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Dossier : 2007-3088(IT)I

ENTRE :

 

LIANGHONG LI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

Appels entendus à Toronto (Ontario), les 4 et 6 mars 2008.

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Kate Leslie

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 de l’appelant sont accueillis, avec dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a droit aux déductions suivantes dans le calcul de son revenu pour les années 2003 et 2004 :

 

Dépense

Déduction permise pour 2003

Déduction permise pour 2004

Frais de bureau

350 $

0 $

Aliments

243 $

320 $

Téléphone/Cellulaire

230 $

268 $

Frais afférents à un véhicule à moteur :

 

 

  Réparation du véhicule

324 $

371 $

  Essence

552 $

406 $

  CAA

31 $

39 $

  Assurance

464 $

574 $

Stationnement

136 $

50 $

Télévision par câble

0 $

0 $

Internet

55 $

80 $

Autres dépenses d’entreprise

12 000 $

12 000 $

 

14 385 $

14 108 $

 

       Signé à Fredericton (Nouveau-Brunswick) ce 31e jour de mars 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI175

Date : 20080331

Dossier : 2007-3088(IT)I

ENTRE :

 

LIANGHONG LI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Webb

 

[1]     En l’espèce, la principale question en litige est de savoir si l’appelant exploitait une entreprise durant les années 2003 et 2004. L’appelant a déduit des dépenses d’entreprise pour chacune de ces années, et l’intimée a affirmé que l’appelant n’avait pas alors commencé l’exploitation d’une entreprise. Si l’appelant exploitait une entreprise, il faudra examiner les dépenses qu’il a déduites afin de déterminer les sommes qui pourront être déduites dans le calcul de son revenu pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     L’appelant est instruit. En 1982, il a reçu un doctorat en médecine du Collège médical de Chongqing (aujourd’hui l’Université des sciences médicales de Chongqing) situé à Chongqing, dans la province du Sichuan, en Chine. En 1985, il a obtenu une maîtrise ès sciences en pharmacologie clinique et fondamentale à l’Université des sciences médicales de la Chine occidentale. Il a aussi complété une formation postdoctorale, en tant que chercheur invité, à la faculté de médecine de l’Université de l’Illinois, située à Rockford, en Illinois.

 

[3]     À l’heure actuelle, l’appelant est un directeur des travaux de laboratoire chez Diteba Research Laboratories Inc., à Mississauga. Il avait auparavant occupé des postes de chimiste-chercheur principal, d’associé en recherche, de chercheur invité, de professeur agrégé et de chargé de cours.

 

[4]     L’appelant a inventé un système d’homogénéisation (le « produit ») qui servira au traitement de prélèvements de tissus. Ses clients potentiels sont les laboratoires qui traitent des prélèvements de tissus : les laboratoires de recherche d’universités, les sociétés pharmaceutiques, les sociétés biopharmaceutiques, les laboratoires d’hôpitaux et les laboratoires médico-légaux. Dans le livret des produits et des activités de l’entreprise, déposé à titre de pièce par l’appelant, le nombre de laboratoires qui auraient besoin de ce type de produit est estimé à 30 000. Les caractéristiques du produit y sont décrites de la façon suivante :

 

[TRADUCTION]

 

1. Simplicité d’utilisation pour le traitement des prélèvements;

 

2. Aucune contamination croisée, comparativement aux outils et aux procédés traditionnels;

 

3. Efficace pour divers types de traitements de prélèvements;

 

4. Abordable.

 

[5]     Une demande de brevet pour le produit a été déposée en 2001. Après cela, l’appelant a travaillé aux composants du système d’homogénéisation, et a tâché de résoudre des problèmes ayant trait au moteur et aux interrupteurs qui allaient être utilisés, et il a cherché à s’entendre avec le fabricant quant à la façon de fabriquer et d’emballer le produit. L’appelant a dû construire plus d’un prototype avant d’arriver au modèle final du produit. Il a mentionné que l’obtention de l’agrément des Underwriters Laboratories Inc. (« UL ») est l’une des étapes importantes que le produit doit franchir avant de pouvoir être vendu à ses clients potentiels. Deux propositions de prix d’UL ont été présentées. Le coût approximatif d’obtention de l’agrément d’UL est de 21 600 $US pour les interrupteurs et de 4 700 $US pour les moteurs. L’appelant n’a pas encore reçu l’agrément d’UL pour les interrupteurs ou pour les moteurs.

 

[6]     Le produit est composé de deux parties : une partie motorisée, qui fait  fonctionner un broyeur, et un jeu de têtes remplaçables. Une facture datée du 27 janvier 2007 montre que l’appelant a reçu 50 moteurs et 5 100 jeux de têtes remplaçables en provenance de Chine.

 

[7]     L’appelant n’a pas encore vendu son produit, mais, à l’audience, il en a apporté un exemplaire se trouvant dans son emballage. Il travaille aussi à deux autres inventions : un appareil de massage des pieds et un nouveau de fixation des os fracturés. Les déductions en cause se rapportent à son nouveau système d’homogénéisation.

 

[8]     La question de savoir si une personne exploite une entreprise a déjà fait l’objet de litiges. Dans Harquail c. La Reine, 2001 CAF 320, 2001 DTC 5630, [2002] 1 C.T.C. 25, le juge Desjardins s’est ainsi exprimé au nom de la Cour d’appel fédérale :

 

[62]      Il n'est pas facile de circonscrire la teneur du concept d'exploitation d'une entreprise. On peut dégager deux paramètres extrinsèques qui permettent de conclure qu'il n'y a pas d'exploitation : d'une part, lorsqu'une société dûment constituée n'a pas réellement commencé son exploitation et, d'autre part, lorsqu'une société a été mise en veilleuse et se limite à tenir des assemblées annuelles et à produire des déclarations de revenus pour éviter sa dissolution. Il y a cependant, entre ces deux extrêmes, certaines activités qui sont les signes d'une société en exploitation et qui devraient être placées dans le spectre du concept de l'exploitation d'une entreprise même si, par exemple, ces activités ont pour but de conclure un accord qui au bout du compte ne l'est pas, ou même si elles n'entraînent pas la production d'un revenu.

 

[63]      Dans la poursuite de ce raisonnement, je trouve utiles les commentaires faits par le juge Jackett dans l'arrêt Canada Starch Company Limited c. Le Ministre du Revenu national (68 D.T.C. 5320, aux pages 5324 et 5325). Bien que cette affaire ait porté sur la notion de dépenses commerciales ou de mise de fonds déductibles, les observations suivantes apportent un peu de lumière sur la question de l'exploitation d'une entreprise :

 

[Traduction]

 

[...] De même, à mon avis, les dépenses ou d'autres mesures prises par un homme d'affaires en vue de mettre certains produits sur le marché – par exemple des études de marché et des études de dessins industriels – sont également des dépenses courantes. Elles sont de plus des dépenses engagées dans le cours de l'exploitation de l'entreprise afin d'inciter le public à acheter les biens qui sont vendus.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[64]      De même, dans l'arrêt Bowater Power Company Limited c. Le Ministre du Revenu national (71 D.T.C. 5469, à la page 5481), une affaire traitant également des dépenses commerciales et des mises de fonds déductibles, le juge en chef adjoint Noël a déclaré ce qui suit :

 

[Traduction]

 

[...] Bien que la mise en valeur des ressources hydro-électriques, une fois qu'elle devient une entreprise ou une réalité commerciale, soit une immobilisation de l'entreprise à laquelle elle se rattache, les moyens raisonnables qui ont été mis en œuvre pour déterminer si l'entreprise devrait être créée ou non peuvent quand même résulter de l'exploitation courante de l'entreprise et faire partie des activités quotidiennes des cadres qui dirigent les opérations d'une façon commerciale. Je ne peux cependant voir aucune différence de principe entre toutes ces affaires.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[65]      À mon avis, la société Rivière Hall a exploité son entreprise sans interruption depuis 1978. Elle était constamment à la recherche d'un marché pour mettre en valeur son potentiel hydro-électrique. Par conséquent, la société Rivière Hall respecte la condition du paragraphe 110.6(1) de la Loi, tant du point de vue de « l'entreprise exploitée activement » que du point de vue de la période pertinente, c'est-à-dire « tout au long de la partie de la période de vingt-quatre mois qui précède le moment donné, où l'action est la propriété du particulier ».

 

[9]     Dans l’arrêt Stewart c. La Reine, 2002 CSC 46, 212 D.L.R. (4th) 577, 2002 DTC 6969 (Eng.), [2002] 3 C.T.C. 439, 50 R.P.R. (3d) 157, 288 N.R. 297, [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour suprême du Canada s’est exprimée de la façon suivante :

 

[50]      Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.  Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien.  De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles.  On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :

 

(i)         L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

 

(ii)        S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

 

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.

 

[51]      Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité.  De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240.  Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.

 

[52]      Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l’avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l’origine l’intention du juge Dickson lorsqu’il a mentionné l’« expectative raisonnable de profit » dans l’arrêt Moldowan.  Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l’activité en cause est de nature commerciale ou personnelle.  Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d’« indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, par. 13.  Ainsi, lorsque la nature de l’entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu’elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l’entreprise est exploitée d’une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins d’application de la Loi.

 

[53]      Nous soulignons que ce critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l’objet d’une analyse que dans les situations où l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif.  En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l’ERP à des activités comme l’exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.).  Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable.  De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit.  Il existe donc par définition une source de revenu et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.

 

[54]      Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif.  Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs.  Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[55]      Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s’engager, et (4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit.  Comme nous le concluons plus loin, il n’est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d’ajouter d’autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire.  Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l’importance de l’entreprise.  Nous tenons également à souligner que, même si l’expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n’est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant.  Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale.  Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable.  C’est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires.

 

[10]    En l’espèce, il est clair que l’appelant menait ses activités en vue de réaliser un profit. Rien ne permet de croire qu’il s’agissait d’une démarche personnelle. L’appelant est très fier de son invention, mais cette fierté et sa volonté de commercialisation ne suffisent pas pour conclure à une démarche personnelle. L’appelant exploitait donc une entreprise. Les nombreuses années nécessaires à la commercialisation du produit sont davantage attribuables à la nature du produit et au fait que l’obtention des divers agréments nécessaires et la résolution des problèmes relatifs à l’invention demandent un certain temps, plutôt qu’à une quelconque indication du fait que l’appelant n’a pas exploité une entreprise.

 

[11]    La prochaine question à trancher est celle de la somme que l’appelant a le droit de déduire pour chacune des années en cause. L’intimée a admis que  l’appelant avait bel et bien dépensé la plupart des sommes qu’il a déduites. Elle a cependant affirmé que les sommes qui avaient été dépensées pour des frais de bureau en 2004 et des aliments en 2003 étaient inférieures à celles qui ont été déduites. L’intimée n’a autorisé aucune partie des autres dépenses d’entreprise de 12 000 $ que l’appelant a voulu déduire pour chacune des années 2003 et 2004. L’appelant et l’intimée ne s’entendaient pas non plus quant à la déductibilité des sommes dépensées.

 

[12]    L’appelant est très instruit et possède une grande expérience en pharmacologie et en médecine. Il n’est toutefois pas doué pour la comptabilité. L’appelant n’a pas tenu ses livres de façon adéquate. La somme qu’il a déduite à titre de frais de bureau comprend plusieurs éléments qui auraient dû être inscrits à l’actif, et d’autres qui avaient déjà été inclus dans une autre catégorie de déductions. Le juste montant relatif à l’acquisition d’immobilisations, à la lumière de l’utilisation de ces immobilisations dans l’exploitation de l’entreprise, devrait être inscrit au tableau de la déduction pour amortissement approprié. L’appelant pourra ensuite demander une déduction pour amortissement à l’égard de ces immobilisations, conformément aux dispositions de la Loi et du Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

[13]    Certaines des sommes incluses dans la déduction pour frais de bureau pour l’année 2003 avaient été affectées à des immobilisations. Une antenne parabolique avait été achetée au prix de 229,29 $. Cette somme ne peut être déduite en entier, et ce, même si l’antenne servait à une connexion à Internet, puisqu’il s’agit d’une immobilisation. Une déduction de 88,47 $ n’est rattachée à aucune catégorie. Vingt dollars ont étés déduits relativement à des contraventions de stationnement, alors qu’il y a déjà une autre catégorie de dépenses pour le stationnement. Le total du sommaire révisé des frais de bureau pour l’année 2003 est de 727,23 $, mais l’appelant n’a déduit que 570,79 $ à ce titre pour cette année‑là. Aucune liste ventilant le total de 570,79 $ n’a été fournie. Il est difficile de déterminer de façon exacte le total des frais de bureau engagés en 2003, mais je permettrai la déduction de frais de bureau de 350 $ pour l’année 2003.

 

[14]    Les frais de bureau déduits pour l’année 2004 semblent surtout correspondre à des dépenses en capital ou à des dépenses – comme des cartes téléphoniques pour cellulaire – pour lesquelles une somme distincte a déjà été déduite. Par conséquent, aucune déduction pour frais de bureau ne sera pas permise pour l’année 2004.

 

[15]    L’appelant a déclaré que les déductions demandées pour des aliments sont attribuables à des rencontres relatives à l’entreprise, que l’appelant a eues avec divers amis et collègues. Ces personnes travaillaient dans des laboratoires qui étaient des acheteurs potentiels du produit de l’appelant. La déduction pour  aliments sera permise, sous réserve de l’application de l’article 67.1 de la Loi, lequel limitera la déduction à la moitié de la somme dépensée. L’appelant a déduit 550,63 $ pour l’année 2003. L’intimée a reconnu que 486 $ avaient été dépensés pour des aliments en 2003, et l’appelant a consenti à l’emploi du montant reconnu par l’intimée pour l’année 2003. L’appelant et l’intimée se sont entendus pour dire que 641 $ avaient été dépensés pour des aliments en 2004. Les déductions pour aliments permises seront ainsi de 243 $ pour l’année 2003 et de 320 $ pour l’année 2004.

 

[16]    En ce qui concerne les déductions pour téléphone et cellulaire, l’appelant a dit qu’il utilisait le téléphone à des fins personnelles et aux fins de l’entreprise. Il a estimé l’utilisation aux fins de l’entreprise à 35 %. J’accepte son témoignage et je permettrai la déduction de 35 % du montant déduit pour le téléphone et le cellulaire.

 

[17]    Lorsqu’il a été interrogé quant aux frais afférents à un véhicule à moteur, l’appelant a déclaré que 40 % de l’utilisation du véhicule était attribuable à l’exploitation de l’entreprise. J’accepte son témoignage à ce sujet, et je permets la déduction, en tant que dépense d’entreprise, de 40 % de la somme déduite pour les frais afférents à un véhicule à moteur. L’appelant a aussi dit que les déductions demandées n’incluaient pas les primes d’assurance automobile qu’il a versées. Ces primes s’élevaient à 1 159,48 $ pour l’année 2003 et à 1 436 $ pour l’année 2004. Quarante pour cent des primes d’assurance automobile versées pourront être déduits à titre de dépenses d’entreprise.

 

[18]    Les déductions demandées à l’égard du stationnement correspondaient à des contraventions de stationnement reçues par l’appelant. Dans 65302 British Columbia Limited v. The Queen, 99 DTC 5799, [2000] 1 C.T.C. 57, le juge Iacobucci s’est ainsi exprimé :

 

[23]      Le présent pourvoi pose la question de savoir si des redevances, des amendes et des pénalités peuvent être déduites du revenu du contribuable comme dépenses d’entreprise.  Pour y répondre, il faut examiner des questions d’interprétation des lois et déterminer dans quelle mesure des considérations relatives à l’ordre public peuvent entrer en ligne de compte dans cette interprétation.  Je suis d’avis qu’en règle générale, c’est au législateur, et non aux tribunaux, qu’il appartient de décider de la non-déductibilité de certains types de dépenses engagées en vue de produire un revenu d’entreprise.  Le Parlement l’a fait à plusieurs reprises, mais pas dans le cas présent.  Par conséquent les redevances, les amendes et les pénalités payées en vue de tirer un revenu sont des dépenses d’entreprise déductibles.

 

[19]    À la suite de cet arrêt de la Cour suprême du Canada, l’article 67.6 a été ajouté à la Loi. Cet article est ainsi rédigé :

 

67.6     Aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu au titre de toute amende ou pénalité (sauf celles visées par règlement) imposée sous le régime des lois d’un pays, ou d’une de ses subdivisions politiques – notamment un État, une province ou un territoire – par toute personne ou tout organisme public qui est autorisé à imposer pareille amende ou pénalité.

 

[20]    Cet article s’applique aux amendes et aux pénalités imposées après le 22 mars 2004. L’article n’a pas été invoqué dans la réponse à l’avis d’appel. De même, aucune preuve n’a été présentée quant au moment de l’année 2004 où les contraventions de stationnement ont été données. L’avocate de l’intimée n’a pas invoqué cet article relativement à la déduction demandée à l’égard des contraventions de stationnement pour l’année 2004. Comme la réponse ne contient aucune  hypothèse quant aux contraventions de stationnement, l’intimée avait le fardeau d’établir l’existence de faits permettant de décider de l’applicabilité de l’article à la déduction demandée à l’égard des contraventions.

 

[21]    Dans Pollock v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 3, 94 DTC 6050, le juge Hugessen a émis le commentaire suivant au nom de la Cour d’appel fédérale :

 

Cependant, lorsque le ministre n’a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu’il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s’il le peut, le bien‑fondé de la cotisation qu’il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux-ci n’aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C’est une question de droit qui a fait l’objet d’une jurisprudence constante.

 

[22]    Dans Loewen, 2004 CAF 146, la juge Sharlow s’est ainsi exprimée au nom de la Cour d’appel fédérale :

 

[11]      Les contraintes imposées au ministre lorsqu'il invoque des hypothèses n'empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d'appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[23]    La Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel quant à l’arrêt Loewen rendu par la Cour d’appel fédérale (338 N.R. 195 (note)).

 

[24]    Puisque l’intimée n’a pas présenté de preuve permettant de décider de l’applicabilité de l’article 67.6 de la Loi à la présente affaire, et plus particulièrement à savoir si les contraventions avaient été données après le 22 mars 2004, je ne peux pas me pencher sur l’applicabilité de cet article aux contraventions reçues par l’appelant. Ce dernier a affirmé que 80 % de la somme relative aux contraventions était attribuable à l’exploitation de l’entreprise. J’accepte son témoignage, et 80 % de cette somme pourront être déduits à titre de dépenses d’entreprise pour chacune des années 2003 et 2004.

 

[25]    Eu égard à la déduction demandée pour la télévision par câble, l’appelant n’a pas su démontrer le lien nécessaire entre l’exploitation de son entreprise et l’usage de la télévision par câble. Par conséquent, aucune déduction relative à la télévision par câble ne pourra être incluse dans les dépenses d’entreprise.

 

[26]    Quant au montant relatif à Internet, l’appelant a déclaré qu’il utilisait le courrier électronique pour exploiter son entreprise, et que cette utilisation d’Internet représentait 50 % de son utilisation totale. J’accepte son témoignage à cet égard, et 50 % de la somme relative à Internet pourront être déduits à titre de dépenses d’entreprise.

 

[27]    Une déduction de 12 000 $ a été demandée relativement à d’autres dépenses d’entreprise pour chacune des années 2003 et 2004. L’appelant a versé ces montants à son frère qui habite en Chine, et qui traitait avec le fabricant. Le reçu montre que ces sommes se rapportaient à des honoraires de consultation et à des dépenses relatives à la production d’essai du produit. Tout au long des années 2003 et 2004, l’appelant traitait avec le fabricant pour travailler à la conception du produit et au processus de fabrication. J’accepte le témoignage de l’appelant à ce sujet, et il aura droit à une déduction de 12 000 $ pour chacune des années en cause. L’appelant a versé plus de 12 000 $ à son frère en 2004, mais il ne cherche pas à déduire plus que cette somme pour cette année‑là.

 

[28]    Par conséquent, les appels sont accueillis, avec dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a droit aux déductions suivantes dans le calcul de son revenu pour les années 2003 et 2004 :

 

Dépense

Déduction permise pour 2003

Déduction permise pour 2004

Frais de bureau

350 $

0 $

Aliments

243 $

320 $

Téléphone/Cellulaire

230 $

268 $

Frais afférents à un véhicule à moteur :

 

 

  Réparation du véhicule

324 $

371 $

  Essence

552 $

406 $

  CAA

31 $

39 $

  Assurance

464 $

574 $

Stationnement

136 $

50 $

Télévision par câble

0 $

0 $

Internet

55 $

80 $

Autres dépenses d’entreprise

12 000 $

12 000 $

 

14 385 $

14 108 $

 

 

       Signé à Fredericton (Nouveau-Brunswick) ce 31e jour de mars 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2008.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008CCI175

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2007-3088(IT)I

 

INTITULÉ :

Lianghong Li et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 4 et 6 mars 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 31 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Kate Leslie

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant(e) :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

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