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Dossier : 2003-3095(GST)G

ENTRE :

JEAN-CLAUDE BERGER,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 7 et 8 juin 2004 à Québec (Québec).

 

Devant : L'honorable Alban Garon, juge en chef

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Paul Larochelle

 

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 27 mai 2002 et portant le numéro PQ-2002-6489, est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'août 2004.

 

 

 

«Alban Garon»

Juge en chef Garon

 


 

 

 

 

 

 

 

Référence : 2004CCI542

Date : August 04, 2004

Dossier : 2003-3095(GST)G

ENTRE :

JEAN-CLAUDE BERGER,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Garon

 

 

[1]     Il s'agit d'un appel d'une cotisation du 27 mai 2002 d'un montant de 21 542,84 $ émise en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, portant sur la période de février 1998 à mai 2000. Selon l'intimée, l'appelant n'aurait pas agi en sa qualité d'administrateur de la société 9046-4264 Québec Inc. (« société 9046 ») avec le degré de soin, de diligence et de compétence raisonnable pour prévenir le manquement de la société 9046 à son obligation de remettre au fisc les montants requis au titre de la taxe sur les produits et services.

 

[2]     La société 9046 a été constituée le 5 février 1997 en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec. À compter d'avril 1997, elle a exercé le commerce d'entretien et réparation de véhicules et a exploité une station de service. À l'époque pertinente, l'entreprise de la société était connue sous le nom de Garage Philippe Cloutier (« Garage Cloutier »).

 

[3]     Les deux seuls actionnaires de la société 9046 étaient madame Lise Gosselin et monsieur Paul Couture; chacun d'eux possédait 50% de la totalité des actions de ladite société. Cette société avait trois administrateurs soit ses deux actionnaires monsieur Couture et madame Gosselin et l'appelant, qui était le conjoint de cette dernière depuis 1990.

 

[4]     La société 9046 avait des liens étroits avec la société 9005-2200 Québec Inc. (« société 9005 »). Cette dernière société ne compte que deux administrateurs, à savoir l'appelant qui est vice-président et madame Gosselin qui est présidente. Cette dernière est la seule actionnaire de la société 9005. Cette société a sa place d'affaires dans les locaux de l'Atelier de pneus Montmagny. La société 9005 détenait toutes les actions d'Atelier de pneus Montmagny Ltée.

 

[5]     Il importe en premier lieu de décrire le rôle de madame Gosselin, de monsieur Cloutier et de façon toute particulière celui de l'appelant au sein de la société 9046.

 

[6]     Madame Gosselin s'est décrite comme une femme d'affaires. Elle avait possédé un commerce de vêtements et de chaussures de 1970 à 1990. En 1994, elle acquérait par l'intermédiaire de la société 9005 toutes les actions d'une société dont le commerce portait le nom Atelier de pneus Montmagny.

 

[7]     Monsieur Couture était sans emploi au moment de l'acquisition par la société 9046 de l'entreprise du Garage Cloutier. En plus d'être administrateur, il était vice-président de la société 9046. C'est lui qui avait la direction des opérations courantes du Garage Cloutier. Il effectuait lui-même des travaux manuels et surveillait les employés de ce garage. Comme il appert de la clause (b) ci-après reproduite de la convention des actionnaires en date du 11 avril 1997, monsieur Couture était le gérant de cette entreprise. C'est lui qui transigeait avec les fournisseurs. Par son entremise, la société 9046 a notamment acheté pour les fins de son entreprise des pneus de l'Atelier de pneus Montmagny. Ces achats étaient facturés au Garage Cloutier.

 

[8]     Monsieur Paul Couture s'est décrit comme un journalier; il avait atteint sur le plan de l'instruction le niveau de secondaire IV. Il avait normalement sous sa direction deux employés et occasionnellement un troisième employé. Il a confirmé que l'appelant ne travaillait pas au Garage Cloutier mais était occupé à plein temps à l'Atelier de pneus Montmagny. Les travaux de nature comptable de la société 9046 s'effectuaient sur les lieux de l'Atelier de pneus Montmagny. La documentation pertinente relative aux opérations courantes du garage était remise par monsieur Couture à l'appelant lorsqu'il venait s'approvisionner en essence au Garage Cloutier. Monsieur Couture a témoigné que c'était lui qui a fait tous les dépôts bancaires d'avril 1997 à décembre 1999 relativement à l'entreprise de la société 9046 comme cela est attesté par sa signature de tous les bordereaux de dépôt souscrits durant cette période. Les chèques émis par la société 9046 devaient comporter obligatoirement la signature de monsieur Couture et une deuxième signature, soit celle de l'appelant, soit celle de madame Gosselin.

 

[9]     Monsieur Couture traitait avec l'appelant lorsqu'il s'agissait de questions majeures concernant l'exploitation du Garage Cloutier. Selon ce dernier, les déclarations de taxes étaient signées par madame Gosselin ou l'appelant et peut-être par lui-même en cas d'absence de l'appelant et de madame Gosselin. Monsieur Couture a affirmé que c'était l'appelant qui prenait les décisions d'affaires concernant la société. Monsieur Couture a cessé d'être administrateur le 23 décembre 1999. Ce dernier a indiqué avoir remboursé en 1997 à la société 9046 des dépenses personnelles que cette dernière avait payées alors que les relations entre monsieur Couture d'une part et l'appelant et madame Gosselin d'autre part étaient bonnes. Lors du contre-interrogatoire, il a été mis en preuve que monsieur Couture avait plaidé coupable à certaines infractions criminelles au cours des années 1997 et 1998. Monsieur Couture a aussi mentionné qu'il a été informé par le ministre du Revenu du Québec dans une lettre du 18 avril 2002 que ce dernier ministère envisageait de le cotiser en sa qualité d'administrateur de la société 9046 étant donné le défaut de cette dernière de faire certaines remises de taxes. Par sa lettre en date du 26 avril 2002 à madame Josée Perrault de Revenu Québec, monsieur Couture a réussi à persuader les autorités fiscales de ne pas donner suite à leurs intentions d'émettre une cotisation à son endroit.

 

[10]    Une convention d'actionnaires en date du 11 avril 1997 régissait les relations entre monsieur Paul Couture et madame Lise Gosselin. Deux clauses de cette convention sont d'un certain intérêt. Elles se lisent comme suit :

 

1 – BUT GÉNÉRAL

 

[...]

 

            b) Les actionnaires s'engagent à mettre leurs talents et leurs ressources au service de la compagnie; Paul Couture s'engage à agir comme gérant d'entreprise et employé jusqu'au 30 avril 2002, sa rémunération sera de vingt-cinq mille dollars (25,000.00 $) par année répartie hebdomadairement, révisable à la hausse par les actionnaires en fonction de l'augmentation des bénéfices de l'entreprise et comprendra, tant et aussi longtemps qu'il demeurera gérant de l'entreprise, l'allocation d'un véhicule ou du coût de location d'un véhicule (environ 6,000.00 $ par année), une allocation de dépenses automobile de deux mille cinq cents dollars (2,500.00 $) par année et des frais de représentation jusqu'à concurrence de deux mille cinq cents dollars (2,500.00 $) par année sur production de pièces justificatives en ce qui a trait aux dépenses.

 

[...]

 

            La comptabilité de la compagnie sera effectuée sous la supervision de la personne morale 9005-2200 Québec Inc. dont la place d'affaire est au 266 rue St-Ignace, Montmagny (Québec) G5V 1S7 et ce, jusqu'à ce qu'il soit jugé opportun par les administrateurs qu'elle soit effectuée à la principale place d'affaires de la compagnie.

 

[11]    Quant à l'appelant, il ne travaillait pas au Garage Cloutier, comme il a été mentionné auparavant. Il était gérant d'un garage de vente de pneus, l'Atelier de pneus Montmagny, dont il vient d'être question.

 

[12]    En ce qui concerne son rôle dans la gestion des affaires de la société 9046, ce dernier a d'abord souligné que c'est à la suggestion du notaire qu'il a été désigné administrateur et secrétaire de cette société. Il affirme catégoriquement qu'il n'avait jamais investi dans la société 9046 et n'avait aucun intérêt financier dans cette société. Il n'a pas été rémunéré pour ses services comme administrateur ou à tout autre titre. L'appelant a toutefois prêté en 1999 la somme de 20 000 $ à madame Gosselin qui a utilisé ces fonds pour financer certaines opérations de la société 9046.

 

[13]    Lors de son témoignage, l'appelant a déclaré qu'il était vendeur de pneus depuis 1964. Il possédait une scolarité de neuvième année. Il n'a jamais été propriétaire d'un commerce. Il était un ami de monsieur Couture. Il se rendait au Garage Cloutier durant les années pertinentes pour faire le plein, rien de plus. Il a affirmé qu'il n'a pas participé aux réunions d'affaires concernant l'exploitation du Garage Cloutier. Toutefois, il a, à l'occasion, accompagné sa conjointe, madame Gosselin à ces réunions. Il a aussi accompagné monsieur Couture lors d'une réunion de négociations avec l'U.A.P. alors qu'il était question d'une franchise pour fourniture de pièces. L'appelant a aussi communiqué, à la demande de madame Gosselin, avec le ministère du Revenu du Québec concernant des questions relatives à la TPS. Il ne se souvient pas s'il a souscrit des chèques pour le compte de la société 9046 mais il ajoute plus tard que si cela s'est produit, il en aurait signé un ou deux. L'appelant n'a pu préciser le moment où il a appris que des remises de taxes n'avaient pas été effectuées par la société 9046 mais c'était un certain temps avant les transactions du 23 et 24 décembre 1999 qui seront décrites ci-après.

 

[14]    L'appelant a reconnu qu'il avait apposé sa signature à différents documents qui avaient trait à l'exploitation du commerce de la société 9046, y compris ceux relatifs à la constitution de la société 9046 et à des déclarations de taxes mais c'était, selon lui, à la demande de son épouse, madame Lise Gosselin, lorsqu'elle était absente et dans certains cas à la demande de la secrétaire au bureau de l'Atelier de pneus Montmagny. Le nom de l'appelant est mentionné comme administrateur et dépositaire des livres de la société 9046 dans la déclaration fiscale de la société pour l'exercice financier se terminant le 31 janvier 1999. Cette déclaration avait été préparée par la firme Mallette Maheu. C'est également l'appelant qui a certifié à la Caisse populaire la teneur du règlement relatif aux emprunts et aux garanties de la personne morale ainsi qu'un document intitulé « Résolution et attestation concernant l'administration d'une personne morale ». Il est fait mention dans ce dernier document que la signature du vice-président, en l'occurrence monsieur Couture, doit toujours y figurer.

 

[15]    Quant à la marge de crédit s'élevant à 50 000 $ accordée à la société 9046, il n'y a eu aucun engagement de la part de l'appelant. Les co-signataires et cautions étaient monsieur Paul Couture et madame Lise Gosselin. L'appelant n'avait pas non plus contracté d'obligations à l'égard des fournisseurs.

 

[16]    Il a été aussi question de taxes non remises à l'égard de l'achat par madame Julie Ouellette, la conjointe de monsieur Couture, d'un camion de type pick-up de la société 9046. Les initiales de l'appelant ont été apposées au contrat de vente en question. Selon l'appelant, madame Gosselin n'a pas perçu les taxes à l'égard de cette transaction et évidemment n'a pas pu faire de remises.

 

[17]    Il a été aussi mis en preuve que certaines factures payées par la société 9046 représentaient des dépenses personnelles de monsieur Couture. Je me réfère en particulier à l'acquisition d'un treuil, à certains travaux de rénovation à sa résidence et à l'achat de vêtements pour hommes. La résidence de monsieur Couture était en face de celle de l'appelant. Ce dernier a pu se rendre compte que certains travaux avaient été faits à la résidence de monsieur Couture. La société 9046 n'a fait aucune démarche, ni pris aucune mesure pour obtenir le remboursement de ces dépenses. Madame Gosselin a affirmé qu'elle s'est rendue compte que ces dépenses personnelles avaient été faites par monsieur Couture qu'après un examen des livres comptables et de certains autres documents de la société 9046 quelque temps après que monsieur Couture eut cessé d'être actionnaire. Pour sa part, ce dernier a témoigné que c'est à la suggestion de l'appelant qu'il a facturé certaines dépenses de nature personnelle à la société 9046 au motif que la société pourrait ainsi payer moins d'impôt. Les montants en jeu relatifs à ces dépenses étaient d'environ 2 000 $. Des explications ont été demandées à madame Gosselin concernant son affirmation que des dépenses personnelles ont été payées par la société 9046 au bénéfice de monsieur Couture sans qu'elle le sache. Elle a répondu qu'elle signait les chèques sans se référer aux factures.

 

[18]    Il y a lieu de voir comment et par qui étaient effectués au sein de la société 9046 les travaux de nature comptable.

 

[19]    C'est madame Fabienne Leblanc qui effectuait la tenue de livres pour la société 9046 à compter du début des opérations de la société jusqu'à sa démission en juin 1999. Elle préparait les documents pour les remises de taxes à partir des pièces justificatives et renseignements fournis par monsieur Couture. En quelques occasions, c'est l'appelant qui a signé les bordereaux de remises au Gouvernement. Ces travaux de nature comptable étaient accomplis dans les locaux de l'Atelier des pneus Montmagny. C'est également madame Leblanc qui faisait la tenue de livres pour l'entreprise Atelier de pneus Montmagny. À partir de juillet 1999, c'est madame Julie Ouellette, la conjointe de monsieur Couture, comme je l'ai déjà mentionné, qui a remplacé madame Leblanc et ce, pendant une période d'environ six semaines. Durant la période du 1er juillet 1999 au 24 décembre 1999, les remises de taxes ont été faites soit par madame Ouellette soit par monsieur Couture. Après le départ de madame Leblanc en juin 1999, c'est monsieur Patrice Roy, un comptable qui a fait, chaque mois, les remises concernant les déductions à la source de la société 9046 et à tous les trois mois celles relatives à la TPS et la TVQ. D'autre part, madame Gosselin dépose qu'elle ne savait pas avant juillet 2000 que certaines remises n'avaient pas été faites.

 

[20]    L'appelant a expliqué que monsieur Couture, à l'automne 1999, désirait mettre fin avant la fin de l'année en question à son association avec l'appelant et madame Gosselin dans l'entreprise de la société 9046. Selon l'appelant, monsieur Couture voulait ainsi réclamer, en rapport avec l'année 1999, la déduction de ses pertes relatives à son investissement dans la société 9046. Cette dernière était en mauvaise santé financière en raison particulièrement de la guerre des prix de l'essence. Monsieur Couture voulait aussi libérer les cautions de leur engagements à l'égard de la Caisse populaire Desjardins de Montmagny.

 

[21]    Le 24 décembre 1999, monsieur Paul Couture vendait à madame Gosselin pour 1 $, 50 000 actions, soit toutes les actions qu'il détenait dans le capital actions de la société 9046. Cet acte de vente d'actions avait été précédé par un autre acte intitulé « Convention de transaction » en date du 23 décembre 1999 qui est intervenu entre monsieur Paul Couture et madame Lise Gosselin. La clause 7 de cette convention fut l'objet d'une mention spéciale par les parties; elle est ainsi formulée :

 

7/         Le cédant autorise par ailleurs à ce que la compagnie utilise spécialement au remboursement des avances par Jean-Claude Berger (20 000 $) au remboursement des avances par Atelier de Pneus Montmagny (10 000 $) et au paiement de la créance due à Atelier de Pneus Montmagny pour fournitures (30 000 $), le produit du remboursement du capital du billet de 50 000 $ dû par 9027-9068 Québec Inc. à la compagnie et portant intérêt au taux de deux pour cent (2%) l'an et signé le 11 avril 1997 de même qu'aux intérêts dus sur l'autre billet de la même date au montant originaire de 100 000 $ et portant intérêt au taux de quatre pour cent (4%).

 

                                                                   (Pièce I-1, onglet 14.)

 

[22]    La société 9046 a cessé l'exploitation du Garage Cloutier le 31 janvier 2001.

 

[23]    Madame Line Dufresne, une technicienne en vérification fiscale à Revenu Québec dont c'était la tâche de communiquer avec les entreprises qui ne produisent pas les rapports de taxes ou ne font pas les retenues à la source, a pris contact avec la société 9046 à ce sujet et a d'abord rejoint monsieur Couture qui lui a affirmé qu'on donnerait suite à cet appel. C'est madame Leblanc qui par la suite a indiqué que c'est l'appelant qui allait traiter des questions de remises de taxes. C'est ce que l'appelant fit le 19 juillet 1999 et c'est à lui que madame Dufresne mentionna que le rapport relatif à la TVQ et TPS pour janvier 1999 n'avait pas été produit. L'appelant a expliqué que la société 9046 avait un problème de liquidité et qu'un paiement sera effectué plus tard. Il y a lieu de noter que madame Dufresne ne s'est pas entretenue avec madame Gosselin au sujet des demandes de renseignements concernant les rapports et remises de taxes.

 

[24]    Madame Johanne Doré, qui n'était plus une employée du ministère du Revenu du Québec au moment de l'audition de cet appel, mais qui était, à l'époque pertinente, au service de ce ministère, a procédé en juin 2000 à la vérification fiscale de la société 9046 pour la période de mars 1997 à avril 2000. Elle a constaté qu'il y avait des trous dans les données comptables et n'a pas pu parler à madame Leblanc qui n'était plus une employée des sociétés 9046 et 9005. Elle déclare avoir communiqué avec l'appelant et madame Gosselin pour obtenir les renseignements qui manquaient. Elle a affirmé que l'appelant connaissait mieux que madame Gosselin les détails concernant les relations d'affaires entre la société 9046 et Pétro-Canada durant les années pertinentes. Elle s'est assurée auprès de Pétro‑Canada de la fiabilité des renseignements fournis par l'appelant. Elle a en outre ajouté qu'elle a présenté son projet de cotisation à madame Gosselin et à l'appelant leur donnant 21 jours pour faire connaître leurs observations. C'est l'appelant lui‑même qui a discuté avec elle par téléphone à plusieurs reprises du projet de cotisation. Madame Gosselin n'a pas traité avec madame Doré concernant ce projet de cotisation. L'appelant a été le seul à le faire. Elle a aussi affirmé qu'elle a tenté de rejoindre monsieur Couture au sujet de ce même projet de cotisation mais sans succès. Elle s'est référée à l'appelant et à madame Gosselin dans le cadre de sa vérification. Elle n'était pas en mesure de déterminer lequel de madame Gosselin ou de l'appelant lui a fourni le plus de renseignements. Madame Doré a aussi discuté de ce projet de cotisation avec monsieur Patrice Roy, un comptable retenu par la société 9046.

 

[25]    Du témoignage de madame Perrault, il ressort que c'est l'appelant qui a négocié l'accord sur les modalités de paiement avec Revenu Québec concernant la cotisation qui est en litige.

 

[26]    La société 9046 n'a pas contesté les cotisations concernant les sommes non remises au fisc concernant la TPS.

 

Analyse

 

[27]    À la lumière de ces faits, il faut d'abord déterminer si l'appelant était administrateur de la société 9046 durant la période en cause.

 

[28]    Tout d'abord, on doit se référer à la déclaration initiale de la société 9046 en date du 21 mars 1997 où il est nettement indiqué que cette société avait trois administrateurs, dont l'appelant lui-même en plus de madame Gosselin et de monsieur Couture. La déclaration modificative d'une personne morale aussi en date du 21 mars 1997 qui fut produite par cette société mentionne de nouveau l'appelant comme administrateur. La partie « ajout » du document fait aussi voir que l'appelant est secrétaire de la société 9046 par l'utilisation de la mention « SE ». Ces deux documents ont été certifiés par l'appelant lui-même peu de temps avant que la société 9046 commence son exploitation. La société 9046 fit parvenir au ministère concerné une deuxième déclaration modificative en date cette fois du 18 avril 1997. L'ajout « Garage Philippe Cloutier » figurant dans cette déclaration est également signé par l'appelant.

 

[29]    À l'égard de la question de savoir si l'appelant était administrateur de la société 9046, il faut tenir compte de l'article 62 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, qui se lit en partie comme suit :

 

            Les informations relatives à chaque assujetti font preuve de leur contenu en faveur des tiers de bonne foi à compter de la date où elles sont inscrites à l'état des informations. Les tiers peuvent contredire les informations contenues dans une déclaration par tous les moyens.

 

Ces informations sont les suivantes :

 

...

 

60 le nom et le domicile de chaque administrateur avec mention de la fonction qu'il occupe.

 

[30]    De ce qui précède, il ressort clairement que l'appelant était l'un des administrateurs de la société 9046. L'appelant n'a jamais prétendu que son nom avait été apposé à la déclaration requise en vertu de la Loi sur les compagnies du Québec sans son consentement. Le fait qu'il pouvait ne pas connaître tous les éléments de la responsabilité inhérente au poste d'administrateur d'une société par actions n'empêche pas qu'il soit devenu en droit administrateur de la société 9046. À ce sujet, le paragraphe 8 de « l'Avis d'appel amendé » comporte une certaine ambiguïté; il se lit comme suit :

 

8.         L'appelant, a été nommé secrétaire de la corporation à la demande du notaire qui a constitué la compagnie au motif qu'il devait y avoir trois (3) administrateurs.

 

[31]    L'appelant était donc bel et bien administrateur de la société 9046 durant la période en litige. La preuve est concluante à ce sujet.

 

[32]    En outre, la preuve démontre que l'appelant a été mêlé de près à la gestion de la société 9046. Par exemple, c'est l'appelant qui a signé le formulaire de la Caisse populaire Desjardins intitulé « Règlement relatif aux emprunts et aux garanties de la personne morale » pour le compte de la société 9046 (pièce I-1, onglet 8). Il a aussi apposé sa signature le 1er avril 1997 à la « Résolution et attestation concernant l'administration d'une personne morale », un document émanant également de la Caisse populaire Desjardins (pièce I-1, onglet 9). Deux déclarations de taxes de la société 9046 portant des dates en juin et en août 1999 ont été signées par l'appelant (pièce I-1, onglet 10). Le nom de l'appelant figure également sur un document relatif à la vente par la société 9046 d'un camion à madame Ouellette le 1er décembre 1999 (pièce I-1, onglet 12). Le 24 décembre 1999, l'appelant a également souscrit à un autre formulaire de la Caisse populaire Desjardins « Résolution et attestation concernant l'administration d'une personne morale » (pièce I-1, onglet 13).

 

[33]    Il a été aussi démontré qu'au surplus l'appelant a joué un rôle important en certaines occasions concernant l'entreprise de la société 9046. En effet, c'est l'appelant qui a expliqué à la représentante de Revenu Québec la nature des arrangements relativement complexes conclus entre l'appelant et Pétro-Canada au sujet de certains paiements faits par cette dernière, madame Gosselin étant incapable de fournir les renseignements adéquats sur ce sujet. Des explications sur l'escompte de volume accordé par Pétro-Canada à la société 9046 ont été données par l'appelant à la représentante de Revenu Québec. On peut se reporter au témoignage de madame Dufresne qui affirme que l'appelant a communiqué avec elle en juillet 1999 pour l'informer que la société 9046 avait un problème de liquidité et qu'un paiement sera effectué plus tard par cette dernière. On peut aussi se référer à la déposition de madame Doré selon laquelle l'appelant a été le seul à avoir eu plusieurs discussions avec la représentante de Revenu Québec au sujet du projet de cotisation de la société 9046. Comme l'a bien indiqué l'avocat de l'intimée, il a eu plusieurs interventions de la part de l'appelant concernant la gestion des affaires de la société 9046.

 

[34]    Somme toute, je conclus que l'appelant a minimisé son rôle au sein de la société 9046. Contrairement à ce qu'il a affirmé, il a joué un rôle actif touchant la marche des affaires de la société en question. Il a été mêlé aux principaux événements de cette société, surtout ceux d'ordre financier durant la période pertinente.

 

[35]    De l'ensemble de la preuve je conclus que l'appelant était administrateur de la société 9046 et que sa situation est plutôt celle d'un administrateur interne selon la définition qui a été articulée dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124.

 

[36]    Étant d'avis que l'appelant était administrateur de la société j'en suis venu à la conclusion que l'appelant n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir le non-paiement de la taxe sur les produits et services pour les périodes en jeu.

 

[37]    Tout d'abord, en vertu de la convention d'actionnaires intervenue entre monsieur Couture et madame Gosselin en date du 11 avril 1997, la surveillance des opérations comptables de la société 9046 était confiée à la société 9005 dont la place d'affaires était située à l'Atelier de pneus Montmagny où travaillait l'appelant sur une base permanente durant la période en cause. En outre, l'appelant était l'un des deux administrateurs de la société 9005, l'autre administrateur étant le conjoint de l'appelant, madame Gosselin. Selon le témoignage de madame Dufresne, il était au moins au courant en juillet 1999 qu'un rapport de remise de taxes pour le mois de janvier 1999 n'avait pas été fait. Il savait que la société 9046 avait un problème de liquidité.

 

[38]    Étant donné sa connaissance des opérations et activités de la société 9046, il est plus que probable qu'il savait que la société 9046 n'avait pas fait les remises de taxes depuis un certain temps. Le contraire me paraît invraisemblable. À tout le moins, il aurait pu s'enquérir de la situation au sujet de la remise des taxes, particulièrement la TPS en prenant les dispositions voulues à ce sujet. Dans les circonstances, l'appelant n'aurait pas eu à déployer beaucoup d'efforts pour s'assurer que les paiements requis étaient effectués aux autorités fiscales concernées. Par exemple, il aurait pu communiquer avant juillet 1999 avec madame Fabienne Leblanc (responsable de la tenue de livres de la société 9046) qui était sur les lieux-mêmes de l'Atelier de pneus Montmagny où l'appelant exerçait son emploi de vendeur de pneus durant la période pertinente.

 

[39]    Il est vrai que l'appelant avait un niveau d'instruction peu élevé mais il avait quand même une certaine expérience des affaires. Il n'est pas contesté que la norme de conduite posée par le paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise est partiellement subjective. Voir l'arrêt Soper précité où une disposition semblable de la Loi de l'impôt sur le revenu a été l'objet de commentaires élaborés de la part de la Cour d'appel fédérale.

 

[40]    Eu égard à l'ensemble des circonstances de cette affaire, je conclus que l'appelant n'a pas agi avec le degré de soin, de diligence et de compétence requis par la Loi sur la taxe d'accise.

 

[41]    Je suis donc d'avis que la cotisation du ministre du Revenu national est bien fondée.

 

[42]    Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'août 2004.

 

 

 

 

 

 

« Alban Garon »

Juge en chef Garon

 

 


 

 

 

No DE RÉFÉRENCE :                        2004CCI542

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-3095(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jean-Claude Berger et

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 7 et 8 juin 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :       L'honorable juge en chef Alban Garon

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :                       Me Paul Larochelle

 

Pour l’intimée :                         Me Philippe Morin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

                   Nom :          Me Paul Larochelle

 

                   Étude :                  Brochet Dussault Lemieux Larochelle

                                                Montmagny (Québec)

 

Pour l’intimé :                           Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

 

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