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Dossier : 2005-3350(IT)G

 

ENTRE :

LOGITEK TECHNOLOGY LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 22, 26 et 28 février 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Latiq Qureshi

 

Avocate de l’intimée :

Me Eleanor H. Thorn

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel visant une cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté. Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 


 

         Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de mars 2008.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

Référence : 2008CCI145

Date : 20080310

Dossier : 2005-3350(IT)G

 

ENTRE :

 

LOGITEK TECHNOLOGY LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Prononcés oralement à l’audience, le 7 mars 2008.)

 

La juge Woods

 

[1]              Il s’agit des motifs prononcés oralement dans l’affaire Logitek Technology Ltd. contre Sa Majesté la Reine.

 

[2]              L’appel intéresse une cotisation fiscale relative à l’année d’imposition 2000 par laquelle on a refusé certaines déductions demandées au titre des activités de RS&DE.

 

[3]              Logitek Technology Ltd. (« Logitek ») ne conteste pas la totalité des sommes refusées. Elle ne demande que des crédits d’impôt à l’investissement supplémentaires de 106 557 $.

 

[4]              Les questions que la Cour doit trancher dans le cadre du présent appel sont relativement techniques. Je présenterai donc un très bref résumé de ma conclusion avant de commencer. Pour l’essentiel, je ne puis consentir à la demande de Logitek principalement parce que la société a omis de fournir des précisions suffisantes au sujet des travaux qu’elle a accomplis.

 

[5]              Il importe de signaler que le texte législatif offre une définition détaillée des activités de RS&DE. Pour l’essentiel, il doit exister un problème technologique dont la résolution n’est pas raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle. Qu’entend‑on par « procédure habituelle »? Le juge en chef de la Cour a déclaré qu’il s’agissait de procédures qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.

 

[6]              En l’espèce, j’estime que la preuve n’est pas suffisamment détaillée pour me permettre de conclure que cette exigence a été remplie.

 

[7]              Ce qui précède est un résumé général de ma conclusion. Je vais maintenant examiner et analyser la question de manière plus approfondie.

 

[8]              La somme en cause consiste en un crédit d’impôt à l’investissement de 106 557 $. Je n’entrerai pas dans le détail de la façon dont Logitek a calculé cette somme. Le calcul est exposé dans la pièce A‑1. En général, toutefois, Logitek demande un crédit d’impôt à l’investissement pour deux genres de dépenses : les essais, la qualification et l’intégration d’un logiciel informatique conçu pour la Compagnie de la Baie d’Hudson, et le coût du matériel informatique et des logiciels achetés par Logitek pendant la période pertinente.

 

[9]              Je vais d’abord examiner la demande de crédit au titre des essais, de la qualification et de l’intégration, que j’appellerai les EQI.

 

[10]         Les EQI en cause visent de manière générale les coûts de main‑d’œuvre engagés par Logitek pour procéder aux EQI relatifs au logiciel qu’elle a élaboré à l’intention de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Le logiciel s’appelle L’eBiz.

 

[11]         À titre d’information, le logiciel L’eBiz a été élaboré à la demande de la Compagnie de la Baie d’Hudson afin de simplifier ses échanges avec ses fournisseurs. Le logiciel était différent des autres programmes offerts à ce moment puisqu’il utilisait une approche fondée sur le Web pour l’interfaçage avec les fournisseurs. On peut comprendre que ce soit une façon beaucoup plus efficiente de traiter avec un grand nombre de fournisseurs.

 

[12]         Logitek a obtenu un grand succès avec le logiciel L’eBiz et celui‑ci est utilisé aujourd’hui par de nombreuses entreprises.

 

[13]         En ce qui a trait à la question fiscale touchant les EQI, Logitek soutient que ses activités EQI constituent des activités de RS&DE. L’avis d’appel laisse entendre que la circulaire d’information IC97‑1 étaye cette allégation.

 

[14]         La circulaire fait état de la position administrative de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Je crois que, si elle est favorable à la thèse de Logitek, elle doit être suivie, sauf si elle manifestement erronée. La circulaire donne à penser que les travaux postérieurs à l’élaboration, comme les EQI, constitueront des activités de RS&DE dans la mesure où ils sont liés aux travaux de RS&DE eux‑mêmes parce qu’ils font partie de la résolution du problème technologique. Ce critère paraît logique et je l’accepte pour les besoins du présent appel.

 

[15]         La question fondamentale est donc celle de savoir si les activités d’EQI pertinentes menées par Logitek sont liées aux activités de RS&DE. Cela donne naissance à deux questions distinctes : premièrement, quelle partie du projet L’eBiz comporte des activités de RS&DE et, deuxièmement, les activités d’EQI appuient‑elles les travaux de RS&DE accomplis?

 

[16]         Ces questions constituent en grande partie des questions de fait qui doivent être tranchées à la lumière de la preuve présentée.

 

[17]         Logitek a été représentée à l’audience par son fondateur et directeur général, Latiq Qureshi. Ce dernier avance que la totalité des travaux effectués pour élaborer le logiciel L’eBiz constitue de la RS&DE et que, par conséquent, les activités d’EQI doivent également être admissibles.

 

[18]         Il s’agit donc d’abord de se demander si l’élaboration du logiciel L’eBiz constituait une activité pouvant principalement être qualifiée de RS&DE. Si je comprends bien la thèse avancée par Logitek, la totalité du projet L’eBiz constitue de la RS&DE parce qu’il a en définitive permis de résoudre des problèmes technologiques au moyen de la recherche.

 

[19]         Avant d’examiner si la preuve étaye cet argument, je souhaite formuler quelques observations au sujet d’une question de procédure, à savoir que ce point n’a pas été soulevé dans l’avis d’appel produit par Logitek. En réalité, l’avis d’appel laisse au contraire entendre que Logitek accepte la décision du ministre en ce qui concerne les activités qu’il a jugées admissibles au titre de la RS&DE. Logitek ne devrait pas modifier la nature fondamentale de sa thèse à l’audience sans préalablement en aviser la Couronne et lui laisser l’occasion de préparer sa preuve en conséquence. Néanmoins, l’avocate de l’intimée a bien voulu permettre à Logitek de présenter cet argument de sorte que la Cour puisse rendre une décision sur le fond de l’affaire plutôt que sur une question de procédure.

 

[20]         Quant à la question de fond en litige, il s’agit de savoir si, et dans quelle mesure, le projet L’eBiz constitue de la RS&DE.

 

[21]         Logitek a produit très peu d’éléments de preuve sur ce point mais, pendant la plaidoirie, M. Qureshi m’a renvoyée à un document faisant partie de ceux présentés par la Couronne. Ce document consistait en les observations faites à l’ARC par Logitek, et M. Qureshi a soutenu qu’il s’agissait d’une preuve suffisante pour m’amener à conclure que le projet L’eBiz était fondamentalement un projet de RS&DE.

 

[22]         Je ne puis me ranger à son avis. Les observations que Logitek a présentées à l’ARC offrent effectivement de nombreuses précisions sur les problèmes technologiques auxquels Logitek s’était attaquée, mais très peu de renseignements sur la nature de la recherche entreprise pour résoudre ces problèmes. Par exemple, les observations révèlent que des travaux de recherche ont été effectués, mais elles ne donnent pas de précisions sur les tenants et les aboutissants de cette recherche. De plus, dans certains cas, les observations mentionnent que la recherche consistait à faire des essais sur des logiciels existants. Je ne suis pas convaincue que ces essais dépassent le cadre des procédures habituelles, et c’est ce qui est nécessaire pour que les travaux constituent de la RS&DE.

 

[23]         Pour ces raisons, je conclus que Logitek n’a pas réussi à établir que les travaux entrepris dans le cadre du projet L’eBiz sont admissibles à titre d’activités de RS&DE, outre les activités déjà acceptées par le ministre.

 

[24]         L’affaire ne se termine toutefois pas là. La Cour doit encore se demander s’il est possible de conclure qu’une partie des activités d’EQI sont liées à des activités de RS&DE au motif que le ministre en a accepté certaines. Je crois savoir qu’environ 1 500 heures ont été acceptées à ce titre, ce qui ne constitue qu’une petite partie de l’ensemble du projet.

 

[25]         Logitek soutient que le ministre a accepté 43 pour 100 de ses activités d’élaboration à titre de RS&DE. Je ne suis pas d’accord avec ce calcul parce qu’il paraît comprendre des travaux de RS&DE effectués dans le cadre de projets autres que L’eBiz. À la lumière de la preuve dont je suis valablement saisie, il m’est impossible de connaître le pourcentage exact, mais il semble être beaucoup moins élevé que 43 pour 100.

 

[26]         Compte tenu de la situation, je ne crois pas qu’il y ait des éléments de preuve suffisants pour me permettre de conclure que l’une quelconque des activités d’EQI menées par Logitek a un lien suffisant avec des travaux de RS&DE pour être elle‑même admissible à titre de RS&DE.

 

[27]         Pour toutes ces raisons, je conclus donc que les activités d’EQI menées par Logitek au cours de son année d’imposition 2000 dans le cadre du projet L’eBiz ne rendent pas cette société admissible à un crédit d’impôt à l’investissement.

 

[28]         À la lumière de cette conclusion, il est inutile que je me penche sur les éléments de preuve présentés par David Dutch pour le compte de la Couronne. J’estime néanmoins opportun de mentionner brièvement que j’éprouve certaines difficultés à suivre le raisonnement exposé dans le rapport de M. Dutch. Plus précisément, il semble que M. Dutch a peut‑être abordé la question en pensant que les activités ne seraient pas admissibles à titre de RS&DE s’il y avait déjà sur le marché un logiciel permettant de résoudre le problème technologique décelé par Logitek. Je ne suis pas absolument certaine que M. Dutch a choisi cette approche mais, le cas échéant, je ne puis y souscrire parce que je ne crois pas que les dispositions législatives soient aussi restrictives.

 

[29]         Si un contribuable entreprend des activités de RS&DE pour résoudre un problème technologique, ces activités devraient être admissibles, même si elles n’étaient pas nécessaires parce qu’il existait déjà sur le marché une solution que le contribuable ne connaissait pas. Je crois que le libellé de la définition de l’expression RS&DE donnée dans le texte législatif étaye ce point de vue, et je reproduis ici la partie pertinente de cette définition : « […] les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique […] ». Le fait que le texte législatif insiste sur l’objet visé par les travaux laisse à penser que l’admissibilité des activités de RS&DE serait tributaire de l’objectif que le contribuable s’était fixé et des moyens qu’il a pris pour l’atteindre. Les activités ne devraient pas être inadmissibles simplement parce qu’il existait déjà une solution sur le marché, si le contribuable n’en avait pas connaissance.

 

[30]         La faiblesse du rapport de M. Dutch ne joue néanmoins pas en faveur de Logitek en l’espèce puisque cette dernière a omis d’établir que les travaux constituaient de la RS&DE. Logitek doit assumer le fardeau de la preuve, surtout qu’elle a changé l’argument qu’elle avait initialement exposé dans son avis d’appel.

 

[31]         Voilà qui termine mes motifs en ce qui concerne les EQI. Je me pencherai maintenant sur la question du matériel informatique et des logiciels.

 

[32]         Suivant les dispositions législatives applicables, les contribuables ne peuvent demander un crédit d’impôt à l’investissement relativement à une immobilisation, comme du matériel informatique ou des logiciels, à moins que le bien ait principalement servi dans le cadre d’activités de RS&DE.

 

[33]         Il n’est pas nécessaire que j’examine cette question de façon très approfondie. À la lumière de la preuve produite, je ne suis pas convaincue que le matériel informatique et les logiciels visés par cette demande aient servi pendant plus qu’une courte période de temps à des activités de RS&DE. La preuve ne permet pas de satisfaire au critère selon lequel le bien doit avoir servi principalement à des activités de RS&DE.

 

[34]         Pendant la plaidoirie, la Couronne a laissé entendre que les activités de RS&DE de Logitek correspondaient à tout juste plus de 11 pour 100 des activités entreprises. Il m’a été difficile de confirmer le chiffre de 11 pour 100, mais Logitek a omis de présenter une preuve suffisante susceptible de m’amener à conclure que le chiffre exact était plus élevé. À n’en pas douter, aucun élément de preuve ne permet de penser que ce chiffre s’approche des 50 pour 100, ce qui correspond à l’interprétation habituellement donnée au terme « principalement ».

 

[35]         Pour cette raison, je conclus que Logitek n’a pas droit à un crédit d’impôt à l’investissement au titre du matériel informatique et des logiciels.

 

[36]         Il s’agissait des deux questions en litige soulevées dans le présent appel et, malheureusement pour Logitek, je dois rejeter son appel. Les dépens seront adjugés à l’intimée.

 

 

        


 Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de mars 2008.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI145

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2005-3350(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Logitek Technology Ltd. et

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 22, 26 et 28 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Judith Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Latiq Qureshi

 

Avocate de l’intimée :

Me Eleanor H. Thorn

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                        S/O

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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