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Dossier : 2006-2054(EI)

ENTRE :

JEAN-YVES LEVESQUE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Jean-Yves Levesque (2006‑2055(CPP)), le 12 juin 2007 à Beresford (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Alain Pitre

 

Avocate de l’intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour de septembre 2007.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 


 

 

 

Dossier : 2006-2055(CPP)

ENTRE :

JEAN-YVES LEVESQUE

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Jean-Yves Levesque (2006‑2054(EI)), le 12 juin 2007 à Beresford (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Alain Pitre

 

Avocate de l’intimé :

Me Stéphanie Côté

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour de septembre 2007.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

Référence : 2007CCI426

Date : 20070904

Dossiers : 2006-2054(EI)

2006-2055(CPP)

 

ENTRE :

JEAN-YVES LEVESQUE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Beresford (Nouveau‑Brunswick) le 12 juin 2007.

 

[2]     Il s’agit d’un appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 1er novembre 2005. La période en litige débute le 3 janvier 2005 et se termine le 3 septembre 2005. Au centre du débat se situe le travail exécuté par l’appelant pour le compte de 610771 NB Inc. (la « payeuse »), le ministre ayant déterminé que l’appelant, pendant la période en litige, exerçait un emploi assurable selon le paragraphe 2(1), l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et sur le paragraphe 2(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « Règlement »). Le ministre a également déterminé que l’appelant occupait chez la payeuse un emploi ouvrant droit à pension au sens du paragraphe 2(1) et de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») et du paragraphe 3(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada.

 

[3]     En rendant sa décision, le ministre s’est appuyé sur les faits présumés suivants :

 

a)         la payeuse est une personne morale, incorporée le 4 février 2004; (admis)

 

b)         la payeuse exploite un commerce sous le nom de « Grange à tapis / Carpet Ranch » (le « commerce »)  depuis le 23 septembre 2004; (admis)

 

c)         le commerce était ouvert à l’année et ses activités commerciales consistaient en la vente de produits et services de recouvrement de plancher, des services de décoration intérieure ainsi que la vente au détail de décorations de la maison; (admis)

 

d)         les actionnaires de la payeuse étaient : l’appelant, Réjean Bernard (« M. Bernard »), Denis LeBlanc (« M. LeBlanc ») et Joey Legacé [sic] (« M. Legacé » [sic]) et chaque actionnaire détenait 25 % des actions ordinaires votantes de la payeuse; (admis)

 

e)         les actionnaires n’étaient pas des personnes liées; (admis)

 

f)          chaque actionnaire avait investi 15 000 $ et tous les actionnaires avaient signé des prêts pour la payeuse; (admis)

 

g)         il n’existait pas de Convention unanime des actionnaires; (admis)

 

h)         l’appelant, M. Bernard et M. LeBlanc (le « trio ») contrôlaient les activités quotidiennes de la payeuse et prenaient les grandes décisions de la payeuse; (admis)

 

i)          le trio rendait des services è la payeuse et participait aux activités commerciales quotidiennes de la payeuse; (admis)

 

j)          M. Bernard était le président et M. Legacé [sic] était le trésorier et ensemble, ils avaient le pouvoir de signature sur le compte de banque de la payeuse; (admis)

 

k)         à partir du 23 septembre 2004 jusqu’au 1er janvier 2005 (la « période antérieure »), chaque membre du trio recevait un salaire brut de 600 $ la semaine, ce qui donnait à chaque membre du trio un salaire net d’environ 472,93 $ la semaine; (admis)

 

l)          à partir du 3 janvier 2005 et pour le reste de la période en litige, la payeuse versait 475 $ la semaine à chaque membre du trio, censément à titre de dividendes imposables (les « versements »); (admis)

 

m)        l’appelant a été mis à pied le 3 septembre 2005, et à partir de cette date, la payeuse a cessé de lui payer les versements; (nié)

 

n)         pendant la période en litige, les tâches de l’appelant comprenaient la vente de marchandise, le nettoyage et le rangement des tablettes au local commercial de la payeuse, les commandes de marchandise et toutes autres tâches nécessaires au bon fonctionnement du commerce; (admis)

 

o)         la payeuse fournissait à l’appelant tous les outils nécessaires à l’accomplissement de ses tâches; (admis)

 

p)         l’appelant accomplissait ses tâches au local commercial de la payeuse; (admis)

 

q)         la payeuse avait le droit de contrôler les activités de l’appelant; (nié)

 

r)          l’appelant n’avait pas le droit d’embaucher, à son propre gré, un assistant ou remplaçant; (admis)

 

s)         l’appelant était engagé aux termes d’un contrat de louage de services; (nié)

 

t)          les tâches de l’appelant n’avaient pas changées [sic] entre la période antérieure et la période en litige; (admis)

 

u)         après la période en litige, M. Bernard et M. LeBlanc ont continué à rendre service à la payeuse et ils ont continué à recevoir des versements de 475 $ la semaine; (admis)

 

v)         pendant la période en litige, le quatrième actionnaire, M. Legacé [sic], travaillait ailleurs, ne rendait pas de services à la payeuse, ne participait pas aux activités commerciales quotidiennes de la payeuse, et ne recevait ni salaire ni versements; (admis)

 

w)        pendant la période en litige, les seuls actionnaires à recevoir des versements étaient ceux qui rendaient des services à la payeuse; (nié)

 

x)         les versements n’ont pas été payés à l’appelant en fonction de son rôle d’actionnaire; et (nié)

 

y)         les versements étaient la rémunération de l’appelant, pour les services qu’il avait rendus à la payeuse, pendant la période en litige. (nié)

 

[4]     Il convient de noter que les faits présumés du ministre, énoncés aux alinéas m), q) et w), quoique niés par l’appelant, ont été prouvés, selon la preuve produite à l’audience. Tous les autres faits présumés du ministre ont été admis par l’appelant, sauf ceux énoncés aux alinéas s), w), x) et y), mais ceux-ci énoncent les conclusions du ministre dans le litige, sur lesquelles il appartient à cette Cour de se prononcer.

 

[5]     Le litige porte également sur la détermination du ministre selon laquelle l’appelant aurait reçu une rétribution de la payeuse en guise de salaire et non en tant que dividende comme le soutient l’appelant.

 

[6]     Le paiement du dividende n’était pas versé à tous les actionnaires, seulement à ceux qui accomplissaient des tâches pour l’entreprise.

 

[7]     Le dividende était versé chaque semaine aux prestataires de services, tel un salaire.

 

[8]     L’appelant a reçu ses versements de dividendes jusqu’à sa mise à pied le 3 septembre 2005.

 

[9]     Quant au quatrième actionnaire, M. Lagacé, qui occupait un emploi ailleurs, il ne recevait aucun versement de dividendes quoiqu’il était titulaire d’actions ordinaires votantes de l’entreprise au même titre que l’appelant et les autres actionnaires et employés du payeur.

 

[10]    Le ministre soutient, à juste titre, que la décision de payer un dividende aux actionnaires n’est pas celle d’un seul actionnaire, mais celle qui doit être prise à une réunion de ceux-ci dûment constituée et dont les décisions sont rendues par ceux-ci dans une résolution faisant partie des procès-verbaux de la société, dûment votée au conseil d’administration, selon l’article 64 du Règlement administratif no 1 de 610771 NB Inc., c’est-à-dire, de la payeuse, qui prescrit ce qui suit :

 

64.       Le conseil d’administration peut déclarer à l’occasion le versement de dividendes aux actionnaires selon leurs droits et intérêts respectifs dans la Corporation. Un dividende payable en espèces est versé par chèque tiré sur les banques de la Corporation ou l’une d’entre elles, à l’ordre de chaque détenteur inscrit d’actions de la catégorie d’actions pour laquelle le dividende a été déclaré. Ce chèque est expédié par courrier ordinaire, port payé, à la dernière adresse de ce détenteur inscrit qui figure sur les registres de la Corporation. S’il s’agit de co-actionnaires, le chèque est établi à l’ordre de tous ces derniers, sauf instructions contraires de leur part, et s’il y a plus d’une adresse sur les registres de la Corporation relativement à ces co-actionnaires, le chèque est envoyé à la première de ces adresses. L’expédition, par voie postale, du chèque constitue une libération et une décharge de toute responsabilité à l’égard du dividende dans la mesure du montant qu’il représente, à moins que le chèque ne soit pas payé au pair sur présentation régulière. En cas de non-réception d’un chèque de dividendes par son destinataire, la Corporation doit établir un nouveau chèque d’un montant identique, à l’ordre de cette personne, après avoir reçu preuve de la non-réception ainsi qu’un cautionnement satisfaisant.

 

[11]    Or, il a été établi à l’audition qu’aucune résolution conformément à ce que prévoit l’article 64, ci-dessus, n’a été à ce jour produit par l’appelant.

 

[12]    Il arrive parfois que la rétribution d’un employé-actionnaire par voie de salaire ou de dividende fasse l’objet de confusion chez certains. D’aucuns ont même soutenu qu’une prestation de travail était requise pour justifier le paiement par la société payante d’un dividende au prestataire de services. Cependant, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Neuman c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1998] A.C.S. no 37, sous la plume du juge Iacobucci, a nettement écarté cette interprétation quand il a écrit ce qui suit :

 

57. […] un dividende est un paiement lié, sous forme de droit, au capital-actions qu’une personne possède dans une société, et à rien d’autre. Ainsi, l’importance de l’apport fourni par une personne à la société, et tout dividende reçu de cette société, sont indépendants l’un de l’autre. Le juge La Forest a fait la même observation dans les motifs dissidents qu’il a rédigés dans McClurg (à la p. 1073) :

 

En toute déférence, ce fait n’est pas pertinent pour les fins du litige dont nous sommes saisis. C’est mal interpréter la nature d’un dividende que de lier le versement d’un dividende à la somme des efforts déployés par le bénéficiaire pour le compte de la société payante. Comme nous l’avons dit auparavant, le versement d’un dividende résulte de la propriété du capital-actions d’une société. Selon un principe fondamental du droit des sociétés, un dividende est le rapport du capital qui se rattache à une action et ne dépend d’aucune façon de la conduite d’un actionnaire donné. [Je souligne.]

 

[…]

 

60. […] Je ne connais aucun principe de droit des sociétés qui exige en outre qu’un actionnaire ait fourni un soi‑disant « apport légitime » pour avoir droit à un revenu de dividendes, et il est reconnu que le droit fiscal comporte des principes de droit des sociétés à moins que ces principes ne soient expressément écartés par la loi fiscale en cause.

 

[13]    Les propos du juge Iacobucci, ci-dessus, ont également été repris par le juge Archambault de cette Cour dans l’arrêt Pauzé c. Canada, [1998] A.C.I. no 560 où il s’exprimait en ces termes :

 

10.  Comme l’a dit mon collègue le juge Dussault dans l’affaire Gosselin c. R., 1996 CanRepNat 2472 (TaxPartner, cédérom de Carswell), au paragraphe 16, une société qui verse des dividendes ne reçoit aucune contrepartie de ses actionnaires.

 

[…]

 

[…] Le droit à un dividende est un droit de partager dans les profits d’une société. Avec respect pour ceux qui sont d’opinion contraire, ce droit n’a qu’une source, la propriété des actions y donnant droit, rien d’autre. Le dividende est un revenu de « bien » et non une rémunération ou une compensation pour services rendus. Si les dividendes reçoivent un traitement fiscal favorable lorsqu’ils sont reçus par les individus grâce au mécanisme de la majoration et du crédit d’impôt c’est qu’ils représentent précisément le résultat du partage des bénéfices d’une société, bénéfices qui ont déjà, du moins en théorie, été imposés à ce premier niveau et sur lesquels on veut limiter ou réduire l’impact de la double imposition lorsque reçus par des particuliers. Ce régime n’existe évidemment pas en ce qui concerne la rémunération pour services rendus […] [Je souligne.]

 

[…]

 

12.  J’ajouterais, de plus, que, lorsqu’un employeur verse une somme d’argent en contrepartie des services rendus par un employé, il s’agit d’un salaire. […]

 

[14]    La preuve a révélé que le ministre a déterminé que l’appelant occupait un emploi assurable en 2004. Or, ces conditions, selon la preuve, n’ont pas changé en 2005.

 

[15]    Par ailleurs, il a été établi que le montant du dividende était versé à l’appelant, tel un salaire. Cependant, tous les actionnaires de la payeuse ne recevaient pas le dividende, seuls ceux qui accomplissaient des tâches pour la payeuse.

 

[16]    En septembre 2005, l’appelant a été mis à pied. Dès lors, il a fait une demande pour que soit déterminé son statut quant à l’assurabilité de son emploi. À cette date, il a cessé de recevoir des versements de dividendes, mais les autres actionnaires-employés ont continué de les recevoir.

 

[17]    À l’audience, l’appelant a affirmé : « J’étais payé comme actionnaire. » Quand le procureur de l’intimé lui a demandé pourquoi, dans les mêmes circonstances qu’en 2004, ne devrait-il pas considérer son emploi comme assurable, il a répondu : « En 2004, on a fait une erreur, on s’est payés en salaire. »

 

[18]    Dans son témoignage à l’audience, le comptable Alain Pitre a déclaré que les actionnaires de la payeuse avaient décidé de se verser un dividende de 24 700,00 $ en janvier 2005, à l’exclusion, cependant, de l’actionnaire Joey Lagacé. Il a ajouté que l’appelant a décidé en septembre 2005 d’arrêter les versements de dividendes dans le but de pouvoir se qualifier pour des prestations d’assurance-emploi. Le comptable a affirmé qu’il avait dû, à la fin de 2005, apporter des correctifs afin d’accommoder la situation de l’appelant.

 

[19]    L’analyse de ces faits, à la lumière de la jurisprudence précitée, porte à la conclusion que la détermination du ministre selon laquelle les versements de 475,00 $ par semaine étaient faits à l’appelant en rétribution des tâches qu’il accomplissait et non en fonction de son rôle d’actionnaire. En d’autres mots, le ministre a eu raison de conclure que les versements hebdomadaires de 475,00 $ faits à l’appelant représentaient le salaire de celui-ci.

 

[20]    Il s’agit maintenant de se pencher sur la deuxième partie du litige qui porte sur l’assurabilité de l’emploi de l’appelant. En d’autres termes, il faut déterminer si l’appelant exerçait un emploi assurable en vertu d’un contrat de louage de services, selon la Loi ou en vertu d’un contrat de travail selon le Code civil du Québec.

 

[21]    Quant à l’assurabilité de l’emploi selon la Loi sur l’assurance-emploi, la disposition pertinente est énoncée à l’alinéa 5(1)a) de cette loi, comme suit :

 


5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[Je souligne.]

 

[22]    Le contrat de louage de services est une notion de droit civil que l’on trouve dans le Code civil du Québec (le « Code civil »). C’est donc en vertu des dispositions pertinentes du Code civil qu’il faudra déterminer la nature de ce contrat.

 

[23]    Dans une publication intitulée « contrat de travail » : « Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s’applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer? », publiée par l’Association de planification fiscale et financière (APFF) et le ministère fédéral de la Justice dans le Second recueil d’études en fiscalité de la collection l’Harmonisation de la législation fédéral avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, le juge Pierre Archambault de cette Cour décrit, à l’égard de toute période d’emploi postérieure au 30 mai 2001, la démarche que doivent faire les tribunaux, depuis l’entrée en vigueur le 1er juin 2001 de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), Ch. 1-21, modifié, lorsque confrontés à un litige comme celui sous étude. Voici ce que le législateur a édicté dans cet article :

 

Propriété et droits civils

 

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

 

[Je souligne.]

 

[24]    Il convient de reproduire les dispositions pertinentes du Code civil qui serviront à déterminer l’existence d’un contrat de travail au Québec pour le distinguer du contrat d’entreprise :

Contrat de travail

 

2085  Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

 

2086  Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

 

Contrat d’entreprise ou de service

 

2098  Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

 

2099  L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

 

[Je souligne.]

 

[25]    Les dispositions du Code civil reproduites ci-dessus établissent trois conditions essentielles à l’existence d’un contrat de travail :

 

1)    la prestation sous forme de travail fournie par le salarié;

2)    la rémunération de ce travail par l’employeur; et

3)    le lien de subordination. Ce qui distingue de façon significative un contrat de service d’un contrat de travail, c’est l’existence du lien de subordination, c’est-à-dire le fait pour l’employeur d’avoir un pouvoir de direction ou de contrôle sur le travailleur.

 

[26]    Cette Cour doit conclure que les deux premiers éléments de la définition énoncée à l’article 2085 ont été établis, le travail fourni par l’appelant a été prouvé, tandis que cette Cour a conclu que les montants hebdomadaires payés à l’appelant représentaient le salaire de celui-ci pour sa prestation de travail.

 

[27]    Pour ce qui se rapporte au lien de subordination, le troisième élément de cette définition, les faits suivants sont pertinents.

 

[28]    Il a été établi que le « trio » contrôlait les activités quotidiennes de la payeuse. Celui-ci était formé de l’appelant, de Réjean Bernard et de Denis LeBlanc. Ils étaient à eux trois titulaires de 75 p. 100 des actions ordinaires votantes de la payeuse. L’appelant a été mis à pied le 3 septembre 2005. Ceci supporte sans doute la notion d’un lien de subordination.

 

[29]    La preuve a révélé que la payeuse fournissait à l’appelant tous les outils nécessaires à l’accomplissement de ses tâches qui étaient effectuées au local commercial de la payeuse.

 

[30]    Le trio qui constituait en quelque sorte le conseil d’administration, avec 75 p. 100 des actions votantes de la payeuse avait le droit de contrôler les activités de l’appelant et celui-ci n’avait pas le droit d’embaucher, à son propre gré un assistant ou un remplaçant.

 

[31]    Il a été établi que le trio décidait de l’horaire qui, quoique flexible, obligeait l’appelant à être présent au local commercial de la payeuse.

 

[32]    Dans son témoignage, l’appelant a admis que s’il mettait en péril la santé financière de l’entreprise où s’il rendait de mauvais services à celle-ci, les « autres » pourraient intervenir. Cette situation, décrite par l’appelant, illustre assez précisément que le pouvoir de contrôle de l’entreprise résidait au conseil d’administration. En outre, il n’a jamais été démontré que le conseil d’administration avait renoncé à ce pouvoir de contrôle. En réalité, il est clair que l’appelant jouait deux rôles au sein de l’entreprise, certains diront « portait deux chapeaux », car il accomplissait des tâches définies en tant qu’employé et détenait 25 p. 100 des actions votantes de la payeuse. Ainsi, il siégeait au conseil d’administration avec droit de vote. Il était à la fois dirigeant et employé.

 

[33]    Le juge Tardif de cette Cour a eu à se prononcer sur un litige semblable dans l'arrêt Industries J.S.P. Inc. c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.I. nº 423. Il exprimait ce qui suit :

 

            Lorsqu’une personne occupe un poste stratégique de cadre pour une entreprise, il est usuel et normal que la description de tâches soit très difficile à définir. En qualité d’associé ou de partie à la direction d'une entreprise, une personne peut difficilement espérer une description de tâches définie, précise et limitée.

 

            Le fait de contribuer et d’être associé à la gérance, à l’administration ou au développement d’une entreprise, et tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’une petite entreprise, fait en sorte que la description de tâches est fortement empreinte d’éléments propres et caractéristiques de celles souvent assumées par les propriétaires d’entreprise eux-mêmes ou de personnes détenant plus de 40 p. 100 des actions votantes de la compagnie dans laquelle ils ont un emploi. En d’autres termes, à ce niveau de responsabilités, la composante rétribution doit s’apprécier avec prudence au niveau d’une comparaison avec des tiers; il existe souvent des avantages qui compensent pour le salaire moindre.

 

            En l’espèce, le travail exécuté par madame Perreault et messieurs Perreault était, à plusieurs égards, comparable à celui accompli par les propriétaires d’entreprise. Cette seule réalité n’est pas en soi suffisante ou déterminante pour exclure leur travail des emplois assurables, d’autant plus que la compagnie employeur n’a jamais renoncé à son pouvoir de contrôler leur travail.

 

            […]

 

            En l’espèce, la preuve a démontré que la compagnie n’avait jamais renoncé à son pouvoir de contrôler le travail exécuté par les membres de la famille Perreault. […]

 

[34]    En outre, une autre décision du juge Tardif, Roxboro Excavation Inc. c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.I. nº 32, ayant été portée en appel, a été confirmée par la Cour d'appel fédérale. Les paragraphes suivants sont particulièrement pertinents, en l’espèce :

 

            […]

 

            La pierre angulaire de ce dossier est essentiellement de savoir s’il existait en 1996, un lien de subordination entre la compagnie qui payait la rémunération et les intervenants. En d’autres termes, la compagnie avait-elle le pouvoir de contrôler et d’intervenir sur le travail exécuté par les frères Théorêt?

 

            À cet égard, je crois important de rappeler que les tribunaux ont souvent répété qu’il n’était pas obligatoire ou nécessaire que le pouvoir de contrôler se soit manifesté dans les faits; en d’autres termes, un employeur qui n’exerce pas son droit de contrôle ne perd pas pour autant ce pouvoir tout à fait essentiel pour l’existence d'un contrat de louage de services.

 

            Le pouvoir de contrôle ou le droit d’intervention sur l’exécution d'un travail s’avère être la principale constituante du lien de subordination à l’origine d’un véritable contrat de louage de services.

 

            L’évaluation de la présence ou non d’un lien de subordination est un exercice difficile lorsque les personnes détenant l’autorité découlant de leur statut d’actionnaires et/ou d’administrateurs sont les mêmes personnes physiques qui, pour un travail donné, sont assujetties au pouvoir de contrôle ou à l’autorité. Exprimé différemment, il est pénible de faire une démarcation lorsqu’une personne est salariée et en partie patron en même temps.

 

            [...]

 

            La preuve a démontré que chacun des intervenants Théorêt disposait d’autorité et d’autonomie, ayant même carte blanche pour l’exécution du travail dont il avait la responsabilité. La preuve a aussi établi que les décisions se prenaient de façon informelle, dans la collégialité et le consensus.

 

            [...]

 

            En l’espèce, le fait que l’autorité ne semblait pas opposable aux frères Théorêt et le fait que les décisions ayant trait à la compagnie étaient prises dans le consensualisme et la collégialité n’enlevaient pas pour autant à la compagnie son autorité sur le travail exécuté par les intervenants. La preuve n’a pas démontré que la compagnie avait renoncé à son pouvoir d’intervention ou que ce droit avait été soit réduit, soit limité ou même annulé.

 

[35]    Après analyse des faits et à la lumière de la jurisprudence, cette Cour est d’avis que le lien de subordination a été établi.

 

[36]    Donc, cette Cour conclut à l’existence d’un contrat de louage de service, aux termes de l’alinéa 5(1)a) de la Loi et d’un contrat de travail selon le Code civil du Québec.

 

[37]    Par ailleurs, cette Cour détermine que l’appelant occupait chez la payeuse un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi ainsi qu’un contrat de travail selon l’article 2085 du Code civil du Québec.

 

[38]    En outre, cette Cour détermine que les versements payés à l’appelant par la payeuse n’étaient pas des dividendes imposables mais une rémunération payée à celui-ci à l’égard de services rendus à la payeuse.

 

[39]    Finalement, les montants payés par la payeuse à l’appelant représentaient le traitement et le salaire cotisables de l’appelant au sens du paragraphe 2(1) du Régime et la rémunération ordinaire de celui-ci provenant d’un emploi ouvrant droit à pension au sens du paragraphe 3(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada.

 


[40]    En conséquence, les appels sont rejetés et les décisions rendues par le ministre sont confirmées.

 

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour de septembre 2007.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI426

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-2054(EI), 2006-2055(CPP)

 

INTITULÉ DES CAUSES :                JEAN-YVES LEVESQUE ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Beresford (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 12 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Alain Pitre

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :                          

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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