pas convaincant.

 

[13]    Finalement, la durée de son travail, soit deux mois en 2002 et cinq mois en 2005, de même que le fait qu’elle était enceinte les deux fois, soulèvent certains doutes quant aux similarités entre cette situation et une relation de travail sans lien de dépendance. Retourner au travail alors qu’on est enceinte et pendant une période de temps très limitée est peut‑être le type même d’avantage lié à une relation avec lien de dépendance propre à un arrangement entre époux que le juge suppléant Rowe avait en tête lorsqu’il a formulé les commentaires suivants dans la décision Sharkey c. M.R.N.[2] :

 

14        Je suis convaincu que l’appelante et son époux ont agi de bonne foi et qu’ils ont essayé de structurer sa situation d’emploi de façon à ce qu’elle corresponde  à une relation sans lien de dépendance. Toutefois, la relation comportait trop d’éléments étranges qui n’ont pas été expliqués de manière satisfaisante et le ministre pouvait interpréter certaines caractéristiques grâce au pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi. On ne peut pas nier que l’appelante a réellement effectué du travail du bureau, mais – dans l’ensemble – les faits en l’espèce – comme dans bien des affaires similaires – montrent qu’il est souvent extrêmement difficile pour des époux de toujours agir en fonction d'une relation de travail permettant de tirer la conclusion que, s'ils avaient été des parties non liées et non pas des époux, ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable.

 

[14]    Mme Hatami était préoccupée par le fait qu’elle était privée de ses droits légaux s’il n’était pas conclu qu’elle exerçait un emploi assurable. Elle est certainement de cet avis parce qu’il est vrai qu’elle a un peu travaillé pour l’entreprise de son époux. Toutefois, compte tenu des circonstances, je ne peux pas conclure que l’arrangement de travail était à peu près semblable à un arrangement sans lien de dépendance. Comme il a été souligné dans d’autres affaires, il n’appartient pas au juge de critiquer la décision du ministre après coup. Il s’agit de la décision du ministre. Mon rôle est d’évaluer si, après avoir entendu les témoignages que j’ai entendus, le ministre serait arrivé à une conclusion différente ou s’il aurait dû y arriver. Je suis convaincu qu’il n’aurait pas tiré une conclusion différente. Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI428

 

NO DES DOSSIERS :                        2006-2464(EI) et 2007-255(EI)

 

INTITULÉ :                                       SHAHLA HATAMI c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 23 juillet 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

MChrista Akey

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                       Cabinet :                      s.o.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2005CCI291.

 

[2]           [2002] A.C.I. n229.

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