Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2004CCI401

Date : 20041122

Dossier : 2003-1740(IT)I

ENTRE :

JON BRESLAW,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

(Rendus oralement à l’audience le 10 mai 2004,

à Montréal (Québec))

 

Le juge Archambault

 

[1]     Après l’audition de ses appels interjetés à l’encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national (« le ministre ») à l’égard des années d’imposition 1997 et 1998, mais avant qu’un jugement soit rendu, M. Jon Breslaw a déposé devant la présente Cour une requête visant l’annulation de ces cotisations au motif que le jugement n’avait pas été rendu dans les délais prescrits.

 

Faits

 

[2]     L’audition de l’appel de M. Breslaw, régi par la procédure informelle, s’est déroulée le 11 décembre 2003. Elle a duré toute la journée, commençant à 10 heures le matin et se terminant à 16 h 15. À la fin de la journée, le juge qui présidait l’audience a décidé de prendre le jugement en délibéré. La même journée, il a décidé de demander une transcription des plaidoiries et a signé une demande à cette fin. J’ai été informé par le personnel de la Cour qu’une transcription de 24 pages avait été livrée le 5 janvier 2004. J’ai aussi été informé qu’une deuxième transcription a été demandée le 22 janvier 2004 et qu’une transcription de 128 pages a donc été livrée le 30 janvier 2004.

 

[3]     Selon les calculs effectués par M. Breslaw, le 90e jour suivant la conclusion de l’audience, c'est‑à‑dire le jour où le juge qui présidait était censé rendre un jugement en vertu de la procédure informelle, tombait le 28 mars 2004. Quelques jours plus tard, le 13 avril 2004, M. Breslaw a déposé une requête devant la Cour. D’après son témoignage, il a été informé avant le dépôt de sa requête que le jugement n’avait pas encore été rendu. Il a dit qu’il n’avait pas demandé précisément si des circonstances exceptionnelles pouvaient expliquer le retard. Il a présumé que, s’il y avait eu de telles circonstances exceptionnelles, il en aurait été avisé.

 

[4]     Le dossier du greffe de la Cour indique également que, le 26 avril 2004, la coordonnatrice des audiences a écrit à M. Breslaw pour l’informer que, à cette date, le jugement n’avait pas encore été signé par le juge. Cependant, elle lui a précisé qu’un examen du dossier avait montré que la transcription de l’audience n’avait été reçue que le 30 janvier 2004. Elle a aussi mentionné qu’elle prévoyait que le jugement serait rendu dans la semaine qui suivait. En réalité, le jugement a été signé le lendemain, soit le 27 avril 2004.

 

Analyse

 

[5]     Fondamentalement, M. Breslaw a soutenu à l’audition de sa requête que les cotisations devraient être annulées au motif que le jugement n’a pas été rendu dans les délais prescrits. À l’appui de cet argument, il a invoqué les principes élaborés par les tribunaux en matière pénale, plus particulièrement l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Rahey, [1987], 1 R.C.S. 588. D’après mon interprétation des faits dans cette affaire, un contribuable était poursuivi pour fraude fiscale en vertu de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Une requête visant l’obtention d’un verdict imposé avait été déposée après que la Couronne eut clos sa preuve. Étant donné que le juge a pris plus de 11 mois pour parvenir à sa décision, le contribuable a demandé une suspension de l’instance, car ce retard l’avait empêché de préparer adéquatement sa défense contre les arguments présentés par le ministère public. La Cour suprême du Canada a conclu qu’en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), un inculpé a le droit de subir son procès dans un délai raisonnable et, puisqu’il s’agissait en l’occurrence d’un délai déraisonnable, elle a ordonné la suspension de l’instance. J’ai souligné à M. Breslaw durant les plaidoiries que l’alinéa 11b) de la Charte s’appliquait aux affaires pénales et ne pouvait donc pas être invoqué dans son cas, vu qu’il n’était accusé d’aucune infraction[1].

 

[6]     Les dispositions pertinentes en l’espèce sont l’article 18.22 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (la Loi), qui est rédigé comme suit : « Sauf cas exceptionnels, la Cour rend jugement sur les appels visés à l’article 18 dans les quatre-vingt-dix jours suivant la fin de l’audition ». Le paragraphe 2 définit de la manière suivante les cas exceptionnels : « Pour l’application du paragraphe (1), « cas exceptionnels » s’entend notamment des cas où la Cour n’a pas reçu en temps utile pour les étudier des documents qui lui sont nécessaires pour rendre jugement dans le délai prévu. »

 

[7]     À un moment donné, M. Breslaw a reconnu que le recours aux chartes canadienne et québécoise était peut‑être mal fondé. Cependant, il a souligné que l’article 18.22 énonce clairement, et je suis d’accord avec lui, que la Cour « rend jugement » dans les 90 jours suivant la fin de l’audition. Par contre, il faut tenir compte des cas exceptionnels. À mon avis, l’attente de la transcription de l’audience constitue un cas exceptionnel. Si l’on tient compte du fait que tous les documents écrits (c'est‑à‑dire la transcription intégrale de l’audience) n’ont été reçus que le 30 janvier 2004, alors le jugement a été rendu dans le délai imparti de 90 jours suivant la réception de ces documents écrits.

 

[8]     De toute manière, qu’il s’agisse là ou non de la bonne interprétation de l’article 18.22 de la Loi, ce point est désormais non pertinent parce que, lorsque j’ai entendu la requête, le jugement avait déjà été rendu. Je ne crois pas avoir compétence pour modifier une décision rendue par un de mes collègues. Je m’appuie à cette fin sur l’article 18.24 de la Loi qui dispose ce qui suit : « Appel d’un jugement de la Cour peut être interjeté auprès de la Cour d’appel fédérale en conformité avec l’article 27 de la Loi sur les cours fédérales. » Au fond, seule la Cour d’appel fédérale a le pouvoir de faire quoi que ce soit au sujet de cette décision.

 

[9]     Pour tous ces motifs, je conclus que la Cour ne peut faire droit à la requête de M. Breslaw et que cette requête doit donc être annulée pour absence d’intérêt.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, ce 22e jour de novembre 2004.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juillet 2005.

 

 

 

Sara Tasset


 

RÉFÉRENCE :

2004CCI401

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1740(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jon Breslaw et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

10 mai 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L’honorable Pierre Archambault

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

26 mai 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Claude Lamoureux

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

s.o.

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           M. Breslaw s’est aussi appuyé sur la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, en particulier les articles 24 et 32.1. Toutefois, ce texte n’est pas applicable aux instances de notre Cour parce que, selon l’article 55, il ne vise que les matières qui sont de la compétence législative du Québec.

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