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Dossier : 2006-445(IT)G

ENTRE :

3087-8730 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 26 septembre 2007, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jean Trottier

 

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

 

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est rejeté avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2007.

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2007CCI599

Date : 20071205

Dossier : 2006-445(IT)G

ENTRE :

3087-8730 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Angers

 

[1]     Le 12 novembre 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre ») établissait une cotisation à l’encontre de l’appelante 3087-8730 Québec Inc. (ci‑après « la société 3087 ») en vertu de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour la somme de 42 000 $. La cotisation a été établie en raison d’un transfert de biens survenu le 23 janvier 1995 entre des personnes ayant un lien de dépendance. L’auteur du transfert de biens, selon le ministre, est la société Transport et Excavation MNM inc. (ci‑après appelée « la société MNM »). La société 3087 s’est dûment opposée à la cotisation et porte maintenant cette dernière en appel devant la Cour.

 

[2]     La société 3087, dans ses plaidoiries, avait invoqué le délai de prescription comme motif d’appel, mais a informé la Cour en début d’audience qu’elle abandonnait ce motif. L’appelante reconnaît également l’existence du lien de dépendance entre elle et la société MNM en ce que les actionnaires principaux des deux sociétés sont conjoints et la valeur marchande des biens transférés, soit 42 000 $, ne fait plus l’objet du présent litige. Selon l’appelante, il s’agit de déterminer si la société MNM était propriétaire des biens à la date du transfert, et si elle l’était, de déterminer si l’appelante peut déduire des 42 000 $ les paiements qu’elle a effectués sur les biens après leur acquisition?

 

[3]     Les biens en question sont une excavatrice de marque Case, modèle 580K, de l’année 1987, portant le numéro de série 17421011 (ci-après le « 580K ») et une excavatrice de marque Case, modèle 125B, de l’année 1986, portant le numéro de série 1274589 (ci-après le « 125B »).

 

[4]     Il est également admis qu’au moment du transfert, la société MNM devait au ministre au titre de l'impôt, de pénalités et d’intérêts impayés une somme supérieure à la valeur des biens transférés, soit une somme s'élevant à 88 688,49 $ au moment où la cotisation fut établie le 12 novembre 2003. La société MNM aurait cessé d’exploiter une entreprise en 1990 et elle n’a pas fait de déclarations de revenu pour les années d’imposition 1989 et 1990.

 

[5]     La constitution de 3087 en société a eu lieu le 6 avril 1993. Selon son actionnaire majoritaire, madame Mary Hutow, la société 3087 ne possédait que trois biens en 1993, 1994 et 1995, soit une  semi-remorque et les excavatrices 125B et 580K. La valeur de ces biens, selon les bilans financiers de la société 3087, s’élevait à 100 $ au 31 juillet 1993 à 24 311 $ avant l’amortissement au 31 juillet 1994 et à 24 940 $ avant l’amortissement au 31 juillet 1995. Je dois signaler que, sous la rubrique du passif à long terme dans les états financiers, un emprunt auprès de Credit Case ne paraît que dans le bilan au 31 juillet 1995. Le bilan au 31 juillet 1994 fait référence à un emprunt bancaire et il n’y a aucune dette à long terme au bilan du 31 juillet 1993, sauf un montant dû à l’administrateur.

 

[6]     Madame Hutow a témoigné qu’elle avait fait l’acquisition des excavatrices 125B et 580K de Credit Case et qu’elle avait effectué des paiements à Credit Case à l'égard de ces biens à partir du 5 novembre 1993. Elle a déposé une série de neuf chèques datant du 5 novembre 1993 au 30 juin 1995, dont certains montants sont identiques, soit les cinq premiers, de 2 787,32 $, et les trois derniers faits en juin 1995, de 1 498,96 $, et un autre de 2 392,80 $ fait le 8 décembre 1994. Les chèques portent un numéro de compte de Credit Case et seraient, selon madame Hutow, liés à son contrat d’achat des deux excavatrices. Elle n'a pas pu produire son contrat d’achat des excavatrices 125B et 580K avec Credit Case, mais a soutenu qu’elle avait signé un contrat semblable à celui de la pièce A‑3. Il s’agit d’un contrat type qui contient une clause à l’effet que Credit Case conserve son droit de propriété jusqu’à ce que tous les montants dus par l’acheteur aient été intégralement payés.

 

[7]     Elle a expliqué et reconnu que ces deux pièces excavatrices avaient été achetées par la société MNM dans le passé et qu’elles faisaient l’objet d’un contrat de financement semblable avec Credit Case. Elle a aussi déclaré que Credit Case avait repris possession des deux excavatrices près de deux ans avant qu’elle effectue son achat.

 

[8]     Lorsque la société 3087 a effectué son dernier paiement le 30 juin 1995, elle serait donc, selon madame Hutow, devenue propriétaire des deux excavatrices. Elle avait, par la suite, échangé l'excavatrice 125B en 1997 pour un autre bien et une contrepartie de 18 000 $ et elle aurait aussi échangé l'excavatrice 580K en avril 1998 pour une contrepartie de 24 000 $. Ces deux montants ont servi à établir la valeur des deux excavatrices pour les fins de la cotisation.

 

[9]     Selon les renseignements relatifs à un dossier d’immatriculation obtenus par le ministre auprès de la SAAQ, la société MNM est identifiée comme étant le propriétaire immatriculé de l'excavatrice 125B du 31 mars 1988 au 23 janvier 1995. Les mêmes renseignements permettent de constater que la société MNM aurait reçu des plaques d’immatriculation le 31 mars 1994 pour une période de 12 mois pour les deux excavatrices. Toujours selon les renseignements relatifs à un dossier d’immatriculation, la société 3087 aurait fait l’acquisition des deux excavatrices le 23 janvier 1995 et l'excavatrice 125B aurait été vendue par la société 3087 le 13 mai 1997, date qui correspond à l’opération qui aurait eu lieu en 1997 selon le témoignage de madame Hutow et les pièces A-3 et A-4.

 

[10]    Les états financiers de MNM pour les années d’imposition 1986, 1987 et 1988, nous permettent de constater que le montant sous la rubrique « matériel loué en vertu d’un contrat de location‑acquisition » est de 112 648 $ en 1986, de 96 556 $ en 1987 et de 80 464 $ en 1988, avec un coût initial de 128 740 $. Sous la rubrique « machinerie spécialisée », il y a une augmentation appréciable entre l’année 1987 et l'année 1988, soit de 246 240 $ à 335 520 $. La représentante du ministre qui a témoigné au procès a conclu que la société MNM avait remboursé en entier sa dette au 30 juin 1988 et qu’elle était désormais propriétaire des excavatrices 125B et 580K à cette date. Aucun représentant de Credit Case n’est venu témoigner à l’audience.

 

[11]    L’avocat de la société 3087 a fait valoir qu’au moment du transfert des excavatrices 125B et 580K, la société MNM n’était pas le propriétaire de ces deux biens parce qu’ils faisaient l’objet d’un contrat de vente à tempérament et que le titre de propriété ne passait à la société MNM qu'au versement du dernier paiement. Il soutient donc qu’au moment du transfert, Credit Case était le propriétaire des deux excavatrices et que la société MNM ne pouvait céder que ses engagements en vertu du contrat à tempérament et son droit éventuel d’obtenir le titre de propriété de Credit Case à l’échéance des paiements. Cela explique pourquoi on demande de réduire le montant de la cotisation du montant des paiements effectués par la société 3087.

 

[12]    L’avocat de l’intimée reconnaît que, si un tel contrat existait au moment du transfert, le droit de propriété serait celui de Credit Case et l’affaire serait close. Il soutient cependant que la preuve avancée est insuffisante pour appuyer une telle conclusion compte tenu des renseignements figurant aux registres de l'immatriculation des biens en question, des états financiers des sociétés MNM et 3087 et des contradictions relevées dans le témoignage de madame Hutow.

 

[13]    Selon madame Hutow, la société MNM a cessé d’exploiter une entreprise en 1990. Les excavatrices en question avaient été saisies par Credit Case et elles étaient en sa possession depuis près de deux ans avant leur achat. Elle a témoigné avoir acheté les excavatrices de Credit Case en novembre 1993 en vertu d'un contrat de vente à tempérament. Elle n’a pas témoigné du prix que la société 3087 avait payé pour les excavatrices, mais aurait fait des paiements conformément à ce contrat si on se fie sur les chèques déposés en preuve et sur son affirmation qu'elle a fait d’autres paiements par chèques qu’elle ne peut retracer.

 

[14]    La société 3087 serait donc, si on s’en remet au témoignage de madame Hutow, devenue propriétaire des excavatrices 125B et 580K une fois tous les paiements effectués, soit en juin 1995, comme elle le soutient. Toutefois, si la société 3087 a acheté ces excavatrices de Credit Case en novembre 1993, comment se fait-il que les excavatrices n’ont été immatriculées au nom de l’appelante que le 23 janvier 1995, soit plus d’un an après la date que madame Hutow prétend que la société 3087 les a achetées et plus de cinq mois après le dernier paiement effectué à Credit Case qui, dès lors, n'avait plus de droit de propriété? À mon avis, la vente à tempérament n’empêche pas l’immatriculation des excavatrices au nom de l'acheteur à tempérament et ce, à partir de la date d’acquisition des excavatrices. Il aurait donc été de mise que les registres indiquent l’immatriculation des deux excavatrices au nom de la société 3087 à compter de la date de leur acquisition, soit, selon madame Hutow, novembre 1993. Or, en l’espèce, les deux excavatrices ont été immatriculées au nom de la société 3087 le 23 janvier 1995. De plus, selon le registre, le propriétaire précédant était la société MNM. Il devient donc difficile de réconcilier la version des faits donnée par madame Hutow et les renseignements contenus au registre d’immatriculation.

 

[15]    Le témoignage de madame Hutow, voulant que la société MNM ait cessé d’exploiter une entreprise en 1990, que l’achat ait eu lieu en novembre 1993 et que les biens aient été saisis par Credit Case deux ans avant leur acquisition par la société 3087 soulève des questions. Les documents en preuve indiquent que la société MNM a reçu des plaques d’immatriculation pour les deux excavatrices pour la période allant du 31 mars 1994 au 31 mars 1995. Si la société MNM a cessé d’exploiter une entreprise en 1990 et que les excavatrices ont été saisies par Credit Case deux ans avant novembre 1993, comment se fait-il que la société MNM soit encore dans le portrait au 1er mars 1994 et qu’elle ait besoin d’immatriculer ces excavatrices? La réponse probable est que cette société était toujours le propriétaire.

 

[16]    Je conclus donc que le transfert des deux excavatrices s’est fait le 23 janvier 1995 et que, selon la prépondérance de la preuve, le propriétaire et l’auteur du transfert était la société MNM et le transfert s’est fait sans contrepartie à l’appelante, la société 3087, une société avec laquelle la société MNM elle avait un lien de dépendance. Par conséquent, la société 3087 était solidairement responsable des impôts à payer par la société MNM sur un montant équivalent à la valeur des biens en question. Je ne suis pas convaincu non plus que les paiements effectués par la société 3087 de novembre 1993 et à juin 1995 en vertu d'un contrat entre la société 3087 et Credit Case se rapportaient aux deux excavatrices ou encore qu’ils ont été faits dans le but de remplir les obligations que la société MNM avait envers Credit Case si on se fie aux renseignements figurant dans les états financiers de la société MNM.

 

[17]    L’appel est donc rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2007.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI599

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-445(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              3087-8730 Québec Inc. et S.M.L.R.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 26 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 5 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jean Trottier

 

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Jean Trottier

 

                     Ville :                            Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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