Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossiers : 2006-2409(EI)

2006-2410(CPP)

ENTRE :

NORTHTOWN MOTORS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

Daniel M. Borden

et Business Check Saskatoon Ltd.,

intervenants,

ET

2006-3356(EI)

DANIEL M. BORDEN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

NORTHTOWN MOTORS LTD.

et BUSINESS CHECK SASKATOON LTD.,

 

 

intervenantes.

 

 

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus ensemble le 23 août 2007, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante 

Northtown Motors Ltd. :                         M. Laurie K. Bradley

Avocat de l’intimé :                                 Me Lyle Bouvier

 

Représentant des intervenantes

Business Check Saskatoon Ltd. et

Northtown Motors Ltd. :                          M. Laurie K. Bradley

 

Pour l’appelant/l’intervenant

Daniel M. Borden :                                   L’appelant/l’intervenant lui-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels interjetés par Northtown Motors Ltd. (« Northtown ») et par Daniel M. Borden (« M. Borden ») ainsi que les interventions faites par Northtown Motors, Business Check Saskatoon Ltd. (« Business Check ») et M. Borden en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi sur l’A‑E ») sont réglés conformément aux motifs de jugement, et les affaires sont renvoyées au ministre du Revenu national pour être tranchées selon ces motifs de jugement, plus précisément de façon qu’il soit tenu compte des conclusions suivantes :

 

Au cours de la période en question :

 

a)     Northtown était l’employeur réputé de M. Borden pour l’application du RPC;

 

b)     M. Borden exerçait un emploi auprès de Business Check et il était réputé occuper auprès de Northtown un emploi ouvrant droit à pension pour l’application du RPC;

 

c)     M. Borden exerçait auprès de Business Check un emploi assurable pour l’application de la Loi sur l’A‑E;

 

d)     M. Borden et Business Check n’avaient entre eux aucun lien de dépendance.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d’octobre 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Référence : 2007CCI627

Date : 20071018

Dossiers : 2006-2409(EI)

2006-2410(CPP)

ENTRE :

NORTHTOWN MOTORS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

DANIEL M. BORDEN

et BUSINESS CHECK SASKATOON LTD.,

intervenants,

ET

Dossier : 2006-3356(EI)

ENTRE :

DANIEL M. BORDEN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

NORTHTOWN MOTORS LTD.

et BUSINESS CHECK SASKATOON LTD.,

intervenantes.

 

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Ces appels ont été entendus ensemble. La façon dont la Cour en a été saisie est plutôt compliquée, mais il s’agit en fait de savoir si Daniel Borden était un employé réputé de Northtown Motors Ltd. (« Northtown ») et un employé de Business Check Saskatoon Ltd. (« Business Check »). Dans le dossier 2006‑2409(EI), Northtown interjette appel d’une décision portant que Daniel Borden était un employé réputé de Northtown. En fait, selon la décision rendue le 28 septembre 2006 par le ministre du Revenu national, M. Borden occupait, auprès de Business Check, un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et, étant donné que Northtown payait sa rémunération, cette dernière était son employeur réputé. Dans la même lettre, il est déclaré que cet emploi n’était pas un emploi assurable en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi sur l’A‑E ») parce qu’en fait, il existait un lien de dépendance entre M. Borden et Business Check.

 

[2]     En fait, Northtown interjette appel de la décision en question pour ce qui est de l’assurabilité et du droit à pension. La Couronne prend la position selon laquelle l’appel interjeté par Northtown en vertu de la Loi sur l’A‑E devrait être annulé parce qu’il a été décidé que l’emploi de M. Borden n’était pas assurable.

 

[3]     M. Borden est intervenu dans ces appels à l’appui de la position prise par le ministre, à savoir qu’il était un employé de Business Check et de Northtown; M. Borden a interjeté appel de la décision qui lui a été transmise le 30 mai 2006.

 

[4]     La lettre reproduite ci‑dessous a été envoyée à Northtown et à Business Check le 30 mai 2006; une lettre similaire a été envoyée à M. Borden, les seules modifications effectuées étant qu’on parlait de lui à la deuxième personne du singulier plutôt qu’à la troisième personne. Autre différence, la lettre envoyée à Northtown mentionnait ce qui suit au paragraphe 4 : [traduction] « Mackenzie Daniel Borden était assurable pour la raison suivante [...] » La lettre envoyée à Business Check était libellée comme suit : [traduction] « [...] L’emploi de Mackenzie Daniel Borden n’était pas assurable [...] » Dans la lettre adressée à M. Borden, on disait : [traduction] « [...] votre emploi n’était pas assurable [...] » Je suppose que, dans la lettre adressée à Northtown, les mots [traduction] « l’emploi de […] n’était pas » ont été omis et que les mots [traduction] « était assurable » ont par inadvertance été employés, à défaut de quoi, la lettre envoyée à Northtown n’aurait aucun sens.

 

[5]     La lettre en question est rédigée comme suit :

 

[traduction]

La présente lettre se rapporte à l’appel que vous avez interjeté de la décision du 25 août 2005, quant à la question de savoir si Mackenzie Daniel Borden exerçait auprès de votre entreprise, du 15 novembre 2004 au 27 juin 2005, un emploi ouvrant droit à pension et un emploi assurable.

 

Il a été décidé que l’emploi de Mackenzie Daniel Borden ouvrait droit à pension, et ce, pour la raison suivante :

 

Mackenzie Daniel Borden exerçait un emploi aux termes d’un contrat de louage de services; il était donc un employé de Business Check Saskatoon Ltd. En outre, vous êtes réputé être l’employeur de Mackenzie Daniel Borden étant donné que vous payiez sa rémunération.

 

Il a également été décidé que Mackenzie Daniel Borden était assurable, et ce, pour la raison suivante :

 

Mackenzie Daniel Borden avait, en fait, un lien de dépendance avec Business Check Saskatoon Ltd. et exerçait donc un emploi exclu.

 

La décision dont fait état la présente lettre est rendue conformément au paragraphe 27.2(3) du Régime de pensions du Canada et au paragraphe 93(3) de la Loi sur l’assurance‑emploi; elle est fondée sur l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada, sur le paragraphe 8.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada ainsi que sur les alinéas 5(2)i) et 5(3)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi.

 

Si vous ne souscrivez pas à la présente décision, vous pouvez en appeler devant la Cour canadienne de l’impôt dans les 90 jours suivant la date de la présente lettre. Des renseignements sur les modalités d’appel sont joints à la présente lettre.

 

[6]     Il convient de traiter de plusieurs autres points techniques avant d’examiner le bien‑fondé de l’affaire :

 

a)     Le 6 novembre 2006, Business Check a déposé un certificat de dissolution en vertu de la Business Corporation Act de la Saskatchewan;

 

b)     L’article 8.1 du Règlement pris en vertu du RPC prévoit que toute personne qui paie la rémunération d’un employé qui occupe un emploi ouvrant droit à pension auprès d’un « véritable » employeur est réputée, en plus du « véritable employeur », être l’employeur de l’employé. Cette disposition est importante parce que, si M. Borden occupait un emploi auprès de Business Check, mais qu’il était rémunéré par Northtown, c’est Northtown qui était l’employeur « réputé » de M. Borden;

 

c)     La Loi sur l’A‑E et son règlement d’application ne renferment aucune disposition semblable à l’article 8.1 du Règlement sur le RPC;

 

d)     La Loi sur l’A‑E exclut des emplois assurables celui de l’employé qui a un lien de dépendance avec l’employeur, mais aucune exclusion similaire n’existe en vertu du RPC ou de son règlement d’application;

 

e)     Indépendamment de l’erreur typographique apparente figurant dans la lettre du 30 mai 2006 adressée à Northtown, le ministre du Revenu national n’a jamais allégué que Northtown était l’employeur de M. Borden pour l’application de la Loi sur l’A‑E, et aucune disposition de la Loi sur l’A‑E ne permet de considérer Northtown comme un employeur « réputé » de M. Borden. Par conséquent, la nature du lien existant entre M. Borden et Business Check n’a rien à voir avec Northtown pour ce qui est de l’appel fondé sur la Loi sur l’A‑E. De même, la question de savoir s’il existait un lien de dépendance entre M. Borden et Northtown ou Business Check n’est pas pertinente dans l’appel fondé sur le RPC.

 

[7]     Le greffe de la Cour a ouvert les dossiers au nom de Northtown Motors Ltd., mais il est raisonnable de considérer que la lettre envoyée par M. Bradley le 11 août 2006 se rapporte à un appel interjeté par Northtown et par Business Check. Cette lettre est rédigée comme suit :

 

[traduction]

           La présente lettre vise à vous aviser que je ne souscris pas à la décision que l’Agence du revenu du Canada a rendue le 30 mai 2006. La décision se rapporte à la question de savoir si M. Daniel Borden exerçait un emploi ouvrant droit à pension et un emploi assurable entre le 15 novembre 2004 et le 27 juin 2005.

 

           M. Borden n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services et il n’était pas un employé de Business Check Saskatoon Ltd. ou de Northtown Motors Ltd. M. Borden et moi‑même étions en fait associés dans une nouvelle entreprise commerciale. Contrairement à ce que M. Borden a indiqué et à la décision visée par l’appel, il n’y avait pas de relation employeur‑employé. Voilà pourquoi j’interjette appel de cette décision.

 

           Une copie d’une décision rendue le 29 juin 2006 par le Labour Standards Board de la province expliquant d’une façon plus détaillée la position que je prends à l’égard de M. Borden est jointe aux présentes.

 

[8]     Bref, la Cour dispose donc des éléments suivants :

 

a)     une décision du ministre portant que M. Borden occupait un emploi ouvrant droit à pension auprès de Business Check et que Northtown était l’employeur réputé pour l’application du RPC parce que c’était elle qui rémunérait M. Borden;

 

b)     une décision du ministre portant que M. Borden n’exerçait pas un emploi assurable aux fins de l’A‑E parce qu’il avait un lien de dépendance avec Business Check (à moins que je ne me trompe en incorporant dans la lettre que l’Agence du revenu du Canada a envoyée à Northtown le 30 mai 2006 les mots figurant dans les deux autres lettres);

 

c)     un appel interjeté d’une façon générale par M. Borden des décisions rendues par le ministre en vertu du RPC et de la Loi sur l’A‑E;

 

d)     un appel interjeté par Northtown des deux décisions (y compris celle selon laquelle l’emploi de M. Borden n’était pas assurable);

 

e)     une intervention faite par Business Check dans l’appel de M. Borden et dans celui de Northtown ainsi qu’une intervention faite par M. Borden dans les appels de Northtown.

 

[9]     Je crois qu’il est juste de conclure que toutes les questions soulevées en vertu de la Loi sur l’A‑E et du RPC sont soulevées par les trois plaideurs, à savoir Northtown, M. Borden et Business Check.

 

[10]    Il s’agit essentiellement de savoir si Daniel Mackenzie Borden occupait un emploi ouvrant droit à pension ou un emploi assurable auprès de Business Check. Si M. Borden occupait un emploi ouvrant droit à pension auprès de Business Check, il s’ensuit que Northtown était l’employeur réputé pour l’application du RPC en vertu de l’article 8.1 du Règlement sur le RPC.

 

[11]    On n’a jamais donné à entendre que M. Borden exerçait en fait un emploi auprès de Northtown aux fins de l’A‑E. La décision était fondée sur l’avis selon lequel M. Borden exerçait un emploi auprès de Business Check, mais qu’il s’agissait d’un emploi non assurable à cause de l’existence d’un lien de dépendance. M. Bradley reconnaît que, même s’il a essentiellement eu gain de cause dans l’appel en matière d’assurance‑emploi, puisque le ministre a décidé que M. Borden, même s’il était un employé de Business Check, n’exerçait pas un emploi assurable à cause de l’existence d’un lien de dépendance, il ne veut pas abandonner son appel parce que cela pourrait constituer un aveu selon lequel M. Borden était un employé, position que M. Bradley conteste. M. Borden n’est pas lié par la conclusion du ministre selon laquelle il avait un lien de dépendance avec Business Check et il conteste cette conclusion.

 

[12]    M. Bradley a lancé l’entreprise Northtown à Hague (Saskatchewan) en 1979; en 1997, il a établi l’entreprise à Saskatoon, où il s’occupe de vente de voitures et de camions.

 

[13]    Lorsqu’il s’est installé à Saskatoon, M. Bradley a constaté que l’entreprise faisait constamment l’objet d’introductions par effraction. La prime d’assurance est devenue excessivement coûteuse, et il lui a même été impossible de s’assurer. Il a parlé à M. Borden et ils ont discuté de la possibilité d’exercer un contrôle sur les véhicules qui se présentaient à leurs portes à l’aide d’un GPS (système de positionnement global). M. Bradley a discuté de la chose avec un certain nombre de propriétaires d’entreprises, à qui plaisait l’idée de faire vérifier leurs locaux la nuit.

 

[14]    M. Bradley a créé Business Check, dont il est l’unique actionnaire et administrateur. Il comptait au départ une douzaine de bons clients, principalement des concessionnaires de voitures ou de machinerie, que le genre de surveillance assurée par Business Check intéressait. Il a en fin de compte eu de 40 à 50 clients auxquels il demandait environ trois dollars par appel. En moyenne, il y avait chaque nuit deux appels par client. M. Bradley fournissait à M. Borden un uniforme ainsi qu’une fourgonnette sur laquelle était affiché le logo de Business Check. M. Borden était un policier à la retraite; il exerçait les fonctions de gardien et se rendait aux locaux des clients sur demande. Northtown a versé à M. Borden un montant de 1 500 $, soit 1 000 $ à l’automne 2004 et 500 $ au mois de janvier 2005. Northtown a également versé environ 3 500 $ à l’amie de M. Borden pour les efforts qu’elle déployait en vue de donner de l’essor à l’entreprise.

 

[15]    L’entreprise a commencé ses activités à l’automne 2004; elle a duré jusqu’au mois de mai ou de juin 2005; elle a donc été exploitée pendant environ huit ou neuf mois. Les affaires n’ont pas marché et, vers le mois de juin 2005, la relation que M. Bradley entretenait avec M. Borden a pris fin. L’entreprise a été transférée à quelqu’un d’autre, Waren Paul, qui l’a exploitée pendant environ un an.

 

[16]    Il s’agit de savoir si la relation existant entre M. Borden et Business Cherck était une relation employeur‑employé ou si, comme le soutient M. Bradley, M. Borden et lui étaient associés dans une entreprise. Il existait de toute évidence une relation quelconque. Il n’y a que quelques possibilités, à savoir, l’existence du statut d’employé, d’entrepreneur indépendant, d’associé, de coentrepreneur, d’actionnaire, ou encore rien de tout cela.

 

[17]    Dans un certain nombre d’arrêts de la Cour d’appel fédérale, que j’ai examinés dans la décision rendue récemment dans l’affaire Lang c. M.R.N., 2007 CCI 547, l’intention des parties a été considérée comme un facteur d’une importance variable lorsqu’il s’agissait de décider si un travailleur était un employé ou s’il était plutôt un entrepreneur indépendant. Je ne crois pas que ce facteur entre ici en ligne de compte, puisqu’une partie affirme avoir été un employé, alors que l’autre affirme qu’elle était associée. Si l’intention entre en ligne de compte, elle doit être partagée par les deux parties.

 

[18]    M. Bradley affirme que M. Borden et lui étaient associés, mais je puis rien constater qui justifie cette conclusion, au cours de la période en question. M. Borden croyait peut‑être bien qu’à un moment donné, si les choses évoluaient de la façon dont il l’espérait, il deviendrait copropriétaire de Business Check. Toutefois, pendant la période où M. Borden travaillait comme gardien, il n’y avait aucun des indices habituels d’une société de personnes ([traduction] « [...] la relation qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice »). M. Borden et M. Bradley ne partageaient pas les dépenses, les recettes ou les profits. L’entreprise était celle de Business Check, qui prenait en charge les dépenses, fournissait les instruments de travail et avait une possibilité de profit et un risque de perte.

 

[19]    L’intention déclarée des parties selon laquelle il n’y aura pas de société de personnes n’empêche pas en soi une relation de donner lieu à une société de personnes (Rezek et al. v. The Queen et al., 2005 DTC 5373, page 5384; Weiner v. Harris, [1910] 1 K.B. 285), et un contrat signé de société ne crée pas non plus en soi une société de personnes (Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367, paragraphe 27). A fortiori, la déclaration d’une personne selon laquelle elle croyait être associée à une autre personne peut, considérée isolément, n’avoir aucune valeur probante, particulièrement devant la dénégation vigoureuse de l’autre personne, ainsi qu’en l’absence complète des indices habituels d’une société de personnes.

 

[20]    Je crois que ce qui décrit le plus exactement la relation entretenue par M. Borden est que ce dernier était un employé. C’était M. Bradley, ou l’une des deux sociétés de M. Bradley, qui payait les dépenses, qui fournissait la fourgonnette et l’uniforme et qui disait à M. Borden chez qui se présenter. La notion « de la possibilité de profit et du risque de perte », qui constitue l’un des aspects d’une relation d’entrepreneur indépendant, ne s’étend pas au cas dans lequel un employé peut espérer devenir copropriétaire, si l’entreprise de l’employeur porte ses fruits. En déterminant la nature d’une relation, il faut examiner la situation telle qu’elle existe au moment pertinent, et non la situation qui, selon un intéressé ou des intéressés, pourra exister à une date future indéterminée, si certains événements se produisent.

 

[21]    Il importe de faire mention d’une autre question. M. Borden a obtenu une évaluation de son salaire du directeur des normes du travail en vertu de la Labour Standards Act de la Saskatchewan, ordonnant à M. Bradley et à Business Check de verser à M. Borden un salaire de 12 998,19 $. Un appel a été interjeté devant un arbitre, qui a annulé la décision pour le motif que M. Borden n’était pas un employé de Business Check. L’arbitre a retenu le témoignage de M. Bradley, selon lequel la relation que celui‑ci entretenait avec M. Borden n’était pas une relation d’emploi. L’arbitre n’a pas expressément conclu que M. Borden était un associé. Étant donné que je n’ai pu constater aucun élément de preuve à l’appui de la thèse selon laquelle M. Borden était un associé, il convient de se poser la question suivante : « S’il n’était pas un associé et si, comme l’arbitre l’a conclu, il n’était pas un employé, qu’était‑il? » Il n’a pas été soutenu que M. Borden était un entrepreneur indépendant (et de toute façon la preuve n’étaye pas une telle conclusion).

 

[22]    M. Borden a interjeté appel devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Le juge Foley a rejeté l’appel en disant ce qui suit :

 

[traduction]

[11]    En concluant que M. Borden n’était pas un employé, l’arbitre a tenu compte du témoignage de M. Bradley et de celui de M. Borden, et il a conclu que la relation existant entre les parties n’était pas une relation employeur‑employé, mais donnait plutôt lieu à une société de personnes.

 

[12]    De toute évidence, lorsque la preuve soumise par M. Bradley et celle fournie par M. Borden étaient contradictoires, l’arbitre a décidé de retenir la preuve de M. Bradley, comme il était en droit de le faire. L’arbitre a conclu que la contribution effectuée par M. Borden pouvait être considérée comme un apport de compétences dans la société de personnes, alors que M. Bradley avait engagé des fonds, mais que chacun risquait de perdre son apport et que chacun pouvait réaliser un profit si l’entreprise s’avérait rentable.

 

[13]    Ces conclusions fournissaient un fondement factuel approprié permettant à l’arbitre de conclure en droit que M. Borden n’était pas un employé.

 

[14]    Cela ne veut pas pour autant dire que certains des faits portés à la connaissance de l’arbitre n’étayaient pas la position prise par M. Borden. L’arbitre était plutôt convaincu que le poids de la preuve indiquait l’existence d’une société de personnes plutôt que d’une relation employeur‑employé.

 

[15]    L’appel est rejeté étant donné qu’il n’a pas été démontré que l’arbitre avait commis une erreur de droit. Aucune ordonnance n’est rendue au sujet des dépens.

 

[23]    Malgré tout le respect que je porte envers l’arbitre et envers le juge Foley, il reste que je dois trancher l’affaire en me fondant sur la preuve qui m’a été soumise. Le juge Foley faisait face à une question fort différente, à savoir si l’arbitre avait à sa disposition des éléments de preuve justifiant la conclusion qu’il avait tirée. L’arbitre semble avoir préféré la preuve soumise par M. Bradley à celle de M. Borden. À supposer même que la preuve soumise à l’arbitre par M. Bradley était la même que celle dont dispose la Cour, je ne crois pas que cette preuve indique l’existence d’une société de personnes entre M. Bradley et M. Borden ou entre M. Borden et Business Check.

 

[24]    Eu égard à la preuve qui m’a été soumise, je ne puis rien voir qui permette de conclure que M. Borden était un associé. Je crois plutôt que M. Borden était un employé de Business Check, selon le point de vue qui est le plus conforme à l’ensemble de la preuve et selon l’application des critères habituels en matière d’emploi qui ont été élaborés par la présente cour et par la Cour d’appel fédérale. Rien ne me permet de retenir la version des faits donnée par M. Borden.

 

[25]    Il n’y a absolument rien qui permette de conclure à l’existence d’un lien de dépendance entre M. Borden et Business Check. Toutefois, il convient de donner certaines précisions sur ce point, qui semble avoir suscité une certaine confusion. Dans la réponse à l’avis d’appel de M. Borden, il n’est pas expressément déclaré que le ministre a tenu pour acquis l’existence d’un lien de dépendance entre M. Borden et Business Check, bien qu’il semble s’agir du fondement de la décision portant que M. Borden n’exerçait pas un emploi assurable. Toutefois, un certain nombre d’allégations ont été faites, selon lesquelles les dispositions que M. Borden et Business Check avaient prises n’étaient pas des dispositions qu’auraient prises des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance. Ces allégations, même si elles étaient corroborées, ne prouvent pas l’existence d’un lien de dépendance. Si les personnes en cause étaient liées, les allégations seraient pertinentes dans le cas où une question se poserait en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi sur l’A‑E. Toutefois, telle n’est pas la question dont je suis saisi. Cependant, comme il en a ci‑dessus été fait mention, rien ne permet de conclure que M. Borden et Business Check avaient entre eux un lien de dépendance. Je crois qu’il n’y avait pas de lien de dépendance.

 

[26]    Les appels interjetés par Northtown et par Business Check sont rejetés, et les appels interjetés par M. Borden sont accueillis; l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il modifie sa décision compte tenu du fait que, pendant la période en question, M. Borden exerçait auprès de Business Check un emploi assurable pour l’application de la Loi sur l’A‑E, et que Northtown était l’employeur réputé de M. Borden pour l’application du RPC. Étant donné que le ministre a fondé sa décision sur l’avis selon lequel il existait un lien de dépendance entre M. Borden et Business Check, je ne crois pas pouvoir augmenter l’obligation que Business Check peut avoir envers M. Borden, et ce, quel que soit l’effet que ma décision, à savoir que M. Borden exerçait un emploi assurable auprès de Business Check, peut avoir sur la position personnelle de M. Borden en vertu de la Loi sur l’A‑E (voir Harris v. M.N.R., 64 DTC 5332, page 5337, juge Thurlow). Étant donné la dissolution de Business Check, il s’agit d’un point plutôt théorique.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d’octobre 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI627

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-2409(EI), 2006-2410(CPP) et 2006‑3356(EI)

 

INTITULÉ :                                       Northtown Motors Ltd. c. M.R.N.

                                                          Daniel M. Borden c. M.R.N.

 

INTERVENANTS :                            Daniel M. Borden; Business Check

                                                          Saskatoon Ltd.; Northtown Motors Ltd.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 23 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 18 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante 

Northtown Motors Ltd.:                          M. Laurie K. Bradley

 

 

Représentant des intervenantes

Business Check Saskatoon Ltd. et

Northtown Motors Ltd. :                          M. Laurie K. Bradley

 

 

Pour l’appelant/l’intervenant

Daniel M. Borden :                                   L’appelant/l’intervenant lui-même

 

Avocat de l’intimé :                                  Me Lyle Bouvier

 

                                               


AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.