Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-3002(IT)I

ENTRE :

PATRICK LESSARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 mars 2008, à Shawinigan (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

 

Me Pierre Spain

Avocate de l'intimée :

Me Justine Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L'appel interjeté à l'encontre des avis de nouvelle détermination datés du 20 octobre 2006, par lesquels le ministre du Revenu national a refusé à l'appelant la prestation fiscale canadienne pour enfants pour le mois de juin 2006 et pour la période de juillet à septembre 2006 inclusivement, relativement aux années de base 2004 et 2005, est rejeté, selon les motifs du jugement ci joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mars 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

 

Référence : 2008CCI174

Date : 20080327

Dossier : 2007-3002(IT)I

ENTRE :

PATRICK LESSARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’avis de nouvelle détermination relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants datés du 20 octobre 2006 pour les années de base 2004 et 2005.

 

[2]              La question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a correctement conclu que l’appelant n’était pas le parent qui assumait principalement les soins et l’éducation de son enfant Mathieu, pour le mois de juin 2006 à l’égard de l’année de base 2004 et pour les mois de juillet à septembre 2006 pour l’année de base 2005.

 

[3]              Le ou vers le 5 février 2007, l’appelant a signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre des avis de nouvelle détermination du 20 octobre 2006 pour les années de base 2004 et 2005.

 

[4]              Le 1er juin 2007, le ministre a ratifié les avis de nouvelle détermination du 20 octobre 2006 pour les années de base 2004 et 2005.

 

[5]              Pour établir et ratifier les nouvelles déterminations à l’égard des années de base 2004 et 2005, le ministre a tenu pour acquis les hypothèses de faits suivantes :

 

a)                 l’appelant et madame Nathalie Filiatreault ont été conjoints et trois enfants sont nés de leur union dont Mathieu né le 23 octobre 1990;

 

b)                Mathieu a résidé avec l’appelant jusqu’au mois de mai 2006, mois au cours duquel il a emménagé chez sa mère;

 

c)                 Au cours du mois d’octobre 2006, Mathieu est retourné vivre avec l’appelant;

 

d)                au cours des périodes en litige, Mathieu résidait principalement avec sa mère;

 

e)                 au cours des périodes en litige, le ministre a déterminé que Mme Filiatreault était le particulier qui assurait principalement le soin et l’éducation de Mathieu.

 

[6]              Aux termes d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 21 février 2006[1] donnait force exécutive à une convention dûment signée par les parties (le « jugement »), l’appelant obtenait la garde exclusive de Mathieu et une pension alimentaire de 1 574 $ par année, payable par la mère à compter du 1er janvier 2006.

 

Témoignage de l’appelant

 

[7]              L’appelant a précisé que Mathieu avait habité sans interruption avec lui depuis le début de 2002 jusqu’au mois d’avril 2006 inclusivement, sauf pour un séjour d’un an et demie à un centre d’accueil pour jeunes délinquants en 2004‑2005. Il a admis avoir demandé à la mère de Mathieu de reprendre son fils car il ne savait plus quoi faire avec lui. Il a reconnu que la mère de Mathieu avait accepté de le reprendre chez elle et que Mathieu avait emménagé chez elle au cours du mois de mai 2006. Selon lui, l’expérience n’a pas fonctionné et il a prétendu que Mathieu ne serait demeuré avec sa mère qu’environ 30 jours en tout pendant les périodes en litige. Il a prétendu, qu’au cours des périodes en litige, Mathieu venait souvent couché chez lui puisqu’il travaillait à Nicolet et que ses amis résidaient à Nicolet.

 

Témoignage de la mère

 

[8]              La mère a confirmé que son fils avait déménagé ses effets personnels chez elle et y avait transporté son linge, ses disques, son vidéo, sa télévision, ses livres d’école. Elle a également témoigné qu’elle avait aménagé pour Mathieu une chambre avec salon au sous-sol de sa résidence et qu’elle avait inscrit Mathieu à l’école secondaire Jean-Nicolet pour l’année scolaire 2006. Selon une lettre datée du 16 avril 2007[2] du directeur de ladite école, il a été convenu que Mathieu ferait son travail scolaire à la maison et que celui-ci ou sa mère communiquerait avec l’école afin de remettre les travaux faits et ainsi passer les examens. Cette lettre faisait suite à une autre lettre datée du 6 novembre 2006[3] dans laquelle le même directeur d’école confirmait que Mathieu était inscrit à l’école et demeurait au 18 Haut‑de‑la‑Rivière à St‑François‑du‑Lac, qui est l’adresse de sa mère. Elle a admis que son fils n’avait pas suivi ses cours. Suite au déménagement de son fils chez elle, elle a précisé qu’elle avait entrepris des démarches pour obtenir la garde légale de Mathieu et faire annuler la pension alimentaire qu’elle versait au père pour Mathieu. Tout a été suspendu le 5 octobre, date à laquelle le fils a quitté le domicile de la mère pour retourner vivre chez son père. Suite à ce déménagement, la mère a avisé le ministre de cesser de lui verser des prestations fiscales pour Mathieu.

 

Position de l’appelant

 

[9]              L’avocat de l’appelant a prétendu que, pendant le mois de juin 2006 et pendant les mois de juillet à octobre 2006, Mathieu n’était qu’en visite chez sa mère pour n’y avoir demeuré à l’essai qu’une trentaine de jours puisque son client avait obtenu le 21 février 2006, en vertu du jugement, la garde exclusive de Mathieu. Dans sa plaidoirie, l’avocat de l’appelant a prétendu que la lettre datée du 6 novembre 2006 du directeur d’école était une lettre de complaisance parce qu’au 6 novembre 2006 Mathieu ne résidait plus avec sa mère.

 

Analyse et conclusion

 

[10]         L’alinéa a) de la définition de l’expression « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») exige notamment que le particulier admissible réside avec la personne à charge.

 

[11]         Le terme « réside », tel qu’utilisé dans la définition de l’expression « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi signifie « vivre dans la même maison de manière habituelle ». La question à laquelle il faut répondre est la suivante : est-ce que Mathieu vivait dans la maison de sa mère en juin 2006 et de juillet à septembre 2006, et ce, de manière habituelle?

 

[12]         Il a été admis par l’appelant que Mathieu a déménagé chez sa mère au cours du mois de mai 2006. Mathieu a donc résidé chez sa mère à compter du mois de mai 2006. Il a également été admis par la mère de Mathieu, que ce dernier est retourné vivre chez son père au cours du mois d’octobre 2006. Sur la base des faits et des admissions des parties, je conclus que Mathieu a résidé avec sa mère au cours des périodes en litige.

 

[13]         Par contre, l’appelant allègue que Mathieu n’a pas résidé de manière habituelle avec sa mère, sauf pour une période d’environ 30 jours. Aucun élément de preuve n’a été fourni à cet égard et les témoignages de l’appelant et de la mère de Mathieu sont contradictoires concernant la fréquence et la durée des visites de Mathieu chez son père pendant qu’il résidait avec sa mère.

 

[14]         Compte tenu du fait que Mathieu a sans contredit déménagé chez sa mère, que sa mère a emménagé une chambre pour lui au sous-sol de sa résidence, que sa mère a inscrit Mathieu à l’école et que sa mère a entrepris des démarches pour faire changer la garde exclusive de Mathieu et la pension alimentaire qu’elle versait au père, je conclus que l’appelant n’était pas le particulier admissible puisque Mathieu ne résidait pas avec son père pendant les périodes en litige. Par conséquent, l’appelant n’a pas droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants pendant les périodes en litige, et ce, même s’il avait la garde exclusive de Mathieu.

 

[15]         Le fait d’avoir la garde exclusive d’un enfant en vertu d’un accord ou d’un jugement ne donne pas droit automatiquement à la prestation fiscale pour enfants. À cet égard, j’aimerais citer le passage suivant de la décision rendue par le juge Bédard de cette Cour dans l’affaire Chantal Landry :

 

Je souligne aussi que le fait d'avoir la garde exclusive d'un enfant en vertu d'un accord ou d'un jugement ne donne pas droit automatiquement à la prestation fiscale pour enfants. Cela n'est tout simplement pas un critère déterminant. En aucun cas une convention de séparation ou pareil jugement ne saurait lier le ministre ni conférer des droits fiscaux au parent avec qui l'enfant ne réside pas et qui n'a pas la charge de l'enfant.[4]

 

de même que le passage suivant de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sheila Lynn Matte :

 

Nous sommes donc d'avis que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant en droit que la mère demanderesse, soit le parent qui n'avait pas la garde, ne pouvait pas être admissible à la prestation fiscale pour enfants pour le mois d'août 1998 comme elle l'avait demandé, parce qu'à d'autres moments de l'année son ex-conjoint était le "particulier admissible".[5]

 

 

[16]         Concernant les lettres du directeur d’école, j’en retiens qu’elles ne sont pertinentes que pour confirmer l’inscription de Mathieu à l’école, ce qui a d’ailleurs été admis par l’appelant même s’il ne croyait pas aux succès de cette demande. La crédibilité de la mère ne peut être attaquée pour le motif qu’elle aurait demandé ces lettres suite aux questions du ministre concernant son admissibilité aux prestations ou pour le motif que ces lettres sont inexactes quant au lieu de résidence de Mathieu et quant à la période de résidence chez sa mère. Il importe de souligner ici que la mère de Mathieu a rapidement demandé au ministre de cesser de verser des prestations suite au déménagement de Mathieu en octobre 2006.

 

[17]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté sans frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mars 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI174

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3002(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PATRICK LESSARD ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Shawinigan (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 17 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 27 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

 

Me Pierre Spain

Avocate de l'intimée :

Me Justine Malone

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Pierre Spain

 

                 Cabinet :                           Biron, Spain

                                                          Avocats

                                                          Trois-Rivières

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]               Voir la pièce A-1

[2]               Voir la pièce I-1

[3]               Voir la pièce I-2

[4]               Landry c. Canada, 2007CCI355, paragraphe 13

[5]               Matte c. Canada, 2003CAF19, paragraphe 12

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.