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Dossier : 2006-1587(EI)

ENTRE :

CYNTHIA PLANT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 juillet 2007, à Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

MCarole Benoit

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda R. Shirreff

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

       L’appel est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

        Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

Dossier : 2006-1588(CPP)

ENTRE :

CYNTHIA PLANT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 juillet 2007, à Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

MCarole Benoit

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda R. Shirreff

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

       L’appel est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

        Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI453

Date : 20070803

Dossier : 2006-1587(EI)

2006-1588(CPP)

 

ENTRE :

CYNTHIA PLANT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]              La question en litige dans le présent appel est de savoir si l’appelante exerçait un emploi aux termes d’un contrat de louage de services ou d’un contrat d’entreprise pendant les périodes du 29 mars 2004 au 8 avril 2004 et du 22 juin 2004 au 31 août 2004. L’intimé avait établi que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pendant les périodes susmentionnées, étant donné qu’il avait conclu que l’appelante exerçait un emploi aux termes d’un contrat d’entreprise pendant les périodes et qu’elle était donc une entrepreneure indépendante.

 

Faits

 

[2]              Marilyn Williams était factrice rurale et suburbaine (ci‑après « FRS ») pour la Société canadienne des postes. En mars 2004, son mari est décédé et elle se sentait incapable de suivre l’itinéraire qui lui avait été assigné. L’appelante a remplacé Marilyn Williams à diverses reprises après avoir reçu une certaine formation de celle‑ci. Pour certaines des périodes, l’appelante était payée par Marilyn Williams, alors que pour d’autres, elle était payée par la Société canadienne des postes. Pour les périodes visées par l’appel, elle avait été payée par la Société canadienne des postes. Le 27 septembre 2004, donc après les périodes visées par l’appel, Marilyn Williams a eu un accident et a été hospitalisée pendant un certain temps. La maîtresse de poste, Julie Fournier, a alors communiqué avec l’appelante et lui a demandé s’il elle pouvait s’occuper de l’itinéraire. L’embauche de l’appelante pour ces périodes ne fait toutefois pas l’objet de l’appel. Pour ce qui est des périodes en litige, c’était Marilyn Williams qui avait communiqué avec l’appelante.

 

[3]              Les fonctions que l’appelante exerçait étaient les mêmes que celles qu’aurait exercées Marilyn Williams si elle avait travaillé pendant les jours visés. L’appelante arrivait au bureau de poste avant 9 h, triait le courrier, le livrait et s’assurait que tous les colis et toutes les lettres à envoyer par courrier étaient rapportés au bureau de poste dans un délai précis. Elle s’assurait également que toutes les livraisons par messagerie prioritaire étaient effectuées dans un délai précis et que tous les colis et toutes les lettres à ramasser pour envoi par messagerie prioritaire étaient ramassés avant une heure précise. La route rurale dont l’appelante était chargée comptait environ 87 kilomètres et comportait environ 191 clients. L’appelante a témoigné qu’elle n’avait pas l’impression qu’elle pouvait s’écarter de l’itinéraire qui lui était assigné ou changer la façon dont il devait être suivi. Comme il s’agissait d’une route rurale située à Perth‑Andover (Nouveau‑Brunswick), il est probable que l’itinéraire que l’appelante devait suivre avait été établi afin d’être le plus efficace possible. Peu d’options s’offraient à elle pour ce qui est de parcourir l’itinéraire d’une façon ou dans une direction différentes de ce qui était établi.

 

[4]              Pour exercer ses fonctions, l’appelante utilisait son propre véhicule et devait supporter tous les coûts et toutes les dépenses liés à l’utilisation du véhicule. On lui fournissait des feux clignotants rouges et jaunes ainsi qu’un écriteau qui portait simplement la mention « Postes Canada », et elle devait les installer sur son véhicule.

 

[5]              L’appelante recevait un montant quotidien fixe qui était composé de deux éléments. Le premier élément était le taux quotidien payable pour l’itinéraire et le second était un montant pour l’utilisation du véhicule.

 

[6]              L’appelante était tenue de se soumettre à une vérification de sécurité. L’appelante a indiqué que, quelque temps après la période en cause, elle avait demandé un assistant et on l’avait avisée qu’elle ne pouvait pas en avoir. Il est toutefois arrivé que son mari livre le courrier pour elle, particulièrement lorsque les conditions météorologiques étaient défavorables et que les routes étaient dangereuses. Elle a également indiqué qu’elle ne le payait pas.

 

[7]              L’appelante n’avait pas le droit de livrer d’autres éléments lorsqu’elle livrait le courrier.

 

[8]              En avril 2004, lorsqu’elle a commencé, elle savait qu’elle devait avoir une assurance responsabilité et qu’elle était responsable des dommages qu’elle pourrait causer.

 

[9]              L’appelante a indiqué que, à un certain moment, elle avait essayé de devenir membre du syndicat, mais on lui avait dit qu’elle ne pouvait pas le faire. De plus, l’appelante ne bénéficiait d’aucuns avantages sociaux et n’avait pas de congés payés.

 

[10]         Julie Fournier était la maîtresse de poste de Perth‑Andover. Elle a mentionné qu’elle avait indiqué à l’appelante qu’elle n’était pas une employée, mais elle ne se souvenait pas du moment où la conversation à ce sujet avait eu lieu. Comme Julie Fournier n’est entrée en fonction au bureau de poste de Perth‑Andover que le 14 juin 2004, cette conversation n’aurait pas pu avoir lieu avant la première période en litige dans le présent appel.

 

[11]         Julie Fournier a également indiqué que, si un itinéraire particulier posait problème, la personne qui déposait la plainte communiquait avec elle, en tant que maîtresse de poste, puis elle parlait avec la personne responsable de l’itinéraire.

 

Jurisprudence

 

[12]         La question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant a été traitée dans de nombreuses affaires. Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. 61, 2001 C.S.C. 59, Le juge Major de la Cour suprême du Canada a formulé les commentaires suivants :

 

46     À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction]

 

[N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant [page 1005] d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47     Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

48     Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[13]         Dans des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, on a traité de la question de l’intention des parties. Dans la décision récente que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt Combined Insurance Co. of America c. M.R.N., 2007 CAF 60, le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale a tenu les propos suivants :

 

35.     De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.  Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

 

2.  Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[14]         En l’espèce, il est très clair que l’intention de la Société canadienne des postes était que l’appelante soit considérée comme une entrepreneure indépendante, mais l’appelante adopte comme position qu’elle était une employée de la Société canadienne des postes.

 

Contrôle

 

[15]         Dans le présent appel, la Société canadienne des postes exerçait un certain contrôle sur le travail exécuté par l’appelante. La Société canadienne des postes avait évidemment tout intérêt à ce que le courrier soit livré dans les délais et que les colis et les lettres dont il fallait prendre livraison soient ramassés dans les délais. Ce genre de contrôle semble toutefois être axé sur les résultats du travail. Dans la décision Direct Care in‑Home Health Services Inc. c. Le ministre du Revenu national, 2005 CCI 173, le juge Hershfield a formulé les commentaires suivants concernant le contrôle :

 

11    Dans le cadre de l’analyse de ce facteur, il faut déterminer qui contrôle le travail et comment, quand et où il doit être effectué. S’il est jugé que le travailleur a le contrôle du travail une fois qu’il lui est confié, cela semble davantage indiquer que le travailleur est un entrepreneur indépendant, et s’il est jugé que l’employeur exerce un contrôle sur l’exécution du travail par le travailleur, cela laisse entendre qu’il y a une relation employeur‑employé. Toutefois, lorsque les travailleurs ont une spécialisation accrue, il se peut que ce critère soit considéré comme moins fiable. On accorde donc plus d’importance à la question de savoir si le service que le travailleur doit fournir dans le cadre de ses fonctions est simplement axé sur les « résultats »; c.‑à‑d. « voici une tâche précise – vous avez été engagé pour l’exécuter ». Dans un tel cas, il n’y a pas de lien de subordination, ce qui est une exigence fondamentale pour qu’il y ait une relation employé-employeur. De plus, il ne faut pas confondre le contrôle des résultats, qui peut être exigé à chaque fois qu’un travailleur est engagé pour fournir des services, avec le contrôle ou la subordination d’un travailleur.

 

12    En l’espèce, la travailleuse pouvait refuser une affectation pour quelque raison que ce soit, ou même sans raison. […]

 

(Non souligné dans l’original)

 

[16]         En l’espèce, le contrôle exercé par Postes Canada était davantage axé sur les résultats, étant donné que c’était la seule chose qui l’intéressait – c’est‑à‑dire s’assurer que le courrier soit livré dans des délais précis et que le courrier à expédier soit rapporté au bureau de poste dans des délais précis. De plus, pendant les périodes en litige, l’appelante pouvait refuser de parcourir un itinéraire, étant donné qu’elle était simplement engagée directement par Marilyn Williams pendant les périodes en litige.

 

Possibilité de profit et risque de perte

 

[17]         L’appelante recevait un montant quotidien fixe qui était composé de deux éléments. Le premier élément était la rémunération pour les services fournis et le second était une indemnité pour l’utilisation du véhicule. Dans la décision 918855 Ontario Limited c. Le ministre du Revenu national, [1997] A.C.I. no 664, lorsqu’il a analysé le critère de la possibilité de profit et du risque de perte concernant les personnes qui étaient engagées pour fournir les mêmes services pour lesquels l’appelante avait été engagée dans cette affaire, le juge Bowie a conclu que le critère relatif aux profits et aux pertes ne devrait pas avoir une grosse incidence sur le résultat. Je souscris à ses conclusions. Même si l’avocate de l’intimé et l’intervenante ont voulu faire valoir que l’itinéraire pouvait être changé et que l’appelante pouvait donc réaliser un profit plus important. Dans les faits, l’itinéraire avait été établi afin d’être le plus efficace et économique possible et l’appelante ne disposait que de peu d’options (sinon d’aucune) si elle voulait suivre un itinéraire différent aux abords du village de Perth‑Andover (Nouveau‑Brunswick).

 

Propriété des instruments de travail

 

[18]         L’instrument de travail le plus important que l’appelante était tenue d’utiliser était son véhicule. Le véhicule appartenait à l’appelante. Même si on lui fournissait peut‑être certains instruments pour qu’elle puisse changer les cadenas sur les boîtes postales communautaires, ces instruments n’étaient pas importants comparativement au véhicule qu’elle était tenue de fournir. Si une personne est tenue de fournir un instrument de travail coûteux et que cet instrument est essentiel à l’exécution des tâches, cela permet de penser que la relation entre les parties est équivalente à la relation qu’il y aurait entre un employeur et un entrepreneur indépendant, mais, comme l’a souligné le juge Bowie dans 918855 Ontario Limited c. Le ministre du Revenu national, il convient également de noter qu’il y a aussi plusieurs situations où les gens qui sont des employés sont tenus de fournir leur propre véhicule. Toutefois, en l’espèce, comme le véhicule était utilisé quotidiennement et qu’il était essentiel à l’exécution des tâches, à mon avis, cela indique que l’appelante était une entrepreneure indépendante.

 

Embauche d’assistants

 

[19]         Comme l’appelante était une FRS suppléante pour l’itinéraire de Marilyn Williams, elle ne pouvait pas engager d’assistants. Cela était lié à l’exigence en matière de sécurité selon laquelle il est essentiel que la Société canadienne des postes sache qui s’occupe du courrier en tout temps.

 

Degré de responsabilité en ce qui concerne les mises de fonds et la gestion

 

[20]         L’appelante n’était pas responsable des mises de fonds dans la Société canadienne des postes et de la gestion de celle‑ci. L’appelante était bel et bien responsable de la mise de fonds qu’elle avait effectuée concernant le véhicule qu’elle avait choisi pour exécuter les tâches.

 

Autres critères

 

[21]         En l’espèce, comme il est mentionné ci‑dessus, un écriteau portant la mention « Postes Canada » était fournie à l’appelante. De plus, quand elle faisait la livraison de colis et de lettres par messagerie prioritaire, elle demandait aux personnes qui recevaient les colis ou les lettres d’en accuser réception sur un formulaire de Postes Canada confirmant la réception du colis ou de la lettre. Même si cela peut porter la personne à qui le colis ou la lettre était livré à croire que l’appelante était une représentante de Postes Canada et donc probablement une employée de Postes Canada, dans la décision Flash Courier Services Inc. c. Le ministre du Revenu national, [2000] A.C.I. no 235, le juge Rowe a statué que les messagers étaient des entrepreneurs indépendants, malgré le fait que les messagers portaient des uniformes et des cartes d’identité permettant de les identifier comme des personnes travaillant pour Flash. Au paragraphe 21, le juge Rowe a formulé les commentaires suivants :

 

21     Dans les appels en l'espèce, on peut affirmer qu'un profane observant l'intervenant effectuer ses livraisons pendant une journée pourrait raisonnablement conclure que l'entreprise était celle de Flash. Toutefois, cela découlerait de l'entente de façade intervenue entre les parties. M. Paul n'avait pas installé de signe ni placé de renseignements sur le côté du véhicule afin d'indiquer qu'il en était le propriétaire‑exploitant. Comme on l'a examiné ci‑dessus, les exigences en matière de sécurité constituaient la principale raison pour laquelle l'intervenant et d'autres messagers portaient un veston ou une chemise les identifiant comme membre de l'équipe de Flash. Cette dernière possédait les installations lui permettant de recevoir les appels des clients, d'envoyer les chauffeurs faire des ramassages et des livraisons, d'entreposer des colis et de s'occuper de l'administration et de la comptabilité pour rendre compte d'un revenu et d'une allocation convenable entre Flash et chaque messager conformément au pourcentage établi dans un contrat en particulier. […]

 

[22]         Dans ce cas‑là, il a été conclu que les messagers étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[23]         L’appelante a présenté en preuve sa copie originale de la pièce justificative de congé pour FRS. Il s’agit d’un formulaire de la Société canadienne des postes qui était signé par l’appelante et remis à la Société canadienne des postes afin que l’appelante puisse être payée. Le formulaire comporte deux parties – une première intitulée [traduction] « Demande de congé» dans laquelle il est indiqué que Marilyn Williams est l’employée, et une seconde dans laquelle il est décrit que l’appelante est une [traduction] « entrepreneure suppléante ». Les modalités sont imprimées au dos du formulaire. Toutefois, le formulaire est de couleur vert pâle, et les modalités imprimées sont d’un vert un peu plus foncé, ce qui rend la lecture très difficile. Si la Société canadienne des postes avait voulu que les personnes soient liées par les mots figurant au dos du formulaire, il aurait fallu que les mots soient imprimés de façon à pouvoir être lus facilement. Comme les mots sont très difficiles à lire, je n’accorde aucun poids aux modalités qui figurent au dos du formulaire.

 

[24]         Même s’il était indiqué dans la pièce justificative de congé pour FRS que l’appelante était une entrepreneure suppléante, les documents que l’appelante avait reçus de Ceridian (qui s’occupait des paiements de la Société canadienne des postes) indiquaient que l’appelante avait un numéro d’employé. Les deux documents auxquels on a fait référence envoyaient donc des messages contradictoires à l’appelante et aucun ne peut être utilisé pour conclure de manière absolue que l’appelante était une entrepreneure indépendante ou une employée.

 

[25]         L’appelante n’a pas bénéficié d’avantages sociaux, ni de sécurité d’emploi pendant les périodes visées par l’appel. Comme le juge Hershfield l’a souligné dans la décision Direct Care In-Home Health Services Inc. c. Le ministre du Revenu national :

 

[…] De plus, en ce qui concerne les risques, il faut souligner que la travailleuse ne bénéficie pas du genre de sécurité d’emploi qui est caractéristique d’un emploi. Elle n’a pas de prestations d’assurance‑maladie, de régime de pension, de protection syndicale, d’heures garanties, de structure prévue pour l’avancement ou de quelque genre de sécurité d’emploi que ce soit. Comme je l’ai mentionné précédemment dans les présents motifs, dans l’arrêt Wolf, le juge Décary a formulé les commentaires suivants au sujet des facteurs indiquant l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant : « Si l’on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d’emploi, le peu d’égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité. »

 

Il y a deux affaires qui portent sur des travailleurs suppléants qui remplacaient des FRS et où la question en litige était de savoir si les personnes étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants de Postes Canada. Dans la décision Skipsey c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2007 CCI 192, le juge O’Connor a conclu que la travailleuse suppléante était une employée de Postes Canada. Toutefois, les motifs sont très brefs et, comme l’a souligné le juge O’Connor :

 

4    J’imagine que ne je ne pourrais qu’ajouter qu’il s’agit peut‑être d’un cas unique, qui ne se veut pas un jugement en faveur de tous les suppléants qui travaillent pour Postes Canada.

 

[26]         Dans une décision subséquente, soit Laperrière c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CCI 252, le juge Rowe a aussi eu affaire à une travailleuse suppléante qui remplaçait une FRS et a statué que cette personne était une entrepreneure indépendante et non pas un employée.

 

[27]         De plus, dans la décision 918855 Ontario Limited susmentionnée, le juge Bowie a conclu que les personnes qui remplaçaient des FRS étaient des entrepreneurs indépendants. Ces personnes fournissaient essentiellement les mêmes services que l’appelante.

 

[28]         L’argument principal de l’appelante en l’espèce était qu’elle faisait exactement le même travail que les FRS dans les mêmes conditions qu’eux et que, comme ils étaient des employés de Postes Canada, elle devrait donc elle aussi être une employée de Postes Canada.

 

[29]         M. Gerard Mathieu est un cadre supérieur de Postes Canada à la retraite. Un de ses principaux secteurs de responsabilité était la conversion des FRS, dont le statut était passé d’entrepreneur indépendant à employé à partir du 1er janvier 2004. Avant le 1er janvier 2004, les 6 000 FRS étaient tous traités comme des entrepreneurs indépendants. La conversion des postes dans ce groupe, soit leur passage d’entrepreneurs indépendants à employés, s’est effectuée au moyen d’une entente entre les parties concernées. M. Mathieu a clairement indiqué dans son témoignage que le travail des FRS n’avait pas changé de 2003 à 2004. Donc, malgré le fait qu’en 2004 les FRS exerçaient les mêmes fonctions qu’en 2003, ils étaient des employés en 2004 et des entrepreneurs indépendants en 2003. L’appelante n’aurait donc probablement pas effectué de comparaison si la période avait été située en 2003 et non en 2004. De plus, M. Mathieu a indiqué clairement que même si les FRS étaient devenus des employés en 2004, la Société canadienne des postes n’avait pas l’intention de faire de toute personne remplaçant un FRS un employé de la Société canadienne des postes. L’appelante n’était pas partie à l’entente en vertu de laquelle les FRS sont devenus des employés de la Société canadienne des postes.

 

[30]         Cela soulève la question de savoir si, en common law, les FRS seraient considérés comme des entrepreneurs indépendants de Postes Canada s’ils n’avaient pas accepté de devenir des employés.

 

[31]         La Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. (1985), ch. C‑10, (la « Loi ») prévoit en partie ce qui suit :

 

2(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[…]

 

« entrepreneur postal » Toute personne partie à un contrat d’entreprise avec la Société pour la transmission des envois.

 

[…]

 

13(5) Pour l’application de la partie I du Code canadien du travail à la Société ainsi qu’à ses dirigeants et employés, les entrepreneurs postaux sont réputés n’être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés au sens du paragraphe 3(1) du code.

 

[32]         Selon la Loi, un entrepreneur postal est réputé ne pas être un employé aux fins de l’application de la partie I du Code canadien du travail à la Société. Cela ne s’applique ni aux fins de la Loi sur l’assurance‑emploi, ni aux fins du Régime de pensions du Canada. Toutefois, le juge Hugessen de la Cour d’appel fédérale a mentionné ce qui suit au paragraphe 41 de l’arrêt Canada Post Corporation c. Association of Rural Route Mail Couriers, [1989] 1 C.F. 176, 82 NR 249 :

 

41     Pour ma part, bien que je ne considère pas la déclaration du ministre comme étant concluante ni même très importante, j'estime qu'elle est d'une certaine utilité parce qu'elle fournit quelques considérations sous‑jacentes à l'adoption du paragraphe 13(6). Je trouve également utiles les dispositions de l'ancienne Loi sur les postes relatives aux entrepreneurs postaux (paragraphe 2(1), « employé de la poste » et les articles 22 à 35 inclusivement). Tous ces documents éclairent la situation qui existait avant l'adoption de la Loi sur la Société canadienne des postes. Il est constant qu'à l'époque, les facteurs ruraux étaient considérés comme des entrepreneurs postaux et non pas des employés de la poste. J'ai déjà conclu que les dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes sont claires et prévoient la même chose. Cette Loi, loin de changer la situation des facteurs ruraux, l'a préservée telle quelle.

 

(Non souligné dans l’original)

 

[33]         Par conséquent, il ressort clairement de cette déclaration que les facteurs ruraux étaient des entrepreneurs indépendants et que les dispositions précédentes de la Loi sur la Société canadienne des postes n’ont rien changé à cette situation. C’est seulement grâce à une entente conclue entre les parties que les FRS sont devenus des employés à partir du 1er janvier 2004. L’appelante n’était pas partie à cette entente et n’est donc pas devenue une employée de la Société canadienne des postes.

 

[34]         Donc, compte tenu de l’application des divers critères susmentionnés et, plus particulièrement, des décisions rendues par la Cour dans Laperrière et dans 918855 Ontario Limited et des commentaires que la Cour d’appel fédérale a formulés concernant le statut des FRS en tant qu’entrepreneurs indépendants, je conclus que l’appelante était une entrepreneure indépendante pendant les périodes en litige. Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

 

        Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI453

 

NO DES DOSSIERS :                        2006-1587(EI) et 2006-1588(CPP)

 

INTITULÉ :                                       Cynthia Plant c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

MCarole Benoit

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda R. Shirreff

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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