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Référence : 2007CCI675

Date : 20071214

Dossier : 2006-2708(GST)I

ENTRE :

YVAN DUMONT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l'audience le 31 août 2007

à Québec (Québec) et modifiés pour plus de clarté et de précision.)

 

Le juge Archambault

 

[1]     Monsieur Yvan Dumont interjette appel d’une cotisation établie le 5 juillet 2005 par le ministère du Revenu du Québec (ministère) pour le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (Loi). Le ministre a tenu monsieur Dumont responsable, à titre d’administrateur de la société Les Produits Mark‑V inc. (Produits Mark), des montants nets de TPS que cette société n’avait pas versés au ministre pour la période du 1er octobre 1998 au 31 mai2001 (période pertinente). Le montant de la cotisation s’élève à 63 749 $, mais le montant des taxes elles‑mêmes est de à 39 770 $[1].

 

[2]     Les parties ont convenu que les seules questions en litige devant la Cour étaient celles de savoir si les défenses énoncées aux paragraphes 323(3) et (5) de la Loi étaient applicables dans les circonstances.

 

Cotisation prescrite

 

[3]     Je m’attaquerai d’abord à la question de la défense prévue au paragraphe 323(5) de la Loi, défense selon laquelle l’établissement d’une cotisation d'un montant payable par un administrateur en vertu de l’article 323 se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur. La preuve relative à cette question a révélé les faits suivants. Produits Mark a été constituée le 17 novembre 1982 en vertu de la partie IA de la Loi sur les compagnies du Québec. Elle a été fondée par monsieur Yvan Dumont, qui en était non seulement le fondateur mais aussi le seul administrateur.

 

[4]     Les parties ont convenu, et la preuve a révélé, que, durant la période pertinente, monsieur Dumont était le seul actionnaire, le seul administrateur et le président de Produits Mark. Même si cette société avait envoyé à ses fournisseurs, à ses clients et au ministère un avis indiquant qu’elle allait cesser d’exploiter son entreprise à compter du 1er juin 2001, la preuve a révélé que certaines activités se sont déroulées par la suite. Notamment, le 4 juillet 2001, une vérificatrice du ministère prenait contact avec Produits Mark pour l’informer qu’elle s’apprêtait à commencer une vérification. Une saisie a été effectuée le 4 septembre 2001 à la demande d’un des fournisseurs de Produits Mark et la vente de la plupart des biens de la société se serait effectuée le 26 septembre 2001 (pièce A-23). Le compte bancaire a été fermé le 16 octobre 2001. Un camion Ford a été vendu au cours du mois de novembre 2001.

 

[5]     Par la suite, des états financiers ont été préparés en date du 24 mai 2002 pour l’exercice financier terminé le 31 décembre 2001. Ils indiquent un déficit de 51 817 $ et sont signés par monsieur Dumont à titre dadministrateur (pièce A‑18, p. 4). Le bilan indique une somme de 15 334 $ à recevoir de l’administrateur. Dans une déclaration de revenus datée du même jour, soit le 24 mai 2002, on indique que l’administrateur est monsieur Dumont et on répond « non » à la question de savoir s’il y avait eu fin des opérations de l’entreprise (pièce I-1, onglet 5, case 29).

 

[6]     La cotisation des taxes à payer par Produits Mark à la suite de la vérification, qui s’est déroulée, en grande partie, du mois d’avril au mois d’octobre 2002, a été établie le 22 novembre 2002. Un avis d’opposition a été produit le 17 février 2003 par monsieur Grondin, comptable agréé et le vérificateur externe de la société. Le mandat de monsieur Grondin lui avait été donné par monsieur Dumont. L’avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt a été produit, sur les directives de Monsieur Dumont, le 3 novembre 2003 par le procureur qui représente monsieur Dumont dans cet appel[2].

 

[7]     Un avis de radiation du Registraire (Registraire) des entreprises a été dressé le 6 mai 2005 en vertu de l’article 50 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales; il s’agissait d’une radiation pour défaut de production de déclarations annuelles pour les années 2003 et 2004 (pièce A‑24).

 

[8]     La preuve n’a pas révélé que monsieur Dumont avait démissionné de son poste d’administrateur de Produits Mark. Aucune lettre de démission n’a été produite en preuve. Il n’y a aucune preuve qu’un avis a été envoyé au Registraire relativement à la démission de monsieur Dumont ou à la composition du conseil d’administration de Produits Mark, qui, d'ailleurs, a été dissoute le 6 mai 2005.

 

[9]     La question que doit trancher la Cour est la suivante : est‑ce que la cotisation du 5 juillet 2005 a été établie plus de deux ans après que monsieur Dumont eut cessé d’être administrateur de Produits Mark? Essentiellement, l’argument invoqué par le procureur de ce dernier est celui selon lequel la cotisation a été établie plus de deux ans après le moment pertinent, à savoir celui où cette société aurait cessé d’exploiter son entreprise, en juin 2001.

 

[10]    À la lumière de l’ensemble de la jurisprudence, l’état du droit en cette matière est la suivante. Selon l’arrêt rendu dans l’affaire Kalef[3] par la Cour d’appel fédérale, la Cour doit s’en remettre à la loi en vertu de laquelle la société a été constituée pour déterminer dans quelles circonstances un administrateur dûment élu cesse d’être un administrateur de la société. En l’occurrence, c’est la Loi sur les compagnies du Québec qui doit s’appliquer puisque Produits Mark a été constituée en vertu de cette loi.

 

[11]    Les articles pertinents ont été cités par le procureur de l’intimée. Il y a l’article 123.6 de la Loi sur les compagnies, qui édicte que certaines dispositions de la partie I s’appliquent aux sociétés constituées en vertu de la partie IA. Parmi ces dispositions se trouve l’article 85, qui édicte que « […] les administrateurs sortant de charge restent en fonction jusqu'à ce que leurs successeurs soient élus. » Il y a aussi un autre article, qui n’a pas été mentionné par les parties, mais dont on trouve une mention dans Nagy,[4] une décision de cette Cour rendue en 1991, dans laquelle le juge Dussault s’y réfère pour justifier la conclusion suivante, à la page 997 :

 

[...] La cessation de toutes les activités commerciales d’une compagnie ne prive pas, en soi, les administrateurs des pouvoirs que leur confère la loi. Elle ne les dégage pas non plus, à mon avis, de leurs obligations ni de leurs responsabilités. C’est une chose que de cesser d’être un administrateur, mais c’est une tout autre affaire que de décider de cesser d’agir à titre d’administrateur après la fin des activités commerciales.

 

[12]    Le juge Dussault cite l’article 123.76 de la Loi sur les compagnies, qui édicte: « Malgré l’expiration de son mandat, un administrateur demeure en fonction jusqu’à ce qu’il soit réélu, remplacé ou destitué. »

 

[13]    Il y a aussi ce commentaire du juge Tremblay que l’on trouve dans l’affaire Bergeron[5]:

 

En effet, ces derniers demeurent administrateurs jusqu’à la dissolution de la corporation par le gouvernement. Ce dernier avait le pouvoir de lui donner naissance et lui seul « peut l’éteindre et faire disparaître son entité juridique », selon la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en 1955 dans l’affaire Banque provinciale du Canada c. Ross, p. 292.

 

Pour que quelqu’un cesse d’être administrateur, il faut qu’il donne sa démission en bonne et due forme par écrit, ce qui n’a pas été fait dans le présent cas.

 

[Je souligne.]

 

[14]    Il y a également les commentaires suivants du juge Tardif dans l’affaire Plamondon c. R., 2003 CCI 779 (CanLII), au paragraphe 55 :

 

Dans l’affaire Bonch[6] […] la Cour d’appel fédérale a renversé une décision de première instance en affirmant une fois de plus q’un administrateur de jure  ne cessait d’être administrateur que le jour où il avait rempli les conditions pour ce faire, établies par la Loi régissant la constitution de la compagnie pour qui il est administrateur et que conséquemment, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du moment où le contribuable a cessé d’être administrateur de la compagnie.

[Je souligne.]

 

[15]    Si j’applique les règles pertinentes de la Loi, telles qu’elles ont été interprétées par les tribunaux, j’en viens à la conclusion que le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du moment où monsieur Dumont a cessé d’être administrateur de Produits Mark, mais, malheureusement pour lui, il n’a jamais démissionné. Cette société a existé jusqu’au 6 mai 2005. La cotisation visant monsieur Dumont est datée du 5 juillet 2005. Il s’est écoulé ainsi une période de moins de deux ans entre le moment où il a cessé d’être l’administrateur de la société et le moment où a été établie la cotisation dont il fait l’objet. Par conséquent, la défense énoncée au paragraphe 323(5) de la Loi n’est pas applicable dans les circonstances.

 

Diligence raisonnable

 

[16]    Il reste à traiter de la défense de diligence raisonnable énoncée au paragraphe 323(3) de la Loi, qui édicte :

 

323(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[Je souligne.]

 

[17]    Ainsi, la Cour doit déterminer si monsieur Dumont a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence qu’une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances pour prévenir le manquement visé au paragraphe 323(1) de la Loi, à savoir le fait pour une société de n’avoir pas versé un montant de taxe nette tel que l’exige la Loi. La preuve qui a été présentée à la Cour est la suivante. Monsieur Dumont a affirmé que sa société et lui avaient toujours respecté leurs obligations. Ils s’étaient comportés de façon très responsable. Ils avaient déjà fait l’objet de deux vérifications, une aux alentours de 1990 et une autre en 1995 ou en 1996, et, selon lui, tout était conforme. Ils n’avaient fait l’objet d’aucune pénalité. Il n’avait pas volé l’argent de sa société ; il ne s’était rien mis dans les poches. Même si la preuve ne révèle pas que monsieur Dumont ait volé sa société, et je ne doute pas du tout de la bonne foi de monsieur Dumont quant à cette question, elle révèle, par contre, que Produits Mark lui a fait une avance de 15 334 $, qui apparaît toujours au bilan de cette société comme lui étant due au 31 décembre 2001. Par conséquent, que Produits Mark n’ait pu être en mesure de payer le montant de la cotisation établie par le ministre s’explique certainement en partie par le fait que de l’argent de cette société avait été remis à monsieur Dumont et que ce dernier ne l’avait pas remboursé.

 

[18]    Lors de son témoignage, monsieur Dumont a aussi affirmé qu’il n’avait pas de compétences en comptabilité. Produits Mark avait engagé une technicienne comptable, qui utilisait un logiciel de comptabilité, Simple Comptable, et c’est elle qui était responsable de préparer les déclarations de TPS et de TVQ, de faire les retenues à la source, de classer les factures et de faire d’autres tâches administratives de cette nature. Il a affirmé que la responsabilité de produire les déclarations et de payer les taxes nettes au ministre incombait à cette technicienne comptable, qui était supervisée, a‑t‑il dit, par son comptable externe, monsieur Grondin, assisté de madame Goulet, l’épouse de ce dernier, qui possède également un diplôme en sciences comptables. Par contre, dans leur témoignage, monsieur Grondin et madame Goulet ont affirmé que leur mandat se limitait principalement à produire les états financiers de Produits Mark et à répondre à toute question que pouvait avoir la technicienne comptable. Ils ont affirmé ne pas avoir reçu les déclarations de TPS avant qu’elles n’aient été produites par elle.

 

[19]    L’étendue de la supervision exercée par monsieur Grondin m’apparaît également beaucoup moins importante que ne l’a laissé entendre monsieur Dumont. Monsieur Grondin a affirmé que, de façon générale, il faisait un contrôle au moyen  d’un test global en fonction du chiffre total de ventes et du coût des marchandises, en tenant compte des dépenses qui donnent droit à des crédits de taxe sur les intrants (CTI) et de celles qui n’y donnent pas droit. Par contre, madame Goulet a révélé dans son témoignage que ce genre de contrôle global n’avait pas été fait avant 2002.

 

[20]    Il existe une autre contradiction, plutôt mineure j’en conviens, dans la preuve de monsieur Dumont. J’ai demandé à monsieur Dumont où se trouvaient les copies de sauvegarde des données traitées par le logiciel Simple Comptable et il a répondu qu’elles étaient chez son comptable, ce que monsieur Grondin a nié. Ce dernier avait obtenu les données nécessaires lorsque le projet de cotisation a été mis en branle.

 

[21]    En outre, contrairement à ce qu’a indiqué monsieur Dumont, il n’a pas toujours respecté ses obligations aux termes de la Loi. En effet, la preuve a révélé que, pour les trimestres terminés en mars et en juin 2001 et pour celui comprenant le mois de novembre 2001, aucune déclaration de TPS n’a été produite. Au début de l’année 2001, la technicienne comptable a dû être licenciée en raison des difficultés financières auxquelles faisait face Produits Mark. Cette société n’a pu bénéficier ainsi, durant l’année 2001, de l’aide de cette technicienne comptable pour la production de déclarations de TPS qui devait être faite après ce licenciement. Le travail n’a donc pas été effectué durant cette période.

 

[22]    De plus, la vérification du ministère a révélé que, de façon régulière et tout au long de la période du 1er octobre 1997 au 31 mai 2001, les montants de TPS déclarés ne correspondaient pas à ceux indiqués dans les registres comptables de Produits Mark (pièce I-4). Le total des écarts de TPS établis par la conciliation TPS/CTI que le ministère a effectuée s’élève à 31 132 $[7]. Selon le témoignage de monsieur Alain Gauthier du ministère, ce montant représente de la TPS perçue, mais non remise. Si on soustrait les CTI de 1 809 $, le montant net est de 29 323 $, qui représente environ 75 % du montant de la cotisation (29 323 $/39 770 $). L’analyse qu’a faite le ministère des états financiers et, en particulier, des registres comptables de la société, révèle qu’au 31 mai 2001 il y avait un montant net impayé de 29 671,54 $ (soit le montant de TVH à payer (poste 2475) + le montant de TPS à payer (poste 2450) - les CTI (20 623,38 $ + 12 224,09 $ - 3 175,93 $))[8].

 

[23]    L’écart révélé par le ministère, selon l’annexe 1 de la pièce I‑4, s’élève à 29 323 $, et selon l’annexe 5 de la même pièce, à 29 671 $, à la fin de la période en litige, à savoir au 31 mai 2001; il s’agit d’une différence de 348 $. À titre de vérification de l’exactitude du calcul du ministère de ce montant, une analyse semblable faite pour la période se terminant le 31 décembre 2000 révèle que le montant de TPS déclaré s’élève à 33 099 $. Le solde du début pour le compte 2450 (TPS à payer) s’élève à 29 029 $, et celui à la fin, à 42 444 $; il y aurait eu un paiement de 28 608 $. En ce qui a trait au compte 2475 (TVH à payer), le solde du début s’élève à 22 354 $, et celui à la fin, à 16 778 $ alors que le paiement s’élève à 7 012 $[9]. Selon le travail du ministère, le total de TPS à remettre s’élève à 43 459 $,[10] et l’écart, à 10 360 $[11].

 

[24]    Si on analyse le registre comptable produit sous la côte I‑6, on constate effectivement qu’au début de la période du 1er janvier 2001 on a un solde reporté de 42 444 $ pour la TVH (poste 2475) et que le seul versement à valoir sur ce montant à payer est de 32 050 $, enregistré le 31 janvier 2001. En ce qui a trait à la TPS à payer (poste 2450), on constate qu’il y a un solde de 16 778 $ au début de la période du 1er janvier 2001 et qu’un seul versement a été effectué, soit 1 049 $, enregistré le 31 janvier 2001. Ces deux montants (soit 42 444 $ et 16 778 $) correspondent aux entrées de solde du début faites par le ministère sur ses feuilles de travail à l’annexe 5 pour la période terminée le 31 mars 2001 (pièce I‑4). S’y trouvent également inscrits les deux paiements de 32 050 $ et de 1 049 $.

 

[25]    Il est aussi intriguant de noter que, lorsqu’on a produit l’avis d’opposition de Produits Mark, il n’a été nullement fait état du problème résultant de la conciliation TPS/CTI faite par le ministère; on s'est concentré plutôt sur deux autres problèmes dont l’importance est mineure par rapport au montant de la cotisation, qui est de 39 770 $ (pièce A‑26). On parle en effet de bons d’achat et de « contrats délinquants ». On ne remet pas en question les calculs relatifs à la conciliation TPS/CTI.

 

[26]    Je conclus de l’ensemble de cette preuve que le ministre a établi, selon la prépondérance des probabilités, que Produits Mark a sous‑estimé de façon régulière dans ses déclarations, le montant de la TPS à percevoir contrairement à ce qui apparaît dans ses propres registres comptables, à savoir les comptes 2475 et 2450.

 

[27]    Comme je l’ai mentionné, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : est‑ce que monsieur Dumont a agi comme l’aurait fait une personne raisonnablement prudente pour éviter le manquement, ici, quant à la déclaration du montant de TPS que Produits Mark devait percevoir et des CTI auxquels elle avait droit, à savoir le montant de la taxe nette. Il me semble qu’il y a eu manquement au sens de la Loi puisqu’on n’indique pas dans les déclarations de TPS les montants perçus par cette société, et dont font état ses propres registres comptables.

 

[28]    Dans sa plaidoirie, le procureur de monsieur Dumont a fait valoir que le ministre avait dû consacrer environ 270 heures de travail à sa vérification, qu’il y avait eu au moins cinq projets de cotisation avant d’en arriver à un montant de 39 770 $. Il a mentionné également le fait que le montant de la cotisation avait d’abord été fixé à environ 190 000 $ pour finalement s’établir à ce montant de 39 770 $. Il est vrai que le comptable externe, monsieur Grondin, a aussi témoigné que le processus de vérification avait été pénible, qu’ils avaient été en état de choc quand la vérificatrice lui avait présenté un projet de cotisation d’un montant initial aussi important sans avoir communiqué à nouveau avec lui ou avec les représentants de Produits Mark. S’il n’avait pu être d’une grande assistance au début de la vérification du ministre, c’était qu’ils étaient en plein milieu de ce qu’il appelle la « période chaude d’impôts du mois d’avril » et que la vérificatrice avait été déraisonnable en ce qui a trait à ses demandes de pièces justificatives que je présume avoir été pertinentes aux fins des CTI.

 

[29]    Par contre, il n’en reste pas moins que 75 % du montant de taxe établi dans la cotisation est attribuable à des montants de TPS qui ont été perçus mais non remis et qui ont été sous‑estimés dans les déclarations de TPS. Il faut mentionner que monsieur Dumont n’était pas un administrateur externe. Il était le seul actionnaire, le seul administrateur et le président de Produits Mark. Il était la personne responsable de l’exploitation de cette petite entreprise.

 

[30]    Dans ces circonstances, il est vraisemblable que monsieur Dumont était au courant du fait que, de façon régulière, de 1997 à 2000 sa technicienne ne lui présentait pas pour signature les chèques correspondant au montant total de TPS nette qu’il fallait remettre au ministère. Il est reconnu qu’aucune déclaration de TPS n’a été produite pour 2001. Il est important de mentionner également que la technicienne en question n’a pas témoigné, de sorte qu’on n’a pas pu déterminer, par exemple, si elle avait pu induire en erreur monsieur Dumont en lui affirmant que tous les montants de TPS étaient versés au ministre tel que l’exige la Loi. Je n’ai pas une telle preuve. Par contre, que démontre la preuve? Produits Mark avait à sa disposition un logiciel, Simple Comptable, qui pouvait donner l’heure juste quant à la situation financière de l’entreprise. D’ailleurs, la pièce I‑6 révèle qu’on tenait des comptes distincts pour la TPS à payer et pour la TVH à l’égard des produits vendus au Nouveau‑Brunswick.

 

[31]    Il ressort aussi de la preuve que Produits Mark était confrontée à des difficultés financières depuis plusieurs années. On a expliqué que cet état de choses résultait de la diminution de l’utilisation de tapis à des fins résidentielles et, je présume aussi, à des fins commerciales. En tout cas, on a fait état d’une grande popularité des planchers de bois et, évidemment, il est de connaissance judiciaire que telle était la situation à cette époque. On a aussi fait état d’une concurrence costaude de la part de multinationales. Tous ces éléments se sont réunis pour rendre difficile la situation financière de Produits Mark. Il est donc tout à fait vraisemblable que cette société a décidé d’utiliser une partie des sommes qu’elle percevait à titre de TPS pour alléger, au moins de façon temporaire, ses difficultés financières.

 

[32]    Il est possible que monsieur Dumont n’ait pas été au courant de ce que, de façon régulière, les versements de TPS ne correspondaient pas aux montants  indiqués dans ses états financiers. Si cela avait été le cas, j’en conclurais qu’il y aurait eu là un manque flagrant de diligence raisonnable de la part de l’administrateur en question. Il ne s’agit pas ici, à mon avis, d’un cas où les montants établis par le ministre dans sa cotisation résultent d’une interprétation de droit difficile, ce qui aurait pu être le cas si la cotisation s’était limitée uniquement aux problèmes soulevés par les bons d’achat et par les comptes en souffrance. Il s’agit plutôt d’une question qui m’apparaît relativement simple. La société comptabilisait correctement les montants de TPS perçus. Elle les indiquait dans ses registres comptables comme étant de la TPS à payer, mais les montants déclarés n’étaient pas conformes à ces registres comptables. Il me semble que, si monsieur Dumont avait été raisonnablement prudent, il aurait été en mesure de constater que les sommes n’étaient pas remises de façon appropriée, contrairement à sa prétention du départ, et qu’il ne respectait pas ses obligations aux termes de la Loi.

 

[33]    D’ailleurs, le fait qu’il restait, au 31 mai 2001, un solde impayé d’environ 30 000 $ (soit 29 323 $ ou 29 671 $), comme il appert des registres comptables de Produits Mark, révèle que c’est l’interruption de l’exploitation de son entreprise qui a fait en sorte qu’elle a cessé de remettre les taxes au ministère et qu’elle n’a pas été en mesure de rattraper l’arriéré qui s’était accumulé au cours des années.

 

[34]    À mon avis, la preuve n’a pas été faite ici que monsieur Dumont pouvait bénéficier de la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(3) de la Loi. Il n’y a pas lieu, non plus, d’appliquer ici la défense reconnue par la jurisprudence en matière d’application de la pénalité de l’article 280 de la Loi.

 

[35]    Pour tous ces motifs, je conclus que l’appel de monsieur Dumont doit être rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de décembre 2007.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI675

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2708(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              YVAN DUMONT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 les 28 et 31 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 1er octobre 2007

 

DATE DES MOTIFS

DU JUGEMENT :                              le 14 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Daniel Cantin

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                     Nom :                            Me Daniel Cantin 

 

                 Cabinet :                           Gagné Letarte

                                                          Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Selon la cotisation de Produits Mark (pièce A-2 et l'annexe 1 de la pièce I‑4). Par contre, selon la cotisation de monsieur Dumont, le montant de la taxe nette totale s’élève à 40 017 $ (pièce I‑1, onglet 1, p. 2). L’écart de 247 $ n’a pas été expliqué.

[2]           Un désistement de cet appel, signé le 12 mai 2005 par ce procureur, a été déposé le 20 mai 2005 (pièce A‑4).

[3]           [1996] A.C.F. no 269 (QL).

[4]           [1991] A.C.I. no 507 (QL), 91 D T C 993.

[5]           93 D T C 698, à la page 699.

[6]           [2002] A.C.I. no 687 (QL)

[7]           Voir l’annexe 1 de la pièce I‑4, qui indique les écarts calculés dans le cadre de la vérification.

[8]           Voir l’annexe 5 de la pièce I-4, deuxième feuille.

[9]           Voir la pièce I-4, annexe 5, 4ième feuille et la pièce A-29, p. 3.

[10]          43 459 = (16 778 + 7 012 − 22 354) + (42 444 + 28 608 − 29 029).

[11]          10 360 = (43 459 − 33 099). Cet écart fait partie des écarts totalisant 32 132 $ mentionnés ci‑dessus.

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