ENTRE :
et
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Appel entendu le 11 décembre 2006 à Montréal (Québec).
Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre
Comparutions :
Me Natalie Goulard |
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JUGEMENT
L’appel interjeté à l'égard d’une détermination de perte, dont l'avis est daté du 23 janvier 2004 et a été établi en vertu des paragraphes 40(3.3), 40(3.4) et 40(3.5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (« LIR ») pour l'année d'imposition 2000, est accueilli avec dépens, sur la base que l’appelante avait le droit de déclarer une perte en capital de 15 941 608 $ au cours de son année d’imposition 2000, puisque cette perte n'est pas réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.4) de la LIR.
Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2007.
« Lucie Lamarre »
ENTRE :
CASCADES INC.,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] L’appelante conteste une détermination de perte, dont l'avis est daté du 23 janvier 2004, par lequel le ministre du Revenu national (« Ministre ») réduisait de 15 941 608 $ les pertes en capital déclarées par l’appelante au cours de l’année d’imposition 2000. Le Ministre a réputé nulle ladite perte en vertu du paragraphe 40(3.4) de la Loi de l’impôt sur le Revenu (« LIR »).
Exposé conjoint des faits
[2] Les parties ont produit un Exposé conjoint des faits qui se lit comme suit :
1. L’Appelante est une société constituée en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies et est une société canadienne imposable au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).
2. À la fin de mai 2000, l’appelante détenait 71.1% des actions ordinaires de la société Les Industries Paperboard International Inc. (« PII »), une société dont les actions sont transigées à la Bourse de Toronto (TSE).
3. Les actions de PII détenues par l’appelante avaient, à ce moment, un prix de base rajusté de 68 783 154 $ et une juste valeur marchande de 52 841 546 $.
4. En juin 2000, l’appelante a présenté un projet de restructuration financière destiné à lui assurer une meilleure valorisation sur les marchés financiers et à soutenir sa croissance future. Le projet de restructuration proposé consistait, entre autres, à échanger toutes les actions ordinaires de PII détenues par des actionnaires minoritaires contre de nouvelles actions ordinaires de l’appelante.
Liste de documents faisant état de la chronologie de la transaction, annexe A
Communiqué de l’appelante daté du 10 juillet 2000,
annexe B
5. Le 8 septembre 2000, la société 3715965 Canada Inc. a été incorporée.
Certificat de constitution et les Statuts constitutifs, annexe C
6. Le 17 octobre 2000, une Convention de regroupement est intervenue entre l’appelante, PII, Papiers Perkins Ltée et Rolland Inc.
Convention de regroupement, annexe D
7. Le 17 octobre 2000, une Convention de fusion est intervenue entre PII, 3715965 Canada Inc. et l’appelante.
Convention de fusion, annexe E
8. Le 17 octobre 2000, une action privilégiée de 3715965 Canada Inc. a été émise à l’appelante, l’appelante devenant ainsi la seule actionnaire de 3715965 Canada Inc.
9. Le 5 décembre 2000, l’appelante a vendu 33 025 966 actions ordinaires, soit la totalité des actions de PII qu’elle détenait, à 3715965 Canada Inc. pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande de ces actions, provoquant ainsi la réalisation d’une perte en capital de 15 941 608 $ (prix de base rajusté de 68 783 154 $ moins le produit de disposition de 52 841 546 $). En contrepartie, l’appelante a reçu 33 025 966 actions ordinaires de 3715965 Canada Inc.
Contrat de vente d’actions conclu le 5 décembre 2000, annexe F
10. Le 5 décembre 2000, 3715965 Canada Inc. a racheté l’action privilégiée qu’elle avait émise à l’appelante.
Copie certifiée conforme d’une Résolution des administrateurs de 3715965 Canada Inc., adoptée le 5 décembre 2000, annexe G.
11. Le 31 décembre 2000, soit 26 jours plus tard, PII et 3715965 Canada Inc. ont été fusionnées. Il s’agissait d’une fusion tripartite à laquelle le paragraphe 87(9) de la Loi était applicable.
Certificat de fusion et les Statuts de la fusion, annexe H.
12. Dans le cadre de cette fusion, la totalité des actions ordinaires de PII, autres que celles détenues par 3715965 Canada Inc., ont été échangées contre des actions ordinaires de l’appelante. Les actions privilégiées de catégorie A et de catégorie B de PII ont été converties en actions privilégiées de catégorie A et de catégorie B respectivement de la société fusionnée 384894-9 Canada Inc. (« PII Fusionco »). Pour chacune de ses actions ordinaires qu’elle émettait aux porteurs d’actions ordinaires de PII, l’appelante a reçu une action ordinaire de PII Fusionco.
13. Chacune des actions ordinaires de 3715965 Canada Inc. détenue par Cascades fut convertie en action ordinaire de PII Fusionco.
14. L’appelante est devenue l’unique actionnaire de PII Fusionco (à l’exception des détenteurs d’actions privilégiées de catégorie A et B émises lors de la fusion).
15. Le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a réduit de 15 941 608 $ les pertes en capital déclarées par l’appelante pour son année d’imposition 2000. Un avis de détermination d’une perte a été émis à cet effet le 23 janvier 2004.
Avis de détermination d’une perte et le formulaire T7W-C, annexe I
16. L’appelante s’est opposée à cet avis de détermination par avis d’opposition daté le 29 janvier 2004 et le Ministre a ratifié la détermination par avis de ratification daté le 21 février 2005.
Avis d’opposition, annexe J.
Avis de ratification, annexe K
Litige
[3] La question en litige est de déterminer si l’appelante avait le droit de réclamer la perte de 15 941 608 $ immédiatement dans son année d’imposition 2000, lors de la disposition de la totalité des actions qu’elle détenait dans Les Industries Paperboard International Inc. (« PII »), en faveur de la société 3715965 Canada Inc. (« 371 »), laquelle est une société affiliée à l’appelante aux termes de l’article 251.1 de la LIR.
[4] L’intimée invoque les paragraphes 40(3.3), 40(3.4) et 40(3.5) de la LIR, lesquels lus dans leur ensemble, feraient en sorte que les règles sur la minimisation des pertes (« stop-loss rules » selon la terminologie anglaise) devraient s’appliquer. Ces règles visent à empêcher une société (ici l’appelante) de reconnaître une perte en capital sur une immobilisation tant et aussi longtemps que le bien ou un bien identique (« bien de remplacement ») est détenu par le cédant (l’appelante) ou une personne affiliée à lui. L’intimée s’appuie sur l’alinéa 40(3.5)c) pour invoquer que la société issue de la fusion de PII et 371, 384894‑9 Canada Inc. (« PII Fusionco ») est réputée détenir les actions de PII (vendues par l’appelante et ayant occasionné la perte en litige) tant qu’elle sera affiliée à l’appelante. La présomption de l’alinéa 40(3.5)c) de la LIR prévoit que lorsqu’un cédant (l’appelante) dispose d’une action du capital-actions d’une société (PII) qui est ensuite fusionnée avec une ou plusieurs autres sociétés (371), la société issue de la fusion (PII Fusionco) est réputée être propriétaire de l’action tant qu’elle est affiliée au cédant. Si tel est le cas, la perte serait réputée nulle pour l’appelante en vertu des paragraphes 40(3.3) et 40(3.4) de la LIR et serait suspendue jusqu’à ce que le bien en question ne soit plus la propriété du cédant (l’appelante) ou d’une personne qui lui est affiliée.
[5] L’appelante soutient que la présomption de l’alinéa 40(3.5)c) n’a pas d’application dans la présente instance, et qu’en conséquence, une des conditions prévues au paragraphe 40(3.3), plus particulièrement celle prévue à l’alinéa 40(3.3)c), n’étant pas remplie, le paragraphe 40(3.4) prévoyant la suspension de la perte dans la mesure où toutes les conditions du paragraphe 40(3.3) sont respectées, ne peut trouver application. Selon l’appelante, la perte en question n’est donc pas nulle aux termes de l’alinéa 40(3.4)a).
Dispositions législatives
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Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, chapitre 1 (5e Suppl.), telle que modifiée |
Income Tax Act, R.S.C. 1985, Chapter 1 (5th Supp.), as modified |
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40(3.3) Application du par. (3.4) -- Le paragraphe (3.4) s’applique lorsque les conditions suivantes sont réunies : |
40(3.3) When subsection (3.4) applies -- Subsection (3.4) applies when |
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a) une société, une fiducie ou une société de personnes (appelées « cédant » au présent paragraphe et au paragraphe (3.4)) dispose d’une immobilisation, sauf un bien amortissable d’une catégorie prescrite, en dehors du cadre d’une disposition visée à l’un des alinéas c) à g) de la définition de « perte apparente » à l’article 54; |
(a) a corporation, trust or partnership (in this subsection and subsection (3.4) referred to as the “transferor”) disposes of a particular capital property (other than depreciable property of a prescribed class) otherwise than in a disposition described in any of paragraphs (c) to (g) of the definition "superficial loss" in section 54; |
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b) au cours de la période qui commence 30 jours avant la disposition et se termine 30 jours après cette disposition, le cédant ou une personne affiliée à celui-ci acquiert le même bien ou un bien identique (appelés « bien de remplacement » au présent paragraphe et au paragraphe (3.4)); |
(b) during the period that begins 30 days before and ends 30 days after the disposition, the transferor or a person affiliated with the transferor acquires a property (in this subsection and subsection (3.4) referred to as the “substituted property”) that is, or is identical to, the particular property; and |
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c) à la fin de cette période, le cédant ou une personne affiliée à celui-ci est propriétaire du bien de remplacement.
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(c) at the end of the period, the transferor or a person affiliated with the transferor owns the substituted property. |
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(3.4) Perte sur certains biens -- Lorsque le présent paragraphe s’applique par l’effet du paragraphe (3.3) à la disposition d’un bien, les présomptions suivantes s’appliquent : |
(3.4) Loss on certain properties -- If this subsection applies because of subsection (3.3) to a disposition of a particular property, |
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a) la perte du cédant résultant de la disposition est réputée nulle;
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(a) the transferor’s loss, if any, from the disposition is deemed to be nil, and
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b) la perte du cédant résultant de la disposition, déterminée compte non tenu de l’alinéa (2)g) et du présent paragraphe, est réputée être sa perte résultant d’une disposition du bien effectuée immédiatement avant le premier en date des moments suivants qui est postérieur à la disposition : |
(b) the amount of the transferor’s loss, if any, from the disposition (determined without reference to paragraph (2)(g) and this subsection) is deemed to be a loss of the transferor from a disposition of the particular property at the time that is immediately before the first time, after the disposition, |
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(i) le début d’une période de 30 jours tout au long de laquelle ni le cédant, ni une personne affiliée à celui-ci n’est propriétaire : |
(i) at which a 30-day period begins throughout which neither the transferor nor a person affiliated with the transferor owns |
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(A) du bien de remplacement, |
(A) the substituted property, or |
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(B) d’un bien qui est identique au bien de remplacement et qui a été acquis après le jour qui précède de 31 jours le début de la période, |
(B) a property that is identical to the substituted property and that was acquired after the day that is 31 days before the period begins, |
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(ii) le moment auquel le cédant serait réputé, par l’article 128.1 ou le paragraphe 149(10), avoir disposé de l’immobilisation s’il en était propriétaire, |
(ii) at which the property would, if it were owned by the transferor, be deemed by section 128.1 or subsection 149(10) to have been disposed of by the transferor, |
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(iii) si le cédant est une société, le moment immédiatement avant l’acquisition du contrôle du cédant par une personne ou un groupe de personnes, |
(iii) that is immediately before control of the transferor is acquired by a person or group of persons, where the transferor is a corporation, |
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(iv) si le bien de remplacement est une dette ou une action du capital-actions d’une société, le moment auquel le cédant ou une personne affiliée à celui‑ci est réputé, par l’article 50, avoir disposé du bien, |
(iv) at which the transferor or a person affiliated with the transferor is deemed by section 50 to have disposed of the property, where the substituted property is a debt or a share of the capital stock of a corporation, or |
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(v) si le cédant est une société, le moment auquel sa liquidation commence, sauf s’il s’agit d’une liquidation à laquelle s’applique le paragraphe 88(1); |
(v) at which the winding-up of the transferor begins (other than a winding-up to which subsection 88(1) applies), where the transferor is a corporation, |
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c) pour l’application de l’alinéa b), la société de personnes qui cesse d’exister après la disposition est réputée ne cesser d’exister qu’au moment donné immédiatement après le premier en date des moments visés aux sous-alinéas b)(i) à (v), et chaque personne qui en était un associé immédiatement avant le moment où elle aurait cessé d’exister, n’eût été le présent paragraphe, est réputée le demeurer jusqu’au moment donné.
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and for the purpose of paragraph (3.4)(b), where a partnership otherwise ceases to exist at any time after the disposition, the partnership is deemed not to have ceased to exist, and each person who was a member of the partnership immediately before the partnership would, but for this subsection, have ceased to exist is deemed to remain a member of the partnership, until the time that is immediately after the first time described in subparagraphs (b)(i) to (v). |
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(3.5) Bien identique présumé -- Les présomptions suivantes s’appliquent dans le cadre des paragraphes (3.3) et (3.4) : |
(3.5) Deemed identical property -- For the purposes of subsections (3.3) and (3.4),
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a) le droit d’acquérir un bien (sauf le droit servant de garantie seulement et découlant d’une hypothèque, d’une convention de vente ou d’un titre semblable) est réputé être un bien qui est identique au bien; |
(a) right to acquire a property (other than a right, as security only, derived from a mortgage, agreement for sale or similar obligation) is deemed to be a property that is identical to the property; |
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b) l’action du capital-actions d’une société qui est acquise en échange d’une autre action dans le cadre d’une opération à laquelle s’appliquent les articles 51, 85.1, 86 ou 87 est réputée être un bien qui est identique à l’autre action; |
(b) a share of the capital stock of a corporation that is acquired in exchange for another share in a transaction to which section 51, 85.1, 86 or 87 applies is deemed to be a property that is identical to the other share; |
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c) lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent à la disposition par un cédant d’une action du capital-actions d’une société et que, après cette disposition, la société est fusionnée avec une ou plusieurs autres sociétés en dehors du cadre d’une opération relativement à laquelle l’alinéa b) s’applique à l’action ou fait l’objet d’une liquidation à laquelle s’applique le paragraphe 88(1), la société issue de la fusion ou la société mère, au sens de ce paragraphe, est réputée être propriétaire de l’action tant qu’elle est affiliée au cédant; |
(c) where subsections (3.3) and (3.4) apply to the disposition by a transferor of a share of the capital stock of a corporation, and after the disposition the corporation is merged with one or more other corporations, otherwise than in a transaction in respect of which paragraph (b) applies to the share, or is wound up in a winding-up to which subsection 88(1) applies, the corporation formed on the merger or the parent (within the meaning assigned by subsection 88(1)), as the case may be, is deemed to own the share while it is affiliated with the transferor; and |
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d) lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent à la disposition par un cédant d’une action du capital-actions d’une société et que, après cette disposition, l’action est rachetée, acquise ou annulée par la société en dehors du cadre d’une opération relativement à laquelle les alinéas b) ou c) s’appliquent à l’action, le cédant est réputé être propriétaire de l’action tant que la société lui est affiliée. |
(d) where subsections (3.3) and (3.4) apply to the disposition by a transferor of a share of the capital stock of a corporation, and after the disposition the share is redeemed, acquired or cancelled by the corporation, otherwise than in a transaction in respect of which paragraph (b) or (c) applies to the share, the transferor is deemed to own the share while the corporation is affiliated with the transferor. |
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…
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… |
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87(2)g.4) Perte apparente — immobilisation -- pour l’application de l’alinéa 40(3.5)c) relativement à une action acquise par une société remplacée, la nouvelle société est réputée être la même société que chaque société remplacée et en être la continuation; |
87(2g.4) Superficial losses — capital property -- for the purpose of applying paragraph 40(3.5)(c) in respect of any share that was acquired by a predecessor corporation, the new corporation is deemed to be the same corporation as, and a continuation of, each predecessor corporation; |
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[Je souligne.] |
[Emphasis added.] |
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Arguments de l’appelante
[6] Selon l’appelante, la lecture du préambule du paragraphe 40(3.5) et de l’alinéa 40(3.5)c) est suffisamment claire pour que la présomption de propriété des actions prévue à l’alinéa 40(3.5)c) ne puisse être invoquée que si les paragraphes 40(3.3) et 40(3.4) ont d’abord trouvé application. Or, dans le cas présent, pour que le paragraphe 40(3.4) s’applique afin que la perte soit réputée nulle, il faut d’abord s’assurer que les trois conditions prévues au paragraphe 40(3.3) soient réunies. L’appelante reconnaît que les alinéas 40(3.3)a) et b) trouvent application puisque l’appelante (le cédant) a disposé d’une immobilisation (les actions qu’elle détenait dans PII) (alinéa 40(3.3)a)); et qu’au cours de la période qui commence 30 jours avant la disposition et se terminant 30 jours après cette disposition, une personne affiliée au cédant (371) a acquis le même bien ou un bien identique (« bien de remplacement ») (alinéa 40(3.3)b). Toutefois, selon l’appelante, la condition prévue à l’alinéa 40(3.3)c) n’est pas remplie. En effet, pour trouver application, il faut qu’à la fin de la période de 61 jours prévue à l’alinéa 40(3.3)b), le cédant ou une personne affiliée soit propriétaire du bien de remplacement. Ce bien de remplacement dans le cas actuel serait les actions de PII. Or, à la fin de la période de 61 jours, ces actions n’existaient plus, puisque 371 qui détenait ces actions et PII ont été fusionnées, faisant disparaître du coup les actions de PII. Ces actions n’existant plus à la fin de la période de 61 jours, on ne peut plus prétendre que le cédant (l’appelante) ou une personne affiliée (371) ou même PII Fusionco était propriétaire du bien de remplacement, puisque faut-il le répéter, ce bien n’existait plus. L’appelante soutient donc que les conditions du paragraphe 40(3.3) ne sont pas toutes réunies. Ceci étant, on ne peut alléguer que le paragraphe 40(3.4) qui vient réputer la perte comme étant nulle s’applique, puisque le paragraphe 40(3.4) ne peut s’appliquer que par l’effet du paragraphe 40(3.3) à la disposition d’un bien (« subsection [40(3.4)] applies because of subsection (3.3) to a disposition of a particular property », selon la version anglaise).
[7] Selon l’appelante, si le législateur avait voulu que l’on se serve de la présomption de propriété que l’on retrouve à l'alinéa 40(3.5)c) pour d’abord établir si le paragraphe 40(3.3) trouvait application, il l’aurait fait de façon plus précise, ou il aurait pu omettre toute référence à l’application des paragraphes 40(3.3) et (3.4) comme il l’a fait aux alinéas 40(3.5)a) et b), pour étendre la notion de bien identique. Selon l’appelante, les alinéas 40(3.5)c) et d) visent des règles de continuité. Ainsi, si à la fin de la période de 61 jours, surviennent par la suite des événements comme une fusion ou une liquidation, alors la règle de continuité s’applique afin de préserver la perte jusqu’à ce que le bien ne soit plus détenu par le cédant ou une personne qui lui est affiliée. L’appelante soutient que si la fusion a lieu à l’intérieur de la période de 61 jours, comme ce fut le cas ici, le législateur permet au cédant de reconnaître sa perte. Selon l’appelante, c’est le législateur qui a jugé approprié d’adopter une règle de 61 jours. On n’a pas à se poser la question si cela est justifié ou non sur le plan économique.
[8] D’ailleurs, on retrouve une règle parallèle dans le cas d’une perte apparente prévue à l’article 54 de la LIR. Une perte apparente est définie comme suit :
Article 54 : Définitions |
Section 54: Definitions |
« perte apparente » Perte d’un contribuable résultant de la disposition d’un bien, dans le cas où, à la fois : |
"superficial loss" of a taxpayer means the taxpayer’s loss from the disposition of a particular property where |
a) au cours de la période qui commence 30 jours avant la disposition et se termine 30 jours après cette disposition, le contribuable ou une personne affiliée à celui-ci acquiert le même bien ou un bien identique (appelés «bien de remplacement» à la présente définition); |
(a) during the period that begins 30 days before and ends 30 days after the disposition, the taxpayer or a person affiliated with the taxpayer acquires a property (in this definition referred to as the “substituted property”) that is, or is identical to, the particular property, and |
b) à la fin de la période visée à l’alinéa a), le contribuable ou une personne affiliée à celui-ci est propriétaire du bien de remplacement ou a le droit de l’acquérir. |
(b) at the end of that period, the taxpayer or a person affiliated with the taxpayer owns or had a right to acquire the substituted property, |
Toutefois, une perte n’est pas une perte apparente si la disposition qui y a donné lieu est, selon le cas : |
except where the disposition was |
c) une disposition réputée avoir été effectuée par l’alinéa 33.1(11)a), le paragraphe 45(1), l’article 48, en son état avant 1993, les articles 50 ou 70, le paragraphe 104(4), l’article 128.1, l’alinéa 132.2(1)f), les paragraphes 138(11.3) ou 142.5(2), l’alinéa 142.6(1)b) ou les paragraphes 144(4.1) ou (4.2) ou 149(10); |
(c) a disposition deemed by paragraph 33.1(11)(a), subsection 45(1), section 48 as it read in its application before 1993, section 50 or 70, subsection 104(4), section 128.1, paragraph 132.2(1)(f), subsection 138(11.3) or 142.5(2), paragraph 142.6(1)(b) or subsection 144(4.1) or 144(4.2) or 149(10) to have been made, |
d) l’expiration d’une option; |
(d) the expiry of an option, |
e) une disposition à laquelle s’applique l’alinéa 40(2) e.1); |
(e) a disposition to which paragraph 40(2)(e.1) applies, |
f) une disposition effectuée par une société dont le contrôle a été acquis par une personne ou un groupe de personnes dans les 30 jours suivant la disposition; |
(f) a disposition by a corporation the control of which was acquired by a person or group of persons within 30 days after the disposition, |
g) une disposition effectuée par une personne qui, dans les 30 jours suivant la disposition, est devenue exonérée de l’impôt prévu par la présente partie sur son revenu imposable ou a cessé de l’être; |
(g) a disposition by a person that, within 30 days after the disposition, became or ceased to be exempt from tax under this Part on its taxable income, or |
h) une disposition à laquelle s’appliquent les paragraphes 40(3.4) ou 69(5). |
(h) a disposition to which subsection 40(3.4) or 69(5) applies, |
Pour l’application de la présente définition, le droit d’acquérir un bien (sauf le droit servant de garantie seulement et découlant d’une hypothèque, d’une convention de vente ou d’un titre semblable) est réputé être un bien qui est identique au bien. |
and, for the purpose of this definition, a right to acquire a property (other than a right, as security only, derived from a mortgage, agreement for sale or similar obligation) is deemed to be a property that is identical to the property. |
[9] Dans le cas de la perte apparente, si le contribuable dispose d’un bien et que lui ou une personne affiliée acquiert le même bien ou un bien identique (« bien de remplacement ») au cours de la période qui commence 30 jours avant la disposition et se termine 30 jours après, et que le contribuable ou une personne affiliée à celui-ci est propriétaire du bien de remplacement à la fin de cette période de 61 jours, ou a le droit de l’acquérir, la perte sera une perte apparente considérée nulle aux termes du sous-alinéa 40(2)g)(i) et sera reportée en augmentant le coût du bien nouvellement acquis par l’effet de l’alinéa 53(1)f) de la LIR. Toutefois, si le bien est nouvellement acquis après l’expiration de la période de 61 jours, le contribuable aura droit de réclamer sa perte, puisque celle-ci ne sera pas considérée une perte apparente.
[10] Par ailleurs, le fait que les biens restent à l’intérieur du groupe de sociétés affiliées n’est pas, selon l’appelante, un obstacle en soi pour permettre la réalisation de la perte (référence est faite à l’arrêt La Reine c. Produits Forestiers Donohue Inc., 2002 CAF 422, au paragraphe 22, où l’on indiquait que rien dans la LIR empêchait un contribuable de réaliser une perte sur des titres d'une société vendues à des tiers, même si une partie importante des actifs auxquels on pourrait attribuer la perte demeurait à l’intérieur du groupe de sociétés, dans le cas d’une liquidation, par exemple, en vertu des paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR).
[11] Finalement, l’appelante souligne que dans l’affaire S.T.B. Holdings Ltd. v. The Queen, 2002 DTC 1254 (TCC), conf. 2002 FCA 386, la Cour canadienne de l'impôt a analysé le mot « applied » au paragraphe 29, alors qu’elle analysait l’expression « following the application of this section » que l’on retrouve au paragraphe 245(7) de la LIR. Le juge Miller de cette Cour s’exprimait ainsi au paragraphe 29 :
[29] First, to further flush out the ordinary meaning of subsection 245(7) it is necessary to describe the different interpretations put upon the phrases “following the application of this section” and “involving the application of this section”. Does the ordinary meaning of “following the application of this section” suggest the GAAR provisions have already been applied? What is meant by “applied”? The Applicant argues that “application” means just the process of contemplation by the Minister and discussion with the taxpayer prior to assessment. I fail to see how such musing and communications constitute application. The Minister may consider GAAR, may talk to the taxpayer about GAAR and then may determine not to apply GAAR. This cannot in the ordinary sense be considered the application of the section. The section, as indicated previously, is an assessing tool for the Minister; it follows that an application of the section is only complete upon assessment. That being the case, “following the application” on an ordinary construction means following an assessment involving GAAR. Tax consequences to any person, following the application of this section, must then necessarily refer to tax consequences other than those in the original application of GAAR; it must refer to a subsequent application. It precludes a taxpayer from self-assessing by applying GAAR.
[12] Ainsi, lorsqu’on lit ceci à l'alinéa 40(3.5)c) : « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent à la disposition par un cédant d’une action du capital‑actions d’une société […] », il faut comprendre que les paragraphes (3.3) et (3.4) ont déjà trouvé application, avant que l’on puisse appliquer l'alinéa 40(3.5)c). Selon l’appelante, c’est également ce qu’il faut comprendre des notes explicatives sur le paragraphe 40(3.5), du 8 décembre 1997, qui se lisent comme suit :
Notes explicatives --- Loi de l'impôt sur le revenu – Notes explicatives, 40(3.5) |
Technical Notes, 40(3.5) |
8 décembre 1997, NE: Le nouveau paragraphe 40(3.5) contient quatre règles spéciales qui s'appliquent dans le cadre de la règle sur le report de pertes énoncée au nouveau paragraphe 40(3.4).
|
Dec. 1997 TN (technical): New subsection 40(3.5) sets out four special rules that apply for the purposes of the loss deferral rule in new subsection 40(3.4). |
Premièrement, l'alinéa 40(3.5)a) prévoit que le droit d'acquérir un bien (sauf le droit servant de garantie de dette ou d'un titre semblable) est réputé être identique au bien en question. |
First, paragraph 40(3.5)(a) provides that a right to acquire a property (other than a right that is security for a debt or similar obligation) is treated as being identical to the property. |
Deuxièmement, l'alinéa 40(3.5)b) prévoit qu'une action acquise en échange d'une autre action en vertu de l'un des articles 51, 85.1, 86 ou 87 de la Loi est identique à cette autre action. |
Second, paragraph 40(3.5)(b) treats a share that is acquired in exchange for another share under any of sections 51, 85.1, 86 or 87 as identical to that other share. |
Troisièmement, l'alinéa 40(3.5)c) porte sur ce qu'il advient lorsque le bien qui donne naissance à une perte reportée en vertu du nouveau paragraphe 40(3.4) est une action d'une société qui, par la suite, est fusionnée avec une ou plusieurs autres sociétés (sauf dans le cas où l'alinéa précédent s'applique déjà à l'action) ou fait l'objet d'une liquidation par la société mère. En pareil cas, l'action est réputée continuer d'appartenir à la société survivante, à savoir la société issue de la fusion ou la société mère, tant que celle-ci est affiliée au cédant. |
Third, paragraph 40(3.5)(c) clarifies the result where the property that gives rise to a deferred loss under new subsection 40(3.4) is a share of a corporation that is subsequently merged with one or more other corporations (except where the preceding paragraph already applies to the share) or is wound up into its parent corporation. In such a case, the surviving corporation -- that is, the corporation formed on the merger or the parent corporation -- is treated as continuing to own the share as long as that surviving corporation is affiliated with the transferor. |
[Je souligne.] |
[Emphasis added.] |
[13] L’appelante conclut que tant sur le plan textuel, contextuel que sur le plan de la politique fiscale, les paragraphes 40(3.3), (3.4) et (3.5) n’empêchent pas, compte tenu des circonstances en l’instance, que la perte lui soit permise dans l’année même de sa réalisation, soit en 2000.
Argument de l’intimée
[14] L’intimée, en se référant aux principes d’interprétation dégagés par la jurisprudence, soutient que les paragraphes 40(3.3), 40(3.4) et 40(3.5) doivent être lus ensemble pour en déterminer leur sens. Ces dispositions législatives visent une règle précise sur la minimisation des pertes (« stop-loss rules »). Ainsi, selon l’intimée, le paragraphe 40(3.3) établit les conditions d’application; le paragraphe 40(3.4) énonce la règle applicable comme telle (soit la suspension de la perte); et le paragraphe 40(3.5) a été adopté pour définir ce qu’est le bien de remplacement en tant que tel, de même que le concept de propriété à un moment donné. Pour l’intimée, le paragraphe 40(3.5) est pertinent aux fins d’établir si les conditions requises par le paragraphe 40(3.3) existent. Ainsi, l’expression « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent à la disposition par un cédant d’une action du capital-actions d’une société [...] » que l’on retrouve à l’alinéa 40(3.5)c), doit se lire selon l’intimée « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) [visent ou concernent] la disposition par un cédant d’une action [...] ». Dès lors, l’intimée soutient qu’il faut entendre par là, que lorsque l’on veut appliquer les règles prévues aux paragraphes (3.3) et (3.4), dans une situation précise de vente d’actions, il faut se reporter à l’alinéa (3.5)c), pour vérifier si la condition c) du paragraphe (3.3) s’applique. Ainsi, selon l’intimée, s’il y a eu fusion après la disposition des actions, peu importe que cette fusion ait eu lieu à l’intérieur ou à l’extérieur de la période de 61 jours, prévue à l’alinéa 40(3.3)b), la société résultant de la fusion (ici PII Fusionco) est réputée être propriétaire des actions qui ont fait l’objet de la disposition à la fin de la période visée, aux termes de l’alinéa 40(3.3)c). Cette présomption fait en sorte que même si le bien de remplacement n’existait plus à la fin de la période de 61 jours, PII Fusionco est réputée en être propriétaire. La perte sur la disposition des actions de PII sera réputée nulle tant qu’elle restera dans le groupe de sociétés affiliées, aux termes du paragraphe 40(3.4).
[15] Selon l’intimée, le préambule du paragraphe 40(3.5) qui se lit comme suit : « Les présomptions suivantes [a) à d)] s’appliquent dans le cadre des paragraphes (3.3) et (3.4) : », et en anglais : « For the purposes of (3.3) and (3.4), », permet l’interprétation qu’elle donne à l’alinéa 40(3.5)c). D’autant plus, soutient l’intimée, que s’il fallait exiger que les conditions du paragraphe 40(3.3) soient réunies avant d'examiner la présomption de l'alinéa 40(3.5)c), cette présomption ne serait jamais pertinente pour les fins du paragraphe 40(3.3). Selon son interprétation, les présomptions du paragraphe 40(3.5) sont, dans le cas des alinéas c) et d), une expansion de la notion de propriété du bien identique. Si le législateur avait voulu limiter cette présomption, il l’aurait indiqué clairement. Or, ce n’est pas ce qu’il fait. Le législateur se sert des présomptions du paragraphe 40(3.5) pour définir le concept de propriété et de bien de remplacement que l’on retrouve au paragraphe 40(3.3). Cette interprétation serait conforme à la raison d’être de la règle sur la minimisation des pertes, à savoir, on suspend la perte jusqu’à ce qu’elle devienne une perte économique réelle, provoquée par la disposition des biens en dehors d’un groupe de sociétés affiliées. Selon l’intimée, il n’y aurait aucune raison pour que le législateur permette d’échapper à cette règle de base en reconnaissant la perte lorsque la fusion est réalisée à l’intérieur de la période de 61 jours, mais en la refusant si la fusion se réalise après la période de 61 jours. Ce serait ainsi trop facile d’échapper à la règle.
Analyse
[16] Les principes d’interprétation applicables aux lois fiscales ont à nouveau été résumés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Cie pétrolière Impériale ltée c. Canada; Inco ltée c. Canada, 2006 CSC 46, [2006] 2 R.C.S. 447. Le juge LeBel les reprend aux paragraphes 24 à 29 :
D. Principes d’interprétation applicables aux lois fiscales
24 Notre Cour a créé une jurisprudence considérable en matière d’interprétation des lois fiscales. Je n’ai pas l’intention de l’examiner au complet, et il n’est pas nécessaire que je le fasse non plus. Je me concentrerai sur quelques principes clés qui semblent s’en dégager, de même que sur l’évolution de ces principes.
25 La jurisprudence de notre Cour se fonde sur la méthode moderne d’interprétation législative. Depuis l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, la Cour a statué que l’interprétation stricte des lois fiscales n’est plus appropriée, et que la méthode moderne doit aussi s’appliquer à ces lois :
[traduction] [I]l faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi . . .
(E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87; Stubart, p. 578, le juge Estey; Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, 2001 CSC 62, par. 36, le juge Iacobucci)
26 Malgré cette approbation de la méthode moderne, la nature particulière des lois fiscales et les caractéristiques de leurs structures souvent complexes expliquent pourquoi on a toujours mis l’accent sur la nécessité d’examiner attentivement le texte même de la LIR, de manière à permettre aux contribuables de se fonder sur celui‑ci, sans risque d’erreur, pour exploiter leur entreprise et organiser leurs affaires fiscales. On ne devrait pas permettre que des considérations générales touchant l’objet de la loi se substituent aux termes précis employés par le législateur (Ludco, par. 38‑39).
27 Bien qu’elle l’ait fait dans le contexte de la « règle générale anti‑évitement » ou « RGAÉ », notre Cour a récemment réitéré les principes clés régissant l’interprétation des lois fiscales dans les arrêts Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, et Mathew c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 643, 2005 CSC 55. D’une part, la Cour a reconnu que l’interprétation textuelle de ces lois reste pertinente. D’autre part, elle a insisté sur l’importance d’interpréter leurs dispositions dans leur contexte, c’est‑à‑dire eu égard à l’esprit général de la loi, comme l’exige la méthode moderne.
28 Dans les motifs conjoints qu’ils ont rédigés dans l’affaire Trustco Canada, la Juge en chef et le juge Major ont affirmé, au départ, que la méthode moderne s’applique à l’interprétation des lois fiscales. Il faut lire les mots dans leur contexte, en tenant compte de l’ensemble de la loi, c’est‑à‑dire en conservant toujours à l’esprit les mots employés dans les autres dispositions de la loi :
Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [par. 10]
29 La Juge en chef et le juge Major ont ensuite abordé le problème de la tension sous‑jacente entre l’interprétation textuelle, les attentes des contribuables concernant la fiabilité de leurs arrangements fiscaux et commerciaux, les objectifs du législateur et les objets de certaines dispositions ou de la loi dans son ensemble :
En raison du principe du duc de Westminster (Commissioners of Inland Revenue c. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (H.L.)), selon lequel le contribuable a le droit d’organiser ses affaires de façon à réduire au maximum l’impôt qu’il doit payer, le droit fiscal canadien a reçu une interprétation stricte à une époque où l’interprétation littérale des lois était plus courante qu’aujourd’hui. De nos jours, il ne fait aucun doute que toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique. Cependant, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle. Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent. [par. 11]
(Voir aussi Mathew, par. 42‑43.)
[Je souligne.]
[17] Par ailleurs, le juge Binnie soulignait, dans ce même arrêt, que l’ « [o]n peut aborder les questions d’interprétation en étant assuré jusqu’à un certain point que le législateur peut être pris au mot dans les diverses dispositions détaillées de la Loi [LIR] (ou qu’il s’empressera de les modifier s’il appert que ce n’est pas le cas) » (paragraphe 73). En analysant l’objet de la loi, le juge Binnie faisait également allusion aux observations de la juge McLachlin dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 43 :
[…] les tribunaux doivent par conséquent faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit d’attribuer au législateur, à l’égard d’une disposition claire de la Loi, une intention non explicite : […] En concluant à l’existence d’une intention non exprimée par le législateur sous couvert d’une interprétation fondée sur l’objet, l’on risque de rompre l’équilibre que le législateur a tenté d’établir dans la Loi. [par. 43]
[18] Il est utile également de citer Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 12 :
12 Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. Comme l’affirme la Cour, au par. 45 de l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 :
[E]n l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution.
Voir également l’arrêt 65302 British Columbia, par. 51, où le juge Iacobucci cite P. W. Hogg et J. E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), p. 475‑476 :
[TRADUCTION] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition.
[Je souligne.]
[19] De plus, dans Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, la Cour suprême du Canada s’exprime ainsi au paragraphe 45 :
45 Selon la présomption d’absence de tautologie, [traduction] « [c]haque mot d’une loi est présumé avoir un sens et jouer un rôle précis dans la réalisation de l’objectif du législateur » : voir R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), p. 159. Dans la mesure du possible, les tribunaux devraient éviter d’adopter des interprétations qui dépouillent une partie d’une loi de tout son sens ou qui la rendent redondante : Hill c. William Hill (Park Lane) Ld., [1949] A.C. 530 (H.L.), p. 546, le vicomte Simon.
[20] Ceci étant dit, comment faut-il interpréter les paragraphes 40(3.3), (3.4) et (3.5) de la LIR?
[21] Si l’on regarde le texte même de ces dispositions, il est clair que les conditions du paragraphe 40(3.3) doivent toutes être réunies pour que le paragraphe 40(3.4) s’applique. Qu’en est-il du paragraphe 40(3.5)?
[22] Tout d’abord, cette disposition se situe après les paragraphes 40(3.3) et (3.4). A priori, le paragraphe 40(3.5) n’est pas un prérequis à l’application des paragraphes 40(3.3) et (3.4). Toutefois, selon le préambule du paragraphe 40(3.5), les présomptions prévues aux alinéas 40(3.5)a) à d) s’appliquent dans le cadre des paragraphes (3.3) et (3.4). Si l’on s’arrête ici, le texte nous dit que pour appliquer les paragraphes (3.3) et (3.4), il faut d’abord regarder les présomptions prévues au paragraphe (3.5). Ainsi, l’intimée aurait raison de dire que toutes les présomptions du paragraphe (3.5) doivent être vérifiées pour voir si elles trouvent application dans l’analyse des conditions à réunir sous le paragraphe 40(3.3).
[23] Par contre, lorsqu’on lit les alinéas 40(3.5)c) et d), on retrouve une distinction par rapport aux alinéas 40(3.5)a) et b). De fait, le législateur précise spécifiquement aux alinéas 40(3.5)c) et d), que les présomptions se retrouvant à ces deux alinéas prennent naissance « lorsque les paragraphes 40(3.3) et (3.4) s’appliquent à la disposition par un cédant d’une action du capital-actions d’une société et que, après cette disposition, la société est fusionnée avec une ou plusieurs autres sociétés [ou rachetée, acquise ou annulée par la société dans le cas de l'alinéa (3.5)d)] ».
[24] Si le législateur avait voulu dire « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) [visent ou concernent] la disposition par un cédant d’une action du capital-actions d’une société », tel que le soutient l’intimée, dans le sens que dans tous les cas de vente d’actions, il faut se référer tout d’abord aux alinéas (3.5)c) et d) pour vérifier si la condition prévue à l'alinéa 40(3.3)c) est remplie, il aurait dû formuler cette précision clairement. Or, non seulement il ne s’exprime pas avec les termes que l’intimée suggère, mais en plus, il prend la peine de dire, « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent […] ». Vu qu’il a déjà été mentionné dans le préambule que les présomptions visées au paragraphe 40(3.5) s’appliquent « dans le cadre des paragraphes (3.3) et (3.4) », il n’était plus nécessaire de répéter aux alinéas 40(3.5)c) et d) « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent […] », s’il voulait que les présomptions des alinéas (3.5)c) et d) s’appliquent en tout temps comme dans le cas des alinéas (3.5)a) et b), tel que le soutient l’intimée.
[25] Ainsi que le disait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Placer Dome Canada, précité, « [d]ans la mesure du possible, les tribunaux devraient éviter d’adopter des interprétations qui dépouillent une partie d’une loi de tout son sens ou qui la rendent redondante » (paragraphe 45). Or, si l’on suit la logique de l’intimée, il m'apparaît que l’expression « lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent […] », reprise aux alinéas (3.5) c) et d), serait tout à fait redondante compte tenu du préambule du paragraphe (3.5) qui prévoit expressément que « les présomptions suivantes s’appliquent dans le cadre des paragraphes (3.3) et (3.4) ». Le législateur n’est jamais censé parler pour ne rien dire. Or, s'il avait voulu dire ce que préconise l'intimée, pourquoi aurait‑il été nécessaire de faire allusion une deuxième fois à l'application des paragraphes (3.3) et (3.4) aux alinéas (3.5)c) et d), alors qu'on faisait déjà référence à ces deux paragraphes dans le préambule du paragraphe (3.5)[1]? C’est d’ailleurs le cas pour les présomptions prévues aux alinéas (3.5) a) et b), où le législateur s’abstient de faire allusion une deuxième fois aux paragraphes (3.3) et (3.4).
[26] La façon dont le paragraphe (3.5) a été rédigé démontre, selon moi, que le législateur entendait faire une distinction dans le cas des présomptions prévues aux alinéas (3.5)c) et d). Il ne voulait pas simplement dire que dans le cas de vente d’actions, il fallait regarder les présomptions des alinéas (3.5)c) et d) dans l’analyse des conditions du paragraphe (3.3). Il voulait dire ce qu’il a dit. Lorsque les paragraphes (3.3) et (3.4) s’appliquent, c’est-à-dire lorsque toutes les conditions du paragraphe (3.3) sont réunies, faisant en sorte que le paragraphe (3.4) s’applique pour suspendre la perte, alors il y aura une présomption de propriété des actions dans le cas où il y a une fusion après la disposition. Or, comme il n'y aura suspension de la perte que si le bien de remplacement existe toujours à la fin de la période de 61 jours, l'alinéa 40(3.5)c) donnera la possibilité au cédant de réclamer sa perte s’il y a eu fusion après la période de 61 jours, car autrement il aurait perdu le droit à sa perte.
[27] Il est tout à fait logique de dire, selon moi, que la présomption de l'alinéa 40(3.5)c) a été instaurée pour précisément permettre la reconnaissance éventuelle de la perte dans le cas de fusion après la période de 61 jours, car autrement la possibilité de réclamer cette perte serait perdue à jamais, le bien ayant occasionné la perte n'existant plus. Si la fusion a lieu à l’intérieur de la période de 61 jours, il n’y avait pas lieu de créer cette présomption, puisque le bien de remplacement n’existant plus, et n’étant donc plus la propriété de quiconque, le cédant avait déjà eu droit à sa perte. Autrement dit, l'alinéa 40(3.5)c) vient spécifiquement viser le cas où le cédant perdrait le droit à sa perte dans l’hypothèse où la fusion n’aurait pu, pour toutes sortes de raisons, avoir eu lieu à l’intérieur de la période de 61 jours.
[28] À mon avis, ceci peut très bien être l’objet visé par la loi. On retrouve une règle parallèle dans le cas de la perte apparente qui s’applique pour les individus, dans le sens inverse. Ainsi, en vertu de cette règle, l’individu qui dispose d’un bien et acquiert le même bien ou un bien identique après cette même période de 61 jours, aura le droit à sa perte, alors qu’il n’y aurait pas eu droit si l’acquisition du bien de remplacement avait eu lieu à l’intérieur de la période de 61 jours. Dans ce dernier cas, la perte serait reportée ultérieurement, en s’ajoutant au coût du bien.
[29] Pourquoi mettre un délai de 61 jours? Ceci est une décision du législateur qui a fixé cette période pour permettre au cédant de réclamer une perte immédiatement ou plus tard selon les dispositions de la loi. Il n’appartient pas aux tribunaux de juger de la légitimité de cette règle.
[30] Tel que repris par la Cour suprême du Canada plus haut dans ces motifs, les dispositions de la LIR doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent. Changer les termes d’un texte de loi, comme veut le faire l’intimée ici, comporte en effet un certain danger. Ainsi, pour donner un exemple, on pourrait se retrouver devant la situation contraire où le contribuable voudrait délibérément suspendre la reconnaissance d'une perte en capital en profitant du paragraphe 40(3.4) afin de maximiser son compte de dividende en capital (89(1)LIR) et ainsi distribuer des dividendes en capital libres d’impôt (83(2)LIR)[2]. Dans l'hypothèse où il y aurait fusion à l'intérieur du délai de 61 jours, le contribuable dans cet exemple pourrait argumenter ce que plaide ici l'intimée. L’intimée pourrait alors, à son tour, plaider la thèse de l’appelante en l’instance, à savoir, que les alinéas 40(3.5)c) ou d) n’auraient pas d’application aux fins de vérifier si les conditions du paragraphe 40(3.3) sont réunies, et ainsi possiblement soutenir que la perte devrait être reconnue immédiatement au lieu d’être différée. Ceci viendrait réduire d’autant le compte de dividende en capital, et éliminer d’autant les dividendes en capital exempts d’impôt.
[31] Cet exemple suffit à démontrer à mon sens l’importance à accorder au texte de loi et aux mots choisis par le législateur pour éviter toute incertitude. Pour reprendre les propos de la juge McLachlin dans l’arrêt Shell Canada, précité, « [e]n concluant à l’existence d’une intention non exprimée par le législateur sous couvert d’une interprétation fondée sur l’objet, l’on risque de rompre l’équilibre que le législateur a tenté d’établir dans la Loi » (paragraphe 43).
[32] L’intimée a soulevé l’argument que les dispositions prévues aux paragraphes 40(3.3), (3.4) et (3.5) ont été adoptées dans le contexte de la règle sur la minimisation des pertes, et qu’il serait trop facile pour l’appelante de contourner cette règle en procédant comme elle l’a fait, en fusionnant les sociétés concernées à l’intérieur de la période de 61 jours prévue à l’alinéa 40(3.3)b) LIR. Selon l’intimée, cela ne peut être l’intention du législateur. À mon avis, si tel est le cas, il appartient au législateur d’être plus clair.
[33] Certains auteurs ont écrit au sujet des règles sur la minimisation des pertes. Starr Carson et Kelly Watson[3] ont, entre autres, dit ceci :
The Department of Finance has had a long standing history of enacting legislation in the Income Tax Act1 to deny, restrict or suspend losses in numerous types of transactions involving taxpayers. The historical policy has been to identify persons who have "common economic interests" and restrict their ability to realize or transfer losses if they transact amongst themselves to prematurely realize a loss, or alternatively, to prevent them from transferring the tax benefit of losses to other taxpayers outside the economic unit. The recognition of the loss has often been deferred until a transaction has occurred with someone outside the group of persons having economic interests in common.
In the authors' view, the loss restriction rules may be categorized into the following groups:
1. provisions which deny losses without relief2;
2. provisions which deny losses and suspend the loss with eventual relief to the taxpayer disposing of the property3;
3. provisions which deny a loss to the transferor of property and effectively transfer the loss with eventual relief to the taxpayer acquiring the property4; and
4. provisions which prevent the utilization of losses between taxpayers who are not part of the same economic family.5
[Emphasis added.]
[…]
FOOTNOTES
1 Income Tax Act, R.SC 1985, c.1, (5th Supp.), as amended (herein referred to as the "Act"). Unless otherwise stated, statutory references in this paper and the endnotes are to the Act.
2 See for example the provisions of subparagraph 40(2)(g)(ii) ¨ ¨.
3 See for example the provisions of subsections 13(21.2), 14(12) and 40(3.3),(3.4) where a denied loss is suspended with the transferor in an affiliated person transaction until such time as a "triggering event" occurs.
4 See for example the provisions of paragraph 40(2)(g)(i) ¨ ¨ and paragraph 53(1)(f) ¨ ¨ where the denied superficial loss is added to the cost of property acquired by an affiliated person.
5 See for example the provisions of subsection 69(11) (which technically allows a loss but deems vendor of property to have received proceeds equal to fair market value) and the loss restrictions on an acquisition of control contained in subsection 111(5) ¨ ¨.
[34] Dans le cas actuel, la fusion a eu lieu dans le contexte d’un projet de restructuration financière du Groupe Cascades, destiné à lui assurer une meilleure valorisation sur les marchés financiers et à soutenir sa croissance future. Par cette restructuration, on visait à échanger toutes les actions ordinaires détenues par le public dans trois sociétés contrôlées par l’appelante (dont PII), contre des actions ordinaires de l’appelante à être émises à cette fin. Ceci a été fait car on a réalisé que « [...] la taille relativement petite du capital-actions libre [des] filiales [de l’appelante] cotées en bourse, ainsi que les faibles volumes de transactions sur ces dernières, [faisaient] en sorte qu’il [s’avérait] difficile d’avoir recours au financement par capital-actions pour financer leur croissance respective ». C’est pourquoi la proposition fut faite de « chapeauter ces [trois] filiales par un seul véhicule public qui [servirait] à financer la croissance de Cascades dans ses trois principaux secteurs d’activité [...] » (voir communiqué de l’appelante daté du 10 juillet 2000, à l’annexe B de l’Exposé conjoint des faits).
[35] L’auteur Camil Vachon[4] s’est penché sur le but spécifique des dispositions des paragraphes 40(3.3), (3.4) et (3.5) et disait ce qui suit :
4. Les règles sur la minimisation des pertes : l’application du paragraphe 40(3.4) L.I.R.
De façon générale, le paragraphe 40(3.4) L.I.R. est une mesure spécifique antiévitement visant à empêcher un contribuable (société, fiducie ou société de personnes) de reconnaître une perte en capital latente sur une immobilisation non amortissable tant et aussi longtemps que le bien est détenu par ce contribuable ou une personne affiliée à celui-ci.
[36] À mon avis, la règle sur la minimisation des pertes que l’on retrouve au paragraphe 40(3.4) ne vise pas nécessairement le cas actuel. Cette règle est une mesure spécifique anti-évitement visant à empêcher un contribuable de reconnaître immédiatement une perte en capital latente sur une immobilisation non amortissable. Tel que vu plus haut, la restructuration proposée par Cascades n’a pas été faite dans ce but. Elle n’a pas été faite dans l’intention de réaliser une perte de façon prématurée (« to prematurely realize a loss »).
[37] Par ailleurs, à la lecture des notes explicatives auxquelles il a été fait référence plus haut, je suis d’accord avec l’avocat de l’appelante qu’il ne ressort pas de ces notes que l’intention du législateur était de faire en sorte que la présomption de l’alinéa 40(3.5)c) devait s’appliquer à tous les cas où il y avait disposition d’actions, comme tente de le soutenir l’intimée. Cette note explicative dit : « [...] l’alinéa 40(3.5)c) porte sur ce qu’il advient lorsque le bien qui donne naissance à une perte reportée en vertu du nouveau paragraphe 40(3.4) est une action d’une société qui, par la suite, est fusionnée avec une ou plusieurs sociétés […] En pareil cas, l’action est réputée continuer d’appartenir à la […] société issue de la fusion […] tant que celle-ci est affiliée au cédant. »
[38] Rien n’indique que l’on doive se servir de l'alinéa 40(3.5)c) pour déterminer si la perte est réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.4). Au contraire, on semble plutôt dire que le paragraphe 40(3.4) doit d’abord avoir donné naissance à la perte reportée pour ensuite appliquer l'alinéa 40(3.5)c) afin de déterminer ce qu’il advient de la perte reportée, en cas de fusion.
[39] À tout le moins, on ne peut pas dire à la lecture de ces notes explicatives, que l’intention du législateur va dans le sens exprimé par l’intimée. Dans ce contexte, il est préférable de s’en tenir, dans la mesure du possible, aux termes utilisés dans le texte de loi.
[40] Compte tenu de ma conclusion, j’estime que l’appelante n’est pas assujettie aux termes du paragraphe 40(3.4), puisque selon moi, toutes les conditions prévues au paragraphe 40(3.3) n’étaient pas réunies pour empêcher l’appelante de réclamer sa perte au cours de l’année d’imposition 2000.
Décision
[41] L’appel est accueilli avec dépens, sur la base que l’appelante avait le droit de réclamer une perte en capital de 15 941 608 $ au cours de son année d’imposition 2000.
Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2007.
« Lucie Lamarre »
Juge Lamarre
Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2005-1424(IT)G
INTITULÉ DE LA CAUSE : CASCADES INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 11 décembre 2006
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Lucie Lamarre
DATE DU JUGEMENT : le 6 décembre 2007
COMPARUTIONS :
Avocat de l'appelante : |
Me Wilfrid Lefebvre |
Avocates de l'intimée: |
Me Marie Bélanger Me Natalie Goulard |
Cabinet : Ogilvy Renault
Montréal (Québec)
Pour l’intimée : John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada
[1] Voir une illustration de l’analyse de cette théorie dans un tout autre contexte dans Assurance-vie Banque Nationale, Compagnie d’assurance-vie c. La Reine, 2006 CAF 161, 2006 Carswell Nat 1143, [2006] G.S.T.C. 135 (par. 7).
[2] Voir à cet égard un exemple de planification fiscale que l'on retrouve dans l'article de Vincent De ANGELIS, CA, The Stop-Loss Rules: Pitfalls ans Opportunities, Report of Proceedings of Fifty-Fifth Tax Conference, 2003 Tax Conference (Toronto: Canadian Tax Foundation, 2004), 50:1-16, page 50:10.
[3] Starr CARSON and Kelly WATSON, Affiliated Person Rules: A Review of Recent Technical Amendments and Practical Issues Relating to Stop-Loss Rules, 2004 British Columbia Tax Conference, (Vancouver: Canadian Tax Foundation, 2004), 13:1-41.
[4] Camil VACHON, CA, Pot-pourri fiscal en matière de réorganisations d’entreprise – Pièges à éviter et nouveautés, dans Congrès 2003, Association de planification fiscale et financière, 2004, Montréal, APFF, p. 30:1, à la p. 30:14.