Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2006-1960(CPP)

ENTRE :

BRIGADIER SECURITY SYSTEMS (2000) LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

EDWARD BABIY,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Brigadier Security Systems (2000) Ltd. (2006-1961(EI))

le 5 juin 2007, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Doug Agnew

Avocat de l’intimé :

Me Lyle Bouvier

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs de jugement ci‑joints, l’appel est accueilli, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée, au motif qu’Edward Babiy travaillait pour Brigadier à titre d’entrepreneur indépendant aux termes d’un contrat d’entreprise et qu’il n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension du 12 février 2004 au 12 février 2005.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’octobre 2007.

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Dossier : 2006-1961(EI)

ENTRE :

BRIGADIER SECURITY SYSTEMS (2000) LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

EDWARD BABIY,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Brigadier Security Systems (2000) Ltd. (2006-1960(CPP))

le 5 juin 2007, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Doug Agnew

Avocat de l’intimé :

Me Lyle Bouvier

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs de jugement ci‑joints, l’appel est accueilli, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée, au motif qu’Edward Babiy travaillait pour Brigadier à titre d’entrepreneur indépendant aux termes d’un contrat d’entreprise et qu’il n’exerçait pas un emploi assurable du 12 février 2004 au 12 février 2005.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’octobre 2007.

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Dossier : 2007CCI526

Date : 20071010

Dossiers : 2006-1960(CPP)

2006-1961(EI)

ENTRE :

BRIGADIER SECURITY SYSTEMS (2000) LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

EDWARD BABIY,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, Brigadier Security Systems (2000) Ltd. (« Brigadier »), interjette appel de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») portant qu’Edward Babiy travaillait pour Brigadier à titre d’employé. M. Babiy, qui intervient dans les appels, appuie la décision rendue par le ministre. Selon la position de Brigadier, M. Babiy était entrepreneur indépendant et, par conséquent, il n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension[1] ni un emploi assurable[2]. La période visée va du 12 février 2004 au 12 février 2005.

 

[2]     L’avocat a mentionné le critère à quatre volets permettant d’établir si un travailleur est employé ou entrepreneur indépendant, critère élaboré dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue)[3] et appliqué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671121 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[4]:

 

[47]      Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

[48]      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[3]     En plus de tenir compte du degré de contrôle, de la propriété des outils, de la possibilité de profit ou du risque de perte et du degré d’intégration à l’entreprise, la Cour peut aussi examiner l’intention des parties[5].

 

Faits

 

[4]     Brigadier est une société qui vend, fournit et installe des systèmes de sécurité électroniques résidentiels et commerciaux. M. Babiy a commencé à travailler pour la société à titre de vendeur aux termes d’un contrat daté du 27 mars 2002[6]. Ses tâches principales consistaient à rencontrer les clients afin de leur expliquer les produits de sécurité de Brigadier et d’en faire la démonstration. Si une vente était conclue à la suite d’une visite, M. Babiy était également chargé de remplir les papiers nécessaires et de les envoyer au bureau de Brigadier.

 

[5]     Même s’il était un vendeur chevronné, M. Babiy a reçu de la formation pour laquelle il était rémunéré 70 $ la journée; pendant le premier mois, une avance de 1 000 $ lui a été consentie sur les commissions qu’il devait recevoir sur chaque nouvelle vente. Sa rémunération comprenait aussi un pourcentage du prix de tout [traduction] « supplément » qu’il réussissait à vendre à ses clients au moment de la transaction. Toutefois, si le client se décidait seulement après que M. Babiy eut terminé de remplir les papiers, Brigadier conservait la valeur entière du supplément acheté.

 

[6]     La plupart des clients de M. Babiy étaient des [traduction] « acheteurs potentiels », c’est‑à‑dire des gens intéressés à acheter un système de sécurité qui avaient appelé Brigadier. Brigadier attribuait les acheteurs potentiels d’après une liste de priorité, sur laquelle les vendeurs étaient classés en fonction du taux de réussite obtenu dans leurs ventes hebdomadaires. Ce système de priorité était propice aux ventes, car les vendeurs rappelaient les acheteurs potentiels avant que ceux‑ci aient eu le temps de changer d’idée. En outre, le système gardait motivée l’équipe de vendeurs. Le vendeur qui refusait de s’occuper d’un acheteur potentiel se retrouvait au bas de la liste, et le nom de l’acheteur était transmis au vendeur suivant.

 

[7]     M. Babiy avait aussi le droit de trouver ses propres clients, ce qu’il faisait au moyen d’appels improvisés ou par l’intermédiaire de ses relations d’affaires, de membres de sa famille ou d’amis. Une stratégie qu’il trouvait particulièrement efficace pour dénicher de nouveaux clients consistait à monter un kiosque dans les salons de l’habitation et à y exposer des systèmes de sécurité.

 

Analyse

 

[8]     D’après les constatations énoncées ci‑dessous, je suis convaincue que la preuve appuie la conclusion selon laquelle M. Babiy travaillait à titre d’entrepreneur indépendant. Ses revenus dépendaient entièrement des commissions qu’il recevait sur la vente des produits de base de Brigadier et du plus grand nombre possible de lucratifs suppléments. M. Babiy s’y prenait comme il l’entendait pour faire ses ventes. Il décidait lui‑même quand et comment il faisait ses ventes. Il rencontrait seul les clients, et s’en remettait à ses connaissances et à son jugement, résultats de quelque 30 années d’expérience de la vente, pour conclure le marché. Pour inciter les clients à acheter, M. Babiy pouvait leur offrir des articles « gratuits », mais il devait cependant en absorber le coût si, en définitive, Brigadier décidait que l’incitatif en question était injustifiable. Bien qu’il eût à payer le prix de sa décision sur le plan financier, M. Babiy était assurément libre d’accepter ou de refuser les acheteurs potentiels vers qui Brigadier le dirigeait. S’il le désirait, il pouvait confier à un autre vendeur (dans la mesure où cette autre personne avait l’accréditation exigée à l’externe) le soin de s’occuper d’un acheteur potentiel qu’il avait accepté de voir, même si, là encore, il risquait de perdre le contact et la commission.

 

[9]     Même si son contrat (et son propre bons sens) l’obligeait à se vêtir convenablement pour rencontrer les clients, M. Babiy n’était pas tenu de porter l’uniforme de l’entreprise. Il devait avoir et présenter une carte d’identité avec photo qui indiquait qu’il était autorisé à vendre les produits de sécurité, ce qui, à l’avantage mutuel des parties, inspirait confiance aux clients qui laissaient entrer M. Babiy dans leur maison. Étaient aussi mutuellement avantageuses les cartes professionnelles et les enseignes magnétiques pour auto de Brigadier qui étaient mises à la disposition de M. Babiy, même si M. Babiy avait choisi de ne pas utiliser les enseignes.

 

[10]    Afin d’augmenter les ventes, Brigadier tenait régulièrement des réunions des vendeurs; M. Babiy et ses collègues n’étaient pas obligés d’y assister, mais on s’attendait à leur présence. De temps à autre, M. Babiy rencontrait le directeur des ventes pour discuter de son rendement. Ces réunions visaient davantage à motiver les vendeurs qu’à évaluer leur travail.

 

[11]    Brigadier mettait des bureaux à la disposition de M. Babiy et des autres vendeurs afin qu’ils puissent remplir les papiers nécessaires une fois les ventes conclues, mais les vendeurs pouvaient choisir de faire ce travail ailleurs. Brigadier se souciait uniquement de la conclusion des ventes, résultat tout aussi important pour M. Babiy puisque ses commissions étaient calculées en fonction des ventes effectivement conclues.

 

[12]    Aux termes de son contrat avec Brigadier, M. Babiy devait vendre exclusivement les produits de Brigadier à ses clients. Il était libre de travailler dans d’autres domaines de la vente, mais son travail pour Brigadier le tenait assez occupé pour qu’il choisisse de ne pas travailler ailleurs.

 

[13]    M. Babiy n’avait pas de vacances payées, ni de congés de maladie, ni d’assurance médicale, ce qui contrastait vivement avec la gamme d’avantages sociaux dont bénéficiaient ceux qui avaient été embauchés à titre d’employés pour Brigadier. M. Babiy avait l’impression qu’il devait demander la permission pour prendre des vacances, mais la preuve n’appuie pas une telle conclusion. C’était, semble‑t‑il, après avoir lu le manuel de procédures de Brigadier (non déposé en preuve) et discuté librement avec un ancien collègue dénommé Kevin que M. Babiy s’était formé cette impression. À mon avis, toutefois, M. Babiy ne demandait pas vraiment la permission; il démontrait plutôt de la courtoisie professionnelle en informant Brigadier de son intention de prendre des vacances.

 

[14]    Somme toute, je suis convaincue que Brigadier n’exerçait pas de contrôle sur M. Babiy.

 

[15]    Il fallait peu d’instruments de travail, au sens normal du terme. Brigadier avait fourni une trousse de démonstration à M. Babiy, mais ce dernier devait la remplacer à ses frais s’il la perdait ou l’endommageait. Même si, en principe, Brigadier n’exigeait pas (ou, en ce qui concerne l’affaire, ne fournissait pas) de véhicule, M. Babiy avait besoin d’une voiture, dans une ville comme Saskatoon, pour aller rencontrer les clients et transporter la trousse de démonstration. Il fournissait sa propre voiture et payait les dépenses y afférentes. Brigadier avait fourni un téléphone cellulaire à M. Babiy, mais celui-ci payait les frais d’utilisation, ce qui représentait une dépense plus considérable.

 

[16]    M. Babiy engageait des dépenses pour l’essence et l’entretien de sa voiture afin d’aller rencontrer les acheteurs éventuels, même si rien ne lui garantissait une vente. Il choisissait quand offrir des articles gratuits à ses clients et décidait de leur valeur, sans savoir si, en définitive, Brigadier le rembourserait. Il investissait du temps et de l’argent afin de chercher de nouveaux clients, en ignorant si ses efforts seraient récompensés. Dans ces circonstances, il avait un risque de perte. Toutefois, en exploitant sa vaste expérience de la vente, en saisissant les occasions de vente et en concevant des stratégies novatrices, M. Babiy avait de bonnes chances de réaliser un profit grâce à son travail.

 

[17]    Finalement, il y a la question de l’intention. M. Babiy devait travailler à titre d’entrepreneur indépendant, aux termes du contrat qu’il avait signé avec Brigadier. Il s’agit d’un contrat bref, écrit en langage clair. Il est difficile de croire qu’un homme intelligent comme M. Babiy, possédant autant d’expérience de la vente, aurait signé un tel document sans en apprécier les modalités, ou qu’il aurait laissé son statut de travailleur autonome ou d’employé se décider au hasard. Je suis convaincue qu’il savait qu’il était décrit dans ce document comme un « entrepreneur indépendant », qu’il comprenait et avait volontairement accepté ce que cette description signifiait. Le contrat documentait avec précision l’intention des parties, selon laquelle M. Babiy devait travailler à titre d’entrepreneur indépendant.

 

[18]    Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est accueilli, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée au motif que, pendant la période visée, Edward Babiy travaillait aux termes d’un contrat d’entreprise.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’octobre 2007.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


DOSSIER :                                        2007CCI526

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-1960(CPP) et 2006-1961(EI)

 

INTITULÉ :                                       Brigadier Security Systems (2000) Ltd. c.
Le ministre du Revenu national et
Edward Babiy

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Doug Agnew

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Lyle Bouvier

 

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Doug Agnew

                                                         

                          Cabinet :                  Agnew & Company

                                                          Saskatoon (Saskatchewan)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Conformément à l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada.

 

[2] Conformément à l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

 

[3] 87 DTC 5025.

 

[4] [2001] 2 R.C.S. 983.

 

[5] Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, 2002 DTC 6853 (C.A.F.); The Royal Winnipeg Ballet v. Canada (Minister of National Revenue), 2006 DTC 6323 (C.A.F.).

 

[6] Pièce A-1.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.