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Dossier : 2003-3146(IT)I

ENTRE :

DEBBIE NADEAU,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 8 avril 2004 à Edmundston (Nouveau‑Brunswick)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Guy Décarie

 

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Edmundston, Nouveau-Brunswick, ce 22e jour de juin 2004.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2004CCI433

Date : 20040622

Dossier : 2003-3146(IT)I

ENTRE :

DEBBIE NADEAU,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     Il s'agit d'un appel d'une cotisation visant l'année d'imposition 2001. Le ministre du Revenu national (« ministre ») a réduit le crédit pour impôt étranger de l'appelante par un montant de 2 455 $. Cette somme représente des contributions qu'a fait cette dernière au Maine State Retirement System (« MSRS ») dans le cadre de son emploi.

 

[2]     L'appelante est une citoyenne américaine et une résidente canadienne aux fins de sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition en litige. Durant cette année d'imposition, elle était enseignante dans une école publique de l'État du Maine, aux États-Unis. Elle a gagné, durant l'année d'imposition en litige, un revenu de 32 104 $ en devises canadiennes de son travail et des revenus d'intérêts du Canada. Elle a aussi payé des contributions au MSRS. Le MSRS a été instauré afin d'octroyer aux employés et aux enseignants des écoles publiques de l'État du Maine certains bénéfices, dont un fonds de pension et des indemnités en cas d'invalidité et de décès. L'impôt fédéral dû sur les revenus provenant de son travail dans l'État du Maine, avant d'appliquer le crédit pour impôt étranger, est de 3 726,32 $.

 

[3]     Le litige porte sur la question de savoir si l'appelante a droit à un crédit pour impôt étranger pour le montant des contributions au MSRS. Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition en litige, le crédit pour impôt étranger réclamé par l'appelante comprenait l'impôt qu'elle avait payé sur ses revenus dans l'État du Maine et ses contributions au MSRS. La dernière cotisation émise par le ministre, soit celle du 28 octobre 2002, a réduit le montant du crédit pour impôt étranger par le montant des contributions de l'appelante au MSRS. Le montant d'impôt fédéral à payer en l'espèce est toutefois demeuré le même, puisque le crédit pour impôt étranger ne doit pas être plus élevé que l'impôt fédéral à payer sur les revenus étrangers. On ne peut se servir d'un crédit pour impôt étranger pour réduire l'impôt à payer sur des revenus de sources canadiennes, tels des revenus d'intérêt en l'espèce. L'appelante soutient que ses contributions au MSRS sont un impôt étranger et doivent donc être prises en considération.

 

[4]     Cet état de choses trouve sa source dans les dispositions de l'article 126 de la Loi de l'impôt sur le revenuLoi »), dont le but est d'éviter à un contribuable canadien une double imposition sur ses revenus gagnés à l'étranger. L'article 126 accorde donc à ce contribuable un crédit équivalent à l'impôt étranger qu'il a payé qu'il peut déduire de l'impôt à payer au Canada sur ce revenu. Ce crédit ne peut toutefois pas être supérieur à l'impôt calculé selon la fraction prévue à l'alinéa 126(1)b), afin d'éviter l'application du crédit pour impôt étranger à des impôts à payer sur ses revenus canadiens.

 

[5]     L'appelante soutient que ses contributions sont un impôt étranger et doivent donc être prises en considération. Il faut donc déterminer si les contributions de l'appelante au MSRS, dans le cadre de son emploi dans l'État du Maine, sont un impôt au sens de la Convention entre le Canada et les États‑Unis ou au sens de l'article 126 de la Loi, de sorte qu'elles donnent droit à une déduction pour impôt étranger. Les dispositions légales pertinentes sont les suivantes :

 

81(1)    Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

 

a)         une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

 

110(1)  Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[...]

 

f)          toute prestation d'assistance sociale payée après examen des ressources, des besoins ou du revenu et incluse en application de la division 56(1)a)(i)(A) ou de l'alinéa 56(1)u) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou toute somme dans la mesure où elle a été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, représentant, selon le cas :

 

(i)         une somme exonérée de l'impôt sur le revenu au Canada par l'effet d'une disposition de quelque convention ou accord fiscal avec un autre pays qui a force de loi au Canada,

 

126(1)  Déduction pour impôt étranger [crédit pour impôt étranger —revenu ne provenant pas d'entreprises]  — Le contribuable qui résidait au Canada à un moment donné d'une année d'imposition peut déduire de l'impôt payable par ailleurs par lui pour l'année en vertu de la présente partie une somme égale à :

 

a)         la partie de tout impôt sur le revenu ne provenant pas d'entreprises qu'il a payé pour l'année au gouvernement d'un pays étranger (sauf, lorsque le contribuable est une société, tout impôt, ou toute partie d'impôt, de ce genre qu'il est raisonnable de considérer comme ayant été payé par le contribuable relativement au revenu qu'il a tiré d'une action du capital‑actions d'une société étrangère affiliée lui appartenant) dont il peut demander la déduction;

 

cette somme ne peut toutefois dépasser :

 

b)         la fraction de l'impôt payable par ailleurs par lui pour l'année en vertu de la présente partie qui représente :

 

(i)         l'excédent éventuel du total des revenus admissibles du contribuable provenant de sources situées dans ce pays sur le total de ses pertes admissibles résultant de telles sources :

(A)       pour l'année, s'il réside au Canada tout au long de l'année,

(B)       pour la partie de l'année tout au long de laquelle il réside au Canada, s'il est un non‑résident à un moment de l'année,

 

à supposer :

(C)       qu'il n'ait exploité aucune entreprise dans ce pays,

(D)       lorsque le contribuable est une société, qu'il n'ait tiré aucun revenu d'actions du capital‑actions d'une société étrangère affiliée lui appartenant,

(E)       lorsque le contribuable est un particulier :

(I) qu'aucun montant n'ait été déduit en vertu du paragraphe 91(5) dans le calcul de son revenu pour l'année,

(II)       que, si le contribuable a déduit un montant en vertu du paragraphe 122.3(1) de son impôt payable par ailleurs pour l'année en vertu de la présente partie, son revenu tiré d'un emploi dans ce pays n'ait pas été tiré d'une source située dans ce pays, jusqu'à concurrence du moins élevé des montants déterminés à ce titre pour l'année en vertu des alinéas 122.3(1)c) et d),

 

par rapport :

 

(ii)        au total des montants suivants :

(A)       l'excédent éventuel du montant applicable suivant :

(I)        si le contribuable a résidé au Canada tout au long de l'année, son revenu pour l'année, calculé compte non tenu de l'alinéa 20(1)ww),

(II)       s'il a été un non-résident à un moment de l'année, le montant déterminé selon l'alinéa 114a) à son égard pour l'année,

sur :

(III)      le total des montants représentant chacun une somme déduite en application de l'article 110.6 ou de l'alinéa 111(1)b), ou déductible en application de l'un des alinéas 110(1)d) à d.3), f), g) et j) et des articles 112 et 113, dans le calcul de son revenu imposable pour l'année,

(B)       le montant ajouté en vertu de l'article 110.5 dans le calcul de son revenu imposable pour l'année.

 

126(7)  Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« impôt sur le revenu ne provenant pas d'une entreprise » S'agissant de l'impôt sur le revenu ne provenant pas d'une entreprise payé par un contribuable pour une année d'imposition au gouvernement d'un pays étranger, s'entend, sous réserve des paragraphes (4.1) et (4.2), de la fraction de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices qu'il a payé pour l'année au gouvernement de ce pays, qui remplit les conditions suivantes :

 

a)         elle n'a pas été incluse dans le calcul de l'impôt sur le revenu provenant d'entreprises du contribuable pour l'année, relativement à une entreprise exploitée par lui dans un pays étranger;

 

b)         elle n'était pas déductible en vertu du paragraphe 20(11) dans le calcul de son revenu pour l'année;

 

c)         elle n'a pas été déduite en vertu du paragraphe 20(12) dans le calcul de son revenu pour l'année.

 

Le terme ne vise toutefois pas un impôt ou la fraction d'un impôt :

 

c.1)      qui se rapporte à un montant déduit par l'effet du paragraphe 104(22.3) dans le calcul de l'impôt sur le revenu tiré d'une entreprise payé par le contribuable;

 

d)         qui n'aurait pas été payable si le contribuable n'avait pas été un citoyen de ce pays et qu'il n'est pas raisonnable de considérer comme étant attribuable à un revenu tiré d'une source située à l'étranger;

 

e)         qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant que toute autre personne ou toute société de personnes a reçu ou a le droit de recevoir de ce gouvernement;

 

f)          que, si le contribuable déduit une somme selon le paragraphe 122.3(1) de son impôt payable par ailleurs pour l'année en vertu de la présente partie, il est raisonnable de considérer comme se rapportant à son revenu d'emploi, à concurrence du moindre des montants déterminés à ce titre pour l'année en vertu de l'alinéa 122.3(1)c) ou d);

 

g)         qu'il est raisonnable d'attribuer à tout ou partie d'un gain en capital imposable au titre duquel le contribuable ou son époux ou conjoint de fait demande une déduction selon l'article 110.6;

 

h)         qu'il est raisonnable de considérer comme attribuable à un montant reçu ou à recevoir par le contribuable sur un prêt pour la période de l'année au cours de laquelle celui-ci était un prêt admissible au sens du paragraphe 33.1(1);

 

i)          qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application du sous-alinéa 110(1)f)(i) dans le calcul du revenu imposable du contribuable pour l'année.

 

Convention entre le Canada et les États‑Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (1980) :

 

Article II

 

2.         Nonobstant le paragraphe 1, les impôts existants le 17 mars 1995 auxquels la Convention s'applique sont :

 

[...]

 

b)         En ce qui concerne les États-Unis, les impôts fédéraux sur le revenu prévus par l'Internal Revenue Code de 1986. Toutefois la Convention s'applique :

 

[...]

 

(iii)       Aux impôts de sécurité sociale des États-Unis, dans la mesure, et uniquement dans la mesure, nécessaire pour mettre en oeuvre les dispositions du paragraphe 2 de l'article XXIV (Élimination de la double imposition) et du paragraphe 4 de l'article XXIX (Dispositions diverses); et [...]

 

Article III

 

1.         Au sens de la présente Convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente :

 

d)         L'expression « impôt des États-Unis » désigne les impôts visés à l'article II (Impôts visés), autres que ceux visés aux alinéas b)(i) à (iv) du paragraphe 2 dudit article, qui sont prélevés sur les revenus par les États-Unis;

 

Article XV

 

1.         Sous réserve des dispositions des articles XVIII (Pensions et rentes) et XIX (Fonctions publiques), les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

 

Article XXIV

 

2.         En ce qui concerne le Canada, sous réserve des dispositions des paragraphes 4, 5 et 6, la double imposition est évitée de la façon suivante.

 

a)         Sous réserve des dispositions de la législation canadienne concernant l'imputation de l'impôt payé dans un territoire en dehors du Canada sur l'impôt canadien dû et de toute modification ultérieure de ces dispositions qui n'en affecterait pas le principe général,

 

(i)         L'impôt sur le revenu payé ou dû aux États‑Unis à raison de bénéfices, revenus ou gains provenant des États‑Unis, et

(ii)        Dans le cas d'une personne physique, les cotisations de sécurité sociale payées aux États‑Unis (autres que les cotisations concernant les prestations d'assurance‑chômage) par cette personne physique sur ces bénéfices, revenus ou gains,

 

sont portés en déduction de tout impôt canadien dû à raison des mêmes bénéfices, revenus ou gains;

 

7.         Au sens du présent article, toute mention d'« impôts sur le revenu payés ou dus » à un État contractant comprend l'impôt canadien et l'impôt des États‑Unis, selon le cas, et les impôts d'application générale qui sont payés ou dus à une subdivision politique ou à une collectivité locale de cet État, qui ne sont pas perçus par cette subdivision politique ou collectivité locale d'une manière non conforme aux dispositions de la Convention et qui sont de nature analogue à l'impôt canadien ou à l'impôt des États-Unis, selon le cas.

 

Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, L.C. 1984, ch. 20 :

 

3(2)      Les dispositions de la présente loi et la Convention l'emportent sur les dispositions de toute autre loi.

 

Title 5, Part 20: Maine State Retirement System Act, P.L. 1985, c. 801 :

 

§ 17 050  It is the intent of the Legislature to encourage qualified persons to seek public employment and to continue in public employment during their productive years. It is further the intent of the Legislature to assist these persons in making provision for their retirement years by establishing benefits reasonably related to their highest earnings and years of service and by providing suitable disability and death benefits.

 

§ 17 651  All employees shall become members of the retirement system as a condition of their employment.

 

§ 17 701‑B  Notwithstanding sections 17701 and 17701‑A, on and after July 1, 1993 all members shall contribute to the retirement system or have pick‑up contributions made at a rate of 7.65% of earnable compensation except as otherwise provide in this Part.

 

§ 18 056 [...] Life insurance and accidental death and dismemberment insurance, to be known as "basic insurance", shall be available to all eligible participants. [...]

 

[6]     Le représentant de l'appelante a concédé lors de son argumentation que les contributions ne sont pas sujettes aux dispositions de la Convention, notamment le paragraphe 2 de l'Article XXIV de la Convention. Ce paragraphe fait en sorte que le Canada évite la double imposition en accordant une déduction de « l'impôt sur le revenu payé ou dû aux États‑Unis  à raison de bénéfices, revenus ou gains provenant des États‑Unis » et aussi des « cotisations de sécurité sociale payées aux États‑Unis » par le contribuable sur tout impôt canadien dû relativement aux mêmes sources de revenus. Quoique le représentant n'a pas précisé le motif de cette concession, j'assume qu'il en conclut que les contributions ne constituent pas un impôt de « sécurité sociale » et qu'il s'agit en l'espèce de contributions servant plutôt à financer un fonds de retraite et d'indemnité pour les enseignants de l'État du Maine et les employés de l'État.

 

[7]     Le représentant de l'appelante a affirmé, sans preuve à l'appui, que le MSRS de l'État du Maine remplace le programme fédéral américain du social security, et qu'à ce titre, il pourrait s'agir d'un impôt de sécurité sociale. Je tiens à préciser que l'objectif du MSRS, selon l'article 17050 des lois du Maine, précité, est d'encourager les citoyens de l'État du Maine à travailler pour l'État en établissant les modalités d'un fonds de pension et d'indemnisation en cas de décès ou d'accident. Il ne s'agit pas d'un programme social dont le financement est assuré par un « impôt de sécurité sociale ».

 

[8]     Le représentant de l'appelante a principalement fondé son argument sur le fait que même si ces contributions ne sont pas sujettes à la Convention entre le Canada et les États‑Unis, leur déductibilité est possible en vertu de la définition d'un « impôt sur le revenu ne provenant pas d'une entreprise » que l'on retrouve au paragraphe 126(7) de la Loi, précité. Une déduction pour impôt étranger est admissible relativement aux montants qui n'ont pas déjà fait l'objet d'une déduction en vertu de certaines dispositions de la Loi et qui ont été payés par le contribuable au gouvernement d'un pays étranger.

 

[9]     La Cour suprême du Canada a énoncé les caractéristiques essentielles pour qu'une somme d'argent prélevée par l'État puisse être qualifiée d'impôt aux fins de la Loi. En inspirant de l'arrêt Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] R.C.S. 357, la Cour suprême a écrit dans l'arrêt Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565, [2000] 1 C.T.C. 284 :

 

15        Notre Cour s'est penchée sur la question de savoir si une somme donnée constitue une taxe ou des frais dans l'arrêt Lawson, précité. Le juge Duff a conclu, au nom de la majorité, que la somme en question était une taxe parce qu'elle était : (1) exigée par la loi, (2) imposée sous l'autorité de la législature, (3) perçue par un organisme public, (4) pour une fin d'intérêt public.

 

[...]

 

19        Les sommes requises pour l'homologation satisfont également au quatrième critère distinctif d'une taxe énoncé dans l'arrêt Lawson, puisqu'elles sont perçues pour une fin d'intérêt public. La Commission de réforme du droit de l'Ontario a conclu, en 1991, qu'il était difficile de dégager les principes justifiant l'application de frais d'homologation ad valorem, et que [Traduction] « [l]e seul fondement du barème de frais progressifs semble être qu'on y a vu un moyen approprié de générer des recettes » (Report on Administration of Estates of Deceased Persons, à la p. 286).

 

20        Ces conclusions sont étayées par des éléments de preuve présentés à notre Cour qui démontrent que les frais d'homologation ne produisent pas « accessoirement » des recettes générales additionnelles, mais au contraire visent précisément cet objectif. Les recettes tirées des frais d'homologation sont affectées à une fin d'intérêt public, soit le financement des coûts de l'administration des tribunaux en général, et ils ne servent pas seulement à couvrir les coûts de délivrance des lettres d'homologation.

 

21        Il est un autre facteur qui permet généralement de distinguer des frais d'une taxe : il doit y avoir un rapport entre la somme exigée et le coût du service fourni pour que cette somme soit considérée valide au regard de la Constitution : voir l'ouvrage de G. V. La Forest, The Allocation of Taxing Power Under the Canadian Constitution (2e éd. 1981), à la p. 72. Ce rapport a également été jugé pertinent pour déterminer la nature de la redevance municipale dans Allard Contractors, précité. Dans cette affaire, la Cour a examiné la question de savoir si une taxe indirecte levée par une province avait été validement établie en tant que mesure accessoire d'un champ de compétence provinciale. Examinant le rapport entre la somme perçue et le service visé, le juge Iacobucci a dit ceci (aux pp. 411 et 412) :

 

[...]

 

22        Lorsqu'ils sont appelés à statuer sur l'existence de ce rapport, les tribunaux n'exigent pas que la somme demandée corresponde précisément au coût du service fourni. Dans la mesure où il existe un rapport raisonnable entre le coût du service fourni et la somme exigée, cela suffit. La preuve produite dans le présent pourvoi ne révèle aucune corrélation entre la somme exigée pour la délivrance des lettres d'homologation et le coût de la prestation de ce service. Il ressort clairement de l'exposé conjoint des faits que les procédures suivies pour la délivrance de lettres d'homologation ne varient pas en fonction de la valeur de la succession. Même si le coût de délivrance des lettres d'homologation n'a aucun rapport avec la valeur de la succession, la somme exigée varie directement en fonction de cette valeur. Il en résulte donc une absence de rapport entre le coût du service et la somme exigée pour celui-ci, ce qui indique que cette somme constitue une taxe et non des frais.

 

[10]    L'auteur Vern Krishna, dans son livre intitulé « The Fundamentals of Canadian Income Tax », à la page 8, nous rappelle ce qui suit :

 

A tax system, however, can be used for more than financing public sector goods and services. It can be used and is also used to implement socio‑economic and political policies.

 

[11]    En l'espèce, les contributions de l'appelante au MSRS satisfont aux trois premiers critères de l'arrêt Succession Eurig (Re), en ce sens qu'il y a une loi habilitante, que la somme est imposée sous l'autorité de la législature et qu'elle est perçue par un organisme public, soit l'État du Maine. La difficulté que pose les contributions sont en vertu du dernier critère visant une fin d'intérêt public. Comme je l'ai déjà indiqué, le MSRS est un fonds de retraite et d'indemnité pour les enseignants et les employés de l'État du Maine seulement et son objectif vise à encourager les citoyens de cet État à travailler pour l'État en établissant ces bénéfices. Les contributions ne sont donc pas imposées pour une fin d'intérêt public, c'est‑à‑dire afin de générer des revenus pour l'État. Les contributions, à mon avis, ne constituent pas un impôt au sens de l'article 126 de la Loi et ne doivent pas être incluses dans la déduction pour impôt étranger. Le ministre a donc correctement établi la cotisation de l'appelante.


 

[12]    L'appel est donc rejeté.

 

 

Signé à Edmundston, Nouveau-Brunswick, ce 22e jour de juin 2004.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI433

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3146(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Debbie Nadeau et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmundston (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 8 avril 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :

le 22 juin 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Guy Decarie (représentant)

 

Pour l'intimée :

Me Claude Lamoureux

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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