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Dossier : 2007-3293(EI)

 

ENTRE :

ROBIN LESSARD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 14 février 2008 à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 

 


 

 

 

 

Référence : 2008CCI122

Date : 20080304

Dossier : 2007-3293(EI)

 

ENTRE :

ROBIN LESSARD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]     Il s'agit d'un appel d'une décision relative à l'assurabilité du travail exécuté par l'appelant durant la période du 29 mai au 4 novembre 2006 pour le compte de la société 9163‑5102 Québec inc.

 

[2]     Pour rendre sa décision, l'intimé s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

5.         [...]

 

a) Mme Lili Maltais était la seule actionnaire du payeur; (admis)

 

b) l'appelant est le conjoint de Mme Lili Maltais; (admis)

 

c) l'appelant est lié à une personne qui contrôle le payeur. (admis)

 

6.         [...]

 

a)   le payeur, constitué en société le 7 décembre 2005, exploite un restaurant sous la raison sociale de Restaurant Desbiens-Venue; (admis)

 

b)   il s'agit d'un restaurant de type casse-croûte contenant 35 places avec une verrière en contenant 20 de plus durant la belle saison; (admis)

 

c)   les heures d'ouvertures du restaurant étaient généralement de 8 h à 22 h, 7 jours par semaines; (admis)

 

d)   avant la constitution du payeur, l'appelant exploitait le même restaurant sous la raison sociale de Restaurant Desbiens-Venue; (admis)

 

e)   l'appelant a exploité le restaurant pendant une dizaine d'années comme seul propriétaire; (admis)

 

f)    le payeur embauchait uniquement l'appelant et Mme Lili Maltais, mais il a aussi embauché une aide-cuisinière du 23 juillet au 21 septembre 2006; (admis)

 

g)   Mme Maltais prétend qu'elle exploitait le payeur uniquement de la fin mai à la fin d'octobre alors qu'antérieurement l'appelant exploitait le restaurant à l'année longue; (admis)

 

h)   la bâtisse abritant le restaurant du payeur appartient à l'appelant qui, prétendument, la louait au payeur pour 600 $ par mois; (admis)

 

i)    la principale tâche de l'appelant consistait à servir les clients aux tables; il pouvait occasionnellement aider à la cuisine et participer à l'entretien ménager du restaurant; (admis)

 

j)    alors que l'appelant a mentionné à l'agent de l'assurabilité que ses heures pouvaient varier et qu'elles n'étaient pas comptabilisées, Mme Maltais a mentionné que l'appelant faisait 60 heures par semaine et que ses heures étaient consignées sur une feuille de temps; (admis)

 

k)   l'appelant recevait une rémunération fixe de 750 $ par semaine, soit 540 $ de salaire régulier et 210 $ en pourboires; (admis)

 

l)    l'appelant était rémunéré par chèque à chaque semaine; (admis)

 

m)  antérieurement à la constitution du payeur, les rôles de Mme Maltais et de l'appelant étaient inversés et Mme Maltais recevait uniquement une rémunération de 300 $ par semaine pour 45 heures de travail pour effectuer les mêmes tâches que l'appelant; (admis)

 

n)   durant son embauche, l'aide-cuisinière faisait 50 heures par semaine et gagnait 7,75 $ de l'heure; (admis)

 

[...]

 

p)   malgré que le payeur a prétendu n'avoir débuté ses opérations que le 29 mai en 2006, les revenus déclarés par le payeur à la TPS démontrent que le restaurant a été exploité, sans interruption, depuis la constitution du payeur, en décembre 2005; (admis)

 

q)   l'appelant a mentionné que ses heures de travail variaient selon les périodes d'achalandage alors que ses feuilles de temps indiquent qu'il faisait toujours 60 heures par semaine tout au long de la période en litige; (admis)

 

r)    l'appelant a mentionné qu'il avait reçu 600 $ par mois du payeur, en argent liquide, pour le loyer de la bâtisse alors que Mme Maltais a déclaré que le payeur ne versait pas de loyer à l'appelant car le commerce n'était pas assez rentable; (admis)

 

s)   malgré la contradiction citée ci-dessus, le payeur a fait parvenir à l'intimé des reçus de loyer attestant que, depuis janvier 2006, le payeur versait 600 $ par mois, en argent, à l'appelant; (admis)

 

t)    de plus, au 30 juin, 2006, les montants du loyer sont évalués par le payeur à 1 000 $ par mois et comptabilisés par le payeur comme « dû à l'actionnaire » alors que Mme Maltais est officiellement la seule actionnaire du payeur; (nié)

 

u)   Mme Maltais a prétendu avoir investi 15 000 $ en argent dans l'entreprise lors de sa constitution alors que le comptable externe du payeur a précisé que c'était l'appelant qui avait investi la presque totalité des sommes d'argent dans la compagnie. (admis)

 

v)   le comptable a mentionné que le payeur avait versé un dividende de 5 000$ à Mme Maltais en 2006 alors que Mme Maltais n'a déclaré aucun dividende en 2006 et que l'appelant a déclaré un dividende imposable de 6 290 $ (5 000 $ majoré de 1,25) alors qu'il n'est, prétendument, pas actionnaire du payeur; (nié)

 

w)  l'appelant est le seul travailleur à avoir obtenu des pourboires et le payeur lui aurait versé toujours le même montant de pourboires à chaque semaine et ce, sans égard au volume des ventes, lesquelles ont été beaucoup plus élevées durant les 2 mois de l'été; (admis)

 

x)   tous les faits et documents obtenus tentent à démontrer que l'appelant est toujours très impliqué dans l'exploitation du commerce du payeur et que ses conditions de travail ne pourraient être les mêmes que celles d'une personne qui ne serait pas liée au payeur. (nié)

 

[3]     Après avoir été assermenté, l'appelant a admis la presque totalité des hypothèses de fait, soit les alinéas 5 a) à c) et 6 a) à n), p) à s), u) et w). L'appelant a nié le contenu des alinéas t), v) et x).

 

[4]     Dans un premier temps, l'appelant a fait l'historique de la petite entreprise. Il a indiqué que, n'eut été de sa conjointe, il aurait cessé d'exploiter le restaurant. Sa conjointe lui a cependant proposé de poursuivre l'exploitation, mais à certaines conditions qu'il a acceptées.

 

[5]     Il a indiqué que les choses étaient extrêmement difficiles financièrement en dehors de la période estivale, sauf lorsque lors de la venue de nouvelles entreprises ouvraient leurs portes ou lorsque d'imposants chantiers de construction étaient en marche.

 

[6]     Il a affirmé que sa conjointe et lui engageaient le moins de personnes possible, si ce n'est une cuisinière pendant la période en question, préférant travailler jusqu'à 90 heures par semaine dans le but de compenser la saison morte.

 

[7]     Très candidement, l'appelant a indiqué au cours de son témoignage que les prestations d'assurance-emploi étaient quelque chose de tout à fait essentiel au maintien de l'activité commerciale, ce qui en soit est probablement conforme à la réalité.

 

[8]     La conjointe de l'appelant, madame Lili Maltais, a également témoigné. Elle a confirmé le contenu du témoignage de son conjoint, ajoutant qu'elle et ce dernier devaient s'investir sans limite durant la saison estivale étant donné l'absence à peu près totale de clients au cours des mois du printemps, de l'automne et de l'hiver.

 

[9]     Elle a également mentionné que plus d'une dizaine de restaurants avaient fermé dans la région parce qu'ils avaient eu recours à une main-d'œuvre trop grande; selon madame Maltais, un restaurant comme le leur ne peut pas se permettre d'assumer les frais d'une main-d'œuvre payée suivant les normes habituelles.

 

[10]    Madame Lili Maltais et l'appelant ont témoigné d'une manière franche; le contenu de la preuve soumise à la Cour est conforme aux les faits colligés lors de l'enquête. Seule l’interprétation des faits par l’appelant distingue sa thèse de celle de  l’intimé.

 

[11]    Il n'y a aucun doute que la Cour ressent de la sympathie à l’égard de l’appelant et que l’avenir de l’entreprise pourrait dépendre de la décision que la Cour doit rendre.

 

[12]    Malheureusement, je ne puis me laisser influencer ni laisser libre cours à ma sympathie. Je dois essentiellement m'en remettre aux paramètres édictés par le législateur.

 

[13]    L'alinéa 5(2)i de la Loi prévoit que tout emploi où les parties ont conclu un contrat de travail et ont un lien de dépendance est exclu des emplois assurables.

 

[14]    Le législateur a toutefois prévu une exception : les parties sont réputées ne pas avoir de lien de dépendance lorsque, à la suite de l'analyse, il appert que le travail a été effectué selon des modalités, une rémunération et une durée comparables à ce qu'il en aurait été s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance. Le texte où les paramètres sont effectivement indiqués se lit comme suit :

 

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

 

a)         la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

 

b)         l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[15]    En l'espèce, j'aurais pu confirmer le bien‑fondé de la détermination immédiatement après avoir fait l'exercice avec l'appelant visant l’admission des hypothèses de l’intimé.

 

[16]    Effectivement, l'appelant a fait de nombreuses admissions; il a apporté certaines précisions et nuances tout en admettant formellement que les probabilités auraient été très minces qu'il puisse trouver un tiers qui aurait accepté de faire le même travail aux mêmes conditions et pour la même rémunération.

 

[17]    D'autre part, l'appelant a aussi admis que le restaurant n'était pas fermé complètement en dehors de la saison estivale et qu'il lui arrivait d'aider son épouse, notamment lorsqu'il y avait des réservations.

 

[18]    L’entraide est tout à fait normale à l'intérieur d'une petite entreprise familiale. Les membres d’une famille sont plus flexibles, plus généreux et plus prêts à collaborer que des employés d’une entreprise qui n’ont pas de lien de parenté ou de dépendance avec le propriétaire.

 

[19]    Cependant, cette collaboration, cette générosité et cette flexibilité, ne doivent pas amener la Cour à conclure qu'il est évident qu'un tiers n'aurait jamais accepté de telles conditions. Certains services, sans conséquence, peuvent être fournis bénévolement, mais lorsque l’aide bénévole est importante, la Cour est en droit de conclure qu'un tiers n'aurait pas accepté une telle situation, notamment de nombreuses heures de travail non rémunérées, de nombreuses heures de travail exécutées en surtemps, et ainsi de suite.

 

[20]    En l'espèce, l'appelant et sa conjointe s'investissent bien totalement dans leur petite entreprise dans le but de gagner leur vie avec leur restaurant.

 

[21]    En conclusion, aucun reproche ne peut être fait concernant la qualité et l'analyse des faits qui ont été recueillis lors de l'enquête. Ces faits sont en tout point, conformes aux aspects fondamentaux de la preuve soumise par l'appelant et sa conjointe Lili Maltais. Il n’y a donc pas lieu pour la Cour de trancher des questions de preuve.

 

[22]    L'appel, dans les circonstances, doit être rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI122

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3293(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ROBIN LESSARD ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Chicoutimi (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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