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Dossiers : 2003-2444(GST)I

2003-3091(GST)I

ENTRE :

VISA JEWELLERY & THAI SILK CO.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus à Toronto (Ontario), le 16 janvier 2004.

 

Devant : L’honorable E.A. Bowie, juge

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Don Butcher

 

Avocat de l’intimée :

Me P. Michael Appavoo

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont les avis sont datés du 14 août 2002 et du 30 décembre 2002, sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d’avril 2004.

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

 

Jacques Deschênes, traducteur

 


 

 

Référence : 2004CCI305

Date : 20040419

Dossiers : 2003-2444(GST)I

2003-3091(GST)I

ENTRE :

VISA JEWELLERY & THAI SILK CO.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Dans ces appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, la question en litige se rapporte à des demandes que l’appelante a faites au ministre du Revenu national (le « ministre ») en vue d’obtenir des remboursements de la taxe sur les produits et services (la TPS), d’un montant de 5 775,27 $ pour la TPS payée en 2001 et d’un montant de 6 756,39 $ pour la TPS payée en 2002.

 

Les faits

 

[2]     Les faits ne sont pas contestés. L’appelante est une personne morale qui exerce ses activités en Thaïlande. Elle ne réside pas au Canada et n’est pas inscrite pour l’application de la TPS.

 

[3]     Aux mois d’août 2001 et 2002, l’appelante est venue au Canada, comme elle le faisait depuis un certain nombre d’années, afin de participer à l’Exposition nationale canadienne à titre de marchand de bijoux. Avant son départ, l’appelante avait expédié les bijoux qu’elle avait fabriqués chez Thompson, Ahern & Co. Limited, un courtier en douane (le « courtier »). Le courtier a payé des droits et la TPS sur les bijoux à leur entrée au Canada en sa qualité d’agent de l’appelante. L’appelante est allée chercher les bijoux chez le courtier; elle a vendu une partie de ses stocks à l’Exposition et elle a exporté le reste en Thaïlande aux mois de septembre 2001 et 2002.L’appelante a présenté une demande de remboursement de la TPS payée sur les bijoux invendus qui avaient été retournés en Thaïlande dans chacune des années 2001 et 2002. Le ministre a refusé d’accorder le remboursement.

 

[4]     L’appelante était représentée par le courtier à l’instruction.

 

Positions des parties

 

[5]     La position prise par l’appelante est qu’elle a droit au remboursement de la TPS en application du paragraphe 215.1(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») étant donné qu’elle a acquis les bijoux sur la base d’une vente avec faculté de retour. L’appelante a souligné que la TPS, une taxe de consommation intérieure, ne devrait pas s’appliquer aux bijoux retournés étant donné que les marchandises n’ont pas été consommées sur le marché canadien. L’appelante a également souligné que le ministre lui avait accordé le remboursement au cours des années antérieures. Si le remboursement de la TPS était refusé, l’appelante ferait donc face à des difficultés financières parce qu’elle n’avait pas reçu de préavis et qu’elle n’avait pas établi le prix de ses marchandises en conséquence. Enfin, l’appelante a soutenu qu’il est absurde qu’un drawback des droits de douane puisse être accordé alors qu’un remboursement de la TPS ne peut pas l’être.

 

[6]     L’appelante n’a pas invoqué d’autres dispositions à part l’article 215.1 de la Loi afin de contester la décision du ministre. À l’appui de la demande de l’appelante, le courtier a fait référence aux guides RC4027E et RC4033E ainsi qu’au mémorandum D7‑4‑2 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC »).

 

[7]     De son côté, l’intimée a déclaré que l’appelante n’a pas droit au remboursement en vertu du paragraphe 215.1(1) de la Loi, et ce, pour les raisons suivantes : (i) les marchandises n’ont pas été « acquis[es] » étant donné que l’appelante a toujours été propriétaire des marchandises; et (ii) quoi qu’il en soit, les marchandises n’ont pas été acquises sur la « base d’une vente avec faculté de retour ».

 

Le point litigieux

 

[8]     Le principal point litigieux est de savoir si l’appelante a acquis les marchandises sur la base d’une vente avec faculté de retour afin d’avoir droit au remboursement de la TPS en application du paragraphe 215.1(1) de la Loi.

 

Décision

 

[9]     Je dois ici citer le paragraphe 215.1(1) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

 

215.1(1)           Sous réserve de l’article 263, le ministre rembourse une personne dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

 

a)         la personne a payé la taxe prévue à la présente section sur des produits qu’elle a acquis sur approbation, en consignation avec ou sans reprise des invendus ou selon d’autres modalités semblables;

b)         dans les soixante jours suivant leur dédouanement et avant leur utilisation ou consommation autrement qu’à l’essai, les produits sont exportés par la personne en vue de leur retour au fournisseur et ne sont pas endommagés entre leur dédouanement et leur exportation;

c)         dans les deux ans suivant le paiement de la taxe, la personne présente au ministre une demande de remboursement de la taxe, établie en la forme déterminée par celui-ci et contenant les renseignements requis.

 

Le montant remboursable est égal à la taxe payée sur les produits.

 

215.1(1)           Where

 

(a)        a person paid tax under this Division on goods that were acquired by the person on consignment, approval, sale-or-return basis or other similar terms,

(b)        the goods are, within sixty days after their release and before they are used or consumed otherwise than on a trial basis, exported by the person for the purpose of returning them to the supplier and are not damaged after their release and before the exportation, and

(c)        within two years after the day the tax was paid, the person files with the Minister an application, in prescribed form containing prescribed information, for a rebate of the tax,

 

the Minister shall, subject to section 263, pay a rebate to the person equal to the amount of the tax paid on the goods.

[10]    À mon avis, l’appelante ne saurait avoir gain de cause dans ces appels. L’appelante n’a pas acquis les marchandises sur la base d’une vente avec faculté de retour. L’expression « vente avec faculté de retour » n’est définie ni dans la Loi ni dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada[1], en pareil cas, l’« usage commercial courant » des termes s’applique. Or, l’expression « vente avec faculté de retour » a un sens bien connu dans le contexte du droit commercial. La Cour suprême du Canada a défini l’expression dans l’arrêt Sinnott News Company, Limited v. M.N.R.[2] :

 

[traduction]

L’article 19, règle 4, de la Sale of Goods Act de l’Ontario est textuellement tiré de la règle 4 de l’article 18 de la Sale of Goods Act 1893 (Imp.). L’expression « vente avec faculté de retour » avait un sens bien connu en droit commercial avant d’être incorporée dans cette loi. Sir George Jessel M.R., en a expliqué le sens comme suit dans la décision Ex parte Wingfield [(1879) L.R. 10 Ch. D. 591, à la page 593] :

 

    Examinons donc quelle est la situation d’une personne qui se fait envoyer des marchandises sur la base d’une vente avec faculté de retour. Elle reçoit les marchandises du véritable propriétaire avec l’option d’en devenir propriétaire, cette option pouvant être levée de l’une des trois façons suivantes : en achetant les marchandises au prix demandé par le vendeur; en vendant les marchandises à un tiers, de sorte qu’elle est considérée comme ayant levé l’option; ou en conservant les marchandises si longtemps qu’il serait déraisonnable de les retourner.

 

Cette définition a été adoptée par la Cour d’appel dans l’arrêt Kirkham v. Attenborough [(1897) 1 Q.B.D. 201] quatre ans après l’édiction de la loi.

 

En outre, dans l’arrêt Harlequin Enterprises Ltd. c. Canada[3], la Cour d’appel fédérale a fait une distinction entre les « ventes » d’une part et la consignation ou la vente avec faculté de retour d’autre part, en soulignant que dans le cas d’une vente, le titre de propriété est transmis aux acquéreurs avant le retour, alors que ce n’est pas le cas pour les ventes avec faculté de retour et les consignations.

 

[11]    M.G. Bridge[4] définit la vente avec faculté de retour et la vente sur approbation comme des types de consignations et précise qu’une consignation [traduction] « n’est donc pas du tout un contrat de vente de marchandises étant donné que l’acquéreur éventuel n’a pas ‘acheté ou convenu d’acheter’ les marchandises, et ce, même s’il se peut qu’une vente soit finalement conclue ».

 

[12]    Il est intéressant de noter la version française du paragraphe 215.1(1) de la Loi. Comme l’avocat de l’intimée l’a fait remarquer, la version française est ainsi libellée : « [...] des produits qu’elle a acquis sur approbation, en consignation avec ou sans reprise des invendus ou selon d’autres modalités semblables ». Par conséquent, dans la version française, il n’est pas expressément fait mention des « ventes avec faculté de retour ». L’expression « sale‑or‑return » se traduit normalement en français par « vente avec faculté de retour » qui figure dans la version française de la Loi sur la vente d’objets, L.R.O. 1990, ch. S‑1, article 19, règle 4[5]. Par conséquent, la règle du sens commun s’applique[6]. Les deux versions de la Loi peuvent être conciliées étant donné qu’une vente avec faculté de retour est un genre de consignation.

 

[13]    Les consignations, et plus précisément les ventes avec faculté de retour ou les ventes sur approbation, ont toutes deux caractéristiques communes : (i) l’opération met en cause le propriétaire de la marchandise et un dépositaire; et (ii) le dépositaire peut devenir le propriétaire des marchandises, les transférer à un tiers ou retourner les marchandises à leur propriétaire. Dans ce cas‑ci, il n’y a pas de dépositaire. L’appelante a toujours été propriétaire des marchandises. Pour que l’on puisse dire qu’elle a acquis les bijoux sur la base d’une vente avec faculté de retour, l’appelante devait acquérir le droit de propriété afférent aux marchandises d’un propriétaire antérieur afin de vendre les marchandises à l’Exposition. Le courtier a de fait obtenu la possession des marchandises afin de les dédouaner. Toutefois, on ne saurait dire que l’appelante a acquis les marchandises du courtier sur la base d’une vente avec faculté de retour étant donné que le courtier n’était pas propriétaire des marchandises.

 

[14]    Même si je reconnais l’interprétation que l’appelante a donnée du mémorandum D7‑4‑2 de l’ADRC concernant le drawback des droits de douane, qui donne à entendre que les importateurs peuvent demander un remboursement de la TPS, d’autres publications de l’ADRC indiquent qu’une personne qui importe des marchandises et qui les exporte ensuite a uniquement droit à un remboursement de la TPS si elle satisfait aux exigences du paragraphe 215.1(1)[7]. Quoi qu’il en soit, comme on l’a souligné dans l’arrêt R. c. Nowegijick[8], la Cour n’est pas liée par la pratique ministérielle, et ce, même s’il arrive qu’elle en tienne compte si la chose peut l’aider à résoudre un doute. De plus, je suis lié par les remarques que la Cour suprême du Canada a faites dans l’arrêt M.R.N. c. Inland Industries Ltd[9], à savoir qu’« une approbation donnée sans que les conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas le ministre ». Selon moi, il n’existe aucun doute au sujet du sens des mots « acquis sur approbation, en consignation avec ou sans reprise des invendus ou selon d’autres modalités semblables » figurant au paragraphe 215.1(1) de la Loi. Contrairement au Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/96-42, qui prévoit clairement, au paragraphe 9(1), qu’un drawback des droits de douane « peut être demandé par toute personne qui est l’importateur ou l’exportateur des marchandises importées ou exportées », le paragraphe 215.1(1) de la Loi montre clairement qu’il faut remplir plusieurs conditions afin d’avoir droit au remboursement de la TPS. Plus précisément, le paragraphe 215.1(1) exige que les produits aient été acquis par le contribuable sur approbation, en consignation avec ou sans reprise des invendus ou selon d’autres modalités semblables. Le ministre a erronément accordé le remboursement de la TPS pour les années d’imposition antérieures, mais l’appelante n’a pas le droit de voir cette erreur se répéter chaque année à perpétuité.

 

[15]    Même si la TPS est une taxe de consommation et même si les marchandises de l’appelante n’ont pas été consommées sur le marché canadien, je suis lié. Les dispositions de la Loi sont claires. Comme la Cour suprême du Canada l’a dit dans l’arrêt Friesen c. Canada[10] : « [...] le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu préva[ut], à moins d’être en présence d’une opération simulée ».

 

[16]    Dans ce cas‑ci, le sens du texte législatif est clair et je me vois donc obligé de rejeter les appels.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d’avril 2004.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

 

Jacques Deschênes, traducteur

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI305

 

Nos DES DOSSIERS DE

LA COUR :

2003-2444(GST)I et 2003-3091(GST)I

 

INTITULÉ :

Visa Jewellery & Thai Silk Co.

et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT

M. le juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 avril 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Don Butcher

 

Avocat de l’intimée :

Me P. Michael Appavoo

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

s/o

 

Cabinet :

s/o

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           [2000] 1 R.C.S. 915.

[2]           [1956] S.C.R. 433, à la p. 439.

[3]           [1977] 2 C.F. 579 (C.A.F.).

[4]           M.G. Bridge, Sale of Goods (Toronto : Butterworths, 1988), à la p. 60.

[5]           Loi sur la vente d’objets, L.R.O. 1990, ch. S-1.

[6]           R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Toronto : Butterworths, 2002) à la p. 80 et P-A. Côté, Interprétation des lois, 3e éd. (Montréal : Éditions Thémis, 1999) à la p. 410.

[7]           Document no I11685-1 de l’ADRC, Refund on Returned Imported Goods (Remboursement concernant les marchandises importées retournées), 4 mars 1996; document no 96 GTI 014 de l’ADRC, Recover GST Paid on Goods Imported and Subsequently Exported by a Non-Resident Non-Registered Importer (Recouvrement de la TPS payée sur des marchandises importées et subséquemment exportées par un importateur non résidant non inscrit), 12 janvier 1996; document no 11645‑6(RMCK) de l’ADRC, Rebate of GST Paid on Temporarily Imported Goods (Remboursement de la TPS payée sur des marchandises importées temporairement), 20 décembre 1995; document no 11645‑5‑2 de l’ADRC, Rebate Claims for GST Paid on Imported Goods (Demandes de remboursement de la TPS payée sur les marchandises importées), 28 juillet 1995; document no 11645‑5(A) de l’ADRC, Rebate of GST on Return of Imported Goods (Remboursement de la TPS payée sur le retour de marchandises importées), 19 décembre 1994.

[8]           [1983] 1 R.C.S. 29.

[9]           [1974] R.C.S. 514, à la p. 523.

[10]          [1995] 3 R.C.S. 103.

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