Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Référence: 2008CCI42

Dossier: 2006-3572(IT)I

 

 

 

 

ENTRE:

 

GASTON LEDUC,

 

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

 

VERSION RÉVISÉE DE LA TRANSCRIPTION

DES MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Je demande que la version révisée des motifs du jugement, prononcés lors de l’audience du 13 décembre 2007 à Montréal (Québec), soit déposée. Cette version a été révisée de manière à faire quelques petites corrections. Les numéros de paragraphes ont également été ajoutés.

 

Signée à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2008.

 

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 

 

 

 

 


              Référence: 2008CCI42

Dossier: 2006-3572(IT)I

 

 

Cour canadienne de l’impôt

Objet : Loi de l’impôt sur le revenu

 

 

ENTRE:

 

GASTON LEDUC,

 

appelant,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

PRONONCÉS PAR L’HONORABLE GASTON JORRÉ

Cour canadienne de l’impôt,

Service administratif des tribunaux judiciaires,

30, rue McGill, Montréal (Québec)

Le jeudi 13 décembre 2007 à 13 h 30

                            

 

COMPARUTIONS :

 

Sylvain Huet

Représentant de l’appelant

 

 

Maître Mounes Ayadi

Avocat de l’intimée

 

                                                         

ÉGALEMENT PRÉSENT :

 

Claude Lefebvre

Greffier/technicien

 

 

 

RIOPEL, GAGNON, LAROSE & ASSOCIÉS

215, rue Saint-Jacques, bureau 328

Montréal (Québec)  H2Y 1M6

(514) 286-5454

 

JEAN LAROSE, s.o.


MOTIFS DU JUGEMENT

(Version révisée de la transcription des motifs du jugement prononcés à l’audience à Montréal (Québec) le 13 décembre 2007)

 

MONSIEUR LE JUGE :

[1]     Ceci est un appel relatif à l’année d’imposition 2002. L’appelant a demandé que la procédure informelle s’applique.

[2]     Deux questions sont en litige :

L’appelant peut-il déduire une somme de 12 253 $ en tant que dépense pour un séminaire? Ce montant a été déduit à titre de frais de voyage et de congrès.

Deuxièmement, l’appelant peut-il déduire une somme additionnelle de 1 601 $ de frais de téléphone?

[3]     L’appelant et son épouse ont témoigné ainsi que l’agent d’appels de l’intimée.

Le séminaire

Les faits

[4]     L’appelant, Gaston Leduc, est conseiller financier certifié. La grande majorité de ses revenus sont des commissions provenant de compagnies d’assurances. Il reçoit également des commissions de compagnies de prêts hypothécaires. Il conseille également ses clients.

[5]     L’épouse de l’appelant, Johanne Bray, est massothérapeute et déclarait des revenus d’entreprise. Madame Bray travaillait aussi dans l’entreprise de monsieur Leduc à temps partiel de dix (10) à vingt (20) heures par semaine. Elle répondait au téléphone et s’occupait de la comptabilité. Elle a développé un intérêt pour le domaine.

[6]     L’entreprise appartenait à monsieur Leduc, et madame Bray n’était pas rémunérée pour son travail.

[7]     En 2002, le revenu brut de l’entreprise était de l’ordre de 57 000 $.

[8]     À un certain  moment, monsieur Leduc a conclu qu’il serait peut-être souhaitable de pouvoir conseiller ses clients relativement à des placements  « off-shore ». Il a décidé qu’il fallait apprendre plus et qu’un séminaire particulier serait une bonne façon d’approfondir ses connaissances. Il était persuadé que ce séminaire serait d’une grande qualité et valait son coût très considérable. Le séminaire a eu lieu en novembre à Cancun, au Mexique. Le coût total y compris les frais de voyage était de 12 253 $.

[9]     Le séminaire a été présenté en anglais. Monsieur Leduc a témoigné qu’il n’avait pas une très bonne connaissance de l’anglais contrairement à son épouse; en conséquence, c’est madame Bray qui a assisté au séminaire. Madame Bray espérait non seulement apprendre au sujet des placements « off‑shore » mais également faire des contacts utiles si son mari et elle décidaient de conseiller des clients relativement à ce type de placements. Elle a déposé en preuve les notes qu’elle a prises au séminaire, pièce A-1.

[10]    Le séminaire a duré trois jours ou trois jours et demi. Madame Bray est arrivée à Cancun la journée précédant le premier jour du séminaire, elle a quitté Cancun le lendemain du dernier jour du séminaire. Monsieur Leduc n’est pas allé à Cancun. Après le retour de madame Bray, elle a discuté de ce qu’elle a appris avec son mari; ils ont conclu qu’il vaudrait mieux ne pas ajouter les placements « off-shore » au champ d’activités de l’entreprise.

[11]    Parmi les raisons qui ont motivé leur conclusion : ils craignaient les risques, ils craignaient aussi qu’il y ait parfois de l’argent blanchi mêlé à certaines transactions, ils ne croyaient pas avoir suffisamment de connaissances. D’une façon générale, l’« off-shore » leur semblait un terrain trop glissant.

Analyse

[12]    Vu que le voyage n’a duré que le temps du séminaire plus le temps nécessaire pour se rendre à Cancun et revenir au Canada, ce séminaire n’avait pas le caractère de vacances.

[13]    Je note aussi que madame Bray a seulement logé quatre ou cinq nuits à Cancun et que quelqu’un qui voudrait prendre des vacances à Cancun pourrait faire un très beau voyage pour beaucoup moins que 6 000 $, c’est-à-dire beaucoup moins que ce qu’il resterait après les impôts sur un revenu de 12 253 $. Pour éviter tout malentendu, je tiens à souligner que l’intimée n’a pas suggéré qu’il s’agissait de vacances.

[14]    La position de l’intimée est que l’appelant ne remplit pas les conditions du paragraphe 20(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’intimée a, entre autres, argumenté que :

a) madame Bray n’était pas employée, elle n’avait pas la formation nécessaire dans le domaine;

b) la conférence n’avait pas de rapport avec l’entreprise. Monsieur Leduc n’aurait pu vendre les produits « off-shore » tout au plus, il aurait pu conseiller ses clients relativement à de tels investissements;

c) l’organisateur du séminaire n’était pas une organisation commerciale ou professionnelle au sens du paragraphe 20(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu;

d) il s’agissait d’une dépense déraisonnable et l’appelant aurait dû déduire toute partie personnelle.

[15]    Bien que ces arguments ont été invoqués dans le contexte du paragraphe 20(10), ils méritent d’être considérés dans un contexte plus large, car il faut examiner si ces dépenses sont permises ou non en vertu des alinéas 18(1)a) et 18(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je reviendrai sur les arguments soulevés par l’intimée.

[16]    Le but de cette dépense était d’examiner la possibilité d’élargir le champ d’activités de l’entreprise. La dépense était donc dans le but de tirer un revenu d’entreprise et, en conséquence, elle est permise en vertu de l’alinéa 18(1)a).

[17]    Le champ d’activités potentiel n’étant pas tellement différent de celui de l’entreprise, on ne pourrait pas qualifier cette dépense comme étant une dépense engagée dans le but de commencer une nouvelle entreprise.

[18]    Après lecture des notes de madame Bray, pièce A-1, et de la pièce A-2, je ne vois pas comment on pourrait conclure que le fait d’assister à ce séminaire créerait un avantage durable qui aurait pour conséquence de donner une nature capitale à la dépense au sens de l’article 18(1)b).

[19]    La dépense n’étant pas contraire à l’alinéa 18(1)a) ou b), il n’est pas nécessaire d’analyser si elle est permise en vertu de 20(10).

[20]    Je vais maintenant considérer les arguments soulevés par l’intimée et mentionnés ci-dessus. Le fait que madame Bray ne soit pas payée comme une employée ou qu’elle n’a pas de formation spécifique n’a pas en soi de conséquence sur la déductibilité. Dans un contexte familial, il se peut qu’un membre de la famille ne soit pas payé pour son travail, mais la personne peut tout de même être bénéficiaire indirectement des revenus de l’entreprise. L’important, c’est que madame Bray travaillait dans l’entreprise.

[21]    Quant au fait qu’elle n’avait pas de formation spécifique, je suis satisfait que dans les faits particuliers de cette cause, madame Bray était en mesure de remplacer son mari et de lui fournir les détails nécessaires pour permettre à l’entreprise d’utiliser les informations obtenues au séminaire.

[22]    Le séminaire avait-il un rapport avec l’entreprise? J’ai déjà conclu que le champ d’activités potentiel n’était pas suffisamment différent pour constituer une nouvelle entreprise.

[23]    J’ajouterais que même si l’appelant a décidé de ne pas poursuivre ce champ d’activités, il peut fournir à ses clients un aperçu des investissements « off-shore ». Étant donné les conclusions conjointes de madame Bray et de l’appelant, celui-ci peut également prévenir ses clients qu’il faut faire très attention avant de faire des placements « off-shore » et expliquer pourquoi. De telles informations peuvent rendre un service fort utile à ses clients.

[24]    Vu qu’il n’est pas nécessaire de considérer le paragraphe 20(10), je n’ai pas besoin d’examiner si l’organisateur du séminaire était une organisation commerciale ou professionnelle au sens de ce paragraphe.

[25]    Il reste à savoir si la dépense était raisonnable dans les circonstances au sens de l’article 67 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il est vrai que la dépense est élevée et qu’en fin de compte monsieur Leduc a décidé de ne pas étendre le champ d’activités de l’entreprise. Après le fait, la dépense peut être perçue comme évitable, mais cela ne démontre pas que monsieur Leduc pouvait savoir d’avance que cette dépense ne donnerait pas lieu à tous les bénéfices qu’il espérait en retirer. D’ailleurs, il ne faudrait pas sous-évaluer les avantages d’apprendre qu’on ne devrait pas poursuivre un champ d’activités.

[26]    Dans les circonstances particulières de cette cause, la dépense n’était pas déraisonnable.

[27]    Les frais de 12 253 $ pour le séminaire sont déductibles.

Les dépenses du téléphone

[28]    En 2002, monsieur Leduc avait son bureau à la maison. Monsieur Leduc a fourni peu de preuves à l’appui des dépenses de téléphone. Il a témoigné qu’il n’avait plus les factures.

[29]    Monsieur Leduc avait deux téléphones mobiles, un de Bell Mobilité et un de Rogers ainsi que le téléphone de la maison. Le forfait de Bell Mobilité comprenait également le téléphone mobile de madame Bray. Il gardait le téléphone de Rogers pour conserver le numéro de téléphone qui, à l’époque, ne pouvait pas être transféré à un autre téléphone mobile.

[30]    Madame Thériault, qui était l’agent d’appels dans ce cas, a témoigné que monsieur Leduc lui a envoyé toutes les dépenses pour les téléphones mobiles et le téléphone de la maison. Elle a fait une répartition des dépenses entre celles d’affaires et celles de nature personnelle.

[31]    L’appelant n’a pas démontré qu’il n’y avait aucune utilisation personnelle des différents téléphones que madame Bray ou lui possédaient. Il n’a pas démontré qu’une répartition différente des dépenses de téléphone entre celles qui sont personnelles et celles qui sont par affaires serait appropriée.

[32]    Il n’y a pas lieu de changer cet aspect de la cotisation.

Conclusion

[33]    L’appel est accueilli sans frais et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’appelant peut déduire la somme de 12 253 $ dépensée relativement au séminaire.

Merci.



 

RÉFÉRENCE :                                   2008CCI42

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :       2006-3572(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :               GASTON LEDUC,

                                                          ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                Les 28 mai et 13 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT

RENDU ORALEMENT :                    Le 13 décembre 2007

 

DATE DES MOTIFS

DU JUGEMENT RÉVISÉS :               Le 17 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Sylvain Huet

 

 

Avocat de l'intimée :

Maître Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :                           

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.