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Dossier : 2007-2624(EI)

ENTRE :

HERMEL BERTHELOT,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 janvier 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Max Stanley Bazin

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

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JUGEMENT

L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national en date du 12 mars 2007, relativement à l'appel interjeté devant lui pour la période du 22 mai au 20 juillet 2001 est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de février 2008.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 


 

 

 

 

Référence : 2008CCI85

Date : 20080207

Dossier : 2007-2624(EI)

ENTRE :

HERMEL BERTHELOT,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]     La question soulevée dans le présent litige est de déterminer si l’appelant a exercé un emploi assurable auprès de la société 9097‑5665 Québec Inc./Services de Personnel Mainlist (« payeur ») du 22 mai 2001 au 20 juillet 2001. Le ministre du Revenu national (« Ministre ») est d’avis que ce n’est pas le cas. Il s’appuie sur les faits suivants que l’on retrouve au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (« Réponse ») et qui sont reproduits ci‑après :

 

a)         le présent dossier fait partie d'une enquête majeure effectuée par le RHDCC auprès de plusieurs entreprises, incluant le payeur;

 

b)         lors de l'enquête, il a été constaté que plusieurs compagnies changeaient de noms rapidement tel que : Construction Ja‑No inc., Drakkar Construction inc., 9080‑5839 Québec inc./Renwords, 9085‑7186 Québec inc./CINCO et 9097‑5665 Québec inc./Services de Personnels Mainlist (le payeur);

 

c)         ces entreprises étaient réouvertes sous une autre raison sociale et avec des prêtes‑noms soit des frères, conjoints ou quelques autres membres de la famille dès que l'une fermait;

 

d)         les entreprises fermaient et déménageaient lorsque les créanciers se faisaient trop pressant ou lorsque des travailleurs exigeaient qu'on leur remette des T4 et/ou des relevés d'emploi ou lorsque l'une ou l'autre administration publique demandait des renseignements sur les activités;

 

e)         toutes ces entreprises agissaient comme des agences de placement dans le domaine de la construction, alors qu'au CIDREQ, il s'agit d'entreprises de construction, rénovation, électricité, gestion d'entreprises, gestion et location de main d'oeuvre et gestion de ressources humaines;

 

f)          dans le présent dossier, le payeur, constitué en société le 9 novembre 2000, exploitait une entreprise de gestion et location de main d'oeuvre; le président, administrateur et actionnaire majoritaire du payeur était M. Michel Brousseau;

 

g)         M. Brousseau s'est enregistré avec une adresse sur la rue Monselet, mais selon sa propre déclaration, il n'a jamais fait affaires à cette adresse mais plutôt au 9071, boul. Pie IX, 6A où il louait des locaux au nom du payeur;

 

h)         le payeur agissait comme entreprise de location de personnel principalement dans le domaine de la construction;

 

i)          le payeur recrutait des clients/employeurs ainsi que des travailleurs qu'il louait à leurs clients/employeurs;

 

j)          un contrat et/ou entente était complété entre le client/employeur et le payeur tandis qu'il n'y avait aucun contrat entre l'appelant et le payeur;

 

k)         les travailleurs devaient se rapporter par téléphone au payeur pour remettre leurs heures de travail;

 

l)          la facturation était effectuée et expédiée aux clients/employeurs du payeur qui payaient, par la suite, le payeur;

 

m)        dans les bureaux loués du payeur, on retrouvait une réceptionniste, le président, Michel Brousseau, un responsable du recrutement et de la livraison des paies, M. Jessy Grenier et un responsable du recrutement des travailleurs, M. Rival Cyr;

 

n)         M. Michel Brousseau était un prête‑nom pour le payeur alors que le véritable dirigeant/propriétaire de l'entreprise du payeur était M. Alain Couture;

 

o)         dans sa première déclaration faite à un agent de l'assurance‑emploi, l'appelant a prétendu qu'il travaillait pour le payeur à titre de « courrier »;

 

p)         l'appelant prétend qu'il devait aller porter des clous, des outils et d'autres choses aux travailleurs de la construction; il agissait comme commissionnaire;

 

q)         dans sa deuxième version qu'il a faite à l'agent d'enquête, il a mentionné qu'il livrait les paies aux travailleurs sur les chantiers;

 

r)          l'appelant a, entre autres, prétendu qu'il travaillait pour le payeur du lundi au vendredi et qu'il recevait une rémunération horaire de 16 $ ou 17 $ de l'heure;

 

s)         les personnes travaillant dans les locaux du payeur ont confirmé que le payeur n'avait pas de courrier ou commissionnaire et que c'était M. Michel Brousseau qui s'occupait de la distribution des paies;

 

t)          l'entreprise du payeur a fermé ses portes, au plus tard, en juin 2001 alors que l'appelant a présenté un relevé d'emploi signé par Michel Brousseau le 27 juillet 2001 et indiquant le 20 juillet 2001 comme dernier jour travaillé;

 

u)         à l'été 2001, l'appelant a déposé une demande de renouvellement de prestations d'assurance‑emploi en présentant 2 relevés d'emploi dont celui signé par M. Brousseau, représentant du payeur;

 

v)         l'appelant avait besoin du relevé d'emploi du payeur pour lui permettre de se qualifier à recevoir des prestations d'assurance‑emploi;

 

w)        les faits démontrent que le relevé d'emploi soumis par l'appelant en serait un de complaisance émis par le payeur uniquement dans le but de permettre à l'appelant de se qualifier pour obtenir des prestations d'assurance‑emploi;

 

[2]     En résumé, le Ministre a considéré que le relevé d’emploi remis par le payeur en était un de complaisance. Il ressort de la preuve que l’appelant a travaillé de nuit (de 22 hres à 5 hres, 5 jours par semaine) de la mi‑janvier 2001 au 18 juillet 2001, pour une entreprise du nom de « Services d’entretien Dupont ». L’appelant a quitté volontairement cette entreprise en donnant une semaine de préavis. L’appelant a témoigné qu’il savait qu’un départ volontaire, tel qu’indiqué dans le relevé d’emploi de cette dernière entreprise, ne lui donnait pas droit à l’assurance‑emploi.

 

[3]     Parallèlement à ce travail, l’appelant dit avoir travaillé de jour pour le payeur du 22 mai 2001 au 20 juillet 2001. Il dit qu’il a été engagé pour faire de la livraison sur les chantiers de construction, livrer des paies à des employés et des factures aux clients, faire des dépôts directs auprès d’institutions bancaires pour certains employés. C’est précisément ce dernier emploi que le Ministre met en doute.

 

[4]     L’avocat de l’intimé a, avec succès, mis en évidence certaines contradictions dans la preuve qui me font douter moi aussi de la véracité de cet emploi.

 

[5]     En premier lieu, l’appelant a commencé par dire qu’il avait fait une demande d’emploi chez le payeur en passant devant leur bureau et qu’il aurait été engagé par la réceptionniste pour faire le travail décrit plus haut. Déjà, le local en question ne donne pas pignon sur rue, et l’appelant ne savait plus à quel étage de la bâtisse il se situait et n’était plus sûr de l’adresse. Il ne connaissait pas le nom de la réceptionniste non plus. Il a dit qu’il lui arrivait d’aller déposer des paies en argent comptant et qu’il pouvait ainsi se promener avec des montants allant jusqu’à 4 000 $. Et pourtant, il aurait été engagé sans plus de formalités dans les jours suivant sa demande d’emploi, sans aucune référence. Plus tard, dans son témoignage, il a dit que c’est Daniel Methot, un homme qu’il connaissait depuis longtemps, qui lui avait recommandé de faire une demande d’emploi. C’est également avec lui qu’il aurait négocié son salaire.

 

[6]     Dès le départ, il est assez peu crédible de vouloir faire croire qu’on embauche quelqu’un sans faire de vérification, et de lui confier des sommes d’argent assez importantes, qui plus est, seraient des paies d’autres employés.

 

[7]     L’intimé a fait témoigner madame Line Simoneau, agent des enquêtes majeures au Département des Ressources humaines (« DRH »). Celle‑ci a constaté, lors de son enquête, que le payeur faisait partie d’une série d’entreprises s’affichant comme des agences de location de personnel et qui ont fait l’objet d’enquêtes pour l’émission de faux relevés d’emploi. D’ailleurs, l’instigateur de toutes ces entreprises, M. Alain Couture, a été condamné à ce chapitre, sur des accusations de nature criminelle.

 

[8]     Madame Simoneau a mentionné que M. Daniel Methot, avec qui l’appelant a reconnu avoir négocié, était le directeur des opérations de l’entreprise opérant sous le nom du payeur (Mainlist). Lors de son enquête, elle a rencontré M. Methot et d’autres personnes impliquées dans toutes les entreprises de M. Couture. Il ressort de son enquête qu’il n’y avait aucun travailleur embauché comme commissionnaire. Très peu de personnes étaient responsables de la remise des paies aux différents employés, et de la manipulation des sommes d’argent. L’appelant n’était pas de ceux‑là. De plus, selon son enquête, aucun employé n’aurait été payé par dépôt direct dans un compte bancaire. Ceci contredit le témoignage de l’appelant qui dit que ces dépôts directs faisaient partie de ses tâches. De plus, l’enquête a révélé que le payeur aurait fermé ses portes au plus tard à la fin du mois de juin 2001. Le relevé d’emploi indique le 20 juillet 2001 comme dernier jour de travail pour l’appelant. C’est un autre élément de contradiction dans la preuve, non expliqué par l’appelant.

 

[9]     Je suis du même avis que l’intimé que la preuve prépondérante démontre plutôt qu’il s’agissait d’un emploi fictif avec le payeur. Dans un premier temps, il est vrai que l’appelant a déposé des chèques de paie pour toute la période en litige (l’appelant a toutefois mentionné que certains étaient sans provisions). Ceci laisserait présager qu’il aurait été rémunéré par le payeur.

 

[10]    Toutefois, là où la preuve dérape pour l’appelant, c’est sur la question du travail réellement effectué par ce dernier. Pour qu’il y ait un emploi assurable, il faut non seulement une rémunération mais celle‑ci doit être donnée dans le cadre d'un contrat de louage de services (alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance‑emploi). Or, les contradictions relevées dans la preuve me font douter sérieusement que l’appelant ait réellement rendu des services au payeur. L’appelant n’a pas su me convaincre, ou n’a pas été en mesure de démontrer que les allégations de fait contenues dans la Réponse, et sur lesquelles le Ministre s’est basé pour ne pas reconnaître un emploi véritable, étaient sans fondement. Tel que le disait le juge Garon (tel qu’il était alors) dans Duquette et al. c. La Reine, 93 DTC 833, [1993] A .C.I. no 757 (QL), « […] le Ministre peut se fonder sur des déclarations de tiers, sur le rapport d’une commission d’enquête et tenir pour acquis la véracité de ce qu’il avance. Il incombe à l’appelant de démolir ces présomptions.  » (Voir la référence dans Vézina c. Canada, [2001] A.C.I. no 564 (QL), par. 16.)

 

[11]    La Cour d’appel fédérale a d’ailleurs confirmé que notre cour était justifiée, en vertu du paragraphe 18.15(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, d’admettre un élément de preuve qui constitue du ouï‑dire, s’il est pertinent et fiable en vertu d’un pouvoir discrétionnaire élargi (voir Selmeci c. Canada, [2002] A.C.F. no 1086 (QL), par. 8). Dans le cas présent, les allégations dans la Réponse étaient suffisamment claires et l’appelant avait le fardeau de démontrer que ces allégations étaient erronées. Il ne s’est pas déchargé de ce fardeau, et son témoignage à lui seul, démontrait plusieurs lacunes.

 

[12]    J’estime que l’appelant n’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités, qu’il a exercé un emploi véritable pour le payeur au cours de la période en litige.

 

[13]    L'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de février 2008.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI85

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2624(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              HERMEL BERTHELOT c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 17 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Max Stanley Bazin

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Max Stanley Bazin

 

                 Cabinet :                           Max Stanley Bazin, Avocats

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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