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Dossier : 2006-2322(IT)G

ENTRE :

TOM J. LOCKHART,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

Appel entendu le 10 mars 2008, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

Tom J. Lockhart

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bryan Wigger

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2008.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mai 2008.

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2008CCI156

Date : 20080319

Dossier : 2006-2322(IT)G

 

ENTRE :

TOM J. LOCKHART,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté par Tom J. Lockhart à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 1999. Dans cette cotisation, le ministre du Revenu national a inclus 83 999 $ dans le revenu de l’appelant au titre de la valeur qu’il a attribuée aux 1 400 000 actions de catégorie A d’AVL Automatic Vehicle Location Systems Ltd. (« AVL ») émises en faveur de l’appelant par AVL pour une contrepartie de 1,00 $. Selon l’intimée, la valeur de ces actions constituait pour l’appelant un revenu tiré d’une charge ou d’un emploi au sens du paragraphe 5(1) ou de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu parce que les actions tenaient lieu de rémunération versée pour services passés rendus à AVL.

 

[2]     M. Lockhart est ingénieur de profession. Il soulève essentiellement trois questions. Premièrement, est‑ce que la valeur des actions est un revenu? Deuxièmement, a‑t‑il reçu les actions en 1999? Troisièmement, est‑ce que la valeur de 84 000 $ (moins la somme de 1,00 $ qu’il a versée, ce qui donne le montant en litige, soit 83 999 $) attribuée aux actions est fondée?

 

[3]     Il s’agit de trois questions qui relèvent de la compétence de la Cour. M. Lockhart, qui n’était pas représenté par avocat, a fait valoir ses arguments avec clarté et compétence.

 

[4]     Un résumé clair et succinct des événements ayant mené à la cotisation figure dans l’avis d’appel de M. Lockhart. Les paragraphes c) et d) de cet avis d’appel sont rédigés ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

c)     Faits importants :

 

        •      En 1995, j’étais le propriétaire unique et seul gestionnaire/employé d’AVL Automatic Vehicle Location Systems Ltd. Il s’agissait d’une entreprise technologique en démarrage spécialisée dans les systèmes de localisation et de rapports GPS destinés aux parcs de véhicules.

 

        •      L’entreprise a élaboré un plan d’affaires faisant état de ses projets de croissance et de développement ainsi que du financement requis pour atteindre ces objectifs. Les capitaux ont été fournis par des amis et des associés dans le cadre d’une série d’émissions d’actions. Un des objectifs mentionnés consistait à faire croître l’entreprise jusqu’à ce qu’elle puisse devenir une société publique.

 

        •      L’entreprise a fonctionné à perte en 1996, en 1997 et pendant la première moitié de 1998. Les principales activités durant cette période ont été la prospection de clientèle, le développement de logiciels (propriété intellectuelle) et les essais par les clients. Afin de garder mon entreprise en vie durant la dernière partie de la période de démarrage, j’ai touché une rémunération très réduite et j’ai également accordé des prêts à l’entreprise à titre d’actionnaire.

 

        •      En 1998, mes activités de prospection ont commencé à donner des résultats positifs. J’ai conclu d’importants contrats en 1998 avec la Ville de Calgary, l’unité d’entraînement de l’armée britannique à Suffield (Alberta) et Amtrak. Grâce à ces succès, l’entreprise a pu réaliser son objectif de devenir une société publique.

 

        •      Au début de 1999, l’entreprise a négocié une entente avec US Exploration. USX était une petite société de capital de démarrage cotée à la bourse de l’Alberta. Il y a eu une prise de contrôle inversée suivant laquelle AVL a fait l’acquisition de USX au moyen d’un échange d’actions. Une fois l’entente conclue, les actionnaires d’AVL posséderaient le contrôle majoritaire de la société issue de la fusion et auraient accès au reste du capital de USX (quelque 300 000 $) pour la croissance et le développement futurs. Cette entente était assujettie à l’approbation des organismes de réglementation, et on prévoyait que cette approbation s’assortirait de certaines conditions, y compris l’entiercement de la totalité ou de la quasi‑totalité des actions du fondateur et principal gestionnaire.

 

        •      Afin de donner suite à cette entente, AVL devait mettre de l’ordre dans ses finances. Notamment, elle a dû m’accorder des actions supplémentaires pour « services rendus ». Le nombre d’actions a été calculé de manière à équivaloir à 80 000 $ environ, d’après les placements privés les plus récents. Je prévoyais à ce moment‑là que ces actions seraient converties en actions de USX puis entiercées. Une fois que ces actions seraient finalement libérées de l’entiercement, je pourrais les négocier, sous réserve de l’impôt maximal sur les gains en capital à cette date.

 

        •      Les organismes de réglementation ont donné leur approbation et l’entente a été conclue en octobre (?) 1999. Comme prévu, les actions émises en ma faveur plus tôt dans l’année ont été entiercées (entiercement fondé sur le rendement). La nouvelle entité a reçu le nom de Triangulum Corporation. Les membres de la direction étaient nouveaux et je n’étais plus l’actionnaire contrôlant. Mon rôle consistait à gérer les activités d’origine d’AVL, qui était devenue une unité opérationnelle de Triangulum.

 

        •      Nous étions alors au début de l’ère des entreprises point‑com. Triangulum préparait des plans d’affaires pour démarrer de nouvelles unités opérationnelles et en faisait la promotion. Il y a eu plusieurs autres émissions d’actions en 2000, mais les nouvelles unités opérationnelles étaient techniquement complexes et coûteuses à développer. Aucune n’est devenue profitable durant la période et, en 2001, il n’était plus possible pour Triangulum de mobiliser des capitaux sur les marchés publics.

 

        •      Dans la deuxième moitié de 2001, j’ai enclenché une opération de rachat par les cadres des activités d’origine d’AVL, qui avait connu un certain succès au sein de Triangulum. Cette opération a finalement échoué et, en janvier 2002, je me suis retrouvé au chômage. En mai 2002, Triangulum a été mise sous séquestre. Mes actions étaient encore entiercées à cette date.

 

        •      En 2003, j’ai fait l’objet d’une vérification par l’ADRC, qui a conclu que les actions d’AVL que j’avais reçues en 1999 auraient dû être déclarées en tant que revenu en 1999. Dans la période qui a suivi, il y a eu une série de rencontres et d’examens avec l’ADRC. Dans le cadre de ces rencontres et examens, j’ai reçu l’aide des experts‑comptables St. Louis and Associates de même que des conseils juridiques. Aucune de ces mesures n’a amené l’ADRC à changer sa position au sujet des actions entiercées.

 

d)         Questions à trancher :

 

La somme que j’ai reçue pour « services rendus » ne serait pas considérée comme un revenu dans un sens ordinaire ou commercial quelconque. Le Oxford Pocket Dictionary of Current English définit le revenu comme une [traduction] « rentrée de fonds périodique, annuelle plus particulièrement, qu’une personne tire de son travail, de terrains ou d’investissements ». Selon cet ouvrage, la « rentrée de fonds » est une somme qu’une personne [traduction] « reçoit, accepte ou prend dans ses mains ou dont elle prend possession ». Or, je n’ai pas reçu de paiement de cette nature. En aucun temps durant la période décrite ci‑dessus ai‑je eu la possibilité de recevoir quelque valeur que ce soit au titre de ces actions entiercées. À mon avis, la situation est analogue à celle où un paiement est fait au moyen d’un chèque non négociable ou d’un billet à ordre qui devient ultérieurement sans valeur. Je doute que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent même s’appliquer.

 

Pour les besoins de la Loi de l’impôt sur le revenu, il faut décider s’il y a lieu de considérer ce paiement comme un revenu, imposable à l’époque, ou comme un gain imposable potentiel, qui sera imposé à sa réalisation, le cas échéant. La Loi précise qu’un revenu peut être reçu sous forme d’actions, y compris d’actions entiercées. Si je ne me trompe, la Loi est muette sur ce qui se passe lorsque les actions détenues en main tierce cessent d’avoir une valeur quelconque pendant qu’elles sont encore entiercées. Je n’ai pas trouvé non plus de décisions portant sur cette situation particulière. Si la valeur de ces actions est assimilée à un gain imposable potentiel, il existe d’autres genres de titres qui n’ont une valeur que dans l’avenir et sous réserve de certaines conditions. Les options d’achat d’actions en sont un exemple. Le paragraphe 7(1.1) de la partie I de la Loi prévoit qu’il s’agit de l’année d’imposition « au cours de [laquelle l’employé] a disposé des titres ou les a échangés ». Il est précisé que cette disposition a été modifiée. Elle faisait auparavant mention de l’année d’imposition au cours de laquelle l’employé « a acquis les titres ».

 

[5]     La nouvelle cotisation se fondait sur les hypothèses suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

a)        AVL était une société privée sous contrôle canadien durant l’année d’imposition 1998 et elle est devenue une société publique durant l’année d’imposition 1999;

 

b)       En février de l’année d’imposition 1999, AVL a conclu avec USX un engagement selon lequel USX convenait d’échanger toutes les actions émises et en circulation d’AVL contre 4 600 000 actions de USX;

 

c)        En mai de l’année d’imposition 1999, 1 400 000 actions de catégorie A d’AVL (les « actions d’AVL »), dont l’appelant était le principal actionnaire, ont été émises en faveur de ce dernier pour 1,00 $;

 

d)       La juste valeur marchande des actions d’AVL, à cette date, était de 0,06 $ l’action, pour un total de 83 999 $;

 

e)        L’appelant était président et administrateur d’AVL au moment où les actions de cette société ont été émises en sa faveur;

 

f)        Les actions d’AVL ont été émises en faveur de l’appelant à titre de revenu pour des services passés qu’il avait rendus à AVL;

 

g)        L’appelant n’a pas reçu les actions d’AVL dans le cadre d’un régime d’options d’achat d’actions ou d’un accord semblable par lequel il obtenait un droit ou une option pouvant être exercé dans l’avenir;

 

h)        En octobre de l’année d’imposition 1999, les actions d’AVL émises en faveur de l’appelant ont été échangées contre environ 629 477 actions de USX (les « actions de USX »), lesquelles ont été entiercées jusqu’à la survenance de certains événements précisés dans un accord d’entiercement;

 

i)         En novembre de l’année d’imposition 1999, Triangulum Corporation (anciennement désignée USX) a annoncé l’acquisition de la totalité des actions émises et en circulation d’AVL;

 

j)        Autour de mai 2002, Triangulum Corporation a mis fin à ses activités parce qu’elle ne pouvait pas rembourser ses dettes;

 

k)       À l’époque où Triangulum Corporation a mis fin à ses activités, les actions entiercées de USX de l’appelant étaient toujours détenues en main tierce;

 

l)         L’appelant n’a jamais reçu les actions de USX ni de distribution des éléments d’actif liquidés;

 

m)       Les actions de USX de l’appelant n’ont jamais fait l’objet d’une disposition en faveur de USX ni d’aucune autre disposition.

 

 

[6]     J’éprouve énormément de sympathie envers M. Lockhart. Si nous examinons l’ensemble de la situation et toutes les transactions qui ont eu lieu en 1999, il ne s’est jamais enrichi du moindre dollar. Cependant, à la lumière de la preuve dont je suis saisi, je ne vois pas comment je pourrais l’extirper de la situation dans laquelle il se trouve. En général, je suis d’avis qu’il faut prendre en considération la réalité économique et la nature fondamentale de la suite de transactions en cause pour cerner leurs conséquences fiscales. Néanmoins, il est impossible de faire complètement abstraction de la forme choisie par les gens d’affaires pour atteindre leurs objectifs commerciaux.

 

[7]     J’entends examiner la présente affaire sous plusieurs angles :

          a) l’existence d’un revenu;

          b) l’existence de restrictions touchant les actions;

          c) la valeur;

          d) l’option d’achat d’actions.

 

[8]     La première question est celle de savoir si les actions d’AVL qui ont été émises en faveur de l’appelant le 5 mai 1999 constituent un revenu. On a déclaré qu’il s’agissait d’une rémunération pour services passés, compte tenu du fait que l’appelant avait travaillé pendant plusieurs années en étant peu ou pas rémunéré et qu’une partie des sommes qui lui ont été versées pendant les années précédentes ont été traitées comme des prêts que lui avait consentis AVL.

 

[9]     Je ne crois pas qu’il puisse y avoir un doute quelconque sur le fait qu’une rémunération versée par un employeur à un employé pour services passés constitue un revenu d’emploi. Ce n’est certainement pas une rentrée de fonds ni un gain fortuit. Sa valeur et la date à laquelle elle est comptabilisée comme revenu sont bien évidemment des questions distinctes. En ce qui concerne la date de comptabilisation, le revenu tiré d’un emploi est imposable quand il est reçu et il doit être comptabilisé dans les années où le droit du destinataire de recevoir ce revenu est absolu et libre de toute restriction relative à son utilisation et à sa jouissance inconditionnelles. Toute entrave à l’utilisation ou à la jouissance de ce revenu pourrait avoir une incidence sur la valeur ou la nature de ce dernier.

 

[10]    La question devient donc la suivante : est‑ce que l’appelant pouvait sans restriction utiliser les 1 400 000 actions de catégorie A d’AVL qui ont été émises en sa faveur le 5 mai 1999 ou en jouir? M. Lockhart fait valoir qu’elles étaient entiercées. Ce n’est pas, strictement parlant, exact. Elles ont été échangées contre des actions de USX qui ont été entiercées. Cet entiercement ne s’est toutefois produit que le 7 octobre 1999. Selon M. Lockhart, lorsque les actions d’AVL ont été émises en sa faveur en mai, on prévoyait qu’elles seraient échangées contre des actions entiercées. Le fait de prévoir, même pour de bonnes raisons, qu’un événement est susceptible de se produire ne peut être assimilé à une contrainte juridique.

 

[11]    Ce point a été soulevé dans la décision Beament v. M.N.R., 69 DTC 5016, rendue par la Cour de l’Échiquier et infirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt du même intitulé publié à 70 DTC 6130. Il s’agissait pour la Cour d’établir la valeur des actions d’une société privée. Les actions étaient assujetties à une obligation contractuelle de liquider la société. Le président Jackett s’est exprimé en ces termes à la page 5022 :

 

[TRADUCTION]

 

En l’espèce, le défunt détenait des actions qui, en elles‑mêmes, donnaient à leur détenteur le contrôle de l’entreprise et lui permettait de continuer indéfiniment de recevoir un revenu (après le versement de dividendes sur les actions privilégiées) d’un très gros fonds. Les appelants n’ont pas réussi à établir que ces actions (considérées en elles‑mêmes comme l’objet d’une vente entre un acheteur et un vendeur hypothétiques) avaient une valeur inférieure à la valeur de 110 000 $ que leur a attribuée l’intimé. C’est le cas, il me semble, même si, le jour du décès, le propriétaire (c’est‑à‑dire le défunt et sa succession) avait l’obligation de prendre certaines mesures par suite desquelles les actions seraient converties en une somme en espèces équivalant à quelque 10 725,98 $. Ce résultat ne découlait pas de la nature du bien lui‑même, mais d’une obligation contractée par le propriétaire du bien. Selon le régime établi par la Loi sur la taxe d’accise, une telle obligation entre dans la même catégorie que les dettes et les charges – c’est‑à‑dire des déductions potentielles – sauf que, pour une raison que je ne comprends pas, la Loi ne permet pas de déductions à l’égard d’obligations du défunt ou de sa succession autres qu’au titre des dettes ou des charges.

         Je ne puis clore cette question sans me reporter à la décision Commissioners of Inland Revenue v. Crossman et al, (1937) A.C. 26, qui a monopolisé une très grande partie du débat. Si j’apprécie comme il se doit la décision rendue dans cette affaire, elle ne peut s’appliquer en l’espèce puisqu’elle portait sur un problème découlant des restrictions imposées relativement aux droits des actionnaires auxquelles les actions elles‑mêmes ont été assujetties par les documents juridiques ayant créé les actions. Or, l’actionnaire en l’espèce jouissait du droit absolu, en ce qui concerne ses droits de propriété découlant de la détention des actions, de poursuivre les activités de l’entreprise qui existait ou encore de liquider celle‑ci et de vendre la totalité de ces droits à un tiers; mais l’actionnaire s’était personnellement engagé envers une tierce partie à liquider l’entreprise. Si, dans la présente affaire, l’acte constitutif de la société avait prévu la liquidation automatique au décès du détenteur des actions de catégorie B, je n’aurais dû avoir aucune difficulté à conclure qu’à la date du décès du défunt, aucune personne dans une situation de marché, aussi libre soit‑il, n’aurait payé plus de 10 725,98 $ pour acquérir les actions en cause.

 

[12]    La décision de la Cour de l’Échiquier a été infirmée par la Cour suprême du Canada. Le juge en chef du plus haut tribunal du pays a déclaré ce qui suit à la page 6133 :

 

Dès qu’il est établi (et c’est admis) que le contrat obligeant le défunt et ses exécuteurs à la liquidation de la compagnie était valide, la valeur réelle des actions ne peut excéder le montant que leur détenteur recevra à la liquidation. Il n’est pas réaliste d’avancer qu’elles ont en fait une autre valeur. Dès qu’on trouve que la compagnie devait être dissoute à la mort du défunt, la juste valeur marchande des 2,000 actions doit être la même, que la dissolution se produise sous la contrainte d’un contrat exécutoire ou suivant une disposition impérative des lettres patentes.

 

[13]    Il ressort sans équivoque de cet arrêt que la valeur du bien peut être modifiée par des obligations contractuelles extérieures au bien lui‑même, c’est‑à‑dire qui ne lui sont pas inhérentes.

 

[14]    Je ne crois pas, cependant, que ce principe aide l’appelant. Les éléments de preuve dont je suis saisi n’établissent nullement l’existence d’une quelconque restriction contractuelle au droit de l’appelant de disposer des actions d’AVL selon son bon vouloir. Cette conclusion a une double incidence. Premièrement, je ne crois pas que le fait d’avoir prévu que les actions d’AVL seraient échangées contre des actions entiercées de USX en a modifié la valeur en mai 1999. Deuxièmement, je ne crois pas que ce fait ait empêché les actions de constituer un revenu dans l’année où elles ont été émises en faveur de l’appelant.

 

[15]    La troisième question touche la valeur des actions. On a avancé qu’il était prévu que les actions seraient par la suite échangées contre des actions entiercées de USX. En outre, M. St‑Louis, expert‑comptable et évaluateur d’entreprises, a déclaré qu’à son avis le montant de 0,06 $ l’action était élevé et qu’à la lumière d’une évaluation en règle, le fait qu’AVL ait essuyé seulement des pertes et un important déficit en 1999 justifiait une évaluation nulle. Il n’a pas déposé de rapport en qualité de témoin expert, mais la Cour conserve le droit d’entendre des arguments sur la valeur des actions parce que les fondements exacts de l’évaluation présentée par la Couronne sont connus. En effet, les actions d’AVL avaient été émises antérieurement dans le cadre d’un placement public au prix de 0,06 $ l’action. Il s’agit d’une preuve prima facie de leur juste valeur marchande.

 

[16]    De plus, les paragraphes 27(3) et (4) de l’Alberta Business Corporation Act sont rédigés en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

         Une action n’est pas émise tant que la contrepartie n’est pas entièrement versée sous forme d’espèces ou de biens ou de services passés dont la valeur est au moins égale au juste équivalent des espèces que la société aurait reçues si l’action avait été émise au comptant.

 

         Afin de vérifier si le bien ou les services passés constituent un juste équivalent de la contrepartie en espèces, les administrateurs peuvent tenir compte des frais et des dépenses raisonnables d’organisation et de réorganisation ainsi que des paiements versés pour des biens et des services passés dont on pourrait raisonnablement s’attendre qu’ils profitent à la société.

 

[17]    Je dois présumer que les administrateurs ont réfléchi à la juste valeur des services passés rendus par l’appelant à AVL et conclu que les 1 400 000 actions d’AVL avaient une valeur équivalente à la valeur de ces services, soit 84 000 $.

 

[18]    Enfin, j’examinerai brièvement l’argument suivant lequel l’émission des 1 400 000 actions d’AVL était analogue à l’émission d’options d’achat d’actions. L’appelant croyait que l’émission d’actions ayant une valeur nominale ou nulle équivaut en substance du point de vue économique à l’émission d’options d’achat d’actions pour un prix équivalant à leur valeur à la date d’émission de ces options, ce qui est compréhensible, mais il y a une différence. En dehors de l’article 7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, les règles de droit énoncent clairement que la valeur d’une option d’achat d’actions accordée à un employé en vue d’acquérir des actions de son employeur doit être imposée lorsque l’option est accordée (Abbott v. Philbin, [1961] A.C. 352). L’article 7 et l’alinéa 110(1)d.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu établissent un régime législatif tout à fait différent selon lequel l’avantage imposable reçu par l’employé est pris en compte quand l’option est exercée. Le traitement fiscal des options d’achat d’actions proposé par l’appelant n’est pas, avec égards, analogue à ce régime.

 

[19]    J’ai beaucoup de sympathie pour l’appelant, mais je crois que la cotisation est exacte. Je présume que l’appelant aura le droit de déduire une perte en capital subie soit au moment de l’échange des actions d’AVL contre les actions entiercées de USX, soit au moment où les actions de USX ont perdu toute valeur, mais je n’exprime aucune conclusion sur ce point.

 

[20]    L’appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2008.

 

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI156

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2322(IT)G

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Tom J. Lockhart et Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 mars 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

 

DATE DU JUGEMENT ET

DES MOTIFS DU JUGEMENT :       Le 19 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Bryan Wigger

 

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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