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Dossier : 2005-2032(IT)I

ENTRE :

DOROTHY WERNER BLAUER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve présentée sous la forme de questions écrites et de réponses données sous serment.

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocats de l’intimée :

Me Mark Heseltine

Me Kiran Kaur Bhinder

Me Tyler Lord

Me Marla Teeling

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998 à 2003 sont accueillis sans qu’aucuns dépens soient adjugés, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour les raisons énoncées dans les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de décembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

 

Référence : 2007CCI706

Date : 20071231

Dossier : 2005-2032(IT)I

ENTRE :

DOROTHY WERNER BLAUER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Avant de devenir invalide et de quitter le Canada pour aller en Israël en 1998, l’appelante résidait au Canada, où elle travaillait. En sa qualité de résidente de l’État d’Israël, l’appelante recevait des paiements périodiques, au titre de l’assurance‑salaire (les « paiements d’A‑S »), de la Sun Life du Canada, Compagnie d’Assurance‑Vie (« Sun Life »), et des paiements d’invalidité aux termes du Régime de rentes du Québec (les « paiements du RRQ »). Les paiements d’A‑S reçus entre les années d’imposition 1998 et 2003 ont fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable gagné au Canada conformément à l’article 115 de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), et les paiements du RRQ reçus au cours des années d’imposition 1998 à 2002 ont fait l’objet d’une cotisation au titre d’une retenue d’impôt conformément à l’article 212 de la partie XIII de la Loi. L’appelante affirme que les sommes reçues ne sont pas imposables au Canada.

 

[2]     Les faits de la présente affaire sont simples et ne sont pas contestés[1]. Avant les périodes en cause, l’appelante travaillait à l’Agence du revenu du Canada. Elle exerçait les fonctions de son emploi au Canada, et son employeur versait des cotisations pour son compte à un régime d’assurance‑salaire qui, comme les parties l’admettent, est un régime d’assurance‑invalidité (le « régime »). En somme, il n’est pas contesté que les paiements d’A‑S sont des paiements d’invalidité périodiques versés conformément à un régime d’assurance‑invalidité. Le régime était administré par Sun Life, à qui étaient versées les cotisations de l’employeur[2]. L’appelante était résidente de l’État d’Israël lorsqu’elle recevait les paiements d’A‑S et du RRQ en question.

 

[3]     En ce qui concerne en premier lieu les paiements d’A‑S, l’appelante soutient que les paragraphes 2(3) et 115(1) de la partie I de la Loi exigent que les non‑résidents qui se trouvent dans sa situation paient un impôt uniquement sur les montants qu’ils ont reçus pour avoir exercé au Canada les fonctions d’une charge ou d’un emploi, mais non sur les montants reçus du fait qu’ils ne sont pas en mesure d’exercer ces fonctions. L’appelante affirme avec insistance que la réception d’une indemnité pour la perte d’un revenu d’emploi ne satisfait pas aux exigences expresses de ces dispositions, de façon à être incluse en vertu de la partie I dans le calcul du revenu imposable aux fins de l’impôt canadien. Étant donné que l’appelante n’était pas en mesure de fournir des services, les paiements étaient reçus en paiement intégral de la rémunération ou étaient destinés à remplacer la rémunération pour les services rendus, et ils ne sont pas des montants reçus pour l’exercice des fonctions d’une charge ou d’un emploi au Canada.

 

[4]     Les dispositions pertinentes que l’appelante invoque sont rédigées comme suit :

      2(3) Impôt payable par les non-résidents

Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu’il est prévu par la présente loi, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l’année, déterminé conformément à la section D, par la personne non imposable en vertu du paragraphe (1) pour une année d’imposition et qui, à un moment donné de l’année ou d’une année antérieure, a :

      a) [...] été employée au Canada;

    [...]

     SECTION D – Revenu imposable gagné au Canada par des non‑résidents

ARTICLE 115 : Revenu imposable au Canada des non‑résidents

       (1) Pour l’application de la présente loi, le revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition d’une personne qui ne réside au Canada à aucun moment de l’année correspond à l’excédent éventuel du montant qui représenterait son revenu pour l’année selon l’article 3 :

a) si elle n’avait pas de revenu autre :

(i) que les revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par elle au Canada et, si elle résidait au Canada au moment où elle exerçait les fonctions, à l’étranger,

[...]

sur le total des montants suivants :

[...]

 

[5]     En se reportant au libellé exprès du sous‑alinéa 115(1)a)(i), l’appelante affirme que les paiements d’A‑S ne représentaient pas un revenu tiré des fonctions d’une charge ou d’un emploi exercées où que ce soit. Il s’agit de paiements périodiques d’assurance‑invalidité. L’intimée se fonde, quant à elle, sur l’alinéa 6(1)f) de la Loi, qui inclut les paiements d’assurance‑invalidité dans le revenu tiré d’un emploi.

 

[6]     L’appelante reconnaît que tout ou partie des paiements d’A‑S constitueraient un revenu tiré d’une charge ou d’un emploi en vertu de l’alinéa 6(1)f) de la Loi si elle avait été résidente du Canada lorsqu’ils ont été reçus. Toutefois, elle maintient que cette disposition ne s’applique qu’aux résidents et ne renvoie pas à une disposition de la Loi qui rendrait ces paiements imposables lorsqu’ils sont reçus par un non‑résident. L’alinéa 6(1)f) est ainsi rédigé :

 

ARTICLE 6 : Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

       (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

            [...]

f)  Prestations d’assurance contre la maladie, etc. – le total des sommes qu’il a reçues au cours de l’année, à titre d’indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l’un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

(i) un régime d’assurance contre la maladie ou les accidents,

(ii) un régime d’assurance invalidité,

(iii) un régime d’assurance de sécurité du revenu;

le total ne peut toutefois dépasser l’excédent éventuel du total visé au sous‑alinéa (iv) sur le total visé au sous‑alinéa (v) :

(iv) le total des sommes qu’il a ainsi reçues avant la fin de l’année et :

(A) lorsqu’une de ces sommes a été, en vertu du présent alinéa, incluse dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure se terminant après 1971, après cette année,

(B) sinon, après 1971,

(v) le total des cotisations versées par le contribuable dans le cadre du régime avant la fin de l’année et :

(A) lorsqu’il y a eu une année d’imposition antérieure, visée à la division (iv)(A), après cette année,

(B) sinon, après 1967;

 

[7]     En se reportant aux paragraphes 2(3) et 115(1), l’appelante affirme qu’en vertu de l’alinéa 6(1)f), elle n’est aucunement réputée avoir réellement exercé les fonctions d’une charge ou d’un emploi, et elle insiste sur le fait qu’il s’agit là d’une chose que le libellé exprès du sous‑alinéa 115(1)a)(i) exige.

 

[8]     Par conséquent, il s’agit donc ici de savoir quelle est l’interprétation qu’il convient de donner à ces dispositions. L’analyse commence au paragraphe 2(3), qui impose une obligation fiscale aux non‑résidents « pour l’année » s’ils étaient employés au Canada « à un moment donné de l’année ou d’une année antérieure » (je souligne). Cette disposition exige qu’un impôt soit payé, ainsi qu’il est prévu « par la présente loi », sur le revenu imposable gagné au Canada pour l’année, « déterminé conformément à la section D », soit en l’espèce « déterminé en vertu du sous‑alinéa 115(1)a)(i) ». Cette disposition inclurait les montants gagnés par suite des fonctions d’un emploi exercées au Canada au cours d’une année antérieure. Toutefois, l’année visée par la disposition est clairement l’année au cours de laquelle le paiement a été reçu, et le paiement doit être un revenu imposable gagné au Canada pour cette année‑là (l’année de réception du paiement) telle qu’elle est déterminée en vertu du sous‑alinéa 115(1)a)(i). Il s’agit donc de savoir si c’est cette disposition (par opposition à l’alinéa 6(1)f)) qui permet de décider si les paiements en cause représentent un revenu imposable gagné au Canada au cours de l’année où les paiements sont reçus.

 

[9]     Le paragraphe 115(1) prescrit que « le revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition » correspond au montant qui représenterait le revenu de la personne non‑résidente si celle‑ci, conformément au sous‑alinéa (i), n’avait pas de revenu autre que « les revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par elle au Canada ». Dans le cas de l’appelante, le revenu qui est ainsi englobé est le revenu tiré des fonctions « exercées » au Canada pendant qu’elle était résidente du Canada, mais qui a été payé après qu’elle a cessé d’être une résidente du Canada. Dans le cas de l’appelante, la disposition n’englobe aucun « revenu autre » – c’est‑à‑dire qu’elle n’englobe pas les prestations d’assurance‑invalidité versées en paiement intégral du revenu d’emploi perdu ou en vue de remplacer le revenu d’emploi perdu, et ce, même si de tels montants sont inclus dans le revenu d’emploi en vertu de l’alinéa 6(1)f).

 

[10]    La lecture du paragraphe 5(1) permet facilement de constater que le paragraphe 6(1) est plus inclusif que le paragraphe 115(1). Le paragraphe 5(1) est rédigé ainsi :

          ARTICLE 5 : Revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

         (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, tiré d’une charge ou d’un emploi est le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l’année.

 

Sous réserve des autres dispositions de la partie I, l’article 5 prévoit que le revenu, pour une année, tiré d’un emploi est limité au « traitement, [...] salaire ou [à] toute autre rémunération », reçus au cours de l’année. Pour les résidents, la partie I élargit, au paragraphe 6(1), la portée de cette définition restreinte du revenu tiré d’un emploi, alors que dans le cas des non‑résidents, la partie I restreint la portée de cette définition au paragraphe 115(1). La mention, au sous‑alinéa 115(1)a)(i), des revenus tirés des fonctions exercées ne renvoie pas à une telle définition élargie des éléments à inclure dans le revenu d’emploi. Ce qui déclenche l’inclusion, au sous‑alinéa 115(1)a)(i), semble être, d’une façon passablement claire, à première vue du moins, l’exigence selon laquelle le paiement doit être effectué pour des fonctions « exercées » dans le cadre d’un emploi. Par conséquent, je souscris à l’assertion de l’appelante, lorsqu’elle affirme que les paiements en cause (à savoir les paiements d’assurance‑invalidité ou les paiements effectués pour la perte du revenu tiré d’un emploi du fait que la personne en cause n’est pas en mesure de fournir des services) ne constituent pas des paiements pour des fonctions « exercées » et ne sont aucunement réputés être tels en vertu d’une quelconque disposition de la Loi.

 

 

[11]    En revanche, la position prise par l’intimée est qu’en vertu de l’article 6 de la Loi, les paiements d’A‑S sont réputés représenter un revenu d’emploi, ce qui doit vouloir dire qu’ils doivent être traités, pour l’application de la partie I, à titre de rémunération pour les services rendus ou pour les fonctions exercées dans le cadre de l’emploi. Je crois qu’il est juste de dire qu’en vertu de l’article 6, les paiements d’A‑S sont réputés constituer un revenu d’emploi et viennent s’ajouter aux montants visés à l’article 5. Certains montants mentionnés aux alinéas 6(1)a) à 1) sont à inclure dans le revenu à titre de « revenu tiré d’un emploi », et cela comprend les paiements d’A‑S mentionnés à l’alinéa 6(1)f). Toutefois, cela n’est pas nécessairement suffisant pour assujettir ces paiements au sous‑alinéa 115(1)a), qui exige, non pas que les paiements représentent un revenu tiré d’un emploi, mais plutôt qu’ils représentent un certain type de revenu d’emploi, à savoir, un revenu tiré des fonctions « exercées » dans le cadre de l’emploi. À mon avis, cela exclut expressément et clairement d’autres catégories de revenus tirés d’un emploi, qui sont uniquement considérées comme étant à inclure dans le revenu d’emploi si elles font partie des éléments inclus à l’article 6.

 

[12]    La position de l’intimée, à savoir l’assertion voulant que le sous‑alinéa 115(1)a)(i) englobe les revenus inclus à l’article 6 au titre d’un revenu d’emploi, est toutefois étayée par la décision rendue par la Cour dans l’affaire Watts c. Canada[3]. Dans cette affaire‑là, un non‑résident avait reçu des paiements d’invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada et, comme en l’espèce, des paiements périodiques d’assurance‑salaire effectués dans le cadre d’un régime auquel contribuait l’employeur. Après avoir conclu que les paiements périodiques effectués dans le cadre du régime d’assurance‑salaire étaient visés par l’alinéa 6(1)f), la Cour a conclu que de tels paiements étaient assujettis au taux maximum applicable de 15 p. 100 prévu dans la convention fiscale. Une telle limitation donne à entendre que le sous‑alinéa 115(1)a)(i) s’applique aux paiements d’invalidité reçus par des non‑résidents en vertu de l’alinéa 6(1)f), de la même façon que cet alinéa s’applique aux résidents. C’est ce qui est dit au paragraphe 20 :

 

[20] […] Je conclus que les paiements du régime d’assurance-salaire effectués par la Nationale vie sont visés par l’alinéa 6(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu. De plus, ils satisfont à la définition du terme « pension » figurant au paragraphe 3 de l’article XVIII de la Convention en matière d’impôts sur le revenu Canada‑États‑Unis (1980), et le Canada peut les rendre imposables. En vertu du paragraphe 2 de l’article XVIII, le Canada a le droit d’assujettir le paiement à un impôt n’excédant pas 15 %.

 

[13]    Il me semble que l’argument qui m’a été soumis n’a pas été invoqué dans l’affaire Watts. Cela étant, la conclusion qui a été tirée dans la décision Watts est moins convaincante qu’elle ne pourrait autrement l’être. Néanmoins, compte tenu de cette décision, les conclusions que j’ai tirées jusqu’ici méritent un examen plus approfondi. Cela m’amène à examiner deux aspects de l’interprétation de la loi qui pourraient faciliter mon analyse. En premier lieu, il serait possible de soutenir que les mots « revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par [le non‑résident] » commandent une interprétation plus large du mot « tiré » que l’interprétation préconisée par l’appelante. En second lieu, il serait possible de soutenir que la prestation d’assurance‑invalidité, versée à un non‑résident en tant que partie intégrante d’un régime de retraite ou de pension plus général, constituerait une pension imposable en vertu de la partie XIII de la Loi, par opposition à la partie I de la Loi.

 

[14]    En ce qui concerne l’argument selon lequel les mots « revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par [le non‑résident] » commandent une interprétation plus large du mot « tiré », je ferai remarquer que j’ai récemment rendu une décision dans laquelle c’est exactement ce que j’ai fait. En effet, dans la décision Datex Semiconductor Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national)[4], j’ai examiné le sens du mot « tiré » dans le cadre d’une question différente qui se posait dans le contexte du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). Dans cette affaire‑là, l’endroit depuis lequel un paiement était effectué permettait de décider si la rémunération ouvrait droit à pension. Dans le contexte de cette affaire‑là, j’ai appliqué une interprétation large du mot « tiré » en concluant qu’il s’agissait de la source du paiement.

 

[41]      Dans le contexte de l’alinéa 16(1)b), une fois qu’on peut dire qu’un établissement est la source du paiement, on peut alors dire qu’il s’agit de l’endroit [dudit établissement] d’où le paiement provient, quelle que soit la méthode de virement utilisée. Le Canadian Oxford Dictionary[5] donne une définition de la préposition « from » [dudit] :

 

            [traduction]

marque la séparation ou l’origine, suivi par : 1 a une personne, un lieu, un moment, qui est le point de départ d’un mouvement ou d’une action … b le point de départ d’une durée dans le temps. 2 un lieu, un objet, etc., dont la distance ou l’éloignement est reconnu ou attesté … 3 a une source … [Non souligné dans l’original.]

 

[42]      Cela appuie l’opinion selon laquelle l’endroit où les paiements étaient administrés ou d’où ils provenaient peut être considéré comme un lien pertinent pour déterminer si un paiement a été fait « dudit » établissement. En appliquant ce lien, on écarte les possibilités d’obtenir des résultats absurdes si la disposition était lue de façon littérale au point d’exiger que les fonds pour le paiement doivent se trouver physiquement à l’établissement de l’employeur. [...]

 

[15]    De plus, dans la décision Sutcliffe c. La Reine[6], la juge Woods a adopté une interprétation plus large à l’égard du mot « tiré » tel qu’il est employé au sous‑alinéa 115(1)a)(i) :

 

[128]    Le revenu associé à la rémunération pour congé de maladie ou à la paie de vacances est reçu pour cause de maladie ou en raison des vacances, en ce sens qu’il s’accumule durant ces périodes, mais la rémunération est également reçue parce que l’employé a convenu de fournir des services à l’employeur. L’appelant n’aurait pas droit à une rémunération pour congé de maladie ou à une paie de vacances s’il n’avait pas convenu d’exercer ses fonctions de pilote.

 

[129]    À mon avis, selon la seule interprétation raisonnable du sous‑alinéa 115(1)a)(i), la rémunération de l’appelant qui s’accumule pendant les périodes où celui‑ci n’est pas de service, y compris la paie de vacances prévue par la loi, est attribuable aux fonctions qui sont exercées. L’essence de la relation entre l’employé et l’employeur veut que les services soient rendus en contrepartie du paiement de ces services.

 

[130]    Le lien entre la rémunération qui est versée et les services qui sont rendus permet aux employeurs d’effectuer des retenues sur la rémunération versée et exige que les employés soient imposés à cet égard. Je rejette l’argument de l’appelant selon lequel une partie de la rémunération ne comporte aucun lien avec le Canada, pour ce qui est de la réalisation du revenu.

 

[16]    À mon avis, il est possible de faire une distinction entre ces affaires et la présente espèce. Dans le cas de paiements d’assurance‑invalidité ou de paiements d’assurance‑salaire, l’essence de la relation de travail n’est pas que des services ont été rendus en contrepartie de ces paiements. Les paiements d’assurance‑salaire comme ceux qui sont ici en cause sont effectués par un tiers en contrepartie des primes qui lui ont été versées. Ils ne sont pas effectués en contrepartie des services rendus. En l’espèce, la contrepartie versée par l’employeur pour les services rendus est la prime que celui‑ci a versée à Sun Life. Le fait que des services ont été rendus en échange du paiement des primes par l’employeur, pour que Sun Life assure l’appelante contre un événement incertain, ne fait pas des prestations d’assurance reçues un revenu « tiré » des fonctions exercées dans le cadre de l’emploi. Il s’agit de prestations d’assurance‑invalidité et non d’un revenu tiré des fonctions exercées. Dans l’affaire Sutcliffe, les services avaient été rendus en échange du paiement par l’employeur d’une paie de vacances et il a donc été conclu qu’il s’agissait d’un revenu tiré des fonctions exercées dans le cadre de l’emploi.

 

[17]    En outre, une distinction peut être faite entre la présente espèce et la décision Datex étant donné je ne puis constater aucune absurdité lorsqu’on limite le sens de l’expression « revenu tiré » à l’expression « revenu tiré directement de la source stipulée – à savoir les fonctions exercées par un non‑résident ». Il n’est pas absurde qu’une telle interprétation puisse donner lieu à une lacune dans les dispositions d’imposition de la Loi. Au mieux, il pourrait s’agir d’une rédaction fautive, mais même en pareil cas, il s’agirait d’une conjecture étant donné que la faute peut se trouver ailleurs, comme à l’article 212. Cela m’amène au second aspect de la présente analyse élargie, lequel, comme je l’ai dit, doit être examiné compte tenu de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Watts, c’est‑à‑dire la question de savoir si des paiements périodiques d’assurance‑invalidité découlant d’un régime s’appliquant aux employés qui se voient obligés de quitter leur emploi à cause d’une invalidité sont des pensions qui, en vertu du régime de la Loi, sont assujetties à la partie XIII de la Loi, par opposition à la partie I, lorsqu’elles sont versées à un non‑résident.

 

[18]    Si les prestations d’invalidité périodiques découlant d’un régime établi à l’intention des employés sont des pensions et, par conséquent, sont assujetties à la partie XIII de la Loi, ces prestations seraient assujetties à une retenue d’impôt de 25 p. 100 conformément à l’alinéa 212(1)b) (et, incidemment, seraient assujetties aux limitations applicables au taux de retenue conformément à la Convention fiscale Canada‑Israël (la « convention »))[7]. Si c’était le cas, il serait tout à fait clair que de tels paiements d’invalidité ne peuvent pas être inclus au titre du revenu imposable en vertu de la partie I de la Loi. Le même montant ne peut pas être assujetti à l’impôt en vertu des deux parties de la Loi. S’il est conclu que la partie de la Loi à laquelle les paiements se rattachent n’est pas claire, il incombe au législateur de résoudre la question. Il me semble que c’est la situation même à laquelle je fais face et qu’il ne s’agit pas simplement d’une rumination théorique de ma part.

 

[19]    De fait, bien que les parties ne m’y aient pas renvoyé, il y a une décision de la Cour dans laquelle il a été conclu, dans ce qui semble être une affaire comparable, que les paiements d’invalidité effectués en faveur d’employés étaient des prestations de pension. Dans la décision Levert c. Canada[8], la Cour examinait le cas d’un résident du Canada qui recevait des paiements d’invalidité en vertu d’un régime d’assurance‑vie collective offert dans le cadre du régime de pension des Métallurgistes unis d’Amérique par un tiers assureur, ainsi que des prestations d’invalidité du fiduciaire de ce régime de pension. Au paragraphe 25, la Cour a conclu que les deux sources de paiements provenant des États‑Unis étaient des prestations de retraite en vertu de l’alinéa 56(1)a). Le libellé inclusif de l’alinéa 56(1)a) applicable aux sommes reçues par des résidents au titre de la pension est presque identique au libellé figurant à l’alinéa 212(1)h) applicable aux paiements de pension versés à des non‑résidents. À supposer que les paiements d’invalidité financés au moyen du régime d’assurance offert par un tiers dans l’affaire Levert soient comparables aux paiements d’assurance‑salaire dans l’affaire Watts, je fais face à deux conclusions contradictoires de la Cour. La décision qui a été rendue dans l’affaire Watts donne à entendre que les paiements d’A‑S sont des prestations d’assurance plutôt que des prestations de pension et qu’ils sont imposables en vertu de l’article 115 de la partie I, alors que la décision rendue dans l’affaire Levert donne à entendre qu’il s’agit de prestations de retraite imposables en vertu de l’article 212 de la partie XIII. Si l’intimée avait soutenu subsidiairement que c’était la partie XIII qui s’appliquait, cette position serait mieux étayée. Le Dictionary of Canadian Law, 3e édition, cite la décision Webb v. Webb[9], dans laquelle le juge Lysyk a dit qu’une pension [traduction] « [...] inclut des paiements périodiques payables par suite d’une mise à la retraite involontaire attribuable à une invalidité causée par la maladie ou par une blessure ainsi que par suite d’une retraite fondée sur l’âge [...] ». De plus, comme les présents motifs le confirmeront à l’égard de la question suivante portant sur les paiements provenant du RRQ, les paiements d’invalidité versés dans le cadre de régimes de pension réglementés par l’État sont d’emblée traités comme des prestations de pension assujetties à l’impôt de la partie XIII[10].

 

[20]    Quoi qu’il en soit, je n’ai pas eu la possibilité d’entendre l’argumentation des parties. Il s’agit d’une affaire régie par la procédure informelle. La position qui a  été prise, lors de l’établissement de la cotisation, n’était pas que la partie XIII s’appliquait, et il n’a pas été soutenu que cette partie s’applique. Toutefois, il est bon de mener mon analyse jusqu’à ce point, à savoir qu’en vertu du régime de la Loi dans son ensemble, l’alinéa 212(1)h) pourrait bien s’appliquer à la présente situation plus facilement que le sous‑alinéa 115(1)a)(i), de sorte qu’il n’existe aucune lacune ni faille fiscale dans la législation s’il est conclu que le sous‑alinéa 115(1)a)(i) ne s’applique pas. À tout le moins, une analyse fondée sur une interprétation téléologique ne pourrait pas davantage donner à entendre que les paiements d’assurance‑invalidité en cause sont englobés dans la portée du sous‑alinéa 115(1)a)(i) qu’elle ne pourrait donner à entendre qu’ils sont englobés dans la portée de l’alinéa 212(1)h). Indiquer la façon dont le régime de la Loi pourrait aider à interpréter le sous‑alinéa 115(1)a)(i) est donc une question de pure conjecture. La tentation d’utiliser une approche fondée sur une interprétation téléologique en vue d’interpréter le sous‑alinéa 115(1)a)(i), de façon à éviter la lacune fiscale qui surgira en l’espèce si l’on ne l’applique pas, peut donc être une initiative malencontreuse. Dans ce contexte, si la Cour remédiait à une telle ambiguïté sans avoir une idée bien fondée de la nature du redressement prévu par le législateur, cela constituerait une intrusion inadmissible dans le champ d’activité du législateur. Même si les rédacteurs de la législation ont laissé une lacune dans le régime d’imposition, il ne m’incomberait pas, dans ce contexte, d’y remédier[11].

 

[21]    Par conséquent, je fais simplement face à la question qui a déjà été examinée – à savoir si le sous‑alinéa 115(1)a)(i) englobe les paiements d’A‑S. Au risque de me répéter, je conclus que je ne puis élargir le sens de l’expression « revenu tiré » figurant au sous‑alinéa 115(1)a)(i) en vue d’y inclure le revenu « attribuable à » une source qui était l’exercice des fonctions de l’emploi ou « provenant » d’une telle source. Les paiements d’A‑S en cause sont des paiements d’assurance qui sont imposés au titre d’un revenu d’emploi (lorsqu’ils sont reçus par des résidents) uniquement du fait de l’inclusion expresse prévue à l’article 6. Cette inclusion n’est pas fondée sur le fait qu’il est conclu à l’existence d’un lien entre les paiements et les fonctions exercées – elle est expressément prévue. En l’absence de cette inclusion expresse (dans le cas de non‑résidents), il doit y avoir un lien. À mon avis, le lien existant entre les paiements d’invalidité et l’exercice des fonctions est simplement trop ténu pour être englobé dans le libellé exprès du sous‑alinéa 115(a)(i). Il ne s’agit pas ici d’un cas dans lequel il convient de conclure à l’existence d’un lien indirect. Le paragraphe 2(3) interdit l’imposition des non‑résidents à l’égard de montants qui ne sont pas indiqués comme étant inclus dans la section D de la partie I de la Loi. L’inclusion dans cette section devrait être évidente. Pour qu’il puisse être soutenu que l’inclusion est évidente, il faudrait que, après avoir appliqué à l’interprétation de cette section une approche unifiée, textuelle, contextuelle et téléologique, je conclue à l’existence d’un objet législatif d’imposer ainsi les non‑résidents sur les sommes reçues au titre de prestations d’assurance‑invalidité. Or, aucun objet de ce genre n’est évident. Le régime législatif de la section D de la partie I consiste à imposer uniquement les montants reçus dans le cadre de la contrepartie payée par les employeurs pour les services rendus – et non les paiements d’assurance effectués par un tiers.

 

[22]    Je sais fort bien qu’il existe d’autres arguments qui pourraient commander une conclusion différente de celle à laquelle je suis arrivé. Un des arguments que j’ai pris en considération se rapporte à l’emploi par le rédacteur du mot « tiré », par opposition au mot « pour » au sous‑alinéa 115(1)a)(i). L’intention du législateur d’exclure les montants payés parce que les fonctions ne pouvaient pas être exercées serait plus claire si ce qui était inclus était un paiement « pour » les fonctions exercées. Par contre, l’emploi du mot « tiré », qui est également employé au début du paragraphe 6(1), comporte une nuance qui peut bien commander l’approche indirecte proposée par l’intimée. D’autre part, des mots tels que « en paiement intégral » auraient pu être utilisés comme on l’a fait par exemple au paragraphe 212(4). Les sommes versées « en paiement intégral » d’un service fourni sont expressément mentionnées dans cette disposition dans le contexte de la retenue d’impôt sur les honoraires de gestion. Un tel libellé aurait pu être employé au sous‑alinéa 115(1)a)(i) en vue de souligner l’intention, s’il y en avait une, d’assujettir les paiements d’assurance‑salaire ou les paiements d’assurance‑invalidité à la section D de la partie I. Un autre argument pourrait se rapporter au fait que l’appelante n’a pas été imposée sur les cotisations de l’employeur au régime en vertu du sous‑alinéa 6(1)a)(i). L’appelante a donc échappé à l’impôt sur un avantage lié à un emploi compte tenu du fait, sans aucun doute, que les prestations d’assurance seraient imposées. À vrai dire, cela devrait étayer la conclusion selon laquelle le régime de la Loi consiste à imposer les paiements d’invalidité indépendamment du lieu de résidence d’une personne au moment où les paiements sont effectués.

 

[23]    Toutefois, de tels arguments n’ont pas réussi à me faire changer d’idée, à savoir que le sous‑alinéa 115(1)a)(i) ne devrait pas être disséqué et réinterprété de façon à assujettir au régime d’imposition ce qui à première vue n’est pas réputé y être inclus. La disposition en question comporte un objet clair qu’il est facilement possible de constater sans entreprendre une telle démarche. Bref, cette disposition, ainsi que le paragraphe 2(3), englobe un nombre suffisant de cas précis sans que l’on doive chercher à en ajouter. En plus de s’appliquer au cas de l’appelante, si elle avait reçu une rémunération différée, le sous‑alinéa 115(1)a)(i) s’applique au non‑résident qui travaillait au Canada pendant qu’il était non‑résident (qu’il s’agisse de la rémunération actuelle ou d’une rémunération différée). De plus, cette disposition s’applique au résident du Canada qui a gagné un revenu d’emploi en travaillant à l’étranger et qui, après avoir renoncé à la résidence canadienne, a reçu une rémunération différée pour les fonctions exercées pendant qu’il résidait au Canada. Telles sont les cibles claires de la disposition en question. Il n’existe donc aucun motif impérieux de chercher un autre objet législatif, surtout que, comme il en a été question, l’objet déclaré n’est pas évident en soi. Il existe en outre une présomption résiduelle en faveur du contribuable. Si j’avais à le faire, je dirais que cette présomption l’emporte sur la tentation, en l’espèce, de favoriser une interprétation donnant lieu à une levée d’impôt ou une interprétation allant à l’encontre de la lacune fiscale. En fait, je n’ai pas à recourir à une telle présomption, mais je crois qu’il conviendrait de le faire en l’espèce au besoin.

 

[24]    Par conséquent, je souscris à l’argument de l’appelante. Le libellé du sous‑alinéa 115(1)a)(i) n’inclut pas tous les paiements qui représentent un revenu d’emploi lorsqu’ils sont gagnés par un non‑résident, mais il inclut plutôt uniquement un certain type de revenu d’emploi, à savoir le revenu tiré de l’exercice des fonctions d’une charge ou d’un emploi. Il n’y a pas d’ambiguïté. Il ne faudrait pas considérer cette disposition comme incluant d’autres catégories de revenu d’emploi telles que les paiements d’A‑S (c’est‑à‑dire des prestations d’assurance‑invalidité) indépendamment de leur inclusion, en vertu de l’article 6, dans le cas des résidents. De tels paiements ne constituent pas, par essence, une contrepartie des services rendus. Il s’agit de prestations d’assurance‑invalidité plutôt que d’un revenu tiré des fonctions exercées dans le cadre d’un emploi. Si l’intention du législateur devait être plus inclusive en ce qui concerne la partie I de la Loi, ce qui est selon moi loin d’être clair, c’est au législateur et non à la Cour qu’il incombe de résoudre la question. Pour ces motifs, j’accueille l’appel en ce qui concerne les paiements d’A‑S.

 

[25]    Quant aux paiements du RRQ, je note qu’au paragraphe 18 de la décision Watts, la Cour a conclu que les paiements du Régime de pensions du Canada dans cette affaire‑là ne représentaient pas un revenu tiré d’une charge ou d’un emploi en vertu de l’alinéa 6(1)f), mais que ces paiements étaient néanmoins imposables au titre du revenu en raison de l’alinéa 56(1)a) de la Loi, qui est rédigé en ces termes :

 

56(1) Sommes à inclure dans le revenu de l’année – Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

            a) Pensions, prestations d’assurance‑chômage, etc. – toute somme reçue par le contribuable au cours de l’année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

                  (i) d’une prestation de retraite ou de pension, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède :

(A) une pension, un supplément et une allocation à l’époux ou conjoint de fait, servis en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, et un paiement semblable fait en vertu d’une loi provinciale,

                       (B) une prestation prévue par le Régime de pensions du Canada ou par un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi,

 

                   […]

 

[26]    Je souscris à la décision qui a été rendue dans l’affaire Watts, à savoir que les paiements prévus par le RPC constituent des prestations de pension et qu’ils sont inclus dans le revenu en vertu de la division 56(1)a)(i)(B) même s’ils se rapportent à une invalidité. Cette disposition, qui s’applique également aux régimes provinciaux, vise toute somme reçue en paiement d’une prestation. Or, les paiements du RRQ sont de telles sommes, et ce, qu’ils se rapportent ou non à une invalidité.

 

[27]    Ceci dit, l’intimée ne se fonde pas et ne peut pas se fonder sur l’article 56 étant donné que cette disposition s’applique uniquement aux résidents. L’intimée cherche plutôt à imposer une retenue d’impôt sur les paiements du RRQ en vertu de l’article 212 de la partie XIII.

 

[28]    Étant donné que les régimes provinciaux de pensions sont visés par la division 56(1)a)(i)(C) en ce qui concerne les prestations de retraite ou de pension, il est soutenu qu’ils sont inclus dans l’alinéa 212(1)h), qui prévoit ce qui suit :

 

          ARTICLE 212 : [Imposition de non-résidents]

(1) Impôt. Toute personne non‑résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu’une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

      [...]

(h) Pensions – d’un paiement d’une prestation de retraite ou de pension, autre :

      [...]

 

[29]    En l’espèce, l’intimée fait face à un argument semblable à celui qui s’applique aux paiements d’A‑S, à savoir que les prestations de pension ne sont pas expressément définies de façon à inclure les régimes provinciaux de pensions lorsqu’il s’agit d’imposer les non‑résidents en vertu du paragraphe 212(1), contrairement au cas des résidents en vertu du paragraphe 56(1). J’ai retenu l’argument selon lequel le libellé moins inclusif, au paragraphe 115(1), applicable aux non‑résidents porte un coup fatal à la position de l’intimée, cette dernière préconisant l’application d’une disposition d’inclusion applicable aux résidents, mais ceci n’aurait pas pour effet d’exclure l’application possible du paragraphe 212(1), si un tel argument avait été invoqué. De fait, dans le cas d’un régime de pensions de l’État, cette disposition semble clairement s’appliquer. Ainsi, le Canadian Oxford Dictionary définit le mot « pension » (pension) comme [traduction] « un paiement régulier effectué par l’État aux personnes ayant atteint un âge précis, aux personnes invalides ou aux personnes à charge survivantes d’une telle personne » (je souligne). De plus, au paragraphe 18 de la décision Watts, la Cour a conclu que le régime prévu par la loi, administré par le RPC n’était pas un régime d’assurance, de sorte que les paiements d’invalidité prévus par le RPC étaient des prestations de pension. Cette conclusion tient d’une façon autonome pour l’application de l’alinéa 212(1)h), et ce, même si les régimes expressément visés à l’article 56 ne sont pas inclus à l’alinéa 212(1)h). Dans cette affaire‑là, cette conclusion avait pour effet d’établir une distinction à l’égard des paiements d’assurance‑salaire qui ne faisaient pas partie d’un régime prévu par la loi et qui étaient considérés comme une « assurance » plutôt qu’une pension. Je ne suis pas convaincu que la distinction qui a été faite dans la décision Watts (c’est‑à‑dire entre les régimes prévus par la loi et les autres régimes) soit nécessairement déterminante lorsqu’il s’agit de reconnaître une prestation ou un paiement de pension, mais je suis convaincu du moins que les paiements effectués dans le cadre d’un régime prévu par la loi tel que celui que le RPC administre représentent des paiements de pension comme il a été conclu dans la décision Watts, et je ne ferai pas de distinction sur ce point entre le RPC et le RRQ. Par conséquent, l’alinéa 212(1)h) s’applique, comme l’affirme l’intimée, en vue d’imposer une retenue d’impôt de 25 p. 100 sur les paiements prévus par le RRQ assujettis à la convention[12].

 

[30]    La convention renferme une limitation à l’égard du droit du Canada d’imposer des paiements de pension. Il s’agit de savoir si les paiements prévus par le RRQ sont assujettis à cette limitation, qui de son côté dépend de la définition du mot « pension » tel qu’il est employé dans la convention. Je ferai ici remarquer que les conventions fiscales sont généralement interprétées d’une façon large. Les cas où les paiements prévus par le RRQ seraient considérés comme des paiements de pension en vertu de la Loi et ne seraient pas considérés comme des paiements de pension en vertu d’une convention sont exceptionnels. De fait, la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu (la LICMIR) semble confirmer que les paiements prévus par le RRQ constituent des paiements de pension. La LICMIR définit, à l’article 5, l’expression « paiement de pension périodique », qui est utilisée dans la convention, comme un paiement de pension autre qu’[...]

 

d) un paiement fait à un bénéficiaire à un moment donné d’une année civile, prévu par un mécanisme [...] lorsque, selon le cas :

            (i) le paiement :

 

            [...]

(B) ne fait pas partie d’une série de paiements à effectuer à intervalles ne dépassant pas un an, dont chacun dépend du fait que le bénéficiaire continue d’avoir une déficience mentale ou physique,

 

S’il est fait abstraction de la négation, cela donne à entendre qu’étant donné qu’elle n’exclut pas les paiements d’invalidité des paiements de pension, la division 5d)(i)(B) doit de prime abord les inclure[13].

 

[31]    Compte tenu des remarques qui précèdent, le paragraphe 2 de l’article XVIII de la Convention fiscale Canada‑Israël restreint le droit du Canada d’imposer les paiements prévus par le RRQ :

 

2. Les pensions et les rentes provenant d’un État contractant et payées à un résident de l’autre État contractant peuvent être imposées dans l’État d’où elles proviennent et selon la législation de cet État. Toutefois, dans le cas de paiements périodiques d’une pension ou d’une rente, l’impôt ainsi établi ne peut excéder le moins élevé des deux taux suivants :

 

a) 15 pour cent du montant brut du paiement, et

b) le taux calculé en fonction du montant d’impôt que le bénéficiaire du paiement devrait autrement verser pour l’année à l’égard du montant total des paiements périodiques de pensions ou de rentes qu’il a reçus au cours de l’année, s’il était un résident de l’État contractant d’où provient le paiement.

Toutefois, les limitations du taux d’impôt mentionné plus haut ne s’appliquent pas aux paiements faits en vertu d’un contrat de rentes à versements invariables.

[Je souligne.]

 

[32]    Par conséquent, en ce qui concerne les paiements prévus par le RRQ, l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il détermine le moindre des montants visés aux alinéas a) et b) dont il est fait mention au paragraphe 2 de l’article XVIII de la Convention fiscale Canada‑Israël, le montant visé à l’alinéa b) devant être calculé conformément aux présents motifs, et pour qu’il établisse une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante.

 

[33]    Eu égard aux circonstances de l’affaire et aux accommodements que la Couronne a consentis à l’appelante quant à la façon de procéder, chaque partie supportera ses propres frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de décembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI706

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-2032(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Dorothy Werner Blauer

                                                          et

                                                          Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE                    Appels entendus sur preuve présentée sous la

ET DATE DE L’AUDIENCE :           forme de questions écrites et de réponses données sous serment.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 31 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocats de l’intimée :

Me Mark Heseltine

Me Kiran Kaur Bhinder

Me Tyler Lord

Me Marla Teeling

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Les présents appels ont été entendus sur preuve présentée sous la forme de questions écrites et de réponses données sous serment. Cette approche a été adoptée parce que c’était la façon la plus efficace de procéder étant donné que l’appelante ne pouvait pas se présenter à l’audience au Canada. La preuve ainsi soumise à la Cour ne s’est pas avérée litigieuse.

[2] Bien que la nouvelle cotisation ne l’indique pas, le fait que l’appelante a également contribué au régime réduirait le montant imposable au Canada en vertu de la partie I même si la thèse de l’intimée au sujet des modalités d’application du sous‑alinéa 115(1)a)(i) devait l’emporter.

[3] 2004 CCI 535.

 

[4] [2007] A.C.I. no 128; 2007 CCI 189.

 

[5] 2e éd., s.v. « from ».

 

[6] [2006] 2 C.T.C. 2267; 2005 CCI 812.

 

[7] Une telle limitation s’appliquerait également si les paiements d’A‑S étaient imposables conformément à l’article 115 en vertu de la partie I (c’est‑à‑dire s’ils n’étaient pas traités comme des pensions pour l’application de la Loi), mais s’ils étaient plutôt traités comme des pensions pour l’application de la convention.

 

[8] [2001] A.C.I. no 523 (C.C.I.).

 

[9] (1985), 49 R.F.L. (2d) 279, page 285; 70 B.C.L.R. 15 (C.S.).

 

[10]  Dans le contexte international, certains paiements d’invalidité sont traités comme des pensions. En théorie du moins, cela pourrait indiquer que l’impôt canadien est établi en vertu de l’article 212 par opposition à l’article 115. Comme nous le verrons ci‑après dans les présents motifs, en ce qui concerne les paiements du RRO, la situation est plus claire dans le cas d’un régime de retraite financé par l’État ou d’un régime de retraite prévu par la loi qui inclut des dispositions concernant l’invalidité. De tels régimes sont assujettis à l’impôt de la partie XIII et seraient assujettis aux limitations énoncées dans la convention à l’égard des prestations de pension, soit par mention expresse dans la convention soit en vertu de l’article 5 de la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, qui définit les paiements périodiques de pension de manière à y inclure les paiements d’invalidité versés dans le cadre de pareils régimes.

 

[11] En examinant la question de savoir comment les lacunes législatives en général devraient être comblées, M. J. Hamilton, juge à la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse, a approuvé le point de vue suivant au paragraphe 19 de l’arrêt R. v. M.J.R., [2007] N.S.J. no 305 (C.A.N.‑É.) : [traduction] « En ce qui concerne le fait pour les tribunaux de combler les lacunes possibles de la législation, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Markham : Butterworths Canada Ltd., 2002) dit ce qui suit à la page 136 : [traduction] « [...] Les tribunaux sont prêts à corriger les erreurs de rédaction, mais ils hésitent à combler les lacunes de la législation, et ce, pour deux raisons. En premier lieu [...] les lacunes sont considérées comme représentant l’intention réelle du législateur, que les tribunaux sont tenus de respecter. Il incombe au législateur plutôt qu’aux tribunaux d’effectuer toute modification souhaitée. En second lieu, que ce soit par inadvertance ou non, les lacunes résultent de dispositions ou de régimes dont l’application est restreinte, et toute correction effectuée à cet égard obligerait les tribunaux à légiférer. »

 

[12] L’analyse qui aboutit à la conclusion que les paiements d’A‑S n’étaient pas imposables au Canada fait en sorte qu’il est inutile d’examiner les répercussions de la convention sur ces paiements. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, il n’a pas été soutenu que de tels paiements étaient imposables en vertu de la partie XIII.

 

[13] Il est possible de soutenir que le paiement doit être un paiement provenant d’une « pension » pour qu’il puisse être un « paiement périodique de pension », ce qui exclurait probablement les régimes d’invalidité ne relevant pas de la loi qui ne font pas partie intégrante d’un régime de retraite mais, comme il en a déjà été fait mention, il semble clair que le mot « pension » tel qu’il est utilisé à l’article 212 de la Loi, à l’article 5 de la LICMIR et à l’article XVIII de la Convention fiscale Canada‑Israël inclut du moins un régime prévu par la loi tel que le RRQ.

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