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Dossiers : 2005-3860(IT)G

2005-3861(IT)G

ENTRE :

RCI ENVIRONNEMENT INC.

(CENTRES DE TRANSBORDEMENT

ET DE VALORISATION NORD‑SUD INC.),

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appels entendus les 9, 11, 12, 13 et 27 juillet 2007,

à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Maurice Trudeau

Me Geneviève Émond

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

___________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) pour les années d'imposition 1999 et 2000 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que la somme de six millions de dollars doit être pris en compte pour chacune des deux sociétés, dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise pour l’année d’imposition 1999, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

          L’intimée a droit aux trois quarts de ses dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2007.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

Référence : 2007CCI647

Date : 20071220

Dossiers : 2005-3860(IT)G

2005-3861(IT)G

ENTRE :

RCI ENVIRONNEMENT INC.

(CENTRES DE TRANSBORDEMENT

ET DE VALORISATION NORD‑SUD INC.),

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]     RCI Environnement Inc. (RCI) et Centres de Transbordement et de Valorisation Nord‑Sud Inc. (CTVNS) ont interjeté appel de cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l’égard des années d’imposition 1999 et 2000. La question en litige pour les deux sociétés est essentiellement la même; elles ont toutes les deux reçu une somme de 6 000 000 $ à la suite d’un règlement (Règlement) intervenu entre, d’une part, RCI, Société en commandite Saint‑Mathieu (SEC) et CTVNS, et, d’autre part, WMI Waste Management of Canada Inc. (WMI) et signé les 16 et 17 décembre 1998. En vertu du Règlement, Canadian Waste Services Inc. (CWS), une société liée à WMI, a versé 12 000 000 $ à Placement St‑Mathieu Inc.[1] (PSM) le 16 décembre 1998 pour mettre fin à des ententes de non‑concurrence ainsi qu’à tous les droits et à toutes les obligations qui en découlaient et pour libérer WMI et ses sociétés liées de toute obligation, de toute réclamation et de tout engagement découlant des ententes de non‑concurrence et d’une lettre de mise en demeure du 18 août 1998. Dans leurs états financiers, RCI et CTVNS ont inclus la moitié de cette somme, soit 6 000 000 $, à titre d’élément extraordinaire qu’elles ont considéré comme non imposable aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi).

 

[2]     En vertu du paragraphe 9(1) de la Loi, le ministre a inclus dans le revenu de RCI et de CTVNS pour leur exercice financier terminé le 31 juillet 1999 les 6 000 000 $ comme un revenu tiré d’une entreprise, ce qui a eu comme conséquence de modifier le report d’une perte autre qu’en capital pour l’année d’imposition 2000. Le sort de l’appel pour 2000 dépend entièrement du traitement fiscal des 6 000 000 $ pour 1999. De façon subsidiaire, l’intimée soutient qu’une fraction de ces sommes constitue du revenu imposable en vertu de l’article 14 (montant en immobilisations admissible) ou de l’article 38 (gain en capital imposable). Par certificat daté du 1er février 2006, CTVNS s’est fusionnée avec RCI et la société résultant de la fusion est RCI Environnement Inc. (RCI 2006). Cette société soutient toujours que les sommes que RCI et CTVNS ont reçues constituent des gains fortuits non imposables.

 

Faits

 

[3]     Lors de sa plaidoirie, l’avocate de l’intimée a produit le résumé chronologique des faits reproduit ci‑après. Je me suis permis d’y apporter quelques modifications qui sont indiquées entre crochets et qui tiennent compte souvent des suggestions de l’avocat de RCI 2006 :

 

RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE DES FAITS :

 

1.         Dans les années 1980, Lucien Rémillard1 possédait l’entreprise d’Intersan Inc. [Intersan exploitait et continue à exploiter une entreprise de gestion de déchets solides dans la grande région de Montréal et possède un site d’enfouissement à St‑Nicéphore, près de Drummondville.]

 

2.         M. Rémillard a vendu l’entreprise d’Intersan Inc. à « Philip Environmental Inc. » [Philip] (une portion d’environ 70% en 1991 et le reste en 1995) [pour environ 100 000 000 $].

 

[2.1      En 1996 et 1997, CWS, une filiale d’USA Waste Services Inc. (USA Services), a fait l’acquisition de sociétés exploitant des entreprises de gestion des déchets solides ou d’actifs utilisés dans de telles entreprises. Il y a eu d’abord l’acquisition de Philip, ensuite de Laidlaw et, au début de 1997, des actifs possédés par WMI, à l’exclusion des actifs situés au Québec. Parmi les actifs de Philip, il y avait toujours Intersan. Selon la pièce I‑2 et le témoignage de monsieur Sutherland‑Yoest, le président de CWS à l’époque.)]

 

3.         En 1997, M. Rémillard crée les sociétés appelantes2 afin de procéder à l’acquisition d’actifs [tous situés au Québec] possédés par […] WMI […], y compris toutes les actions de WMI Québec Inc., qui étaient détenues par WMI (« l’acquisition »).

 

4.         Le, ou vers le 27 juin 1997, […] PSM paie à […] CWS la somme de 3 millions de dollars pour que cette dernière obtienne de Philip […] de libérer PSM et Lucien Rémillard d’une clause de non-concurrence signée le 31 juillet 1995 à l’occasion de la vente d’Intersan (I‑1, onglet 2). C’est David Sutherland‑Yoest qui a favorisé cette transaction et c’est lui qui a présenté L. Rémillard à WMI. […]

 

5.         Le 30 juillet 1997, on procède à l’acquisition : RCI [acquiert] des actifs pour la somme de 3 608 600 $3, CTVNS [acquiert] les actions de WMI Québec Inc. pour la somme de 1 200 000 $4 (ou 1 202 899 $ selon le taux de change utilisé pour les actifs), ainsi qu’un terrain et un immeuble (poste de transfert) pour la somme de 3 000 000 $5 (ou 3 007 199 $ selon le taux de change utilisé pour les actifs).

 

6.         De plus, […] SEC a acquis des droits dans des contrats [de prestation de services aux clients québécois de WMI] pour la somme de 9 350 000 $ [et, selon l’admission faite par l’avocat de RCI 2006, les services ont été rendus par RCI en vertu d’un contrat de sous-traitance donné par SEC. Selon les notes aux états financiers de RCI, cette société a reçu $9,1 millions pour ces services en 1998 (note 10), $5,6 millions en 1999 (note 12) et $3,2 millions en 2000 (note 12) alors que pour les mêmes années elle a payé des « frais de référence » de $99 928 en 1998, de $ 375 868 en 1999 et de $ 565 241 en 2000. (Voir pièce A‑2, onglets 1 à 3).]6

 

7.         PSM [PSM, SEC, RCI et CTVNS (Groupe RCI)] a aussi acquis les comptes [débiteurs] de WMI et WMI Québec Inc. pour la somme de 1 361 053 $7.

 

8.         L’ensemble des transactions intervenues le 30 juillet 1997 se serait donc effectué pour une somme totale d’environ 17 250 000 $8 [12 500 000 $US], plus la somme de 1 361 053 $ pour les comptes [débiteurs] (ces montants ne tiennent pas compte du 3 millions $ payé [par PSM] à CWS pour régler l’entente de non-concurrence avec Philip).

 

9.         Comme condition aux transactions du 30 juillet 1997, WMI devait signer des ententes de non-concurrence avec RCI et CTVNS [et une entente de non-sollicitation avec SEC (ces trois ententes étant appelées « ententes de non-concurrence »)].

 

10.       Aucune considération monétaire n’a été payée par [le Groupe RCI] pour l’obtention des ententes de non-concurrence (aucune partie du prix de vente n’est alloué à cette clause en particulier). Voir pièce I‑1, onglet 2 (annexe 2.3) et avis d’appel, 2005‑3861(IT)G, par. [7] et avis d’appel 2005‑3860, par. [7] et pièce I‑7, p. [32] et [53], [extraits du témoignage au préalable de monsieur Jacques Plante, qui était à l’époque le directeur des finances chez RCI].

 

11.       Ces ententes avaient une durée de 60 mois (5 ans). Elles comportent plusieurs engagements et notamment, WMI devait [faire des efforts commerciaux raisonnables pour diriger vers RCI les clients] de certains [comptes] appelés les « National Accounts » [dans la mesure où cela était possible]9.

 

12.       Au moment de la signature des ententes de non-concurrence (30 juillet 1997), Intersan Inc. opérait au Québec et notamment sur le territoire du Grand Montréal.

 

13.       Le territoire où RCI et CTVNS exercent leurs activités est celui du Grand Montréal et le compétiteur le plus important est Intersan [...]. [D’autres compétiteurs, dont Browning Ferris Industries (BFI), y sont également présents. BFI y possède également un site d’enfouissement.] CTVNS exploite [d]es [c]entres de transbordement [à] Laval et [à] St-Rémi. [Intersan en exploite un à Longueuil.]

 

14.       Également, un contrat intitulé « General Agreement » a été conclu le 30 juillet 1997. On y prévoit, entre autres, que toute indemnité payable en relation avec les divers contrats d’acquisition, ou les contrats accessoires, est limitée à 12,5 M$ US. Cependant, Davi[d] Sutherland‑Yoest mentionne ne pas avoir été mis au courant de cette clause.

 

15.       Dans l’année suivant l’acquisition par [le Groupe RCI], WMI a procédé à une fusion avec [USA Services]. [Il est plus précis de dire que la société mère de WMI, Waste Management Inc. (WMI USA) s’est fusionnée avec USA Services.] Intersan était alors détenue par CWS, une filiale de [USA Services] (voir I‑2). La nouvelle entité fusionnée est devenue Waste Management Inc. (WM [1998]). [En raison et à cause de la fusion, WMI et CWS (y compris sa filiale Intersan) sont devenues les filiales de WM 1998. (Voir le paragraphe 13 de l’avis d’appel de RCI.) Comme suite à cette fusion, l’engagement de non‑concurrence qu'a pris WMI envers RCI visait donc sa société mère, WM 1998, et les nouvelles filiales de CWS (y compris Intersan). (Voir le paragraphe 14 de l’avis d’appel admis par l'intimée.) Le chiffre d’affaires global de WM 1998 était de douze milliards de dollars.]

 

16.       L’entente intervenue pour procéder à cette fusion a fait l’objet d’un communiqué le 11 mars 1998 [et la fusion s’est concrétisée le 17 juillet 1998] (I‑3, ong. 1 et 9 et témoignage de David Sutherland-Yoest).

 

17.       Le 25 mars 1998 (à peine 8 mois après l’acquisition), RCI et autres [par l’intermédiaire de Me Maurice Trudeau] ont envoyé une mise en demeure à Intersan […], en s’appuyant sur le communiqué du 11 mars 1998 pour rappeler les obligations contractées par WMI dans les clauses de non-concurrence. Les appelantes reprochaient l’absence totale d’effort pour la réalisation du transfert de contrats provenant des « National Accounts » de WMI pour leur bénéfice. En plus, elles alléguaient qu’Intersan […] se lançait dans une guerre des prix, pour s’approprier ces National Accounts et plus particulièrement ceux des magasins Winners (I‑3, onglet 1, p. 2).

 

18.       Par cette lettre du 25 mars 1998, RCI et autres demandaient la cessation immédiate de ces manœuvres et le paiement « d’une indemnité compensatoire à titre de dommages présentement estimée à 250 000.00 $ » (I‑3, onglet 1, p. 2).

 

19.       Le 27 mars 1998, Me Dick Van Wyck répondait pour Intersan […] par une lettre brève à la mise en demeure du 25 mars (I‑3, onglet 2) [demandant notamment à Me Trudeau de lui transmettre les ententes de non‑concurrence].

 

20.       Le 16 avril 1998, RCI et autres [par l’intermédiaire de Me Trudeau] écrivaient une nouvelle mise en demeure à Intersan […] et à son Directeur général (I‑3, onglet 3). [Dans cette lettre, on reprochait aux destinataires des manquements à leurs obligations contractuelles et légales, notamment à l’égard du transfert des « national accounts », et une concurrence déloyale.]

 

21.       On y souligne que rien n’a été fait, suite à la première mise en demeure. De plus, on y allègue des actes par lesquels Intersan […] aurait créé une mauvaise réputation à M. Rémillard et à l’appelante. On y précise « La position de monopole au Québec de Intersan […] résultant de ses nombreuses acquisitions et de la fusion de [USA Services] avec [WMI USA] ne saurait placer Intersan […] au dessus des lois du Québec et du Canada ». Au paragraphe suivant de la lettre, il est demandé une intervention immédiate pour « limiter le préjudice subi à ce jour par RCI », [et on invoque plus loin] un possible recours administratif auprès du Bureau canadien de la concurrence. [Par contre, il n’est pas question du quantum des dommages‑intérêts dans cette lettre.]

 

22.       Le 29 juillet 1998, une firme d’avocats américaine a rendu une opinion juridique qui aurait porté, selon I-6, sur la possibilité de forcer l’exécution spécifique des ententes de non-concurrence, en vertu des lois du Delaware aux États-Unis (I-3, onglet 4). [La teneur de cette opinion n’a pas été mise en preuve.]

 

23.       Le 3 août 1998, des résolutions de l’administrateur unique (Lucien Rémillard) de RCI et de CTVNS ont été adoptées. Il y est mentionné, entre autres, que RCI et CTVNS considèrent qu’il serait important que SEC soit partie à tout recours pouvant être intenté contre WMI, que SEC est prête à y consentir, si elle n’a aucun[s] frais à engager et qu’elle renonce à tout avantage dont elle pourrait bénéficier, suite à la décision d’un tribunal compétent ou à la suite d’un règlement hors Cour. [Aucun autre élément de preuve n’a été produit relativement à cette entente avec SEC.] Ces résolutions se terminent en mentionnant que puisque les parties désirent établir les modalités de l’institution des procédures – en conséquence, il est résolu que RCI et CTVNS soient partie[s] à une entente à intervenir en date de ce jour entre RCI, CTVNS et SEC, … (I-3, onglet 5). [Subséquemment à ces résolutions, aucune procédure judiciaire n’a été engagée.]

 

24.       Le 18 août 1998, une nouvelle mise en demeure est expédiée par RCI et autres. Cette fois, le mandat a été confié à la firme d’avocats Langlois, Gaudreau et la mise en demeure est expédiée à l’ensemble des sociétés impliquées du Groupe [WM 1998] (I-3, onglet 7). [Dans cette lettre, on rappelle au Groupe WM 1998 que WMI s’était obligée à compter du 30 juillet 1997 au moyen de certains engagements — engagements de non‑concurrence, engagements de non‑sollicitation et engagement à ne pas mettre d'entrave à l'exercice des activités des sociétés bénéficiaires  — pris envers le groupe RCI. En vertu des ententes de non-concurrence, WMI, pour son compte ainsi que pour le compte de ses sociétés liées, s'engageait pour une période de 60 mois à ne pas entrer en concurrence, directement ou indirectement, avec le Groupe RCI. On mentionne dans la lettre qu’en raison de la fusion de WMI USA et de USA Services,  le Groupe WM 1998, y compris sa filiale Intersan, était lié par les ententes de non‑concurrence. De façon générale, la lettre de mise en demeure rappelle les différentes obligations résultant des ententes de non‑concurrence. Elle fait référence à certains manquements, dont, notamment le fait que WMI avait manqué à son obligation d’utiliser ses meilleurs efforts pour transférer les comptes nationaux au groupe RCI, le fait que WMI était également en manquement à son obligation de ne pas solliciter activement, directement ou par l’intermédiaire d’Intersan, les clients nationaux, le fait qu’Intersan exploitait alors une entreprise de gestion de déchets solides dans un rayon de 150 kilomètres de l’ancien établissement au Québec de WMI, et le fait que WM 1998 détenait des intérêts financiers dans une entreprise exerçant des activités de gestion de déchets solides, notamment par l’intermédiaire d’Intersan, dans un rayon de 150 kilomètres de l’ancien établissement de WMI. En plus, WMI et Intersan étaient en violation de leur obligation de ne pas solliciter de clients appartenant au Groupe RCI, de ne pas entraver les activités du Groupe RCI et de ne pas tenter de persuader des clients ou des fournisseurs de modifier leur relation avec le Groupe RCI. Toutefois, aucun montant de dommages‑intérêts n’est mentionné ni réclamé dans la lettre.]

 

25.       Le 31 août 1998, une première facture de Langlois Gaudreau est reçue par RCI (I‑3, onglet 8).

 

26.       Suite à cette lettre, M. David Sutherland-Yoest est avisé du « problème ». Il est mandaté pour le régler et il rend compte de ses démarches à John Drury, Président de [WM 1998].

 

27.       Le 4 septembre 1998, Me Dick Van Wyck répond à cette lettre pour le Groupe [WM 1998, à savoir WM 1998, WMI, CWS et Intersan], niant qu’Intersan [...] serait visée par les ententes de non‑concurrence, surtout qu’elle faisait déjà affaires sur le territoire du Grand Montréal en 1997 (soit, lors de l’acquisition).  De plus, les actes reprochés à Intersan [...] sont niés et une invitation à procéder à une rencontre « to clear the air » est faite (I-3, onglet 9).  […]

 

28.       Le 16 octobre 1998 et le 12 novembre 1998, deux autres factures sont établies par Langlois Gaudreau au nom de RCI, en relation avec les clauses de non-concurrence (I-3, onglet 9).

 

29.       Entre septembre et novembre 1998, David Sutherland-Yoest vient à Montréal rencontrer L. Rémillard […]. Il propose d’abord comme solution de réaliser des ententes commerciales pour « combiner » les opérations de l’appelante et d’Intersan, une solution profitable aux deux parties. 

 

30.       L. Rémillard refusait de négocier de telles ententes, tant que l’on ne réglait pas le « problème » relié aux ententes de non-concurrence.

 

31.       David Sutherland-Yoest a proposé de payer 3 millions de dollars pour régler le « problème ». L. Rémillard en demandait 20 millions. Ils ont négocié. M. Rémillard ayant fait valoir à David Sutherland-Yoest ce que représentait, pour CWS, ses investissements au Québec [à savoir environ 200 000 000 $ d’actifs]. […] M. Sutherland-Yoest n’a pas identifié d’argument précis qui lui aurait permis de faire diminuer les demandes de Lucien Rémillard. Il aurait simplement fait valoir qu’il ne paierait pas le montant demandé, tout en faisant une contre-offre et ainsi de suite. 

 

32.       En novembre 1998, la somme de 12 millions $ est finalement convenue, verbalement, entre messieurs Sutherland-Yoest et Lucien Rémillard (avec approbation de John [Drury] de qui relève M. Sutherland-Yoest car ce dernier n’a pas l’autorité pour débourser un tel montant). [Selon M. Sutherland-Yoest, cette approbation ne requérait pas l’autorisation du conseil d’administration de WM 1998 parce qu’il ne s’agissait pas d'un  montant suffisamment important pour une société qui avait un chiffre d’affaires de 12 milliards de dollars.] M. Rémillard demande [par la suite] à M. Roch Provencher, c.a. et vérificateur externe des sociétés de M. Rémillard, si la somme convenue est « raisonnable ». On ne demandait aucunement cette question à M. Provencher en relation avec l’impact fiscal de la somme.

 

33.       Le 16 décembre 1998, l’entente de règlement hors Cour (intitulée « Release, Settlement and Termination Agreement ») a été signée [par monsieur Lucien Rémillard au nom de RCI, de CTVNS et de SEC] et prévoit le paiement de la somme de 12 millions, en contrepartie de l’annulation [à compter de cette date] des ententes de non-concurrence conclues en faveur de RCI, [SEC] et CTVNS et pour mettre fin à tout litige passé ou éventuel lié aux ententes de non-concurrence [concernant les sociétés du Groupe WN 1998 ainsi que leurs dirigeants, administrateurs, employés et agents] ainsi que toute réclamation contenue à la lettre du 18 août 1998 [sans référence aux mises en demeure antérieures de Me Trudeau]. Cette entente est signée par M. Sutherland-Yoest pour WMI [le 17 décembre 1998] (I‑3, onglet 10).

 

34.       Il n’existe aucune répartition du 12 millions entre les éléments [que cette somme] vise à « compenser ».

 

35.       Le chèque de 12 millions a été tiré sur le compte bancaire de CWS (I‑3, onglet 12) [même si, selon l’avocat de RCI 2006, le payeur, aux termes du Règlement, est le Groupe WM 1998]. Il est possible que ce soit CWS ou Intersan qui ait enregistré cette sortie de fonds au niveau comptable. [...]

 

36.       M. Sutherland-Yoest nous a indiqué qu’il est très probable que Intersan (comme les autres filiales de CWS) ait versé des honoraires de gestion à CWS. Notamment, CWS détient les droits dans les contrats nationaux. Ainsi, les filiales doivent verser des sommes à la maison mère pour desservir ces contrats. La maison mère est celle qui a le personnel administratif pour négocier ces contrats, entre autres. […] M. D’Addario [le gérant de WMI Québec avant l’acquisition et le gérant de RCI par la suite] nous a indiqué que la relation était identique pour RCI [(avant comme après l’acquisition) relativement aux contrats nationaux], qui [facturait ses services] à WMI, car cette dernière ne lui avait pas « transféré » les contrats nationaux, tel que le prévoyait [sic] les ententes de non‑concurrence. [En fait, ces ententes stipulent que WMI doit diriger les clients ou clients potentiels du programme de comptes nationaux vers RCI. Par contre, à l’article 4.3 du contrat d’achat de certains actifs de WMI par RCI, on parle de « transfert » de comptes nationaux. Selon monsieur D’Addario, ces contrats ont été donnés en sous‑traitance à RCI et cette dernière a été rémunérée par WMI pour ses services. Par conséquent, malgré la vente de ses actifs canadiens à CWS, il semble que WMI continuait à exploiter une entreprise.]

 

37.       Une série de transactions a été conclue le même jour, [soit le 17 décembre 1998] dont [un bail,] une entente de services à être rendus par RCI à [CWS et] Intersan, des « assignments of customer contracts », [une entente relative au déchargement de déchets au centre de transbordement de CTVNS à St-Rémi et une entente de consultation] (I‑3, onglets 13 à 20). Il s’agit des contrats visant à « combiner » les opérations des deux [groupes de] sociétés et profitables à [tous les] deux.  [Dans le cadre de cette série de transactions, RCI a également versé sept millions de dollars à CWS et à Intersan, dont cinq millions comme rémunération partielle pour des droits d’enfouissement et deux millions pour l’acquisition d’équipement (pièce I‑3, onglets 15 et 20). CWS et] Intersan [devaient] acquérir [RCI et CTVNS suivant l’art 13 de l’entente de services], mais cela ne s’est pas concrétisé.

 

38.       RCI et CTVNS ont réparti la somme reçue [de 12 millions de dollars] également entre elles.

 

39.       Elles ont déclaré [leur part de cette somme] dans une note à leurs états financiers [comme un « élément extraordinaire » reçu « afin d’éviter tout litige possible suite à la fusion aux États-Unis de USA Waste Services Inc et Waste Management Inc (U.S.) »] et [l’]ont considéré[e] comme [un montant non imposable]. [Dans leur avis d’appel, RCI et CTVNS ont décrit les « éléments extraordinaires » comme] des gains fortuits. RCI a par ailleurs déduit les frais professionnels [totalisant 24 076,82 $ avant taxes (voir la pièce I‑3, onglets 4 et 8)] encourus pour les mises en demeure et autres démarches reliées à l’obtention des 12 millions, dans ses dépenses [courantes] d’entreprise. [De façon surprenante, PSM a aussi passé en dépenses courantes le débours de 3 000 000 $ fait selon l’entente de services du 27 juin 1997 pour libérer PSM et monsieur Rémillard de leur engagement de non-concurrence envers Philip en 1997 (pièce I‑1, onglet 2, et le témoignage de monsieur Provencher).]

 

40.       M. Lucien Rémillard n’a pas témoigné. Il n’a pas expliqué comment il a déterminé le montant « raisonnable » qu’il était prêt à accepter pour régler le « problème ». On ne sait pas non plus la teneur des opinions qu’il a reçues de ses conseillers juridiques, puisque l’appelante a choisi de ne pas renoncer au privilège que lui confère le secret professionnel.

 

1

Lucien Rémillard est [président et] l’administrateur unique de l’appelante (CTVNS et RCI, à l’époque). [CTVNS et RCI étaient détenues par un fiduciaire pour d’autres personnes non identifiées. Toutefois, il est clair qu’il s’agit de deux sociétés soeurs.]

2

CTVNS a été créée le 20 juin 1997 et RCI a été créée le 1er mai 1997.

3

Voir I‑1, onglet 4 (schedule 2.3) pour la répartition du prix de vente entre les actifs.

4

Il s’agit du montant figurant à l’annexe jointe à la « lettre d’intention » - I‑1, onglet 3. Le prix sur le contrat est de US $ 869,587). [Curieusement, il semble que WMI Québec n’agissait que comme mandataire de WMI depuis le 1er janvier 1993 et c’est cette dernière qui déclarait tous les revenus de WMI Québec avec les siens. Voir p. 2 du contrat de vente des comptes débiteurs par WMI à PSM du 30 juillet 1997, pièce I‑1, onglet 10.]

5

Il s’agit du montant figurant à l’annexe jointe à la « lettre d’intention » - I‑1, onglet 3. Le prix sur le contrat est de US $ 2,173,932).

6

Il s’agit du prix mentionné dans une annexe à la « Lettre d’intention » du 20 juin 1997, entre WMI et [PSM], I‑1, onglet 3.

7

Pièce I‑1, onglet 10, p. 4. [Toutes les sociétés du Groupe RCI sont décrites dans les contrats relatifs à l’achat des actifs de WMI comme ayant leur siège social au 85, rue St‑Paul Ouest, à Montréal et elles avaient comme président qui les représentait monsieur Lucien Rémillard (pièce I‑1, onglets 4 à 12)].

8

I‑1, onglet 2 (schedule to the letter of intent).

9

Il s’agit de contrats visant des clients qui demandent des services au Québec et dans les autres provinces du Canada. Par exemple, il peut s’agir de chaînes de commerces comme les magasins Winners. [Voir l’art. 5.5 de l’entente de non-concurrence, pièce I-1, onglet 8]

 

[4]     La perception qu’avait monsieur Sutherland‑Yoest[2] des intentions de monsieur Rémillard au moment de la négociation de l’annulation des ententes de non‑concurrence était que ce dernier désirait ravoir son ancienne société, à savoir Intersan. En plus de vouloir réacquérir cette société, monsieur Rémillard désirait que WM 1998 abandonne le marché du Grand Montréal. Toujours selon monsieur Sutherland‑Yoest, l’argument invoqué par monsieur Rémillard pour justifier une augmentation de l’offre initiale de 3 000 000 $[3] faite par le Groupe WM 1998 était à peu près ce qui suit : « his argument [celui de monsieur Rémillard] was by [his] selling the non competition undertakings, we [WM 1998] would be protecting our assets in the Quebec market, on which we spent so much as 200 000 000 $ ».

 

[5]     Compte tenu de l’importance des ententes de non‑concurrence datées du 30 juillet 1997, il est utile d’en reproduire ici les principales clauses décrivant les obligations de WMI (désignée la partie de « First Part »)[4]:

 

ARTICLE III

CONFIDENTIALITY

 

3.1       The FIRST PART hereby agrees that it shall not, divulge, diffuse, sell, transfer, give, circulate or otherwise distribute to any Person whatsoever or whomsoever, or otherwise make public, any Confidential Information for a period of sixty (60) months from the date of this Agreement.

 

3.2       Except when authorized in accordance herewith, under no circumstance shall the FIRST PART reproduce any Confidential Information without the SECOND PART [sic] prior written consent. All reproductions of Confidential Information shall be governed by this Agreement and shall be treated as Confidential Information hereunder.

 

3.3       Any document or work composed, assembled or produced by the FIRST PART and containing Confidential Information shall be deemed to be Confidential Information within the meaning of this Agreement and shall be treated as such.

 

3.4       Notwithstanding any provision hereof, nothing in this Agreement shall prevent the disclosure of Confidential Information if such disclosure must be made in response to the formal request of a governmental body or is otherwise required under any applicable law; it being understood, however, that the FIRST PART, save for any filling [sic] and reporting to governmental or regulatory body in the normal course of business, shall inform the SECOND PART of such a request for disclosure in order that the latter may, at the appropriate time, decide whether or not to contest the said disclosure.

 

ARTICLE IV

NON‑COMPETITION

 

4.1       The FIRST PART shall not, for a period of sixty (60) months after the date of this Agreement, on his own behalf or on behalf of any Person, whether directly or indirectly, in any capacity whatsoever including, without limitation, as an employer, employee, mandator, mandatory, principal, agent, joint venturer, partner, shareholder, independent contractor, franchisor, franchisee, distributor, consultant, trustee or through any Person, carry on or be engaged in or have any financial interest in or be otherwise commercially involved in the Activity in all or part of the Territory.

 

4.2       Without limiting the generality of the foregoing and for greater certainty, the restrictions in this Section 4.1 above shall not prevent the FIRST PART:

 

(i)         from owning 20% or less of the shares or interest in any company or other entity that carries on or is engaged in or has any financial or other interest in or is otherwise commercially involved in any activity in all or part of the Territory which is the same as, substantially similar to or in competition with the Activity;

 

(ii)        from owing the shares of Gestion des Rebuts D.M.P. Inc., which owns an expropriation claim for the St‑Etienne landfill;

 

(iii)       from being involved in or owning an incinerator, the Ste‑Gertrude landfill and/or to repossess eventually the St‑Etienne landfill or to own and/or operate any landfill outside the Territory and to receive Solid Waste from within the Territory provided such Solid Waste was not solicited by the FIRST PART;

 

(iv)       from performing environmental engineering or counseling;

 

(v)        from rendering services of consultant on waste management primarily on non solid waste;

 

(vi)       from carrying [on] an industrial process waste services business;

 

(vii)      from marketing, processing, transporting and selling recyclables, save for collecting of recyclables;

 

(viii)      from carrying on the business of industrial cleaning.

 

ARTICLE V

OBLIGATION OF NON‑SOLICITATION OF CUSTOMERS

 

5.1       The FIRST PART shall not, with respect to the Territory only, for a period of sixty (60) months from the date of this Agreement, on his own behalf or on behalf of any other Person, whether directly or indirectly, in any capacity whatsoever, including, without limitation, as an employer, employee, mandator, mandatory, principal, agent, joint venturer, partner, shareholder, independent contractor, franchisor, franchisee, distributor, consultant, trustee, or through any Person:

 

(a)        canvass or solicit any Customer[5] or procure or assist the canvassing or soliciting of any Customer for purposes similar to or of the same nature as the Activity;

 

(b)        canvass or solicit any Prospective Customer[6] or procure or assist the canvassing or soliciting of any Prospective Customer for purposes similar to or of the same nature as the Activity.

 

5.2       The FIRST PART shall not, with respect to the Territory only, for a period of sixty (60) months after the date of this Agreement, on his own behalf or on behalf of any other Person, directly or indirectly, in any capacity whatsoever, including, without limitation, as an employer, employee, mandator, mandatory, principal, agent, joint venturer, partner, shareholder, independent contractor, franchisor, franchisee, distributor, consultant, trustee, or through any Person:

 

(a)        accept, or procure or assist the acceptance of, any business from any Customer for purposes similar to or of the same nature as the Activity;

 

(b)        accept, or procure or assist the acceptance of, any business from any Prospective Customer for purposes similar to or of the same nature as the Activity.

 

5.3       Sections 5.1 and 5.2 shall not prevent the FIRST PART:

 

(i)         from owning 20% or less of the shares or interest in any company or other entity that carries on or is engaged in or has any financial or other interest in or is otherwise commercially involved in any activity in all or part of the Territory which is the same as, substantially similar to or in competition with the Activity as presently carried on by the FIRST PART;

 

(ii)        from owing the shares of Gestion des Rebuts D.M.P. Inc., which owns an expropriation claim for the St‑Etienne landfill;

 

(iii)       from being involved in or owning an incinerator, the Ste‑Gertrude landfill and/or to repossess eventually the St‑Etienne landfill or to own and/or operate any landfill outside the Territory and to receive Solid Waste from within the Territory provided such Solid Waste was not solicited by the FIRST PART;

 

(iv)       from performing environmental engineering or counseling;

 

(v)        from rendering services of consultant on waste management primarily on non solid waste;

 

(vi)       from carrying an industrial process waste services business;

 

(vii)      from marketing, processing, transporting and selling recyclables, save for collecting of recyclables;

 

(viii)      from carrying on the business of industrial cleaning.

 

5.4       Sections 4.1, 5.1 and 5.2 shall not prevent the solicitation and servicing through sub‑contracts of Customers or Prospective Customers of the FIRST PART’s present or future “National Accounts Programs”, save for accounts of customers of such program assigned to the SECOND PART by the FIRST PART and save for solicitation of Customers within the Territory whose headquarters are based within the Territory.

 

5.5       The FIRST PART shall make its best effort to direct to the SECOND PART the Customers or Prospective Customers of the FIRST PART’s present or future “National Accounts[7] Program”, if permitted under such Accounts Program.

 

ARTICLE VI

NON‑INTERFERENCE

 

6.1       The FIRST PART shall not, for a period of sixty (60) months after the date of this Agreement, on his own behalf or on behalf of any other Person, whether directly or indirectly, in any capacity whatsoever, including, without limitation, as an employer, employee, mandator, mandatory, principal, agent, joint venturer, partner, shareholder, consultant, supplier, trustee, or through any Person, interfere or attempt to interfere with the Activity carried on by the SECOND PART in the Territory or persuade or attempt to persuade any Customer, Prospective Customer or supplier of the SECOND PART to discontinue or alter such Person’s relationship with the SECOND PART.

 

[6]     Il est aussi opportun de reproduire l’entente du Règlement :

 

RELEASE, SETTLEMENT and TERMINATION AGREEMENT

 

            1.[8] Whereas WMI Waste Management of Canada Inc. entered into two non‑competition agreements, one each with RCI Environnement Inc. and Centre [sic] de Transbordement et de Valorisation Nord‑Sud Inc., and a non‑solicitation agreement with Société en Commandite St‑Mathieu (Contrat), being a limited partnership, all three agreements being dated July 30th, 1997 and hereinafter collectively called the “Non‑Competition Agreements”;

 

            2. And whereas RCI Environnement Inc., Centre [sic] de Transbordement et de Valorisation Nord‑Sud Inc. and the Société en Commandite St‑Mathieu (Contrat), hereinafter collectively called “RCI”, have made a claim by virtue of a letter dated August 18th, 1998 to the effect that, among other things, Waste Management, Inc., WMI Waste Management of Canada Inc., Canadian Waste Services Inc. and Intersan Inc. (collectively called “WMI Canada”) are in breach of the obligations under the Non‑Competition Agreements;

 

            3. And whereas the parties wish to terminate the Non‑Competition Agreements and settle and release all rights, claims and obligations arising under the Non‑Competition Agreements as well as the claims set out in the said letter;

 

            4. Now therefore, in consideration of the payment by WMI Canada of the sum of $12,000,000 to RCI, which payment is to be made on or before December 17th, 1998 (the “Effective Date”), the undersigned parties hereby:

 

            (1) agree that the Non‑Competition Agreements and all rights and obligations arising thereunder are hereby terminated as of the Effective Date; and

 

            (2) unconditionally forever release and discharge Waste Management, Inc., WMI Waste Management of Canada Inc., Canadian Waste Services Inc. and Intersan Inc., and their affiliated companies and their respective officers, directors, employees, representatives and agents, as of the Effective Date, from any and all obligations, claims, undertakings and covenants, whether past, present or future, known or unknown, contingent or otherwise, arising under or related in any manner to: (i) the Non‑Competition Agreements; and (ii) the claims, allegations and facts set out in that certain letter dated August 18th, 1998 issued by Langlois, Gaudreau on behalf of RCI Environnement Inc. and its affiliated companies.

 

            5. Provided always, that in the event of default of payment of the foregoing consideration on the Effective Date, then this Release, Settlement and Termination Agreement shall be of no force or effect and in such event shall be annulled and cancelled.

 

            6. The undersigned parties hereby direct and authorize WMI Canada to pay the aforemention[ed] consideration of $12,000,000 to “Placements St‑Mathieu Inc.”.

 

            7. This Release, Settlement and Termination Agreement shall be governed by the laws in force in the Province of Quebec. It is the specific request of all parties that this Release, Settlement and Termination Agreement be drafted in English. Les parties à la présente ont exigé que la présente convention soit rédigée en langue anglaise.

 

[...]

[Je souligne.]

 

[7]     Pour justifier sa cotisation, le vérificateur a écrit les conclusions suivantes dans son rapport :

 

Le contribuable considéra ce montant comme un “Windfall”. Nous soutenons le contraire parce que les démarches de son avocat ont eu pour résultat la réception de ce montant. On ne peut conclure qu’il s’agit là d’un gain imprévisible; cette compétition vient nuire aux activités normales du GROUPE RCI et contribuer ainsi à une baisse de ses revenus. On peut supposer que s’il n’y avait pas eu une entente satisfaisante entre les parties, l’affaire n’en serait pas restée là et qu’une action en justice aurait pu être intentée. Suite à l’entente de non‑compétition, RCI, tout comme CTVNS, était en droit d’exiger une compensation qu’en importe la substance ou l’importance de celle‑ci.

[Je souligne.]

 

[8]     Dans son témoignage, monsieur D’Addario a indiqué que les affaires de WMI au Québec n’allaient pas bien au moment de l’acquisition. Elle exerçait ses activités avec de l’équipement désuet et avait des problèmes de relations de travail avec ses syndicats. Après l’acquisition par RCI, de nouveaux investissements ont été faits pour l’acquisition de nouvel équipement, à savoir des camions et des contenants; les problèmes de relations de travail ont été réglés et le nombre de représentants commerciaux de RCI a été augmenté, ce qui s’est traduit, selon monsieur D'Addario, par une augmentation de 30 % du chiffre d’affaires en 1998 par rapport à 1997. Les revenus ont continué à augmenter par la suite. Selon monsieur D’Addario, la liste des prix pratiqués par RCI était essentiellement la même que celle de WMI. On ne pouvait augmenter les prix qu’en fonction de l’augmentation de l’inflation, des frais de l'élimination des déchets solides, des frais de carburant et des salaires. Selon lui, la croissance de RCI dans les années 1997 et 1998 s’est faite aux dépens d’Intersan et de BFI.

 

[9]     Lors de son témoignage, monsieur Provencher a indiqué que le chiffre d’affaires attribuable aux actifs acquis de WMI par le Groupe RCI était de 13 500 000 $ au moment de l’acquisition en juillet 1997, de 18 000 000 $ un an plus tard, soit une augmentation de 35 % (en fait 33,33 %) et, pour l’exercice financier 1999, le chiffre était de 21 000 000 $, soit une augmentation de 60 % (en fait 55,5 %) par rapport au moment de l’acquisition et de 25 % (en fait 17 %) par rapport au 31 juillet 1998, soit quelques jours après la date de l’entrée en vigueur de la fusion de WMI USA et de USA Services. Selon monsieur Sutherland‑Yoest, CWS (et, selon toute vraisemblance, Intersan) perdaient des parts du marché en faveur de RCI et de BFI au moment de la fusion de WMI USA et d’USA Services en 1998. Cette situation aurait continué après la fusion. Le but évident poursuivi par l’avocat de RCI 2006 par la production de ces témoignages était de démontrer que RCI et CTVNS n’avaient pas subi de dommages comme suite de la violation des ententes de non-concurrence, contrairement à ce qu’il avait lui-même allégué dans sa lettre de mise en demeure du 25 mars 1998 rédigée pour le Groupe RCI.

 

Position des parties

RCI 2006

 

[10]    L’avocat de RCI 2006 soutient que le ministre a tenu pour acquises les prémisses suivantes lorsqu’il a ajouté au revenu de RCI et de CTVNS la somme de 6 000 000 $ à titre de revenu d’entreprise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi : la compétition venait nuire aux activités de RCI; il y avait une baisse de revenus et RCI était en droit d’exiger une compensation, peu importe la substance ou l’importance de celle‑ci. Selon l'avocat, la preuve présentée par RCI 2006 a amplement démontré que RCI et CTVNS n’avaient pas subi de baisse de revenus. Au contraire, leurs revenus avaient augmenté de façon importante, soit de 60 % (en fait 55,5 %) de 1997 à 1999.

 

[11]    En outre, les recours de RCI et de CTVNS étaient très aléatoires, compte tenu du fait qu’Intersan exploitait déjà une entreprise dans la région de Montréal au moment où WMI avait signé les ententes de non‑concurrence et qu’à cette époque Intersan n’avait aucun lien d'affiliation avec WMI. Essentiellement, l'avocat de RCI 2006 a adopté la même position que celle adoptée par l’avocat de WMI le 4 septembre 1998 en réponse aux lettres de mise en demeure du Groupe RCI, c'est‑à‑dire la position selon laquelle CWS et Intersan n’étaient pas liées par l’engagement de non‑concurrence à la suite de la fusion de WMI USA et d'USA Services. Il a également rappelé que la lettre de mise en demeure du cabinet Langlois Gaudreau ne faisait pas de demande d’indemnité, mais plutôt exigeait le respect des engagements de non‑concurrence. Il a aussi soutenu que la raison pour laquelle WMI a versé la somme de 12 000 000 $ était qu'elle voulait régler le litige une fois pour toutes et acheter la paix.

 

[12]    Finalement, l'avocat de RCI 2006 a rappelé les principes de droit civil selon lesquels il faut, pour l’obtention de dommages et intérêts, faire la preuve d’une faute et d’un préjudice et d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice. Ce lien doit être direct et certain. Selon l'avocat, le Groupe RCI n’aurait pas été en mesure de faire cette preuve.

 

[13]    Quant aux arguments subsidiaires de l’intimée, à savoir, principalement, que la réception de la somme de 12 millions de dollars donnait lieu à l’application de l’article 14 (montant en immobilisations admissible) ou de l’article 38 (gain en capital imposable) de la Loi, l’avocat de RCI 2006 soutient qu’ils constituent de nouveaux fondements qui ne peuvent être avancés pour justifier une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu à cette fin, tel que le déclarait la juge McLachlin dans Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358, [1998] A.C.S. no 62 (QL), au paragraphe 18.

 

[14]    Pour contester le bien‑fondé des arguments subsidiaires du ministre, l’avocat de RCI 2006 soutient également que les ententes de non-concurrence ne constituent pas des biens aux fins de la Loi, notamment parce qu'il s'agit de biens hors commerce. De façon subsidiaire, il prétend que, même si il s’agit de biens, il n’y a pas eu de disposition aux fins de la Loi ni de produit de disposition. En outre, si les 12 millions de dollars constituaient un produit de disposition à l’égard d’un bien dont on avait disposé en décembre 1998, le paragraphe 14(1) de la Loi ne s’appliquerait pas en raison de l’élément E de la formule donnée dans la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » au paragraphe 14(5) de la Loi et en raison de la règle d’interprétation dite « théorie de l’image inversée ». Selon cette théorie, si RCI et CTVNS avaient versé la somme de 12 millions de dollars, cette somme n’aurait pu être considérée comme une dépense en capital admissible parce que, si on envisage la chose du point de vue de tous les payeurs réels de cette somme, ceux‑ci n’auraient pas engagé cette dépense dans le but d’en tirer un revenu d’entreprise[9]. Selon l’interprétation de l’entente du Règlement qu'avance l’avocat de RCI 2006, les sociétés qui ont versé les 12 millions, à savoir WM 1998, WMI, CWS et Intersan, sont toutes des sociétés du Groupe WM. Par conséquent, il faudrait que, pour chacune de ces sociétés, le paiement constitue une dépense en capital admissible. Or, la preuve que l'intimée a présentée est insuffisante pour pouvoir apprécier les circonstances existant dans le cas de chacune de ces quatre sociétés.

 

[15]    Finalement, les 12 millions constituaient un gain fortuit selon les critères reconnus par la jurisprudence, notamment ceux énoncés dans l’affaire Canada c. Cranswick, [1982] A.C.F. no 28 (QL) et [1982] 1 C.F. 813. Voici ces critères qu'a adoptés le juge Le Dain, alors juge à la Cour d'appel fédérale du Canada :

 

13        L'avocat de l'intimé fait siens les critères relevés par le juge de première instance dans l'analyse de la décision Federal Farms, et soumet une liste plus détaillée dans son mémoire, comme suit :

[TRADUCTION]

a)         L'intimé ne possédait aucun droit d'action à l'égard de ce paiement;

b)         L'intimé n'a fait aucun effort soutenu pour obtenir ce paiement;

c)         L'intimé n'a ni recherché ni sollicité ce paiement de quelque façon que ce soit;

d)         L'intimé ne s'attendait pas à recevoir ce paiement ni expressément, ni selon l'usage;

e)         Il n'a nullement été prévu que ce paiement aurait une suite;

f)          Ce paiement ne venait pas d'une source habituelle de revenus pour l'intimé;

g)         Ce paiement ne constituait ni la contrepartie ni la reconnaissance de biens, de services ou de quoi que ce fût, fournis ou à fournir par l'intimé; il n'a pas été gagné par l'intimé par suite de quelque activité ou poursuite de profit, ni de quelque autre manière.

 

[16]    Selon l’avocat de RCI 2006, RCI et CTVNS n’avaient aucun droit d’action à l’égard des 12 millions de dollars; elles n’avaient fait aucun effort soutenu pour obtenir le paiement de cette somme, mais s’étaient contentées d’une mise en demeure. L’effort avait été fourni plutôt par monsieur Sutherland‑Yoest. D’ailleurs c’est lui qui avait fait l’offre initiale de trois millions de dollars. Selon l'avocat, RCI et CTVNS n’avaient pas non plus recherché le paiement de la somme en question.

 

[17]    L'avocat a cité en plus la décision rendue dans l’affaire Cartwright and Sons Limited v. M.N.R., 61 DTC 499. Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer si une somme forfaitaire de 7 000 $, payée par The Carswell Company Limited à l’appelante à la suite d’une action en dommages‑intérêts pour violation de son droit d'auteur, qui a été réglée à l'amiable, constituait du revenu. Le commissaire Fordham a conclu que la somme n’avait aucun des attributs d'un revenu. Voici la description des faits pertinents qu’il a faite (aux pages 500 et 501) :

 

Before going further, one or two other uncontradicted facts should be mentioned. The appellant did not lay claim to any financial loss suffered through the publication of Carswell's directory. In fact, the appellant expressly disclaimed having experienced any loss of income by reason of Carswell's infringement of the appellant's copyright. This, in itself, is an unusual and important circumstance, as ordinarily some ascertainable degree of loss is suffered by anyone in the appellant's position. However, such was not the case here. On the contrary, sales of the appellant's law list increased noticeably. Furthermore, no discernible yardstick was used in arriving at the $7,000.00 ultimately agreed on as the amount that should be paid to the appellant. Mr. W. B. Cartwright, who gave evidence, testified that, at the meeting at which settlement was arranged, first the sum of $15,000.00 was mentioned, then $5,000.00 and then $7,000.00. These figures merely were taken from the air, so to speak; no particular basis of computation was utilized. He considered that a substantial sum should be obtained from Carswell's as punitive damages.

 

[18]    L’avocat de RCI 2006 voit beaucoup de similitudes entre les faits dans l’affaire Cartwright et ceux des appels en l'espèce.

 

Intimée

 

[19]    Au paragraphe 22 de la réponse modifiée à l’avis d’appel, l’intimée énonce les arguments suivants pour conclure que la somme de 6 000 000 $ n’était pas un gain fortuit :

 

q)         La somme de 6 000 000 $ reçue par l’appelante n’était pas un gain fortuit puisque :

 

i)          l’appelante possédait une réclamation exécutoire à l’égard du paiement de la somme de 6 000 000 $;

 

ii)         l’appelante a fait des efforts pour obtenir le paiement de 6 000 000 $;

 

iii)         l’appelante a cherché et sollicité ce paiement de 6 000 000 $ par les négociations qui ont mené à la convention qui a mis fin à l’entente de non‑concurrence;

 

iv)        le paiement de 6 000 000 $ a été fait en contrepartie de l’annulation de l’entente de non‑concurrence et des obligations qui en découlaient; et

 

v)         il ne s’agissait pas d’un gain imprévisible.

 

[20]    Selon l’avocate de l’intimée, la somme de 6 000 000 $ chacune qui a été versée à RCI et à CTVNS visait à remplacer des revenus futurs que RCI et CTVNS auraient pu gagner s’il n’y avait pas eu violation des obligations de WMI[10]. À l’appui de sa prétention, elle se fonde sur la lettre de mise en demeure de Langlois et Gaudreau, qui exigeait le respect des engagements de non‑concurrence. Selon elle, la concurrence qui pouvait venir du Groupe WM 1998 et de sa filiale Intersan au Québec avait comme effet de diminuer les revenus qu’aurait pu gagner RCI. L'avocate s’appuyait également sur la mise en demeure envoyée le 25 mars 1998 dans laquelle maître Trudeau réclamait d’Intersan le « paiement d’une indemnité compensatoire à titre de dommages présentement estimées à 250 000,00 $ ». Dans cette mise en demeure, on affirmait qu’Intersan était liée par les obligations contractées par WMI comme suite de la fusion de sa société mère, WMI USA, et d'USA Services. Les reproches quant au manquement étaient qu’aucun effort n’avait été fait pour transférer les clients nationaux de WMI à RCI et qu’Intersan procédait de façon déloyale à une guerre de prix pour s’approprier la clientèle de RCI (pièce I‑3, onglet 1).

 

[21]    Selon l’avocate de l’intimée, si les bénéfices de RCI ont augmenté après l’acquisition, c’est en raison des nouveaux investissements dans le nouvel équipement de cette société et de l’engagement de nouveaux représentants de commerce. Elle croit, par contre, que RCI et CTVNS désiraient protéger leurs bénéfices en envoyant les nombreuses mises en demeure au Groupe WM 1998. Elle a rappelé que RCI et monsieur Rémillard désiraient que le Groupe WM 1998 quitte le marché montréalais, ce qui, selon elle, aurait eu comme impact d’augmenter les bénéfices du Groupe RCI.

 

[22]    Elle a également cité l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Tsiaprailis c. Canada, 2005 CSC 8, 2005 DTC 5126 (fr.), [2005] 2 C.T.C. 1, et [2005] 1 R.C.S. 113. Dans cet arrêt, on fait référence au principe de la substitution, que la juge Charron décrit au paragraphe 7 en résumant de la façon suivante la position de sa collègue la juge Abella :

 

[...] Elle explique que, pour déterminer si une somme est imposable, il faut considérer sa nature et son objet et se demander ce qu'elle est censée remplacer. L'examen est factuel. Les conséquences fiscales du versement d'une somme à titre d'indemnité ou en règlement d'un litige sont ensuite établies en fonction de cette qualification. Autrement dit, le traitement fiscal dépend de ce que la somme vise à remplacer. Il s'agit du principe de la substitution. Comme le signale la juge Abella, ce principe a été défini dans l'arrêt London and Thames Haven Oil Wharves, Ltd. c. Attwooll, [1967] 2 All E.R. 124 (C.A.), puis appliqué dans un certain nombre d'affaires au Canada : voir P. W. Hogg, J. E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law (4e éd. 2002), p. 91-93, et V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax (8e éd. 2004), p. 413-415.

[Je souligne.]

 

[23]    De façon subsidiaire, l'avocate de l'intimée soutient qu’une fraction de la somme en cause constitue du revenu en vertu des articles 14 ou 38 de la Loi. J’utiliserai certains de ses arguments dans mon analyse ci-dessous.

 

Analyse

 

[24]    Tant à la connaissance des avocats des parties qu’à la connaissance de la Cour, il n'y a aucune décision jurisprudentielle dans laquelle on eu à traiter des incidences fiscales du paiement d’une somme pour obtenir l’annulation d’ententes de non‑concurrence. À mon avis, le choix du traitement fiscal approprié en l'espèce nécessite une qualification appropriée des transactions qui ont eu lieu en 1997 et en 1998. Il est essentiel également de déterminer la nature précise des droits contractuels se trouvant au cœur du débat pour déterminer la nature véritable de la somme de 12 millions de dollars versée lors du règlement.

 

[25]    Rappelons, pour cette détermination, les faits les plus importants relatifs à ces transactions. En 1997, le Groupe RCI a fait l’acquisition de la totalité ou presque des actifs détenus par WMI au Québec dans l'exploitation de son entreprise de gestion de déchets solides, entreprise qui comprend la collecte, le transport, le transbordement et l’enfouissement de ces déchets. Pour des raisons qui n’ont pas été expliquées, l’entreprise québécoise de WMI n'a pas été transférée en bloc à un seul acquéreur, mais les actifs de cette entreprise ont été dispersées au même moment parmi plusieurs sociétés du Groupe RCI, qui ont chacune son siège social sur la rue St‑Paul à Montréal et dont le président est la même personne, soit monsieur Lucien Rémillard. Parmi les actifs transférés de cette entreprise, il y avait les permis, licences et droits d’exploitation reliés à l'entreprise (notamment des permis de transbordement et d’enfouissement), des immeubles, du matériel roulant, de l’équipement, de l’ameublement de bureau, les contrats avec les clients de l’entreprise et les numéros de téléphone utilisés par l’entreprise québécoise de WMI. Venait avec l’entreprise québécoise de WMI tout son personnel, sauf quatre individus. Par contre, le Groupe RCI se réservait le droit de ne pas engager certains membres du personnel administratif. Parmi les actifs décrits à l’entente entre CTVNS et WMI (pièce A‑3, onglet 9), il y a aussi l’achalandage de WMI Québec. Cette dernière, il faut ajouter, agissait comme mandataire de WMI[11]. Certains actifs étaient exclus de la vente au Groupe RCI, dont, notamment, les noms sous lesquels WMI exploitait son entreprise au Québec, des logiciels, des brevets et secrets commerciaux, et l’achalandage associé à cette propriété intellectuelle. Voici ce que l’article 3.1.2 de l’entente du 30 juillet 1997 entre RCI et WMI (pièce A‑2, onglet 9) stipule :

 

3.1.2    all computer software and software licenses, proprietary information, intellectual property, trade secrets, patents, patent applications, patent licenses, trademarks and trade names, applications for trademarks and trade names, industrial designs and applications for registration of industrial designs, copyrights, applications for copyrights, licenses of intellectual property, goodwill associated with such intellectual property, all future income and proceeds from the foregoing intellectual property, and all material and processing specifications and designs owned or used by the SELLER, including without limitation all rights to the names “Waste Management”, “WMI”, “WMI Waste Management of Canada Inc.”, “WMI Québec Inc.” and “Port‑O‑Let” and any other business name used by the SELLER or WMI QUEBEC INC., including the software used by the SELLER in their portables [sic] computers (Palm tops/pricing for profit); and certain computer hardware used to communicate with corporate main frames and servers that are not located in Anjou, Laval or St‑Rémi, Province of Quebec.

 

[26]    Ajoutons finalement que les parties à l'entente ont renoncé à se conformer aux articles 1767 à 1778 du Code civil du Québec (C.c.Q.) relatifs à la vente d’entreprise. L’article 1767 C.c.Q édicte que la vente d’entreprise est celle qui porte sur l’ensemble ou sur une partie substantielle d’une entreprise et qui a lieu en dehors du cours des activités du vendeur. Les parties se sont aussi prévalus de l’article 167 de la Loi sur la taxe d’accise, qui permet à l’acheteur d’éviter de payer la taxe sur les produits et services (TPS) lorsqu’il y a eu vente de la totalité ou presque des biens utilisés dans l’exploitation de l’entreprise qui est vendue.

 

[27]    Un élément clé de toutes ces ententes était que l’acquisition de tous ces actifs était conditionnelle à des engagements de non‑concurrence qu'a pris WMI envers RCI, CTVNS et SEC[12]. Rappelons que SEC obtenait, semble‑t‑il, l’actif le plus important, soit les contrats de fourniture de service aux clients de WMI, pour lesquels elle a versé 9,3 millions de dollars sur un prix total de 18,56 millions de dollars pour l’ensemble de l’entreprise québécoise de WMI[13]. Par conséquent, je n’ai aucun doute que WMI a transféré, en très grande partie, au Groupe RCI l’achalandage de son entreprise québécoise en juillet 1997.

 

[28]    Il ne fait aucun doute non plus dans mon esprit que les ententes de non‑concurrence visaient à préserver l’achalandage ainsi acquis par le Groupe RCI. Même s'ils n’étaient valables que pour une période de cinq ans, et que au moment où le Règlement était intervenu, une période d’environ sept mois s’était écoulée, les engagements de non‑concurrence procuraient un avantage durable aux bénéficiaires de ces engagements, soit les sociétés du Groupe RCI. Dans les décisions Associated Newspapers Ltd. v. F.C. of T.; Sun Newspapers Ltd. v. F.C. of T., (1938) 5 A.T.D. 87, 61 C.L.R. 337 et Associated Portland Cement Manufacturers, Ltd. v. C.I.R., [1946] 1 All E.R. 68, 27 T.C. 103, 118, 120, citées dans No. 481 v. M.N.R., 58 DTC 41, 44, on a reconnu que de tels engagements procurent un avantage durable et qu'ils représentent un ajout à une immobilisation :

 

. . .

[Two British cases]

 

I was unable to find a case in Canada on the actual non-compete question. But in Great Britain this very question was dealt with in a few cases. I am of the opinion that the principles, which were applied in the consideration of those cases can be justified in the present appeal. The test of those principles can be found in two cases. The first one is Associated Portland Cement Manufacturers, Ltd. v. C.I.R., (1946) 1 All E.R. 68, 27 T.C. 103, 118, 120. In brief, here are the facts. Two of the directors of company, who were both sixty years of age, in consideration of the payment to them of sums totalling £30,000, entered into world-wide covenants with the company not to compete with it for the rest of their working lives after their retirement. It was held by the Court of Appeal that the company had gained by these payments "an advantage of an enduring nature" in that the value of its goodwill had been enhanced by "dangerous potential competitors" having been bought off; the deduction claimed was therefore inadmissible as being of a capital nature. At page 399 of The Principles of Income Taxation by Hannan and Farnsworth, Lord Greene, M.R., said, with regard to the above-cited case:

 

In my opinion in the present case the language of Lord Cave (in Atherton's Case — A.F.) is satisfied by the facts. This was an expenditure once and for all with a view to bringing into existence "an advantage for the enduring benefit of the trade". There was nothing temporary about this advantage. It was to last during the lives of the two directors in question. That that advantage was a solid one, I have already endeavoured to point out. That it was "for the benefit of the trade" in a very true sense is again quite clear, because when analysed its effect was unquestionably to add to the value of the goodwill . . . these benefits acquired by the company were solid; they were permanent and they were world-wide. They protected the company against certain risks, and the value to be set out on that protection was shown by the company itself in deciding to pay these amounts.

 

The other case to which I wish to refer is the case of Associated Newspapers Ltd. v. F.C. of T.; Sun Newspapers Ltd. v. F.C. of T., (1938) 5 A.T.D. 87, 61 C.L.R. 337. The facts: The companies were engaged in the publication of the newspaper "The Sun" which was published in the evening and sold at 1 1/2d per copy. "The World" was a competitive evening newspaper also sold at 1 1/2d a copy. It became known that proposals were on foot for publishing in place of "The World" an evening newspaper to be known as "The Star", at the price of 1d. The persons interested in the proposed newspaper were approached by a representative of the appellant companies and he agreed to pay them £86,500 (by instalments) as the purchase price of their interest in "The World" and, further, in consideration of their withdrawal of the arrangements to start a new paper and binding themselves for three years not to produce a morning or evening daily paper or a Sunday newspaper in or within three hundred miles from Sydney. Latham, C.J., of the High Court of Australia, held that the expenditure in question was an outgoing of capital. He says at page 89, (1938) 5 A.T.D.):

 

The evidence shows that the disappearance of "The World" and the prevention of the threatened competition was advantageous to the appellant companies. They were saved from the risk of losing circulation and of being forced to reduce the price of "The Sun" and their advertising rates . . .

 

It is true that the payments did not result in obtaining a new capital asset of a material nature, but they did obtain a very real benefit or advantage for the companies, namely, the exclusion of what might have been serious competition. When the words "permanent" or "enduring" are used in this connection it is not meant that the advantage which will be obtained will last forever. The distinction which is drawn is that between more or less recurrent expenses involved in running a business and an expenditure for the benefit of the business as a whole . . . The effect of the payment was to enlarge the good-will of the enterprise, which was one of its most valuable assets.

 

In substance it amounted to the addition of a capital asset, immaterial in character but substantial in value and significance, to the general equipment of the business enterprise of the appellant companies.

 

[Je souligne.]

 

[29]    On reconnaît d’emblée que l'achalandage acquis avec les autres biens d'une entreprise constitue une immobilisation admissible, dont le coût d'acquisition ne peut être considéré comme une dépense courante, mais représente plutôt une dépense en capital. Acquérir une liste de clients, comme l'a fait en quelque sorte SEC en achetant les comptes commerciaux de WMI, constitue également une dépense en capital. (Voir en particulier Canada v. Farquhar Bethune Insurance Limited, [1982] A.C.F. no 6012 (QL), 82 DTC 6239.) Il faut également mentionner les décisions rendues dans Aliments CA‑MO Foods Inc. v. The Queen, 80 DTC 6043 (C.F. 1re inst.), Cumberland Investments Ltd. c. Canada, [1975] A.C.F. no 511 (QL), 75 DTC 5309, [1975] C.T.C. 439 et Gifford c. Canada, 2004 DTC 6128 (CSC), qui ont confirmé que l'acquisition d'une liste de clients assortie d'une entente de non‑concurrence constitue un avantage de nature permanente, donc une dépense en capital.

 

[30]    Un indice fort révélateur de la valeur de cet avantage durable en l'espèce et nous y reviendrons plus loin − est que CWS a versé une somme de 12 millions de dollars pour racheter les ententes de non‑concurrence, somme qui représente plus de 55 % de la valeur des actifs qu’avait acquis le Groupe RCI de WMI au moment où les droits de créance lui avaient été consentis.

 

Gain fortuit

 

[31]    Au paragraphe 39 de sa réplique modifiée à la réponse modifiée à l’avis d’appel, l’avocat de RCI 2006 soutient que la réception du paiement de 12 millions de dollars était inattendue, imprévue et exceptionnelle et il n’a résulté d’aucun effort pour l’obtenir de la part RCI, qui d’ailleurs était sans droit d’obtenir quelque compensation pécuniaire que ce soit. Par conséquent, cette somme constituait un gain fortuit.

 

[32]    À mon avis, cette allégation est tout à fait sans fondement. La somme de 12 000 000 $ n’a pas été versée, comme cela a été le cas dans l’affaire Cranswick, de façon inattendue et imprévue et sans qu’aucun effort du Groupe RCI n’ait été fourni pour l’obtenir. Ici, la preuve a révélé que l’avocat de RCI 2006 a lui‑même envoyé deux lettres de mise en demeure, dont la première, en date du 25 mars 1998, réclamait une « indemnité compensatoire à titre de dommages présentement estimée à 250 000,00 $ », laquelle devait être acquittée dans les dix jours de la mise en demeure. La deuxième mise en demeure a été envoyée le 16 avril 1998. En outre, une demande d’opinion juridique a été faite à des avocats américains et une troisième lettre de mise en demeure a été envoyée par la suite par le cabinet Langlois Gaudreau le 18 août 1998. Ces démarches ont occasionné des honoraires d'avocat et d'autres coûts d’au moins 24 076 $. Lors des rencontres initiées par monsieur Sutherland‑Yoest et qui ont eu lieu au cours des mois d’octobre et de novembre 1998, des négociations ont permis de résoudre le litige découlant de la fusion des sociétés mères américaines de WMI et de CWS, soit le litige concernant la violation technique des ententes de non‑concurrence signées par WMI en faveur de RCI, de CTVNS et de SEC. Monsieur Sutherland‑Yoest a offert 3 000 000 $ pour racheter ces ententes alors que monsieur Rémillard aurait exigé 20 000 000 $. À la suite des négociations, le montant a été fixé à 12 000 000 $. Dans les circonstances, on peut difficilement soutenir que le Groupe RCI n’a fait aucun effort pour obtenir ces 12 000 000 $ et qu’il n’a pas sollicité ce paiement de quelque façon que ce soit. Le Groupe RCI, en vertu des ententes de non‑concurrence, avait des recours juridiques qu'il pouvait exercer contre WMI, et peut‑être contre Intersan, pour faire respecter les engagements décrits aux ententes de non‑concurrence[14].

 

[33]    De plus, compte tenu de ce que monsieur Rémillard espérait qu'Intersan et le Groupe WM 1998 quitteraient le marché montréalais ou qu’il pourrait lui‑même réacquérir son ancienne entreprise, Intersan, il n’est pas surprenant que ses démarches aient eu comme résultat le paiement d’une somme aussi importante que les 12 000 000 $. Finalement, et nous y reviendrons plus loin, les 12 000 000 $ ont été versés en totalité pour l’obtention de l’annulation des ententes de non‑concurrence. Par conséquent, on n'a pas satisfait au critère énoncé à l’alinéa g) au paragraphe 13, de l'arrêt Cranswick. En fait, le seul auquel on pourrait avoir satisfait ici est le critère énoncé à l’alinéa f), à savoir celui selon lequel le paiement ne venait pas d’une source habituelle de revenus pour l’intimée.

 

[34]    Par conséquent, à première vue, la somme de 12 000 000 $ ne pouvait être considérée comme un gain fortuit à la lumière des critères énoncés par la jurisprudence. Je dis « à première vue », parce que rien n’empêche que les 12 000 000 $ puissent être considérés comme une somme non imposable si aucune disposition de la Loi ne peut justifier l’inclusion de la totalité ou d’une partie de cette somme dans les revenus de RCI et de CTVNS. Ce n’est seulement après avoir analysé les autres arguments invoqués par l'intimée qu’on pourra déterminer si le montant est effectivement imposable ou non.

 

Revenu d’entreprise selon l’article 9 de la Loi

 

[35]    À l’appui de sa position selon laquelle les 12 millions de dollars constituaient un revenu d’entreprise puisqu’il y avait eu, dans la mise en demeure du 25 mars 1998, demande de versement d’une indemnité de 250 000 $ et qu'une très grande partie des 12 millions remplaçaient des revenus futurs que RCI et CTVNS auraient pu gagner, l’avocate de l’intimée a cité, en plus de l’arrêt Tsiaprailis, plusieurs décisions jurisprudentielles, notamment Transocean Offshore Ltd. c. Canada, [2005] A.C.F. no 496 (QL), 2005 DTC 5201, 2005 CAF 104[15] , en particulier les paragraphes 49 et 50 :

 

49        À l'appui de son interprétation, la Couronne cite deux décisions où la Cour a estimé qu'un montant versé à un propriétaire en compensation de la résiliation anticipée d'un bail est imposable à titre de revenu si le paiement remplace un futur loyer : Grader c. Ministre du Revenu national, 62 D.T.C. 1070, [1962] C.T.C. 128 (C.É.), Monart Corporation c. Ministre du Revenu national, 67 D.T.C. 5181, [1967] C.T.C. 263 (C.É.). Une décision récente illustre le même principe : R. Reusse Construction Co. c. Canada, [1999] 2 C.T.C. 2928, 99 D.T.C. 823 (C.C.I.).

 

50        [...] La notion de « bénéfice » est très large, mais pas suffisamment pour englober les rentrées de capital. La question soulevée dans ces affaires était donc de savoir si le paiement versé à un propriétaire à titre de dommages‑intérêts ou de règlement en cas de résiliation d'un bail est un revenu ou une rentrée de capital. Pour les besoins de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, il faut, pour répondre à cette question, appliquer la règle jurisprudentielle, parfois appelée « principe de la substitution », voulant que le traitement fiscal d'un paiement en guise de dommages-intérêts ou de règlement soit le même peu importe l'objet du paiement. Un montant versé à titre de règlement ou de dommages-intérêts est donc un revenu s'il est versé en compensation d'un loyer futur (Grader, Monart, Reusse Construction, précités). Et c'est une rentrée de capital s'il s'agit d'une compensation pour la diminution du capital du destinataire: Westfair Foods Ltd c. Ministre du Revenu national, [1991] 1 C.T.C. 146, 91 D.T.C. 5073 (C.F. 1re inst.), confirmée par [1991] 2 C.T.C. 343, 91 D.T.C. 5625 (C.A.F.).

[Je souligne.]

 

[36]    L'avocate de l'intimée a cité également l’affaire Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada, [1988] A.C.F. no 524 (QL), 88 DTC 6340 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Strayer avait à décider si une somme de 824 874 $ versée par Canadian Bechtel Limited après avoir mis fin à un contrat de transport par chemin de fer devait être incluse dans les revenus de la société de chemins de fer. Pour régler cette question, il a énoncé les principes de droit pertinents aux paragraphes 6 et 7 :

 

6          Il existe une abondante jurisprudence sur la question de savoir si l'indemnité versée à l'occasion de la résiliation d'une entente commerciale constitue un paiement de capital ou un revenu. Dans une large mesure, chaque affaire dépend de ses propres faits. Il me semble qu'il existe deux aspects dont la cour doit tenir compte lorsqu'elle examine une pareille situation rétrospectivement : le paiement avait-il pour objet de remplacer un capital ou un revenu, et, que l'on puisse ou non déterminer avec certitude cet objet, ce paiement a-t-il eu pour effet de remplacer un capital ou un revenu? Il me semble qu'il s'agit d'un critère à deux volets, parce qu'il se peut qu'on ne puisse discerner l'objet ou qu'on ne puisse le discerner avec certitude, en ce sens que les parties à un règlement ne devraient pas, en énonçant incorrectement l'objet véritable, décider des conséquences fiscales de la réception d'une telle indemnité. Il est donc nécessaire d'examiner tant l'objet que l'effet.

 

7          En ce qui concerne l'objet, la question essentielle consiste à déterminer ce que l'indemnité − qu'elle soit versée aux termes d'un contrat, d'une décision judiciaire d'accorder des dommages-intérêts, ou autrement - vise à remplacer1. Il arrive dans certains cas que le contrat qui prévoit le versement de l'indemnité soit clair.2 La méthode utilisée pour calculer l'indemnité n'est pas toujours déterminante : il arrive que l'on tienne compte, dans le calcul de la somme en capital à verser, du manque a gagner éventuel du contribuable3. En revanche, le fait qu'un montant soit versé à titre de dommages-intérêts pour inexécution d'un contrat ne fait pas nécessairement de ce montant une somme en capital ou un revenu4. Au contraire, il me semble que quelle que soit l'origine du droit à l'indemnité, qu'elle résulte du contrat ou des règles de droit régissant les dommages-intérêts, la question essentielle est la suivante : qu'est-ce que cette somme visait à remplacer5?

                               

1See e.g., London and Thames Haven Oil Wharves Ltd. v. Attwooll, [1967] 2 All E.R. 124 (C.A.); followed in The Queen v. Manley, [1985] 1 C.T.C. 186, 85 D.T.C. 5150 (F.C.A.).

2 See e.g. C.I.R. v. Fleming & Co. (Machinery), Ltd. (1951), 33 T.C. 57 (Ct. of Sess.)

3 See e.g., The Glenboig Union Fire Clay Co., Ltd. v. C.I.R. (1922), 12 T.C. 427 (H. of L.) at 39-40; Barr, Crombie & Co., Ltd. v. C.I.R. (1945), 25 T.C. 406 (Ct. of Sess.) at 410.

4 Cf. The Queen v. Atkins, [1976] C.T.C. 497, 76 D.T.C. 6258 where the Federal Court of Appeal held that damages paid in respect of breach of a contract of employment could not be regarded as salary income received by the taxpayer "from an office or employment". While the Federal Court of Appeal has adhered to this position in The Queen v. Pollock, [1984] C.T.C. 353, 84 D.T.C. 6370 notwithstanding the doubt cast upon it by the Supreme Court of Canada in Jack Cewe Ltd. v. Jorgenson, [1980] 1 S.C.R. 812 at 814 , the Court has in the Manley decision, supra note 1 confined the Atkins principle to the particular pleadings in that case.

5 See cases cited supra note 1.

 

[37]    Dans cette affaire, le juge Strayer a appliqué le principe de la substitution pour conclure (au paragraphe 18 ) que « [...] l'indemnité reçue n'était rien d'autre qu'un succédané pour les bénéfices futurs auxquels on a renoncé. Par conséquent, ce paiement doit être considéré comme un revenu. »

 

[38]    Est-ce que la somme de 12 000 000 $ visait à remplacer du revenu ou du capital? Tout d’abord, je crois que le point de départ doit être l’entente du Règlement elle‑même, dont je reproduis à nouveau, pour des raisons de commodité, le passage clé :

 

4. Now therefore, in consideration of the payment by WMI Canada of the sum of $12,000,000 to RCI, which payment is to be made on or before December 17th, 1998 (the “Effective Date”), the undersigned parties hereby:

 

            (1) agree that the Non‑Competition Agreements and all rights and obligations arising thereunder are hereby terminated as of the Effective Date; and

 

 

            (2) unconditionally forever release and discharge Waste Management Inc., WMI Waste Management of Canada Inc., Canadian Waste Services Inc. and Intersan Inc., and their affiliated companies and their respective officers, directors, employees, representatives and agents, as of the Effective Date, from any and all obligations, claims, undertakings and covenants, whether past, present or future, known or unknown, contingent or otherwise, arising under or related in any manner to: (i) the Non‑Competition Agreements; and (ii) the claims, allegations and facts set out in that certain letter dated August 18th, 1998 issued by Langlois, Gaudreau on behalf of RCI Environnement Inc. and its affiliated companies.

[Je souligne.]

 

[39]    Quoique le paragraphe 4(2) du Règlement mentionne que les sociétés du Groupe WM 1998 ainsi que leurs sociétés apparentées, leurs dirigeants, leurs administrateurs, leurs employés, leurs représentants et leurs agents sont libérés de toute réclamation pour des dommages résultant des manquements aux obligations créées par les ententes de non‑concurrence, je ne crois pas qu'a été présentée une preuve suffisante pour démontrer l'existence de quelque préjudice que ce soit subi par le Groupe RCI. Je crois que la position défendue par l'avocat de RCI 2006 sur cette question est bien fondée. 

 

[40]    Même si dans la mise en demeure du 25 mars 1998, on allègue un préjudice de 250 000 $, rien dans la preuve produite devant la Cour n'établit selon la prépondérance des probabilités que le Groupe RCI avait subi un tel préjudice. Au contraire, la preuve démontre que le Groupe RCI a pu fournir ses services aux clients nationaux de WMI et que son chiffre d'affaires a augmenté de façon importante. Il y a en particulier les témoignages de messieurs D'Addario et Provencher à cet égard. Il est une chose que d'alléguer dans une mise en demeure qu'on a subi un préjudice, il en est une autre que de l'établir devant un tribunal. Le fait que la mise en demeure du 18 août 1998 ne réitérait pas cette demande d'indemnité compensatoire constitue un indice sérieux qu'un tel préjudice n'a pas été subi. À mon avis, il ne s'agissait que d'une position initiale prise dans le but de faire pression sur le Groupe WM 1998 à la suite de sa fusion. D'ailleurs, comme le reconnaît la vaste jurisprudence en matière d'injonction interlocutoire, lorsque le créancier d'une obligation de non‑concurrence désire obtenir une ordonnance d'un tribunal pour faire respecter cette obligation, il est difficile de quantifier les dommages qui peuvent résulter de la violation de l'obligation[16]. Je crois plutôt que la stipulation libérant le Groupe WM 1998 et ses employés de toute poursuite n'a été insérée dans le Règlement que pour des raisons de prudence pour éviter tout débat ultérieur sur cette question devant un tribunal. Il s'agit d'une stipulation que tout bon avocat qui désire bien protéger son client va exiger, même s'il n'a aucune raison de croire que son client a causé un préjudice.

 

[41]    À mon avis, il ne faut pas accorder beaucoup de force probante au témoignage de monsieur Plante, donné lors de son interrogatoire préalable, selon lequel certains des faits allégués dans les mises en demeure correspondent à la réalité. Par exemple, en l’interrogeant relativement au deuxième point énuméré dans la lettre du 18 août 1998, soit celui voulant que WMI ait été en violation de ses obligations stipulées dans les ententes de non‑concurrence, puisqu’elle aurait sollicité activement les clients nationaux du Groupe RCI, l’avocate de l’intimée demande (pièce I‑7, page 78) :

 

Q.        [222] [...] Dois‑je comprendre qu’ils avaient sollicité des contrats nationaux que vous aviez déjà réussi à obtenir en plus?

 

R.         Oui.

 

Q.        [223] C’est des actes qui ont vraiment été accomplis, qui étaient à votre connaissance?

 

R.         Oui.

 

Q.        [224] Est-ce que c’était plusieurs contrats ou ...

 

R.         Je ne me souviens pas.

 

Q.        [225] ... vous avez l’exemple d’un seul ?

 

R.         Je ne me souviens pas.

[Je souligne.]

 

[42]    Précédemment, monsieur Plante avait fourni les réponses suivantes à des questions qui portaient sur le premier point mentionné dans la même lettre de mise en demeure, à savoir que WMI ne respectait pas ses obligations de fournir ses meilleurs efforts pour transférer les clients nationaux. Comme il avait d'abord affirmé que cela n’avait pas été fait, l’avocate lui a demandé (pièce I‑7, page 77) :

 

Q.        [221] Ça n’a pas été fait du tout ?

 

R.         À peu près pas. Pas du tout.

 

[43]    À mon avis, ces deux réponses sont contradictoires et le « pas du tout » est contredit par la réponse à la question 222 reproduite ci-dessus. Finalement, même s’il peut y avoir eu violation des engagements de WMI, cela n'a pas nécessairement causé de dommage au Groupe RCI. À la page 79, monsieur Plante déclare que WMI sollicitait des clients du Groupe RCI et il répond ainsi aux questions suivantes (pièce I‑7, page 79) :

 

R.         Oui, il y avait des représentants qui sollicitaient régulièrement nos clients.

 

Q.        [227] Y compris des clients que vous aviez acquis d’eux ?

 

R.         Oui.

 

Q.        [228] Lors des acquisitions du trente (30) juillet ?

 

R.         C’est ça. Sans succès la plupart du temps.

[Je souligne.]

 

[44]    Finalement, il faut rappeler ce commentaire de monsieur Plante selon lequel le but recherché par les mises en demeure « était d’arrêter leurs opérations, de respecter le "Non‑Compet" [] On voulait juste qu’ils respectent les engagements qu’ils avaient avec nos sociétés. » (pièce I‑7, p. 67)

 

[45]    Rappelons également qu'Intersan et CWS exploitaient leur entreprise et concurrençaient RCI au moment de la signature des ententes de non‑concurrence alors qu’il n’existait pas de lien d'affiliation entre elles et WMI. Ce n'est que lorsqu'elles se joignent au Groupe WMI USA, lors de la fusion, qu'il a pu être question de l'application des ententes de non‑concurrence. Ce qui posait problème était l’engagement de WMI de ne pas détenir directement ou indirectement d’intérêt financier dans une entreprise qui concurrencerait le Groupe RCI. Le recours que pouvait exercer le Groupe RCI était donc de demander à WM 1998 de se départir de ses intérêts dans CWS et Intersan, en ce qui a trait en tout cas aux actifs qu’elles possédaient au Québec. Le recours était donc celui d’une injonction permanente qui aurait obligé WM 1998 à respecter les obligations qu'avait contractées WMI.

 

[46]    Monsieur Sutherland‑Yoest a reconnu d’ailleurs, lors de son témoignage, qu’il avait offert la somme de 12 millions de dollars « to get out of the non‑competition issue » afin de permettre au Groupe WM 1998 de continuer à exploiter librement son entreprise de gestion de déchets à Montréal[17]. Il voulait protéger l'investissement de 200 millions de dollars qu'avait fait le Groupe WM 1998 dans la région montréalaise parce que monsieur Rémillard voulait que ce groupe quitte la province et que le Groupe RCI réacquière Intersan. C’est la raison pour laquelle il a, dans ses propres mots, amené l’argent à la table pour résoudre le problème des ententes de non‑concurrence. Les 12 millions de dollars versés par CWS visaient à faire annuler cette obligation et non à indemniser la perte de revenus futurs du Groupe RCI. Le chiffre de 12 millions n’a rien à voir avec des bénéfices que le Groupe RCI aurait pu réaliser. Lorsque monsieur Rémillard, au nom du Groupe RCI demande 20 millions de dollars et accepte finalement les 12 millions de dollars que le Groupe WM 1998 lui offre, ce n’est pas dans le but de quantifier des dommages que RCI aurait pu subir, ni de quantifier la perte de revenus futurs, mais plutôt dans celui de monnayer le droit que le Groupe RCI possédait d’empêcher WM 1998 de détenir des intérêts de 200 millions de dollars dans des entreprises qui concurrençaient le Groupe RCI à Montréal. À mon avis, la somme de 12 millions de dollars doit être considérée comme ayant été versée en entier pour l'annulation des ententes de non‑concurrence.

 

[47]    Reste à déterminer si le paiement des 12 millions de dollars pour l'annulation des ententes de non‑concurrence constitue une rentrée de capital ou un remplacement de revenu.

 

[48]    Notons tout d'abord qu'il ne s’agit pas ici de l’annulation d’un contrat intervenu dans le cours normal des opérations du Groupe RCI. Il ne s’agit pas de l’annulation d’un contrat de transport comme dans Cie des chemins de fer nationaux du Canada ou d’un bail comme dans Grader, R. Reusse Construction Co. et Monart Corporation (toutes précitées). Il s’agit de l’annulation des ententes de non-concurrence qui sont intervenues dans le cadre de l’acquisition par le Groupe RCI des actifs québécois de l’entreprise de WMI, ententes dont le but était, comme on l'a souligné ci‑dessus, de protéger l'achalandage acquis avec cette entreprise, et c'était là, manifestement, une opération au titre du capital. En acceptant de renoncer aux ententes de non‑concurrence, le Groupe RCI acceptait une « compensation pour la diminution [de son] capital » pour utiliser les mots de la juge Sharlow dans Transocean Offshore Ltd. Comme le Groupe RCI n'avait plus le bénéfice des engagements de non‑concurrence, il est fort probable que la valeur marchande de son achalandage a diminuée. Il est raisonnable de croire qu'un acheteur éventuel aurait été enclin à verser le 15 décembre 1998 pour l'achat du Groupe RCI une somme supérieure à celle qu'il aurait pu offrir le 18 décembre 1998, une fois les ententes de non‑concurrence annulées et la somme de 12 millions de dollars exclue des actifs du groupe (par exemple, si elle avait été déclarée comme dividende). Par conséquent, la somme de 12 millions de dollars ne visait pas à remplacer le revenu que le Groupe RCI aurait pu réaliser si le contrat n'avait pas été annulé et cette somme ne peut être considérée, aux fins du paragraphe 9(1) de la Loi, comme un bénéfice tiré d'une entreprise, mais visait plutôt à compenser une diminution du capital.

 

Disposition d'une immobilisation ou d'une immobilisation admissible?

 

[49]    Ayant conclu que la somme de 12 millions de dollars avait été versée comme compensation pour la diminution du capital du Groupe RCI, il faut se demander si ce paiement peut donner lieu à un gain capital ou à un montant en immobilisations admissible.

 

[50]    Avant d'analyser ces deux questions, il faut d'abord se prononcer sur l'argument préliminaire de RCI 2006 selon lequel le ministre ne pouvait avancer un fondement nouveau pour justifier sa cotisation après la période normale de nouvelle cotisation. Au début de l’audience, j’ai rejeté cet argument en me fondant sur le paragraphe 152(9) de la Loi et la récente décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Walsh v. Canada, [2007] F.C.J. No. 813 (QL), 2007 CarswellNat 1552. Dans cette décision, le juge en chef Richard citait le juge Rothstein dans l’affaire Anchor Pointe Energy Ltd c. Canada, [2003] A.C.F. no 1045 (QL), 308 N.R. 125, 2003 CAF 294, au paragraphe 38 : « Anchor Pointe tente d'établir une distinction entre un nouveau fondement pour une cotisation et un nouvel argument à l'appui d'une cotisation. Je ne trouve pas utile cette argumentation sémantive. [...] »

 

[51]    Dans Walsh, le ministre avait établi à l'égard des contribuables, en vertu du paragraphe 2(1) et des articles 5 et 7 de la Loi, des cotisations relatives à des avantages découlant d’options d’achat d’actions qui avaient été levées. Dans leur avis d’appel, les contribuables soutenaient que les cotisations devaient être annulées au motif qu’ils étaient des non‑résidents du Canada. Dans ses réponses aux avis d'appel, le ministre avait réitéré la position prise lorsqu’il avait établi la cotisation. Par la suite, une requête en modification de la réponse à l’avis d’appel dans chaque dossier avait été présentée à la Cour canadienne de l’impôt, l'intimée soutenant à l'appui de la requête que l’avantage découlant des options d’achat pouvait être imposable en vertu de l’alinéa 115(1)a) de la Loi. Les appelants arguaient qu’il s’agissait‑là d’un nouveau fondement. En rejetant cet argument, le juge en chef Richard a énoncé la règle et les lignes directrices suivantes :

 

10        The right of the Crown to present an alternative argument in support of an assessment is now governed by subsection 152(9) of the Act, which applies to appeals disposed of after June 17, 1999. Subsection 152(9) of the Act states:

 

152(9) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment at any time after the normal reassessment period unless, on an appeal under this Act

152(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi:

(a) there is relevant evidence that the taxpayer is no longer able to adduce without the leave of the court; and

a) d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced.

b) d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[…]

 

18        The following conditions apply when the Minister seeks to rely on subsection 152(9) of the Act:

1)         the Minister cannot include transactions which did not form the basis of the taxpayer's reassessment;

2)         the right of the Minister to present an alternative argument in support of an assessment is subject to paragraphs 152(9)(a) and (b), which speak to the prejudice to the taxpayer; and

3)         the Minister cannot use subsection 152(9) to reassess outside the time limitations in subsection 152(4) of the Act, or to collect tax exceeding the amount in the assessment under appeal.

 

[52]    À mon avis les arguments subsidiaires du ministre peuvent être avancés selon le paragraphe 152(9) de la Loi et les lignes directrices énoncées dans l’affaire Walsh. Les cotisations ne visent pas en l'espèce à imposer une transaction différente de celle pour laquelle il y a eu paiement par CWS de la somme de 12 millions de dollars. Si les nouveaux arguments sont retenus, le montant de la cotisation ne sera pas augmenté. Bien au contraire, un montant inférieur serait alors fixé.

 

[53]    À mon avis, le point de départ pour décider si la somme de 12 millions de dollars est pertinente aux fins du calcul du revenu de RCI et de CTVNS est l’analyse des dispositions d’assujettissement pertinentes de la Loi :

 

38.       Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible — Pour l'application de la présente loi :

a)         sous réserve de l’alinéa a.1), le gain en capital imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, tiré de la disposition d'un bien, est égal aux ¾ du gain en capital qu'il a réalisé pour l'année à la disposition du bien

[...]

 

39(1)    Sens de gain en capital et de perte en capital -- Pour l'application de la présente loi :

a)         un gain en capital d'un contribuable, tiré, pour une année d'imposition, de la disposition d'un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu'à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien », à l'alinéa 3a), et de l'alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour toute autre année d'imposition), que ce contribuable a tiré, pour l'année, de la disposition d'un bien lui appartenant, à l'exception :

(i) d'une immobilisation admissible,

[...]

 

40(1)    Règles générales -- Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

a)         le gain d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, de la disposition d'un bien est l'excédent éventuel :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l'année, de l'excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,

 

54        Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente sous‑section.

 

«  immobilisation admissible » Bien dont la disposition aurait pour contrepartie partielle un montant en immobilisations admissibles au titre d'une entreprise[18].

 

14(1)    Montant à inclure dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise -- Lorsque, à la fin d'une année d'imposition, le total des montants dont chacun est un montant représenté par l'élément E de la formule applicable figurant à la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » au paragraphe (5) — appelé « montant en immobilisations admissible » [19] au présent article — ou un montant représenté par  l'élément F de cette formule excède le total des montants représentés par les éléments A à D de cette formule, au titre d'une entreprise d'un contribuable, les règles suivantes s'appliquent :

 

[...]

 

b)         dans les autres cas, l'excédent éventuel de cet excédent sur la moitié du montant représenté par cet élément Q relativement à l'entreprise est à inclure dans le calcul du revenu du contribuable tiré de cette entreprise pour l'année.

 

14(5)    Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« dépense en capital admissible » S'agissant d'une dépense en capital admissible d'un contribuable au titre d'une entreprise, la partie de toute dépense de capital engagée ou effectuée par lui, par suite d'une opération réalisée après 1971, en vue de tirer un revenu de l'entreprise, à l'exception d'une dépense de cette nature :

a)         [...]

b)         [...]

c)         soit représentant tout ou partie du coût, selon le cas :

(i) des biens corporels acquis par le contribuable,

(ii) des biens incorporels qui constituent des biens amortissables pour le contribuable,

(iii) des biens relativement auxquels une déduction (sauf celle prévue à l'alinéa 20(1)b)) est permise dans le calcul du revenu qu'il a tiré de l'entreprise ou serait permise si le revenu qu'il a tiré de l'entreprise était suffisant à cet effet,

(iv) d'un droit sur un bien visé à l'un des sous-alinéas (i) à (iii) ou d'un droit d'acquérir ce bien;

il est entendu toutefois, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, que la présente définition ne vise aucune partie :

[...]

 

« montant cumulatif des immobilisations admissibles » En ce qui concerne l'entreprise d'un contribuable, à un moment donné, s'entend du montant calculé selon la formule suivante :

(A + B + C + D + D.1) - (E + F)

où :

A         représente les 3/4 du total des dépenses en capital admissibles, au titre de l'entreprise, engagées ou effectuées par le contribuable avant ce moment donné et après le moment du rajustement qui lui est applicable;

 

[...]

E          le total des sommes dont chacune représente les 3/4 de l'excédent éventuel du montant visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b) :

a)         le montant que, par suite d'une disposition[20] effectuée après le moment du rajustement applicable au contribuable et avant le moment donné, le contribuable est devenu ou peut devenir en droit de recevoir, au titre de l'entreprise qu'il exploite ou qu'il a exploitée, si la contrepartie qu'il en donne est telle que, s'il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible au titre de l'entreprise;

b)         le total des dépenses engagées ou effectuées par le contribuable en vue de donner cette contrepartie et qui ne sont pas déductibles par ailleurs dans le calcul de son revenu;

[...]

[Je souligne.]

 

La notion des biens

 

[54]    Dans sa plaidoirie, l'avocat de RCI 2006 a soutenu que les articles 14, 39 et 40 de la Loi n'étaient pas applicables aux ententes de non‑concurrence puisqu'elles ne constituaient pas des « biens », et que, même si c'en étaient, il n'y a pas eu ici de « disposition » de biens. Il a mentionné notamment que la définition de « disposition » que l’on trouve aujourd’hui au paragraphe 248(1) de la Loi n’est entrée en vigueur qu’à compter du 23 décembre 1998, soit quelques jours après la date du Règlement. De plus, la définition de « disposition » qui se trouvait avant cette date à l’article 54 de la Loi ne s’appliquait pas aux fins de l’article 14. Quoiqu'une lecture attentive du paragraphe 14(1) et de l'élément E de la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » au paragraphe 14(5) de la Loi révèle qu'il n'est pas question de « biens »[21], mais seulement de disposition, je crois qu'il est possible de se prononcer sur ces deux arguments sans avoir recours à la distinction entre le libellé de l'article 14 et celui de l'article 40.

 

[55]    À l’appui de son argument que les ententes ne constituaient pas des biens, l'avocat de RCI 2006 s’est fondé notamment sur les dispositions du Code civil et sur la doctrine civiliste du Québec. À mon avis, il n’est pas nécessaire de se référer aux définitions en droit civil pour déterminer ce que constitue un bien aux fins de la Loi, puisque la Loi définit cette notion au paragraphe 248(1), comme suit :

 

« biens » Biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède :

 

a)   les droits de quelque nature qu’ils soient, les actions ou parts;

b)   à moins d’une intention contraire évidente, l’argent;

c)   les avoirs forestiers;

d)   les travaux en cours d’une entreprise qui est une profession libérale.

“property” means property of any kind whatever whether real or personal or corporeal or incorporeal and, without restricting the generality of the foregoing, includes

(aa right of any kind whatever, a share or a chose in action,

(b)  unless a contrary intention is evident, money,

(c)  a timber resource property, and

 

(d)  the work in progress of a business that is a profession

 

[Je souligne.]

 

[56]    Comme on dispose dans sa version anglaise que « “property” means », il s’agit clairement, à mon avis, d’une définition exhaustive. Ce qu'il est important de faire ressortir de la définition est le fait que cette notion comprend tant les biens corporels que les biens incorporels, y compris les droits, de quelque nature qu’ils soient. Il n’est pas nécessaire de déterminer ici l’étendue précise de la notion de droit, qui n’est pas définie dans la Loi. Selon son sens usuel, le mot « droit » signifie entre autres, d'après Le Petit Robert : « [...] Ce qui est exigible ou permis par conformité à une règle précise, formulée (loi, règlement) ». À cette énumération des sources de droit, on aurait pu également ajouter le contrat.

 

[57]    Pour déterminer si les ententes de non‑concurrence accordaient des « droits » à RCI et à CTVNS, il faut d’abord constater que ces ententes de non‑concurrence sont régies par les lois du Québec, tel que le stipule l’article 2.8 des ententes (voir pièce I‑1, onglets 7 et 8)[22]. Dans le livre cinquième du Code civil, on traite des obligations. Il est opportun aux fins de cet appel de reproduire certaines des dispositions générales que l’on trouve au chapitre premier du titre premier du livre cinquième, à savoir les articles suivants : 1371, 1372 et 1373 :

 

1371.  Il est de l'essence de l'obligation qu'il y ait des personnes entre qui elle existe, une prestation qui en soit l'objet et, s'agissant d'une obligation découlant d'un acte juridique, une cause qui en justifie l'existence.

 

1372.  L'obligation naît du contrat et de tout acte ou fait auquel la loi attache d'autorité les effets d'une obligation.

 

Elle peut être pure et simple ou assortie de modalités.

 

1373.  L'objet de l'obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier et qui consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose.

 

La prestation doit être possible et déterminée ou déterminable; elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l'ordre public.

[Je souligne.]

 

[58]    Ce dernier article est intéressant puisqu’il mentionne que l’objet d’une obligation consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose. Dans l’ancien Code civil du Bas‑Canada, l’article 1058 mentionnait également que l’objet de l’obligation était de donner. Le ministre de la Justice de Québec indique dans ses commentaires sur le projet de loi portant sur le Code civil du Québec que l’on a décidé de ne pas faire mention de l’obligation de donner puisqu’elle se trouve désormais incluse dans l’obligation de faire. La prestation consistant à faire peut comprendre la notion de transférer un bien (par exemple, par un contrat de vente) tout comme celle de rendre un service (notamment aux termes d’un contrat de travail). La prestation consistant à ne pas faire peut se trouver dans des ententes de non‑concurrence tout comme dans des contrats portant sur des biens immeubles lorsqu’il y a création de servitude, par exemple, lorsqu’on s’engage à ne pas ériger un mur d’une certaine hauteur.

 

[59]    Citons également l’article 1412 du Code civil, qui traite de l’objet du contrat :

 

1412.  L'objet du contrat est l'opération juridique envisagée par les parties au moment de sa conclusion, telle qu'elle ressort de l'ensemble des droits et obligations que le contrat fait naître.

 

[60]    Si on analyse les ententes de non‑concurrence à la lumière de ces règles du Code civil, on constate que chacune des obligations de la débitrice (WMI) donne un droit au créancier (Groupe RCI), à savoir le droit d’exiger que la débitrice exécute chacune de ses obligations. L’objet des obligations de WMI est (en très grande partie) celui de ne pas faire. En effet, l’article 3 des ententes oblige WMI à ne pas divulguer d’information confidentielle, l’article 4, à ne pas faire concurrence au Groupe RCI en exploitant une entreprise de gestion de déchets solides dans le territoire visé par l’entente ou en acquérant un intérêt financier dans une telle entreprise, l’article 5, à ne pas solliciter les clients ou des clients potentiels de WMI et l’article 6, à ne pas créer d'entrave à l'exploitation de l’entreprise sur le territoire en question ou à ne pas persuader des clients ou des fournisseurs de cesser leurs relations avec le Groupe RCI. En résumé, ces ententes de non‑concurrence donnent à RCI et à CTVNS le droit d’exiger que WMI ne les concurrence pas directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit.

 

[61]    À mon avis, l’avocat de RCI 2006 se trompe lorsqu’il soutient que l’objet des ententes est la liberté de commerce et que, étant des biens hors commerce, les ententes de non‑concurrence ne peuvent être considérées comme des biens aux fins de la Loi. Il a cité notamment la décision rendue dans l’affaire Manrell c. Canada, [2003] A.C.F. no 408 (QL), 2003 CAF 128, en particulier les paragraphes 24 et 25, que je reproduis ici :

 

24        Dans l'ouvrage intitulé Principles of Property Law, 3e éd. (Scarborough: Carswell, 2000), le professeur Ziff dit ce qui suit au sujet de la question des biens [...] (à la page 2) :

 

[TRADUCTION] Les biens sont parfois qualifiés d'ensemble de droits. Cette simple métaphore est une façon utile d'examiner le concept de base. Elle indique que les biens ne sont pas une chose, mais un droit, ou encore mieux, une collection de droits (sur des choses) qu'il est possible d'exercer contre d'autres personnes. Autrement dit, le mot « biens » signifie un ensemble de relations entre personnes qui se rapportent à la revendication d'objets corporels et d'objets incorporels.

 

25        Cette notion de « biens » donne implicitement à entendre que le mot « biens » doit comporter ou entraîner quelque droit exclusif de présenter une demande contre quelqu'un d'autre. Le droit général de faire une chose que n'importe qui peut faire, ou un droit possédé par chacun, n'est pas le « bien » de qui que ce soit. En l'espèce, la seule chose que M. Manrell possédait avant de signer l'entente de non-concurrence et qu'il ne possédait pas par la suite était le droit qu'il partageait avec toute autre personne d'exploiter une entreprise. Quel que soit ce à quoi M. Manrell avait renoncé en signant cette entente, il ne s'agissait pas d'un  «bien » au sens ordinaire de ce mot.

[Je souligne.]

 

[62]    À mon avis, ce passage va plus à l’encontre de sa position qu’il ne l’aide. En effet, la juge Sharlow avait raison de conclure qu’un actionnaire qui vend les actions de sa société et qui s’engage envers l’acheteur à ne pas le concurrencer ne dispose pas de sa liberté de commerce. En effet, les seuls biens dont il a disposé sont des actions de la société vendue. Par les ententes de non‑concurrence, cet actionnaire ne fait que s’engager à ne pas faire. Si on adopte l’analyse civiliste, l’objet de son obligation n’est pas de « donner » quelque chose mais de « ne pas faire ». Lorsque l’objet de l’obligation est de ne pas faire, il me semble évident qu’aucun bien n’est transféré en raison de cette obligation.

 

[63]    Contrairement aux faits dans l’affaire Manrell, ici RCI et CTVNS ne reçoivent pas de l’argent en contrepartie d’une obligation de ne pas faire concurrence. Nous sommes dans la situation inverse. Ce sont elles qui sont les bénéficiaires des engagements de WMI et qui sont les créancières de l’obligation de ne pas faire. RCI et CTVNS possèdent en vertu des ententes de non-concurrence le droit d’exiger que WMI respecte son obligation de ne pas faire. En mettant fin aux ententes de non‑concurrence, c'est ce droit qu'on a annulé. Il est clair que les droits créés par les ententes de non‑concurrence constituaient pour RCI et CTVNS des biens au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. En droit québécois, on peut qualifier ces droits de droits personnels[23] puisqu’ils donnent au créancier le droit d’exiger d’une autre personne, le débiteur, une prestation. Ces droits, que l’on pourrait qualifier aussi de droits de créance, peuvent faire l’objet de transferts et sont reconnus en matière fiscale comme étant des biens aux fins de la Loi. Dans l’affaire Manrell, la juge Sharlow cite plusieurs décisions que lui avait mentionnées l’avocat de monsieur Manrell et qui reconnaissent que de tels droits sont des biens :

 

52        L'avocat de M. Manrell a fourni ce qui semble être une liste exhaustive de toutes les décisions dans lesquelles il a été conclu qu'une chose est « un droit de quelque nature qu'il soit ». Je ne reproduirai pas toute la liste. Cependant, je donnerai quelques exemples à titre indicatif. Le droit représenté par une police d'assurance temporaire sur la vie qui n'a aucune valeur de rachat nette mais qui est convertible sans preuve d'assurabilité est un « droit » aux fins de la définition du mot « biens » figurant dans la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, S.C. 1958, ch. 29 (définition qui est fort semblable à la définition figurant dans la Loi de l'impôt sur le revenu) : Succession de Harry A. Miller c. ministre du Revenu national, [1973] C.T.C. 793, 73 DTC 5583 (C.F. 1re inst.). Le droit de recevoir des paiements du régime de pension d'un conjoint décédé est un « droit » aux fins de la définition : Driol c. Canada, [1989] 1 C.T.C. 2175, 89 D.T.C. 122 (C.C.I.). Une promesse irrévocable, dans un contrat de mariage, de verser une somme d'argent au conjoint pendant le mariage donne naissance à un droit entre les mains du conjoint bénéficiaire à la date de la promesse, et ce droit est alors un « droit » aux fins de la définition : Furfaro-Siconolfi c. Canada, [1990] 2 C.F. 3, [1990] 1 C.T.C. 188, 90 D.T.C. 6237 (C.F. 1re inst.). Un droit à une pension alimentaire est un « droit » aux fins de la définition : Canada c. Burgess, [1982] 1 C.F. 849, [1981] C.T.C. 258, 81 D.T.C. 5192 (C.F. 1re inst.), voir également Nissim c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2119, Donald c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2025 (C.C.I.)[24].

 

[64]    Comme le reconnaît le juge Létourneau à la page 6221 de l’arrêt La Reine c. La Capitale, Compangnie D’Assurance Générale, 98 DTC 6215, le terme « biens » dans la Loi inclut pratiquement tout type d’intérêt économique et comprend pratiquement toute sorte d’intérêt qu’une personne peut posséder. De façon évidente, les droits que possédaient RCI, CTVNS et SEC avaient une grande valeur économique puisque CWS a versé 12 millions de dollars pour les annuler. On peut difficilement soutenir, comme le fait le procureur de RCI 2006, qu’il s’agit de biens hors commerce qui ne peuvent être vendus. Il faut mentionner en outre que les ententes de non‑concurrence prévoient expressément à l’article 2.9 que les droits créés par ces ententes peuvent être transférés. Voici ce que dispose l’article 2.9 :

 

2.9       Assignment.      All of the provisions of this Agreement shall be binding upon the FIRST PART and be enforceable by the SECOND PART, its successors, affiliated and subsidiary corporations and their respective assigns. For greater certainty, the parties acknowledge and agree that the sale of the SECOND PART or of all its operating assets to any other party shall not in any way limit, reduce or negate the obligations of the FIRST PART to the SECOND PART hereunder and in such event of sale, this Agreement will automatically benefit to the party purchasing the SECOND PART and/or all its operating assets.

[Je souligne.]

 

[65]    Les décisions susmentionnées semblent conformes à l’interprétation qu'a adopté la Cour suprême du Canada dans Canada c. Golden, [1986] 1 R.C.S. 209, [1986] 1 C.T.C. 274, 86 DTC 6138. Au paragraphe 7, le juge Estey, après avoir cité la définition du mot « biens » au paragraphe 248(1) de la Loi, écrit :

 

[...] Cette définition extrêmement générale du terme « biens » laisse très peu de chose dans la catégorie de ce qui ne constitue pas un bien. Elle semblerait viser un droit découlant d'un contrat et pourrait, dans certaines circonstances, viser le droit d'exiger l'exécution de l'engagement d'un vendeur de communiquer le « savoir-faire ». [...]

[Je souligne.]

 

[66]    La même approche a été suivie dans l’affaire Pe Ben Industries Co. c. La Reine, C.F. 1re inst., T‑1583‑82, 8 juin 1988, 88 DTC 6347[25]. Le juge Strayer a conclu que les droits dans le contrat de transport étaient des biens aux fins de la Loi. Voici ce qu’il écrit à la page 10 (6351 DTC) :

 

Il nous reste maintenant à déterminer si le montant constitue le produit de disposition d'un bien qui serait alors susceptible d'être considéré comme un gain en capital. Il convient peut‑être d'abord de souligner que la demanderesse et la défenderesse prétendent toutes deux, à titre subsidiaire, que la somme devrait être ainsi considérée. Je suis d'avis qu'elle devrait l'être en conformité avec les diverses définitions de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'alinéa 39(1)a) indique qu'un gain en capital provient "de la disposition d'un bien quelconque". Selon le paragraphe 248(1) de la Loi, "biens" comprend des "biens de toute nature" y compris "(a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou une part ..." J'estime que les droits de la demanderesse auxquels elle a renoncé en retour d'un paiement final constitueraient, selon le contrat conclu avec NAR, un tel droit ou une telle part. [...]

[Je souligne.]

 

[67]    En conclusion, les droits que possédaient RCI et CTVNS dans les ententes de non-concurrence sont des biens aux fins de la Loi.

 

La notion de disposition

 

[68]    L'autre question qu’il faut trancher pour déterminer s’il y a lieu d’appliquer l’article 14(1) ou l'article 38 de la Loi est celle de savoir s’il y a eu « disposition » au sens de l’élément E de la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » au paragraphe 14(5) de la Loi ou bien « disposition » au sens des articles 38, 39 et 40 de la Loi. L’avocat de RCI 2006 a raison de soutenir qu'au 17 décembre 1998, c'est‑à‑dire au moment où le Règlement est intervenu, le mot « disposition » n’était pas défini dans la Loi aux fins de l’article 14 de la Loi. Il ne l'était que pour les règles concernant les gains en capital imposables.

 

[69]    Toutefois, quand une expression n’est pas définie dans une loi, il faut s’en remettre au sens usuel. La Cour suprême du Canada a eu, dans l'arrêt Canada c. Compagnie Immobilière BCN, [1979] 1 R.C.S. 865, 79 DTC 5068[26], à déterminer le sens des mots « disposed of » dans la version anglaise, et du mot « aliéné » dans la version française, du paragraphe 1100(2) du Règlement de l’impôt sur le revenu (Règlement de l'impôt), qui traite de la déduction pour amortissement. À la page 874 (page 5072 DTC), le juge Pratte écrit :

 

Les expressions « disposed of » ou « aliénés » au par. 1100(2) des Règlements ne sont pas définies; il est toutefois évident que leur signification doit correspondre aux définitions de « disposition de biens » et de « produit d'une disposition ».

 

[70]    Après avoir évoqué différentes définitions contenues dans l’Oxford English Dictionary et étudié les auteurs de doctrine française et québécoise, le juge Pratte en est venu aux conclusions suivantes aux pages 878 et 879 (page 5075 DTC)[27]:

 

Comme je l'ai déjà indiqué, le verbe « to dispose of » (disposer) signifie notamment « détruire »; selon le Shorter Oxford English Dictionary, le verbe « to destroy » (détruire) signifie notamment [TRADUCTION] « mettre fin à, se défaire de ». L'extinction d'un droit par la confusion n'est qu'une façon de « détruire » ce droit, de mettre fin à son existence. On a écrit dans l'arrêt Re Leven, que considéré isolément et dans son sens le plus étendu, le mot « disposition » [TRADUCTION] « est suffisamment large pour comprendre l'extinction ».

 

L'acquisition par l'intimée des droits du bailleur en vertu du premier bail a automatiquement mis fin à la « tenure à bail » qui s'est éteinte, qui a été détruite.

 

A mon avis, on peut donc considérer qu'en janvier 1965, l'intimée a aliéné, « disposed of », ses droits en vertu du premier bail.

[Je souligne et notes infrapaginales omises.]

 

[71]    Si on applique cette interprétation aux faits de cette affaire, il est évident que l’annulation des ententes de non‑concurrence constitue une disposition aux fins de l’article 14. À mon avis, il n’y a aucune raison d’adopter aux fins des règles de l’article 14 une définition de « disposition » qui soit différente de celle qui s'applique aux fins des règles concernant la déduction pour amortissement. Rien dans le texte de l'article 14 n’indique non plus pour la notion de disposition un sens différent de celle adoptée par la Cour suprême du Canada. Par conséquent, l'annulation des droits créée par les ententes de non‑concurrence constitue une « disposition » de « biens ».

 

[72]    Ainsi, les droits créés par les  ententes de non‑concurrence constituent, aux fins des articles 38, 39 et 40 de la Loi, des biens visés par le paragraphe 248(1) de la Loi, et l’annulation de ces droits constitue une disposition tant aux fins de ces articles qu’aux fins de l’article 14 de la Loi.

 

Revenu d’entreprise selon l’article 14 (immobilisation admissible)

 

[73]    Reste à décider si l'annulation des ententes de non‑concurrence donne ouverture à l'application des articles 14 et 38. Comme on l'a vu précédemment, l'article 39 dispose qu'un gain en capital peut être « tiré [...] de la disposition d'un bien quelconque [...] à l'exception d'une immobilisation admissible ». Un tel bien est celui « dont la disposition aurait pour contrepartie partielle un montant en immobilisations admissibles » (article 54, précité). Il s'agit donc ici de déterminer si la somme de 12 millions de dollars représente un tel montant. Pour cela, il faut s'en remettre au libellé de l'élément E de la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » et déterminer si toutes les conditions qui y sont décrites sont réunies ici. Par souci de commodité, je le reproduis ici à nouveau :

 

E          le total des sommes dont chacune représente les 3/4 de l'excédent éventuel du montant visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b) :

a)         le montant que, par suite d'une disposition effectuée après le moment du rajustement applicable au contribuable et avant le moment donné, le contribuable est devenu ou peut devenir en droit de recevoir, au titre de l'entreprise qu'il exploite ou qu'il a exploitée, si la contrepartie qu'il en donne est telle que, s'il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible au titre de l'entreprise;

b)         le total des dépenses engagées ou effectuées par le contribuable en vue de donner cette contrepartie et qui ne sont pas déductibles par ailleurs dans le calcul de son revenu;

[Je souligne.]

 

Comme on l'a déjà vu, il y a ici « disposition » en raison de l’annulation des droits créés par les ententes de non‑concurrence. Ainsi, la première condition est remplie.

 

[74]    La deuxième condition est la suivante : la somme doit avoir été reçue au titre de l’entreprise que RCI et CTVNS exploitaient ? RCI et CTVNS exploitaient, durant l’année d’imposition 1999, une entreprise de gestion de déchets solides dans la grande région de Montréal, entreprise qu’elles avaient acquise de WMI en juillet 1997. Parmi les nombreuses ententes signées relativement à cette acquisition, il y a eu les trois ententes de non‑concurrence. Ce sont ces trois ententes de non‑concurrence qui faisaient l’objet du Règlement et qui ont été annulées en contrepartie des 12 millions de dollars. Tel que je l’ai déjà mentionné, ces ententes visaient à protéger l'achalandage de CTVNS et de RCI. En renonçant aux droits accordés par les ententes, ces deux sociétés acceptaient de renoncer à la jouissance de ces droits, qui, selon toute vraisemblance, auraient pu s'exercer pour empêcher Intersan et toute entreprise ou filiale du Groupe WM 1998 d’exploiter leur entreprise dans un rayon de 150 kilomètres du centre de Montréal. La somme de 12 millions de dollars reçue en parts égales par RCI et CTVNS a été ainsi reçue au titre de leur entreprise.

 

[75]    Selon l'avocat de RCI 2006, la troisième condition — « si la contrepartie qu'il en donne est telle que, s'il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible » — pose problème.

 

[76]    Avant d’appliquer cette condition, il est important de rappeler le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, 99 DTC 5669. La juge McLachlin (tel était alors son titre) écrivait en son nom et au nom de six de ses collègues[28] que le devoir des tribunaux est d’appliquer les dispositions non ambiguës de la Loi. Voici ce qu’elle écrivait au paragraphe 40 de l’arrêt :

 

40        Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie: l'examen de la "réalité économique" d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée: Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pp. 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory[29].

 

[77]    Ici, à mon avis, le texte est clair et non équivoque. Dans le contexte de l’élément E de la définition du montant cumulatif des immobilisations admissibles, la contrepartie dont il est question est ce que le « contribuable » a donné pour recevoir le paiement visé par l’élément E. Ici, ce que RCI et CTVNS (ainsi que SEC), qui sont les « contribuables » ont donné en contrepartie des 12 millions de dollars, c'étaient les droits qu'elles détenaient en vertu des ententes de non‑concurrence. Maintenant, si le contribuable (et non ceux qui ont versé « le montant ») avait fait un « paiement » « pour cette contrepartie », « ce paiement » aurait-il été « pour lui » une dépense en capital admissible? Ainsi, si RCI et CTVNS avaient versé 12 millions de dollars pour cette contrepartie, à savoir les « droits » créés par les ententes de non‑concurrence, est‑ce que cette dépense aurait été une dépense en capital admissible pour elles? Il est clair que la question doit être tranchée en fonction du contribuable, et non pas en fonction de celui qui verse le montant. Si ces deux sociétés avaient acquis après 1971 les droits créés par les ententes de non‑concurrence, il se serait agi, à mon avis, d’une dépense en capital admissible. Les montants n’auraient pas été déductibles comme dépenses courantes dans le calcul de leur revenu étant donné la prohibition énoncée à l’alinéa 18(1)b) de la Loi pour les dépenses en capital. En effet, il se serait agi d’une telle dépense  puisque l’obtention des engagements de non‑concurrence leur aurait conféré un avantage durable pour leur entreprise[30]; cette dépense aurait été engagée dans le but de tirer un revenu de leur entreprise et aucune des exceptions prévues à la définition de « dépense en capital admissible » au paragraphe 14(5) de la Loi n’aurait été applicable.

 

[78]    Même s’il n’est pas nécessaire de s’interroger sur les buts poursuivis par le législateur en adoptant le libellé de la troisième condition énoncée à l'élément E de la définition du montant cumulatif des immobilisations admissibles, je ne peux m’empêcher de constater que le résultat exposé ci‑dessus m’apparaît conforme au but du législateur. En effet, quand on a ajouté l’article 14 et l’alinéa 20(1)b) à la Loi lors de la réforme fiscale de 1972, c’était pour permettre aux entreprises de déduire sur plusieurs années une partie de leurs dépenses en capital relatives aux biens incorporels, comme le coût de l’achalandage, qui n’aurait pas été admissible comme dépense avant 1972. En plus de reconnaître l’admissibilité de ce type de dépenses, on a aussi établi des règles pour récupérer dans le revenu, quand le produit de disposition dépasse la fraction non amortie de ces dépenses, les montants déduits en vertu de l’alinéa 20(1)b) à la suite de la disposition d’une immobilisation admissible et pour imposer la plus-value réalisée lors de cette disposition. Or, il est possible de posséder de l’achalandage sans l’avoir acheté. Par exemple, un entrepreneur qui fonde une nouvelle entreprise et qui l’exploite avec succès pendant plusieurs années développe une main d’oeuvre qualifiée, bâtit une réputation et une clientèle; cet entrepreneur se trouve ainsi à créer de achalandage, c’est-à-dire une capacité de réaliser des bénéfices. Si l'entrepreneur vend son entreprise, il est souvent capable de monnayer cette capacité, même si cet actif n’apparaît pas dans son bilan comme élément distinct. Un indice de la présence de cet achalandage est le fait de recevoir un prix de vente qui dépasse la juste valeur marchande de tous les biens corporels de l’entreprise. Donc, pour déterminer si ce bien constituait un bien faisant partie des stocks, une immobilisation ou une immobilisation admissible, il fallait trouver une façon de faire en sorte que l’article 14 ne s’applique qu’aux immobilisations admissibles[31].

 

[79]    Par conséquent, l’application de l’élément E de la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » tel que libellé contourne le problème soulevé par la position défendue par l’avocat de RCI 2006. En effet, il n’est pas nécessaire de se demander si le paiement par le Groupe WM 1998 constitue une dépense en capital admissible pour chacune des sociétés du groupe. Quelle serait la pertinence de la nature d’une dépense pour une tierce partie aux fins de déterminer si l’argent reçu pour la renonciation aux droits créés par les ententes de non‑concurrence constitue ou pas un montant en immobilisations admissible pour RCI et CTVNS[32]? Il n’y a aucun intérêt à connaître le statut ou la nature de la dépense entre les mains du Groupe WM 1998, puisque c’est la nature des droits auxquels ont renoncé RCI et CTVNS qui doit décider de leur traitement fiscal. Appliquer l’interprétation défendue par l’avocat de RCI 2006 pourrait donner lieu à des résultats absurdes. S’il faut choisir entre une interprétation qui entraîne de tels résultats et une autre qui est cohérente en fonction des objectifs poursuivis par le législateur, le choix est évident.

 

[80]    Comme toutes les conditions ont été réunies pour conclure que la somme de 12 millions de dollars constitue un montant en immobilisations admissible, ce montant doit être pris en compte dans l’application du paragraphe 14(1) de la Loi.

 

[81]    Si je m’étais trompé quant au caractère clair et non équivoque du paragraphe 14(1) et de l’élément E de la définition du montant cumulatif des immobilisations admissibles, qu’on trouve au paragraphe 14(5) de la Loi, et qu’il faille déterminer si, la chose étant considérée du point de vue du payeur, la somme de 12 millions de dollars représentait une dépense en capital admissible, j’en arriverais quand même à la conclusion que cette condition a été remplie ici.

 

[82]    Dans un premier temps, il faut considérer l’argument invoqué par l’avocat de RCI 2006, à savoir qu’il faut placer RCI et CTVNS dans la situation de chacune des sociétés du Groupe WM 1998 mentionnées au Règlement. De prime abord, je ne vois rien dans le libellé de l’élément E qui exige que la dépense soit une dépense en capital admissible pour chacune des parties qui ont fait le paiement pour obtenir l’annulation des droits créés par les ententes de non‑concurrence.

 

 

[83]    De toute façon, l’interprétation de l’avocat de RCI 2006 selon laquelle toutes les sociétés du Groupe WM 1998 sont des payeurs aux fins de l’entente est, à mon avis, erronée. En effet, je ne crois pas que le payeur de la somme de 12 millions de dollars était chacune des sociétés du Groupe WM 1998. Même si au deuxième paragraphe du Règlement on définit WMI comme comprenant WM 1998, WMI, CWS et Intersan, seule WMI a signé le Règlement. De plus, au paragraphe 4 du Règlement[33], on n’a pas appliqué cette définition puisque l’on mentionne individuellement chacune des sociétés qui sont libérées de leur engagement de non-concurrence. Par conséquent, j’en conclus qu’au paragraphe 4, en raison du contexte, la mention de WMI ne renvoie qu’à WMI à titre personnel et non au Groupe WM 1998.

 

[84]    S’il fallait se fier uniquement à l’entente écrite du Règlement, il faudrait conclure qu'il n’y avait qu’un seul payeur, à savoir WMI. Or, contrairement à ce qui y est énoncé, ce n’est pas WMI qui a payé les 12 millions de dollars, mais plutôt CWS (par. 35 du résumé chronologique des faits). Aux fins de la règle de l’image inversée, doit‑on utiliser le payeur qui est indiqué dans l’entente écrite du Règlement ou celui qui a effectivement versé la somme, ici, CWS? Je crois qu’il faut retenir le deuxième. Celui qui était le président de CWS le 16 décembre 1998, monsieur Sutherland‑Yoest, a indiqué dans son témoignage que le montant de 12 millions de dollars versé par CWS avait été non seulement payé par cette société, mais aussi inscrit dans les comptes de celle‑ci. Il doutait qu'il l'ait été dans ceux d'Intersan. De plus, CWS est partie à au moins six des sept ententes qui ont été signées le 16 décembre 1998 et donnant effet à l’entente intervenue entre le Groupe WM 1998 et le Groupe RCI pour combiner leurs opérations dans la région du Grand Montréal (voir pièce I‑3, onglets 14 à 20). Dans le cas notamment de l’entente intitulée « Service Agreement », soit un contrat de service que CWS et Intersan ont conclu avec RCI (les deux premières sociétés étant appelées Intersan aux fins de ce contrat), le dernier « hereas » (« attendu que ») dit : « Intersan wishes to use the services of RCI and to subcontract the business to RCI. » En outre, à la clause 2.1.4 du contrat, on définit « business » comme signifiant « the C.W.S. and INTERSAN commercial, industrial and institutional customer contracts ». Ainsi, il ressort de ces documents que CWS exploitait une entreprise au Québec et qu’elle avait intérêt à verser cette somme de 12 millions de dollars. Comme il n’y a pas de preuve que la somme de 12 millions de dollars a été répercutée sur d’autres sociétés du Groupe WM 1998, je conclus que le payeur aux fins de l’application de la règle de l’image inversée était CWS.

 

[85]    Comme CWS exploitait son entreprise au Québec et que son entreprise était celle de la gestion des déchets solides, la somme de 12 millions de dollars pour obtenir l’annulation des ententes de non‑concurrence — qui, selon toute vraisemblance, la concernaient depuis la fusion de sa société mère, USA Services, avec WMI USA —, constitue une dépense de la nature de capital puisque son versement lui permettait d’avoir le droit de continuer à exploiter son entreprise au Québec, et cela constituait pour elle un avantage durable. La dépense avait trait à l’ensemble de ses opérations au Québec et ne visait pas à obtenir l’annulation d’une dépense de nature courante, comme cela était le cas dans l’affaire Goodwin Johnson, précitée, « en s'acquittant d'une dépense d'exploitation prévue au contrat »[34]. À l’appui de cette conclusion, je rappellerai également le témoignage de monsieur Sutherland‑Yoest, qui a expliqué comment CWS en étaient arrivée à verser la somme de 12 millions de dollars. Il avait relaté l’argument utilisé par monsieur Rémillard à savoir : « by selling the non‑compete, they were protecting their 200 million dollar investment in Quebec ».

 

[86]    Même s’il fallait choisir comme payeur WMI, qui avait signé les ententes de non‑concurrence et qui a été la seule société du Groupe WM 1998 à signer le Règlement, il faudrait rappeler qu’elle était la propriétaire de l’immeuble situé au 9501, boulevard Ray‑Lawson à Anjou. Cet immeuble avait été exclu de la vente de l’entreprise par WMI à RCI en juillet 1997 et la clause de non‑concurrence définissait le territoire où elle s'appliquait comme étant celui compris dans un rayon de 150 kilomètres « from the actual premises located at 9501, Ray‑Lawson boulevard, Anjou » (voir pièce I‑1, onglet 7). De plus, selon le protocole d’entente intervenu le 20 juin 1997 entre PSM et WMI, cet immeuble devait, après la vente de l’entreprise, être loué par WMI à RCI pour une période de six mois à partir de la conclusion de l'entente (pièce I‑1, onglet 3, page 3). Lors du regroupement des opérations des deux groupes réalisé le 16 décembre 1998, un bail de cet immeuble a été conclu pour une période de sept ans. En outre, selon le témoignage de monsieur D’Addario, RCI facturait à WMI les services rendus aux clients nationaux de WMI (voir le paragraphe 36 du résumé chronologique des faits ci‑dessus). Donc, tout porte à croire que WMI exploitait une entreprise au Canada et le raisonnement applicable à CWS pourrait également l’être à WMI quant au traitement du versement de 12 millions de dollars pour les fins de la règle de l’image inversée. Par conséquent, la somme de 6 millions de dollars doit être prise en compte par RCI et CTVNS aux fins du calcul du montant en immobilisations admissible selon le paragraphe 14(1) de la Loi.

 

Gain en capital imposable : article 38 de la Loi

 

[87]    Au cas où cette conclusion s’avérerait erronée et où la somme de 12 millions de dollars ne constituerait pas un montant en immobilisations admissible et où par conséquent, les droits créés par les ententes de non‑concurrence ne constitueraient pas des immobilisations admissibles, les règles du gain en capital imposable pourraient s'appliquer.

 

[88]    À mon avis, l’annulation des ententes de non‑concurrence constituait une disposition d’un bien, non seulement au sens du droit commun, comme l’a décidé l’arrêt Compagnie Immobilière BCN mentionné ci‑dessus, mais également en raison de l’application de l'alinéa a) de la définition de « disposition de biens » se trouvant, à l'époque en question, à l'article 54 de la Loi; selon l'alinéa a), une telle disposition comprenait « toute opération ou tout événement donnant droit [...] au produit de disposition de biens »[35]. Or à l’article 54, l’expression « produit de disposition » comprend « toute indemnité afférente à la destruction de biens », ce qui englobe l’annulation de droits contractuels comme l'a reconnu d'ailleurs le juge Strayer dans l'affaire Pe Ben (précitée, pages 10 et 11 (6351 DTC) :

 

 

[...] De plus, selon le sous‑alinéa 54c)(i), le terme "disposition" comprend "toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de disposition de biens". Cette définition viserait le paiement de NAR à la demanderesse, peu importe qu'il ait été fait en vertu du contrat ou pour résiliation du contrat. Le sous‑alinéa 54h)(iii) vient appuyer cette opinion parce que la définition de "produit de disposition" comprend une "indemnité afférente à la destruction de biens [...]" La somme que NAR a versée à la demanderesse avait pour but de mettre fin à toute réclamation que la demanderesse aurait pu avoir contre NAR aux termes du contrat, réclamation qui était alors "détruite".

 

[Je souligne.]

 

[89]    Par conséquent, nous avons ici tous les éléments nécessaires pour conclure à la réalisation d’un gain en capital imposable si les droits résultant des ententes de non‑concurrence ne constituent pas des immobilisations admissibles. Comme il a été mis en preuve que RCI et CTVNS n’avaient rien versé pour acquérir ces droits, le prix de base rajusté de ceux‑ci est nul. Ainsi, le montant de 12 millions de dollars constituerait en totalité un gain en capital. Rappelons que RCI et CTVNS ont déjà passé en dépenses les honoraires d’avocat qu’ils ont versés dans le but d’obtenir le Règlement. La procureure de l’intimée a indiqué qu’elle ne demandait pas d’ajustement par rapport au traitement de ces dépenses.

 

[90]    Pour tous ces motifs, l’appel de RCI 2006 est accueilli et les cotisations visant le calcul des revenus de RCI et de CTVNS sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que la somme de six millions de dollars doit être pris en compte pour chacune de ces sociétés dans le calcul, en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi, du revenu tiré d’une entreprise pour l’année d’imposition 1999[36]. L’intimée à droit aux trois quarts de ses dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2007.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI647

 

s DES DOSSIERS

DE LA COUR :                                  2005-3860(IT)G et 2005‑3861(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              RCI ENVIRONNEMENT INC. (CENTRE DE TRANSBORDEMENT ET DE VALORISATION NORD‑SUD INC.)

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 les 9, 11, 12, 13 et 27 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 20 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Maurice Trudeau

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                     Nom :                            Me Maurice Trudeau

 

                 Cabinet :                           Maurice Trudeau, avocat

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Aux fins de ces appels, je tiens pour acquis que PSM agissait comme mandataire de RCI et de CTVNS. Selon une entente du 16 décembre 1998, RCI et CTVNS ont prêté cette somme à PSM. (Pièce I-3, onglets 11 et 12)

[2]           Au moment de son témoignage, monsieur Sutherland‑Yoest et monsieur Rémillard étaient associés dans certaines entreprises, notamment comme actionnaires d'une société acquise par monsieur Sutherland-Yoest en septembre 2001. Monsieur Rémillard siégeait également au conseil d’administration de cette entreprise.

[3]           Soit le même montant qu'avait versé PSM à CWS pour obtenir de Philip sa libération et celle de monsieur Rémillard de leurs ententes de non-concurrence pour pouvoir faire l'acquisition en 1997 des actifs québécois de WMI par l'intermédiaire de RCI, de SEC et de CTVNS.

[4]           Voir la pièce I-1, onglets 7 et 8 respectivement, pour l'entente entre WMI et RCI et celle entre WMI et CTVNS.

[5]           Ce terme est définie comme suit à l'annexe A de cette entente (pièce I‑1, onglet 7) :

"Customer" shall mean any Person having purchased, retained or utilized the FIRST PART's goods or services in the course of the Business at any time during the twelve (12) month period preceding the date of this Agreement.

[6]           Cette expression est définie comme suit à l'annexe A de cette entente (pièce I‑1, onglet 7) :

"Prospective Customer" shall mean any Person solicited by the FIRST PART at any time during the twelve (12) months [sic] period preceding the date of this Agreement for any purpose relating to the Business.

[7]           Cette expression est définie comme suit à l'annexe A de cette entente comme (pièce I‑1, onglet 7) :

"National Accounts" for the purpose of this Agreement means a customer account that is not only serviced within the Province of Quebec for the Activity.

[8]           J'ai ajouté la numérotation des paragraphes pour faciliter le renvoi à ceux‑ci.

[9]           Il s'est appuyé sur les décisions La Reine c. Goodwin Johnson (1960) Ltd., CAF, A‑1649‑83, 17 mars 1986, 86 DTC 6185, et Canada c. Toronto Refiners & Smelters Ltd., 2002 CAF 476; [2003] 1 C.T.C. 365; 297 NR 392, par. 6.

[10]          D’ailleurs, au paragraphe 22r) de sa réponse modifiée à l’avis d’appel, il est indiqué que le ministre avait tenu pour acquis que le paiement de 6 000 000 $ effectué par WMI en faveur de RCI et celui versé à CTVNS avaient pour but de compenser la perte de profits futurs.

[11]             Voir la note infrapaginale 4 du résumé chronologique des faits.

[12]          Voici ce que stipule l’entente de non‑concurrence entre WMI et RCI :

WHEREAS the Purchase Agreement was expressly subject to WMI Waste Management of Canada Inc. entering into a non competition agreement with RCI Environnement Inc.

Une disposition similaire apparaît dans l’entente de non-concurrence intervenue entre WMI et CTVNS.

[13]             Voir les paragraphes 6 et 8 du résumé chronologique des faits ci-dessus.

[14]          Voir les décisions en droit québécois en matière de respect d’ententes de non‑concurrence, notamment : Personnel Marie‑Andrée Laforce (2000) inc. c. Laforce, [2004] J.Q. no 8419 (QL), Le journal La Seigneurie Inc. v. Desmarteau, décision de la Cour supérieure du Québec, district de Montréal, no 500‑05-6387-870, décision du juge Yves Mayrand, Lebeuf c. Groupe SNC-Lavallin, [1999] R.J.Q. 385 (CA). Aussi, Uni‑Sélect inc. c. Acktion Corp (anciennement désignée Acklands Ltd.), [2002] R.J.Q. 3005 CA et [1999] J.Q. no 4607 (C.S.) (QL), P.A. Boutin (1986) inc. c. Julien, [1990] A.Q. no 1098 (QL), 9100‑6288 Québec inc. c. 9140-8484 Québec Inc., [2006] J.Q. no 7111 (QL), 2006 QCCQ 6911. Ces décisions ont reconnu qu’une injonction interlocutoire peut être accordée pour faire respecter des ententes de non-concurrence et, si nécessaire, un recours en dommages-intérêts peut être exercé lorsque le manquement aux engagements de non-concurrence a causé un préjudice au bénéficiaire de ces ententes. Si une clause pénale a été ajoutée à la clause de non‑concurrence, il n'est pas nécessaire de prouver le préjudice subi, tel que l'édicte l'article 1623 C.c.Q.

[15]          Permission d’en appeler à la Cour suprême refusée : 347 N.R. 398.

[16]          Voit notamment les décisions citées dans Paul‑Arthur Gendreau, France Thibault, Denis Ferland, Bernard Cliche, Martine Gravel, L'Injonction, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1998, aux pages 96 et 97.

[17]          On pourrait s'interroger si une partie des 12 millions de dollars n'a pas été versée dans le but d'encourager le Groupe RCI à s'entendre sur un accord pour combiner leurs opérations, accord intervenu en même temps que l'entente portant sur les ententes de non‑concurrence. Il ne m'est pas possible de conclure qu'il en est ainsi puisque monsieur Sutherland‑Yoest a indiqué que monsieur Rémillard avait refusé de discuter cette combinaison des opérations avant de régler le dossier des ententes de non‑concurrence et l'ensemble de la preuve n'est pas suffisamment probant pour en arriver à une autre conclusion.

[18]          En vertu du par. 248(1), cette définition s'applique également à l'ensemble de la Loi.

[19]          Ibid.

[20]          Il est intéressant aussi de noter que la notion de disposition est disparue de l'élément E à l'égard des montants qui sont devenus recevables après le 2 mai 2006 ou après. À compter de cette date, il n'est pas nécessaire qu'il y ait à proprement parler une disposition pour qu'il y ait un montant en immobilisations admissible qui doit être inclus dans le revenu en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi.

[21]          Évidemment, on pourrait soutenir qu'il ne peut y avoir de « disposition » que lorsqu'il y a disposition d'un bien. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis venu, il n'est pas nécessaire de trancher cette question.

[22]          L'entente de non-sollicitation n'a pas été produite en preuve, mais il n'y a aucune raison de croire qu'elle ne le soit pas aussi, puisque toutes les ententes reliées à la vente de l'entreprise québécoise de WMI à RCI et à CTVNS sont régies par les lois du Québec.

[23]          Selon le Petit Robert, à la définition de droit : « I• Un droit, des droits [...] « 2• Droits réels, opposables à tous et permettant d'exercer un pouvoir sur un bien (propriété, usufruit, usage, etc.). Droits de créance ou droits personnels, donnant à une personne (créancier) le droit d'exiger d'une autre (débiteur) une prestation.».

[24]          Aux décisions déjà mentionnées relativement au droit à une pension alimentaire, ajoutons l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Nadeau c. R., 2003 CAF 400, 2003 D.T.C. 5736, [2004] 1 C.T.C. 293, en particulier le paragraphe 28 :

28        Le revenu provenant d'une pension alimentaire illustre bien comment deux sources, distinctes en apparence, peuvent se confondre. Même si l'imposition des pensions alimentaires en tant que revenu est explicitement prévue à la sous-section d qui traite d'« Autres sources », il n'en demeure pas moins que le droit à une pension alimentaire est un « bien » selon la Loi. Si le droit à une pension alimentaire est un « bien », il est difficile de l'en dissocier du revenu qui découle de l'exercice de ce droit. C'est pourquoi les tribunaux se sont permis au cours des années d'accorder la déduction de frais afférents à une pension alimentaire dans les circonstances que nous avons vues en invoquant la sous-section b et en particulier l'alinéa 18(1)a).

[Je souligne.]

[25]          Il s’agit d’une affaire qui avait été entendue en même temps que Cie des chemins de fer nationaux du Canada déjà mentionnée. Dans le cas de Pe Ben, le juge Strayer de la Cour fédérale, section de la première instance, a conclu que l’annulation du contrat de transport avait eu comme conséquence la « destruction d'une partie distincte de l'entreprise de la demanderesse » (p. 5 (6349 DTC) et que l’indemnité versée représentait un paiement de capital et non pas, comme dans Cie des chemins de fer nationaux du Canada, un montant de revenu. Après avoir conclu que le montant de capital ne pouvait être considéré comme un montant en immobilisations admissible en raison de l’application de la règle de l'image inversée parce que la somme, du point de vue du payeur, était considérée comme une dépense courante, il a conclu à l’existence d’un gain en capital.

[26]          Cette décision de la Cour suprême a été rendue par les juges Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte. C'est ce dernier qui a écrit les motifs. Il faut ajouter, de plus, que chacune des parties dans cette affaire était représentée par d'éminents avocats fiscalistes, dont l'un est devenu juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, soit feu Alban Garon.

[27]          L'argument du procureur de RCI 2006 reposant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Malloney's Studio Ltd, [1979] 2 R.C.S. 326 (QL), 79 DTC 5124, à savoir que la décision rendue dans Compagnie Immobilière BCN n'était plus applicable, n'est pas fondé. En effet, la Cour suprême du Canada n'a pas dit dans Malloney's que les principes établis par Compagnie Immobilière BCN ne constituaient plus du droit applicable, mais a dit plutôt que la décision rendue dans Compagnie Immobilière BCN n'était pas applicable dans Malloney « du fait que les questions en litige étaient différentes; l'opération à l'étude dans cette affaire est donc bien différente de celle qui nous occupe en l'espèce » (par 11 (p. 5128 DTC)). Le débat dans Malloney « portait sur une question de l'application de l'article 68 alors que dans Compagnie Immobilière BCN la question se rapportait à l'application des règles énoncées au paragraphe 1110(2) du Règlement de l'impôt.

[28]          L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

[29]          J’ajouterais que, si le texte est clair et non équivoque, il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux décisions rendues par les tribunaux. Dans ces circonstances, le texte de loi doit l’emporter même sur les interprétations contraires des tribunaux.

[30]          Voir le par. 28 ci-dessus.

[31]          Comme cela a été mentionné ci‑dessus, il est intéressant de noter que cette condition n'apparaît plus à l'article 14 de la Loi à compter du 2 mai 2006 à la suite de la modification adoptée par la L.C., 2007, ch. 2, par 3(6).

[32]          Il faut rappeler que la renonciation a aussi été effectuée par SEC et que par conséquent, il aurait été normal que cette société en commandite reçoive sa part des 12 millions de dollars. Le fait qu'elle ait renoncé à recevoir sa part pourrait soulever une question d'avantage conféré s'il existe, comme je le crois, un lien de dépendance entre la société en commandite et CTVNS et RCI. Comme les parties se sont entendues pour ne pas soulever cette question ou toute autre découlant de cette renonciation, la question est traitée comme si RCI et CTVNS étaient les seules parties qui avaient le droit de recevoir leur part des 12 millions de dollars.

[33]          Il est utile de reproduire ici le passage pertinent :

[...] in consideration of the payment by WMI [...] of $12 000 000 to RCI [...] the undersigned parties hereby [...] 2. unconditionally forever release and discharge Waste Management Inc., WMI Waste Management of Canada Inc., Canadian Waste Services Inc. et Intersan Inc. [...] ».

[34]          Page 14 (6190 DTC).

[35]          Le fait que dans la Loi on définit le mot « disposition » comme comprenant — en anglais, « includes », au lieu de « means » — signifie que la notion de disposition que l'on retrouve à l'article 54 n'est pas une définition exhaustive. Telle est l'interprétation qu'avait adoptés la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Compagnie Immobilière BCN au paragraphe 23 :

23        L'article 20 contient plusieurs dispositions de fond relatives à la récupération de l'allocation à l'égard du coût en capital et aux conséquences d'un changement d'utilisation d'un bien susceptible de dépréciation. Il contient également une disposition interprétative applicable à l'art. 20 et aux fins des « règlements établis en exécution de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11 », et, en conséquence, aux fins du par. 1100(2) précité. Tous les alinéas, sauf deux, précisent que l'expression définie « signifie ... »; il s'agit donc de véritables définitions, ayant un effet restrictif. Deux alinéas font exception et disposent que l'expression qui y est mentionnée « comprend ...  »; les voici:

 

Art. 20(5)

...

b) « disposition de biens » comprend toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit d'une disposition de biens;

c) « Produit d'une disposition » de biens comprend

(i) le prix de vente des biens qui ont été vendus,

(ii) une compensation à l'égard de biens qui ont été endommagés, détruits, pris ou lésés, soit légalement, soit illégalement, ou en vertu d'une autorité statutaire ou autrement,

[...]

[Je souligne.]

[36]          Les nouvelles dispositions apparaissant dans le projet de loi C‑33, dont l’une vise à ajouter à la Loi l’article 56.4 relatif aux clauses restrictives, n’avaient pas encore reçu la sanction royale au moment des plaidoiries des parties et, à mon avis, elles ne sont d’aucune pertinence aux fins du débat.

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