Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Dossier : 2007-682(EI)

ENTRE :

BRUCE YUN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Bruce Yun (2007-683(CPP)), de Christina Yun (2007-684(EI)) et de

Christina Yun (2007-685(CPP))

le 26 juillet 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Sara Fairbridge

Shannon Walsh, stagiaire en droit

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et les décisions rendues par le ministre en date du 7 novembre 2006 sont confirmées, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2007.

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

Dossier : 2007-683(CPP)

ENTRE :

BRUCE YUN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Bruce Yun (2007-682(EI)), de Christina Yun (2007-684(EI)) et de

Christina Yun (2007-685(CPP))

le 26 juillet 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Sara Fairbridge

Shannon Walsh, stagiaire en droit

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et les décisions rendues par le ministre en date du 7 novembre 2006 sont confirmées, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2007.

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

Dossier : 2007-684(EI)

ENTRE :

CHRISTINA YUN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Bruce Yun (2007-682(EI)), de Bruce Yun (2007-683(CPP)) et de

Christina Yun (2007-685(CPP))

le 26 juillet 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

M. Bruce Yun

Avocate de l’intimé :

Me Sara Fairbridge

Shannon Walsh, stagiaire en droit

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et les décisions rendues par le ministre en date du 7 novembre 2006 sont confirmées, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2007.

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

Dossier : 2007-685(CPP)

ENTRE :

CHRISTINA YUN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Bruce Yun (2007-682(EI)), de Bruce Yun (2007-683(CPP)) et de

Christina Yun (2007-684(EI))

le 26 juillet 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

M. Bruce Yun

Avocate de l’intimé :

Me Sara Fairbridge

Shannon Walsh, stagiaire en droit

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et les décisions rendues par le ministre en date du 7 novembre 2006 sont confirmées, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2007.

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI491

Date : 20070820

Dossier : 2007-682(EI)

 

ENTRE :

BRUCE YUN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

ET ENTRE :

 

Dossier : 2007-683(CPP)

BRUCE YUN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

ET ENTRE :

 

Dossier : 2007-684(EI)

CHRISTINA YUN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

ET ENTRE :

 

Dossier : 2007-685(CPP)

CHRISTINA YUN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge O’Connor

 

[1]   Il s’agit ici de savoir si, au cours de la période allant du 23 juin 2004 au 3 novembre 2005 (la « période »), les appelants, Bruce Yun (« Bruce ») et Christina Yun (« Christina »), exerçaient des emplois assurables conformément à l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et des emplois ouvrant droit à pension conformément au paragraphe 6(1) du Régime de pensions du Canada, dans le cadre des relations qu’ils entretenaient avec Southbay College of Traditional Oriental Medicine Ltd. (le « payeur » ou « Southbay »).

 

[2]   Les tribunaux sont souvent saisis de ce genre de question et, comme on le sait bien, la question est généralement réglée en fonction d’un critère à quatre volets. Il s’agit des critères suivants :

 

(1)   le contrôle;

 

(2)   la propriété des instruments de travail;

 

(3)   la possibilité de profit et le risque de perte;

 

(4)   l’intégration.

 

[3]   En outre, récemment, les tribunaux ont tenu compte de l’intention des parties quant à leur relation et, dans certains cas, ils ont décidé que l’intention pouvait être importante, en particulier lorsque certains critères indiquent l’existence d’un contrat de louage de services, alors que d’autres critères ne l’indiquent pas.

 

[4]   Avant d’analyser ces critères, il est bon de faire certaines remarques générales pertinentes.

 

[5]   En tranchant la question, je ne dois pas simplement substituer mon opinion à celle du ministre; je dois plutôt faire preuve d’une certaine retenue à l’égard de la décision du ministre. Ces principes ont été élaborés par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts suivants. Dans l’arrêt Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878, la cour a eu l’occasion d’examiner la question. Au paragraphe 4 des motifs des juges Marceau, Desjardins et Noël, il est dit ce qui suit :

 

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L’expression utilisée introduit une sorte d’élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu’il s’agit sans doute d’un pouvoir dont l’exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n’est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n’est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c’est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

[6]   À mon avis, les faits les plus importants, aux fins de la détermination de la question en litige, sont les suivants.

 

[7]   Southbay était un institut de formation professionnelle secondaire mettant l’accent sur la médecine chinoise. L’établissement a été constitué en personne morale au mois de juin 2004. Ses actions étaient détenues, dans une proportion de 90 p. 100, par un certain M. Hong Chae Choi (« M. Choi ») et, dans une proportion de 10 p. 100, par Christina.

 

[8]   Christina est la femme de Bruce.

 

[9]   Au cours de la période en question, M. Choi résidait en Corée.

 

[10]  Bruce et Christina ont présenté leurs témoignages, mais non M. Choi, qui n’était pas présent, probablement parce qu’il était à l’étranger. Il est clair que M. Choi, qui détenait 90 p. 100 des actions, était l’âme dirigeante de Southbay, et en l’absence de son témoignage, il a été très difficile de déterminer la relation existant entre les parties.

 

[11]  Avant de participer à l’entreprise de Southbay, Bruce avait exploité, pendant huit ans, un établissement similaire appelé Lotte Enterprises Ltd. s/n Pacific Northwest International College (« Northwest »).

 

[12]  Les actifs de Northwest ont été saisis par un huissier au mois d’août 2004, en raison du non‑paiement du loyer, et, par la suite, les étudiants de Northwest ont été transférés à Southbay, après que Northwest eut cessé ses activités.

 

[13]  Pendant un certain temps, Bruce et Christina étaient tous deux signataires autorisés à l’égard des comptes bancaires de Southbay. Le pouvoir de signature de Bruce a été supprimé au mois d’août 2005, lorsque les relations entre M. Choi et Bruce sont devenues tendues.

 

[14]  Bruce était essentiellement responsable des questions liées au campus et de toutes les activités quotidiennes jusqu’au mois d’octobre 2004. Il était notamment chargé de négocier le bail pour le compte de Southbay, de s’occuper du compte bancaire, d’obtenir les licences et permis nécessaires, d’ouvrir les comptes auprès de Telus et les comptes d’électricité, de s’occuper des inscriptions, des frais de scolarité, de la tenue de livres et de la commercialisation.

 

[15]  Christina était une [traduction] « secrétaire générale », pour reprendre l’expression qu’elle a employée; elle aidait Bruce, elle nettoyait les tables, elle installait les bases de données, elle effectuait du travail à l’ordinateur, elle faisait le suivi des frais de scolarité et elle s’occupait d’une façon générale de la tenue de livres.

 

[16]  Bruce travaillait de 8 h 30 à 18 h 30 environ, du lundi au vendredi, et parfois plus longtemps. Les heures de Christina étaient à peu près les mêmes. Bruce et Christina décidaient de leurs propres heures de travail. Ils n’avaient reçu aucune formation puisque Bruce s’était occupé de Northwest, un établissement similaire, pendant huit ans. Ni Bruce ni Christina n’étaient supervisés par M. Choi ou par quelqu’un d’autre.

 

[17]  M. Choi avait promis d’injecter d’une façon ou d’un autre des fonds dans Southbay, ce qui a été appelé une injection de capitaux. En fait, les seuls montants que M. Choi a remis étaient des montants visant à couvrir les premier et dernier mois de loyer pour le bail de Southbay et la rétribution mentionnée ci‑dessous.

 

[18]  M. Choi avait convenu de rémunérer Christina au taux horaire de 31 $, mais le seul montant reçu par cette dernière au cours d’une période de trois mois, en 2005, a été de 12 000 $. Bruce a tenté à maintes reprises d’être rémunéré par M. Choi et de faire en sorte que M. Choi injecte des capitaux dans l’entreprise, de façon qu’elle puisse poursuivre ses activités. La seule rétribution reçue par Bruce a été de 3 000 $ en 2005.

 

[19]  Les relations entre M. Choi et Bruce se sont détériorées essentiellement à cause du manque de confiance de l’un envers l’autre. Selon l’avis d’appel de Bruce, un certain Sang‑hoon Na (« M. Na ») avait été envoyé par M. Choi au Canada depuis la Corée en vue d’assumer le poste de Bruce, le 28 octobre 2004, et le contrôle de Southbay a graduellement été transmis à M. Na et à une autre personne désignée par M. Choi, M. Kim.

 

[20]  Il y a eu une grave pénurie d’argent; la pièce A‑1, soit les relevés bancaires de Southbay, indique de nombreux soldes négatifs. Ces relevés montrent également des dépôts d’argent provenant de UiDuke University, qui parrainait certains étudiants, de 35 431,50 $, le 6 septembre 2005, et de 36 000 $, le 14 septembre 2005. Bruce a témoigné avoir utilisé une partie de ces fonds pour rembourser des prêts bancaires et pour garnir la [traduction] « petite caisse ». M. Choi a accusé Bruce de s’être attribué les fonds. Par suite de ces événements ainsi que d’autres incidents, les relations se sont détériorées encore plus. La pièce A‑2 est composée de deux lettres de Southbay à Bruce, signées au nom de Southbay par M. Choi. Elles sont rédigées comme suit :

 

[traduction]

 

Le 2 novembre 2005

 

LETTRE REMISE EN MAINS PROPRES

 

Bruce Yun

744 East 38th Avenue

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V5W 1J1

 

Objet : Southbay College of Traditional Oriental Medicine Ltd. (la « société »)

 

Au nom de la société, en ma qualité d’administrateur et d’actionnaire majoritaire, je vous demande par les présentes de rendre compte des retraits suivants effectués dans le compte bancaire de la société :

 

 

Date

Montant

(en $CAN)

Pièce 6

No 1

2 septembre 2005

1 228,85 $

Pièce 7

No 2

21 septembre 2005

3 017,20 $

Pièce 8

No 3

26 septembre 2005

18 445,00 $

Pièce 9

No 4

7 octobre  2005

7 000,00 $

Pièces 9, 10

No 5

7 octobre , 2005

3 000,00 $

Pièce 11

No 6

13 octobre 2005

7 000,00 $

Pièce 12

No 7

13 octobre 2005

4 500,00 $

Pièce 13

No 8

13 octobre 2005

7 500,00 $

 

Total

51 691,05 $

 

Selon les documents se rapportant aux comptes de banque de la société, il semblerait que tous ces montants aient été retirés au moyen d’opérations conclues sur Internet. Or, votre femme, Christina Yun, et vous êtes les seules personnes en mesure de conclure des opérations sur Internet dans ce compte.

 

Vous avez jusqu’au jeudi 3 novembre 2005, à midi, pour établir que ces fonds ont été utilisés aux fins légitimes de la société. Si vous n’êtes pas en mesure de vous conformer à cette exigence, nous vous demandons de retourner immédiatement ces fonds à la société. En outre, si vous n’êtes pas en mesure de vous conformer à la présente demande, votre emploi auprès de la société prendra fin immédiatement.

 

Dans l’intervalle, nous vous demandons par les présentes de remettre immédiatement tous les biens de la société, notamment les clés, les documents, les mots de passe, le domaine (www.Southbaycollege.ca), à Sanghoon Na, de quitter sur‑le‑champ les locaux de l’établissement et de cesser de communiquer avec la société, avec l’établissement et son personnel ainsi qu’avec les étudiants, tant que l’affaire ne sera pas réglée.

 

[...]

 

Le 3 novembre 2005

 

LETTRE REMISE EN MAINS PROPRES

 

Bruce Yun

744 East 38th Avenue

Vancouver (Colombie-Britannique)  V5W 1J1

 

Objet : Southbay College of Traditional Oriental Medicine Ltd. (la « société »)

 

La présente fait suite à ma lettre du 2 novembre 2005, envoyée au nom de la société, laquelle vous a été remise en mains propres. Vous n’avez pas répondu à notre demande concernant ce qu’il est advenu de montants s’élevant à environ 51 691,05 $ provenant des fonds de la société, lesquels ont été retirés du compte bancaire de la société sans autorisation et sans explications.

 

Par conséquent, il est par les présentes mis fin, dès maintenant, à votre emploi et à votre participation aux activités de la société et de son établissement. Nous vous demandons de quitter les locaux de l’établissement immédiatement. Vous devez mettre fin à tout contact avec toute personne participant aux activités de la société et de son établissement. En outre, la société vous demande de retourner sur‑le‑champ tous ses biens, notamment les clés, les mots de passe, les dossiers, les documents et les renseignements financiers. À défaut de vous conformer à ces exigences, nous entendons faire valoir tous les droits de la société.

 

Arguments

 

[21]  Bruce affirme que Christina et lui exerçaient, au cours de la période en question, des emplois assurables et ouvrant droit à pension aux termes de contrats conclus verbalement et qu’ils ont droit aux prestations prévues par ces régimes. Bruce soutient que Christina et lui avaient conclu des contrats de travail verbaux et qu’ils avaient le droit de toucher des salaires. Bruce se demande comment Christina et lui avaient pu être congédiés s’ils n’étaient pas des employés. Il signale certaines pièces dans lesquelles M. Choi semble indiquer l’existence d’une relation employeur‑employé, et d’autres qui indiquent l’existence possible d’une société de personnes ou d’une coentreprise. Il affirme que ces incohérences montrent que M. Choi n’est pas digne de foi. En particulier, il signale la pièce A‑2, la lettre du 3 novembre 2005, de Southbay (signée par M. Choi), qui est libellée comme suit :

 

[traduction] [...] il est par les présentes mis fin, à votre emploi et à votre participation aux activités de la société et de son établissement.

 

[22]  Bruce fait également valoir que les droits qui lui sont reconnus par la Charte n’ont pas été respectés. Dans son avis d’appel, où il est fait mention de l’article 15 de la Charte canadienne des droits en libertés et de l’Employment Standards Act, Bruce déclare ce qui suit :

 

[traduction]

 

[...]

 

À mon avis, dans l’ensemble, les lois concernant les salaires, comme la Employment Standards Act et la Loi sur l’assurance‑emploi, doivent être appliquées à la lettre sans aucune dérogation.

 

Avec égards, en ce qui concerne le résultat de la décision qui me touche, il semble que je n’aie pas droit à une protection égale.

 

Premièrement, je dois être protégé en vertu de l’Employment Standards Act; si cette loi s’applique à moi, et si mon employeur m’avait rémunéré à temps, j’aurais pu verser à temps les cotisations au RPC et à l’A‑E. Je suis à la merci d’un employeur qui ne respecte pas la loi.

 

Rien ne permet de rejeter ma cause compte tenu de la Loi sur l’assurance.

 

Les principes applicables sont complètement ignorés; les droits fondamentaux de la personne n’ont pas été reconnus et mon salaire n’a pas été protégé. Je ne suis pas traité également, et la décision du ministère est irrationnelle.

 

[...]

 

[23]  L’avocate de l’intimé soutient qu’il n’existait pas de relation employeur‑employé et que la relation devrait être qualifiée de coentreprise ou d’arrangement du même genre, mais qu’il ne s’agissait clairement pas d’une relation employeur‑employé. Elle signale l’absence de contrôle et de supervision, la relation particulière existant entre M. Choi et les appelants et l’impossibilité de connaître clairement la version de M. Choi quant à la relation.

 

Analyse et décision

[24]  Quant à l’élément « contrôle », la preuve est abondante et elle n’est pas entièrement concluante, mais compte tenu de tous les facteurs, je conclus que le critère du contrôle indique en l’espèce des contrats autres que des contrats de louage de services, c’est‑à‑dire qu’il n’y avait pas de relation employeur‑employé. Les raisons principales pour lesquelles je tire cette conclusion sont énoncées ci‑après :

 

Les appelants n’étaient pas supervisés.

 

Les appelants décidaient de leurs propres heures et ils n’étaient pas obligés de faire rapport à M. Choi.

 

Les appelants n’avaient pas droit à l’assurance‑maladie, à des vacances ou à des congés de maladie, ni à des heures supplémentaires.

 

Les appelants étaient fort peu rémunérés, même s’ils effectuaient de nombreuses heures, comme on l’a indiqué.

 

Bruce avait déjà dirigé un établissement similaire. En d’autres termes, il possédait toutes les compétences voulues pour diriger un établissement et il dirigeait essentiellement cet établissement comme s’il en était propriétaire.

 

[25]  À mon avis, le critère de la propriété des instruments de travail n’est pas une considération importante. Le principal instrument de travail était composé des locaux, des fournitures et d’autres meubles et ainsi de suite. C’était probablement Southway qui en était propriétaire. Certaines fournitures et ainsi de suite étaient payées par Bruce, mais il semble qu’il était remboursé. La question exacte de la propriété des instruments de travail est difficile à trancher, mais comme il a été fait mention, ce critère n’est pas important, à mon avis, dans ce cas‑ci.

 

[26]  Quant à la possibilité de profit et au risque de perte, encore une fois la preuve n’est pas claire. Bruce s’attendait à obtenir une injection de capitaux qui aurait couvert les frais de l’établissement, et y compris, selon toute probabilité, son salaire. Toutefois, les fonds n’ont jamais été remis, exception faite des montants susmentionnés, et en fin de compte, la pénurie de fonds a causé la fermeture de Southbay. Encore une fois, la preuve n’est pas claire en ce qui concerne la question de savoir quelle était exactement l’intention de Bruce au sujet des modalités de paiement de sa rétribution. Il semble de prime abord que Bruce voulait toucher un salaire, mais il est également clair que ce n’est pas ce qui est arrivé. Selon certains éléments de preuve, les actions attribuées à Christina, soit 10 p. 100 des actions, représentaient un genre de rétribution pour les services qu’elle fournissait. Somme toute, je crois que la preuve révèle que les actions avaient été émises au nom de Christina, à la demande de M. Choi, parce que Bruce était fortement endetté.

 

[27]  Quant au critère de l’intégration, reportons-nous à l’arrêt Precision Gutters Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. no 771 (C.A.F.), dans lequel le juge Sexton a dit que la question à trancher en ce qui concerne ce critère est la suivante : « La personne qui s=est engagée à accomplir ces tâches les accomplit‑elle en tant que personne dans les affaires à son compte? » Il semble clair que Bruce et Christina fournissaient des services essentiellement pour leur propre compte. M. Choi n’était jamais présent, et les appelants dirigeaient l’établissement essentiellement comme s’il leur appartenait. Cela n’indique certes pas l’existence d’un contrat de louage de services ou une relation employeur‑employé.

 

[28]  À mon avis, étant donné qu’aucun contrôle n’était exercé, que Bruce exploitait essentiellement l’entreprise et qu’il avait de l’expérience (huit années d’expérience chez Northwest), étant donné en outre que Bruce et Christina étaient fort peu rémunérés (une personne qui se trouve dans une relation employeur‑employé continuerait‑elle à exercer son emploi sans être rémunérée?), compte tenu également du fait que les étudiants de l’ancien établissement avaient été transférés au nouvel établissement, ce qui indique que l’entreprise antérieurement exploitée par Bruce avait continué, compte tenu en outre du fait que la charge de la preuve incombe aux appelants et que ceux‑ci n’ont pas réussi à réfuter ou à démolir les hypothèses de fait émises par le ministre dans la réponse, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les appelants n’étaient pas engagés aux termes de contrats de louage de services, c’est‑à‑dire qu’il n’y avait pas de relation employeur‑employé.

 

[29]  Il s’agit en second lieu de savoir s’il y a eu atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés ou à des lois similaires.

 

[30]  Dans les affaires entendues sous le régime de la procédure informelle de la Cour, il arrive souvent que des arguments fondés sur la Charte soient invoqués. En pareil cas, la Cour entend habituellement l’argumentation et si, après examen, elle la juge fondée, elle ajourne l’affaire en vue de permettre à l’appelant de signifier les avis nécessaires aux procureurs généraux provinciaux ou au procureur général du Canada. En l’espèce, des avis devraient être donnés aux procureurs généraux provinciaux en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, dans sa forme modifiée, ainsi qu’en vertu de l’article 19.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T‑2, et au procureur général du Canada en vertu de la Constitutional Question Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. (1996), ch. 68.

 

[31]  Je ne suis pas convaincu que les appelants aient établi qu’il y avait eu atteinte aux droits à l’égalité qui leur sont reconnus à l’article 15 de la Charte. Dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a énoncé les lignes directrices suivantes à appliquer à la détermination de la question de savoir s’il a été porté atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte :

 

1.    La loi en question impose‑t‑elle une différence de traitement à l’appelant en raison des caractéristiques personnelles de l’appelant ou omet‑elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle l’appelant se trouve dans la société, créant ainsi une différence de traitement en raison de caractéristiques personnelles?

 

2.    L’appelant fait‑il l’objet d’une différence de traitement fondée sur les motifs énumérés dans la Charte (race, origine nationale ou ethnique, couleur, religion, sexe, âge ou déficiences mentales ou physiques) ou des motifs analogues?

 

3.    La différence de traitement est‑elle discriminatoire en ce qu’elle impose un fardeau à l’appelant ou le prive d’un avantage d’une manière qui a pour effet de promouvoir (au moyen de stéréotypes ou autrement) l’opinion que l’appelant est moins capable ou est moins digne d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération?

 

 

[32]  Bien que la chose n’ait pas été clairement exprimée, les appelants semblent soutenir qu’en leur qualité d’employés, ils avaient été victimes de discrimination du fait qu’on leur avait refusé des prestations d’emploi et les avantages prévus par le Régime de pensions du Canada.

 

[33]  Je ferai référence au passage suivant des motifs rendus par le juge Mogan, de la présente cour, dans la décision Walsh c. Canada, [1993] A.C.I. no 316, où il est question des employés et des entrepreneurs :

 

[…] je me reporte à la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Ontario Public Service Employees Union et al v. National Citizens Coalition et al., (1990) 69 D.L.R. (4th) 550, dans laquelle le juge d’appel Blair, qui rendait le jugement de la Cour, a affirmé à la page 555 :

 

                                         [TRADUCTION]

 

« À mon avis, les contribuables canadiens qui tirent leur revenu d’un emploi et qui constituent la vaste majorité de la population travaillante, ne constituent pas un groupe victime de discrimination fondée sur des motifs analogues à ceux énumérés au par. 15(1) de la Charte. Cet immense groupe de contribuables n’est pas une “minorité discrète et isolée”. Il s’agit d’une large tranche de la population que nous avons décrite dans l’arrêt Mirhadizadeh, précité, à la p. 601, comme “non liée par des caractéristiques personnelles se rapportant à eux en tant que particuliers ou membres d’un groupe”. Ils sont ce que nous avons appelé dans l’arrêt Mirhadizadeh, précité, “un groupe disparate et hétérogène”, liés uniquement par le fait qu’ils sont imposés en fonction leur revenu d’emploi. Ils ne peuvent faire l’objet de discrimination fondée sur des motifs analogues à ceux énumérés au par. 15(1). La prétention des appelants selon laquelle la L.I.R. viole les droits à l’égalité des contribuables tirant leur revenu d’un emploi doit être repoussée ».

 

Ce passage, à mon avis, confirme l’argument contre la prétention de l’appelant quand il invoque la protection de l’article 15. En effet, si la Cour d’appel de l’Ontario peut conclure en termes aussi peu équivoques que les contribuables canadiens qui tirent leur revenu d’un emploi ne peuvent constituer un groupe victime de discrimination fondée sur des motifs analogues à ceux de l’article 15 de la Charte, je peux renverser la situation et poser la question suivante : comment les contribuables canadiens qui tirent leur revenu d’une autre source que d’un emploi peuvent-ils alors former un tel groupe? Je fais miens les termes précis du juge d’appel Blair : ils ne sont « pas une minorité discrète et isolée »; ils ne sont pas liés « par des caractéristiques personnelles se rapportant à eux en tant que particuliers ou membres d’un groupe ». Ils forment, en leur qualité d’entrepreneurs, un groupe disparate et hétérogène et l’appelant n’est qu’un d’entre eux.

 

[34]  Compte tenu de cette décision et de nombreuses autres décisions, l’argument fondé sur la Charte ne peut pas être retenu, et il n’y a pas lieu d’ajourner les appels.

 

[35]  Par conséquent, les appels sont rejetés, et les décisions que le ministre a rendues le 7 novembre 2006 sont confirmées.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2007.

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI491

 

No DES DOSSIERS DE LA COUR :  2007-682(EI); 2007-683(CPP); 2007‑684(EI) et 2007‑685(CPP)

 

INTITULÉ :                                       Bruce Yun

                                                          c.

                                                          M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T. O’Connor

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Sara Fairbridge

Shannon Walsh, stagiaire en droit

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.