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Dossier : 2005-3186(IT)G

ENTRE :

CAROLE PECHET,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus le 4 février 2008 à Edmonton (Alberta)

 

Devant l’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelante :

Me James C. Yaskowich

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels relatifs aux cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 sont rejetés avec dépens, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d’avril 2008.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008

 

Christian Laroche


 

 

 

 

Référence : 2008CCI208

Date : 20080411

Dossier : 2005-3186(IT)G    

ENTRE :

 

CAROLE PECHET,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Campbell

 

[1]     Il s’agit d’appels interjetés à l’égard d’avis de nouvelle cotisation en date du 3 avril 2003 pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001.

 

[2]     Les faits sont simples et ne sont pas contestés. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, qui est reproduit et joint à mes motifs en annexe A. En résumé, l’appelante était une personne non-résidente du Canada au cours des années d’imposition pertinentes. Elle détenait une participation de 50 p. 100 dans une société de personnes qui était propriétaire d’un bien locatif commercial situé à Edmonton, en Alberta. L’appelante a reçu sa part des loyers versés à la société de personnes, mais aucun montant n’a été retenu ni remis en application de la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). Le 29 mai 2002, l’appelante a produit des déclarations de revenus conformément au paragraphe 216(1) pour les années d’imposition 1997 à 2001, lesquelles déclarations montraient que l’appelante ne devait aucun montant relatif à l’impôt de la partie I à l’égard de l’une ou l’autre de ces années d’imposition. Des avis de cotisation en date du 3 avril 2003 ont été établis à l’encontre de l’appelante relativement à la retenue d’impôt de la partie XIII et à l’arriéré d’intérêts afférent à cette retenue que l’appelante aurait été tenue de payer si les déclarations visées à l’article 216 n’avaient pas été produites. De plus, des nouvelles cotisations visant à annuler la retenue d’impôt de la partie XIII, mais non les arriérés d’intérêts, ont été établies également le 3 avril 2003.

 

[3]     En termes simples, la question à trancher est de savoir si l’appelante est tenue de payer des intérêts sur les montants cotisés en application de la partie XIII de la Loi à l’égard des années d’imposition susmentionnées, malgré le fait que la dette fiscale finale de l’appelante est nulle. Cependant, la question plus large qui se pose est de savoir si l’arriéré d’intérêts est demeuré exigible après que l’appelante eut produit des déclarations faisant état de l’exercice d’un choix en application de la partie I, ce qui a eu pour effet de réduire à néant le montant d’impôt de la partie XIII dont elle était redevable. La réponse à cette question touche en dernier ressort l’obligation d’un résident/payeur de retenir et de remettre les montants prévus au paragraphe 215(1).

 

La position de l’appelante

 

[4]     Au paragraphe 2 de ses observations écrites, l’appelante a résumé sa position comme suit :

 

[traduction]

 

a)       L’appelante était tenue de payer un impôt sur le revenu de 25 p. 100 conformément à la partie XIII de la Loi, parce qu’elle touchait un loyer payé par des résidents canadiens.

 

b)       Après avoir produit les déclarations de revenus exigées par l’article 216 de la Loi, l’appelante a décidé de payer l’impôt de la partie I sur le loyer plutôt que de payer l’impôt prévu à la partie XIII de la Loi.

 

c)       L’obligation du résident canadien, selon le paragraphe 215(1), de retenir et remettre « l’impôt applicable » en vertu de la partie XIII dépend de la question de savoir si un impôt sur le revenu est exigible, en fait et en droit, de la personne non-résidente en application de la partie XIII.

 

d)       Étant donné que l’appelante n’était pas tenue de « payer l’impôt » prévu à la partie XIII en raison de l’application du paragraphe 216(1), rien n’obligeait les payeurs qui sont des résidents canadiens à retenir et remettre un montant conformément au paragraphe 215(1).

 

e)       Étant donné que le résident canadien n’était tenu de retenir et remettre aucun montant à l’égard de l’impôt prévu à la partie XIII, aucun intérêt n’était exigible du résident selon le paragraphe 227(8.3) ou de l’appelante selon le paragraphe 227(8.1).

 

La position de l’intimée

 

[5]     Même si l’appelante a produit des déclarations faisant état de l’exercice d’un choix conformément au paragraphe 216(1), aucun élément de cette disposition ne touche l’obligation du résident qui paie les loyers, selon l’article 215, de retenir du loyer et de remettre des montants au titre de l’impôt de l’appelante. L’intérêt a donc été exigé relativement à l’omission, de la part de la personne résidant au Canada et payant les loyers, de retenir l’impôt prévu à la partie XIII des loyers à payer à l’appelante. Cet intérêt se rapporte non pas à la dette fiscale de la personne non-résidente, mais à la retenue exigée par la Loi quant à l’impôt afférent aux loyers versés à des personnes non-résidentes à l’égard de biens situés au Canada. Selon le paragraphe 227(8.3), des intérêts doivent être payés sur les montants que la personne résidente qui paie le loyer aurait dû retenir et remettre. Le paragraphe 227(8.1) prévoit que l’appelante, à titre de personne non-résidente qui reçoit les loyers, est solidairement tenue au paiement de ces intérêts avec l’auteur du paiement qui est résident.

 

Analyse

 

[6]     Le résultat du présent appel dépend de l’interrelation entre les paragraphes 215(1) et 216(1) et de la façon dont ces dispositions doivent être interprétées.

 

[7]     Selon le paragraphe 96(1), le revenu de l’appelante doit être calculé comme si la société de personnes était une personne distincte résidant au Canada. Lorsqu’un résident du Canada paie des loyers à une personne non-résidente, un impôt sur le revenu de 25 p. 100 du total des loyers est exigible selon l’alinéa 212(1)d). Cette disposition englobe les paiements versés à l’appelante par l’entremise de la société de personnes en raison de l’application du paragraphe 96(1). Conformément au paragraphe 215(1), ce résident canadien qui paie les loyers doit retenir ce montant d’impôt desdits loyers et le remettre sans délai au receveur général. Le paragraphe 216(1) énonce les circonstances dans lesquelles la personne non-résidente qui reçoit les loyers peut choisir de produire la déclaration prévue à la partie I. Le point central dans le présent appel réside dans la façon dont la production d’une déclaration de revenus visée à l’article 216 par la personne non-résidente a touché la détermination de l’obligation fiscale de l’appelante selon la partie XIII.

 

[8]     Voici le texte des dispositions législatives pertinentes :

 

Partie XIII

 

212. (1) Toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu’une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

 

[…]

 

d) du loyer, de la redevance ou d’un paiement semblable, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, un paiement fait :

 

(i) en vue d’utiliser, ou d’obtenir le droit d’utiliser, au Canada, des biens, inventions, appellations, brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre chose,

 

[…]

 

215. (1) La personne qui verse, crédite ou fournit une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente partie, ou le serait s’il n’était pas tenu compte du paragraphe 216.1(1), ou qui est réputée avoir versé, crédité ou fourni une telle somme, doit, malgré toute disposition contraire d’une convention ou d’une loi, en déduire ou en retenir l’impôt applicable et le remettre sans délai au receveur général au nom de la personne non-résidente, à valoir sur l’impôt, et l’accompagner d’un état selon le formulaire prescrit.

 

(1.1)       Le paragraphe (1) ne s’applique pas au dividende qu’une société est réputée par l’alinéa 128.1(1)c.1) verser à une société non-résidente avec laquelle elle n’a aucun lien de dépendance.

 

(2)      Lorsqu’une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est payable en vertu de la présente partie est versée ou créditée par un mandataire ou une autre personne au nom du débiteur, soit à titre de rachat de coupons ou titres au porteur, soit autrement, le mandataire ou l’autre personne qui a versé ou crédité la somme doit, indépendamment de toute disposition contraire d’une convention ou d’une loi, en déduire ou en retenir le montant de l’impôt et le remettre en l’accompagnant d’un état selon le formulaire prescrit ainsi que l’exige le paragraphe (1); le mandataire ou l’autre personne est dès lors réputé, pour ce qui est du compte à rendre au débiteur ou du remboursement à en obtenir, avoir versé la somme entière à la personne qui par ailleurs a droit au paiement ou l’avoir portée à son crédit.

 

(3)        Lorsqu’une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est payable en vertu de la présente partie a été versée à un mandataire ou à une autre personne ou a été portée au crédit du mandataire ou de l’autre personne, pour le compte ou au nom de la personne qui a droit au paiement, sans que l’impôt en ait été retenu ou déduit conformément au paragraphe (1), le mandataire ou l’autre personne doit, indépendamment de toute disposition contraire d’une convention ou d’une loi, en déduire ou en retenir le montant de l’impôt et le remettre immédiatement au receveur général au nom de la personne ayant droit au paiement, en acquittement de l’impôt, et l’accompagner d’un état selon le formulaire prescrit. Pour ce qui est du compte à rendre à la personne ayant droit au paiement, ce mandataire ou cette autre personne est dès lors réputée lui avoir versé cette somme ou l’avoir portée à son crédit.

 

[…]

 

(6)        Lorsqu’une personne a omis de déduire ou de retenir, comme l’exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non-résidente ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non-résidente ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d’impôt sous le régime de la présente partie, au nom de la personne non-résidente, la totalité de la somme qui aurait dû être déduite ou retenue, et elle a le droit de déduire ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non-résidente ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non-résidente toute somme qu’elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d’impôt sous le régime de la présente partie.

 

216. (1) Dans le cas où une somme a été versée au cours d’une année d’imposition à une personne non-résidente ou à une société de personnes dont elle était un associé, au titre ou en paiement intégral ou partiel de loyers de biens immeubles situés au Canada ou de redevances forestières, cette peut, dans les deux ans suivant la fin de l’année ou, si elle a fait parvenir au ministre l’engagement visé au paragraphe (4) pour l’année, dans les six mois suivant la fin de l’année, produire sur formulaire prescrit une déclaration de revenu en vertu de la partie I pour une personne résidant au Canada pour l’année. Indépendamment de son obligation de payer l’impôt payable par ailleurs en vertu de la partie I, la personne non-résidente est dès lors tenue, au lieu de payer l’impôt en vertu de la présente partie sur ce montant, de payer l’impôt en vertu de la partie I pour l’année comme si :

 

a) elle était une personne résidant au Canada et non exonérée de l’impôt en vertu de l’article 149;

 

b) son revenu tiré de ses droits sur des biens immeubles, des avoirs forestiers et des concessions forestières situés au Canada ainsi que sa part du revenu tiré par une société de personnes dont elle était un associé de droits sur des biens immeubles, des avoirs forestiers et des concessions forestières situés au Canada constituaient sa seule source de revenu;

 

c) elle n’avait droit à aucune déduction sur son revenu pour le calcul de son revenu imposable;

 

d) elle n’avait droit à aucune déduction en application des articles 118 à 118.9 dans le calcul de son impôt payable pour l’année en vertu de la partie I.

 

[…]

 

216.1 (1) Aucun impôt n’est payable en vertu de la présente partie sur une somme visée au paragraphe 212(5.1) qui est payée ou fournie à une personne non-résidente, ou portée à son crédit, au cours d’une année d’imposition si la personne :

 

a) d’une part, présente au ministre, au plus tard à la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année, une déclaration de revenu en vertu de la partie I pour l’année;

 

b) d’autre part, choisit dans la déclaration de se prévaloir du présent article pour l’année.

 

(2) Lorsqu’une personne non-résidente remplit les exigences énoncées aux alinéas (1)a) et b) relativement à une somme payée, créditée ou fournie au cours d’une année d’imposition, tout montant déduit ou retenu et versé au receveur général pour le compte de la personne au titre de l’impôt prévu au paragraphe 212(5.1) relativement à la somme est réputé avoir été payé au titre de l’impôt de la personne en vertu de la partie I.

 

[…]

 

227. (8.1) Dans le cas où une personne ne déduit pas ou ne retient pas un montant conformément au paragraphe 153(1) ou à l’article 215 sur un montant payé à une personne qui ne réside pas au Canada, ces deux personnes sont solidairement tenues au paiement des intérêts payables par la première sur ce montant conformément au paragraphe (8.3).

 

[…]

 

(8.3) La personne qui ne déduit pas ou ne retient pas un montant conformément aux paragraphes 135(3), 135.1(7), 153(1) ou 211.8(2) ou à l’article 215 doit payer au receveur général des intérêts sur ce montant calculés au taux prescrit :

 

[…]

 

b) s’il s’agit d’un montant visé aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou à l’article 215, pour la période commençant le jour où le montant aurait dû être déduit ou retenu et se terminant le jour de son paiement au receveur général;

 

[…]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[9]     L’appelante a abordé le régime de la partie XIII en se fondant sur l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique que la Cour suprême du Canada a décrite dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601. La disposition d’assujettissement à l’impôt est l’alinéa 212(1)d), qui énonce que toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 p. 100 sur toute somme qu’elle reçoit, y compris les loyers. Le paragraphe 215(1) impose à l’auteur du paiement qui réside au Canada l’obligation de retenir et de remettre l’impôt sur le revenu applicable. Bien que cette disposition ait été modifiée, la version précédente qui se serait appliquée aux années d’imposition allant de 1997 à 1999 n’était pas vraiment différente de la version applicable aux années d’imposition 2000 et 2001.

 

[10]    Selon l’appelante, l’auteur du paiement qui réside au Canada est tenu de déduire et de remettre un impôt égal à 25 p. 100 des loyers lorsqu’un montant d’impôt sur le revenu est exigible, en application de la partie XIII, de la personne non-résidente qui les reçoit. Le montant retenu correspond à l’impôt sur le revenu de la personne non-résidente que perçoit l’auteur du paiement résidant au Canada et n’est pas un paiement anticipé d’une dette fiscale éventuelle. L’appelante a soutenu que, par suite de l’application combinée des paragraphes 227(8.1), 227(8.3) et 215(1), ainsi que de l’alinéa 212(1)d), des intérêts ne pourraient être exigés d’elle que si deux conditions étaient remplies : (1) un impôt sur le revenu était exigible de l’appelante sous le régime de la partie XIII et (2) cet impôt n’avait pas été déduit et retenu des loyers qui devaient être versés à l’appelante.

 

[11]    Selon le paragraphe 216(1), la personne non-résidente est tenue de payer l’impôt de la partie I « au lieu de » l’impôt en vertu de la partie XIII. Dans la version anglaise du paragraphe 216(1), les mots « in lieu of » sont employés, de sorte qu’il n’y a pas de différence entre les deux versions. Le paragraphe 216.1(1) prévoit qu’« [a]ucun impôt n’est payable en vertu de la présente partie […] si la personne : a) d’une part, présente au ministre […] une déclaration de revenu en vertu de la partie I pour l’année; b) d’autre part, choisit dans la déclaration de se prévaloir du présent article pour l’année ». L’expression « aucun impôt n’est payable en vertu de la présente partie » constituent une dispense totale de l’obligation de payer l’impôt prévu à la partie XIII, tandis que les mots « au lieu de » sous-entendent le maintien en vigueur de cet impôt, lequel peut être remplacé. Bien que cette distinction soit subtile, elle fait ressortir l’importance du sens des mots « au lieu de ».

 

[12]    L’appelante a tenté de minimiser l’élargissement de la portée que la juge Sharlow avait donnée aux mots « in lieu of » dans l’arrêt Transocean Offshore Ltd. c. Canada, [2005] A.C.F. n° 496 (CAF), en invoquant un argument indirect relatif à ces mots ainsi qu’aux mots « au lieu de » figurant dans la version française. L’appelante soutient que les mots de l’article 216 « […] in lieu of paying tax under this Part […] » (« […] au lieu de payer l’impôt en vertu de la présente partie […] ») ont pour effet de créer un régime d’imposition subsidiaire par rapport à celui de la partie XIII, lequel régime subsidiaire lui permettrait, en qualité de personne non-résidente, de choisir de payer de l’impôt en vertu de la partie I plutôt que de payer de l’impôt en vertu de la partie XIII. Par suite de ce choix, il n’y a pas d’impôt à payer en vertu de la partie XIII et, selon l’appelante, étant donné qu’il n’existe alors aucune obligation de retenir ou de remettre un montant en vertu de l’article 215, aucun intérêt n’est exigible en application de l’article 227.

 

[13]    L’article 216 n’a pas été examiné dans l’arrêt Transocean (précité), mais le sens des mots « in lieu of » (« au titre de ») a été commenté dans le cadre de l’analyse de l’alinéa 212(1)d). Aux paragraphes 47 et 60, la Cour d’appel fédérale a examiné les mots « in lieu of » (« au titre de ») dans le contexte de l’exorde du paragraphe 212(1) :

 

[47]      Cependant, l’alinéa 212(1)d) de la Loi de l’impôt sur le revenu fait également état d’un paiement versé au titre (« in lieu of » dans la version anglaise) d’un loyer pour l’usage d’un bien, au Canada. Un certain nombre de dictionnaires donnent les équivalents suivants de l’expression anglaise « in lieu of » : « instead of » ou « in place of » (voir le Black’s Law Dictionary (7e éd., 1999), le Canadian Oxford Dictionary (2001, Oxford University Press), le Gage Canadian Dictionary (1983, Gage Publishing Limited), le Canadian Dictionary of English Law (2e éd., 1995, Thomson Canada Limited). Il semble axiomatique qu’un montant versé à la place d’un paiement à caractère juridique ou en remplacement de ce paiement n’a pas le même caractère juridique. En choisissant l’expression « in lieu of » à l’alinéa 212(1)d), le législateur avait sans doute l’intention d’élargir la portée de cet alinéa pour englober les paiements autres que les paiements ayant le caractère juridique d’un loyer.

 

[…]

 

[60]      À mon avis, Puder ne devrait pas faire autorité en l’espèce parce qu’il impose une interprétation déraisonnablement étroite de l’expression « in lieu of ». Comme je l’ai déjà dit, le sens ordinaire de ces mots renvoie à quelque chose qui prend la place d’autre chose ou s’y substitue. En théorie, une chose peut en remplacer une autre si elle remplit exactement la même fonction ou si elle remplit une fonction qui n’est pas exactement la même, mais qui s’y substitue raisonnablement. Dans Puder, la Cour admet la première possibilité, mais rejette la seconde, sans pour autant justifier cette décision.

 

[14]    L’appelante laisse entendre que les mots « in lieu of » signifient « instead of » (« plutôt que ») ou « in substitution of » (« en remplacement de »). La Cour cherchait à savoir, dans le contexte de l’alinéa 212(1)d), ce qui pouvait être substitué à un article initial après le remplacement. Cependant, la question n’était pas de savoir ce qui arrive à l’article original après la substitution. L’élargissement de la portée donnée aux mots « in lieu of » n’est pas utile en l’espèce. L’argument de l’appelante nous ramène simplement au sens ordinaire de l’expression « in lieu of », qui est définie comme suit dans le Black’s Law Dictionary (7e éd., 1999) :

 

[traduction] plutôt que ou à la place de; en échange ou en retour de <le créancier a accepté un billet « in lieu of cash » (« plutôt qu’un montant en espèces »)> <l’accusé a obtenu sa libération « in lieu of a $5,000 bond » (« en échange d’un cautionnement de 5 000 $ »)>

 

[15]    Lorsqu’une déclaration visée à la partie I est produite conformément au paragraphe 216(1), la personne non-résidente qui produit la déclaration est, « dès lors », selon cette même disposition, tenue de payer l’impôt payable en vertu de la partie I « au lieu de » payer l’impôt en vertu de la partie XIII ou « à la place » ou « en remplacement » du paiement de l’impôt dont elle est redevable sous le régime de la partie XIII. Aucun élément de la Loi ne donne à penser que la position fiscale finale de la personne non-résidente touche l’obligation de l’auteur du paiement qui réside au Canada de retenir et de remettre les montants prévus au paragraphe 215(1). Comme l’intimée l’a fait valoir, il en serait ainsi uniquement si la déclaration visée au paragraphe 216(1) avait pour effet d’éteindre l’obligation fiscale prévue à la partie XIII dès le départ, mais l’expression « dès lors » du paragraphe 216(1) suscite des doutes à cet égard. En fait, elle donne à penser que les événements antérieurs ne seraient pas touchés par la production subséquente de la déclaration visée au paragraphe 216(1), ce qui signifie que des intérêts s’accumuleraient, à tout le moins jusqu’à la date de production de la déclaration.

 

[16]    La production d’une déclaration en vertu de la partie I modifie l’obligation et met l’accent sur le paiement d’impôt. La personne non-résidente peut se conformer à son obligation de payer l’impôt sous le régime de la partie XIII en payant l’impôt qui est calculé conformément à la partie I suivant la déclaration produite en application de l’article 216 « plutôt que » ou « pour remplacer » l’impôt prévu à la partie XIII. De plus, le paragraphe 216(2) prévoit que les montants retenus et remis par l’auteur du paiement qui est un résident, conformément à la partie XIII, doivent être imputés à la nouvelle obligation de la personne non-résidente en vertu de la partie I.

 

[17]    En ce qui a trait à l’analyse textuelle, l’appelante a tort de soutenir que [traduction] « le paiement de l’impôt de la partie I “plutôt que” ou “à la place” de l’impôt de la partie XIII a pour effet d’éteindre toute responsabilité qui lui incombait quant au paiement de ce dernier impôt […] ». [Non souligné dans l’original.] (Observations écrites de l’appelante, au par. 12). La déclaration visée au paragraphe 216(1) prévoit que l’impôt calculé en application de la partie XIII est remplacé par l’impôt calculé sur le revenu de location conformément aux alinéas a) à d) du paragraphe 216(1). En conséquence, le paragraphe 216(1) prévoit uniquement une autre possibilité limitée quant au calcul de l’impôt dont les personnes non-résidentes peuvent être redevables et qu’elles doivent finalement payer à l’égard de leur obligation fiscale découlant de la partie XIII.

 

[18]    Sur le plan contextuel, l’appelante a invoqué les paragraphes 20(9), 157(2.1), 164(2) et 218.3(3) de la Loi, dont la version française comporte les mots « au lieu de ». Or, dans la version anglaise des paragraphes 20(9) et 216(1), les mots « in lieu of » sont employés, tandis que l’expression « instead of » figure aux paragraphes 157(2), 164(2) et 213.3(3). L’appelante soutient que les mots « instead of » sont préférables dans le contexte du paragraphe 216(1), surtout lorsque les paragraphes 157(2.1) et 218.3(3) sont pris en compte.

 

[19]    Le paragraphe 157(2.1) était en vigueur au cours des années d’imposition pertinentes. Il permet à une société qui ne doit pas plus de 1 000 $ de payer le total de ses impôts en une seule fois [selon l’alinéa 157(1)b)] plutôt que de le payer par versements (comme l’exige l’alinéa 157(1)a)). Cependant, une comparaison avec cette disposition est problématique à deux égards :

 

a)                 aucun choix distinct n’est prévu, parce que le paiement intégral constitue le choix;

 

b)                le petit montant en jeu peut expliquer le fait que le ministre soit disposé à ne pas tenir compte de l’arriéré d’intérêts.

 

[20]    Le paragraphe 218.3(3) permet à un investisseur non-résident de produire une déclaration faisant état d’un choix en vertu de la partie XIII.2 afin de payer un impôt de 15 p. 100 sur les gains nets (plutôt que sur les gains bruts selon l’alinéa 218.3(2)b)) découlant de la disposition de fonds communs de placement canadiens. L’appelante soutient que l’allégement découlant du choix autorisé par le paragraphe 218.3(3) est presque identique à celui du paragraphe 216(1) lorsqu’il est comparé au traitement du revenu brut que prévoit l’alinéa 212(1)d). Bien que la disposition soit entrée en vigueur après les années visées par le présent appel, l’appelante laisse entendre qu’en utilisant les mots « instead of » au paragraphe 218.3(3) et non « in lieu of », le législateur a montré son intention de permettre au contribuable de choisir de payer l’impôt en vertu de différentes dispositions. Selon l’appelante, il n’y a aucune raison de faire une distinction entre les deux paragraphes de la version anglaise de la Loi, étant donné que les mots utilisés dans la version française des paragraphes 218.3(3) et 216(1) de la Loi sont identiques. Cependant, cette comparaison ne tient pas compte de la situation particulière inhérente à la personne qui réside au Canada et qui verse un paiement à une personne non-résidente. L’auteur du paiement doit-il retenir l’impôt sur le montant brut lorsque la personne non‑résidente produit tardivement la déclaration prévue au paragraphe 218.3(3)? Il s’agit essentiellement de la même question que celle qui est soulevée en l’espèce, mais l’utilité de cette comparaison se limite à faire ressortir la similitude.

 

[21]    L’appelante ajoute que le paragraphe 161(7) présente un contexte dans lequel la déclaration visée à l’article 216 pourrait être prise en compte. Selon le paragraphe 161(7), le contribuable doit payer des intérêts sur l’impôt impayé prévu aux parties I, I.3, VI et VI.I sans appliquer différentes dispositions, comme celle des reports rétrospectifs de pertes. De plus, le paragraphe 162(11), qui concerne les pénalités, interdit de prendre en compte certaines conséquences fiscales ultérieures dans le calcul de l’impôt relatif à une année précédente. L’appelante laisse entendre que, même s’il a édicté les paragraphes 161(7) et 162(11) pour empêcher le report rétrospectif de certains montants sur une année d’imposition, lequel report entraînerait l’élimination de l’impôt aux fins du calcul des intérêts et des pénalités, le législateur n’a édicté aucune disposition similaire relativement au régime prévu aux paragraphes 215(1) et 216(1). Autrement dit, si l’impôt prévu à la partie XIII avait encore existé après la production des déclarations visées au paragraphe 216(1), le législateur aurait édicté une disposition semblable prévoyant le calcul sans égard à certains montants. Cet argument ne tient cependant pas compte de la distinction entre les intérêts prévus à la partie XIII que doivent les résidents canadiens et l’obligation solidaire imposée aux personnes non-résidentes. En termes simples, l’appelante ne peut se prévaloir de ses propres reports rétrospectifs de pertes et ainsi de suite pour réduire l’arriéré d’intérêts que doit la personne résidente selon la partie XIII. De plus, étant donné que le régime de la partie XIII m’apparaît simple, aucune disposition analogue aux paragraphes 161(7) et 162(11) n’est nécessaire.

 

[22]    Toujours en ce qui concerne l’analyse contextuelle, l’appelante soutient que le calcul des intérêts selon le paragraphe 227(8.3) mènerait à des résultats absurdes si la position de l’intimée était retenue. Cette disposition exige que des intérêts soient payés à compter du jour où le montant prévu au paragraphe 215(1) « aurait dû être déduit ou retenu [jusqu’au] jour de son paiement au receveur général ». [Non souligné dans l’original.] Le mot souligné « amount » (« son ») renvoie au montant prévu au paragraphe 215(1) que le résident canadien devait retenir et remettre et non à l’obligation fiscale finale de la personne non‑résidente. L’appelante laisse entendre que cette interprétation signifierait que la seule façon d’empêcher les intérêts de s’accumuler indéfiniment est de payer les retenues prévues au paragraphe 215(1). Selon l’appelante, il est possible d’éviter ce résultat contraignant en ce qui a trait au paragraphe 227(8.3) en concluant qu’aucun impôt prévu à la partie XIII ne serait exigible aux fins de l’article 215 après la production de la déclaration visée à l’article 216. Bien que l’appelante ait raison, l’opportunité ne constitue pas une règle d’interprétation législative. Pour empêcher que les intérêts s’accumulent indéfiniment, l’appelante serait tenue de payer les montants prévus au paragraphe 215(1) au nom de la personne résidant au Canada, d’imputer ces montants à l’impôt de la partie I qu’elle doit, au moyen du paragraphe 216(2), puis, finalement, d’obtenir un remboursement (également au moyen du paragraphe 216(2)). Cependant, afin d’éviter cette lourde procédure, il est plus pratique et plus raisonnable d’envisager l’ensemble des étapes du processus de manière contemporaine, de sorte que les intérêts sur les montants prévus au paragraphe 215(1) ne continueraient pas à s’accumuler après le règlement de la dette fiscale finale. Bien entendu, cette interprétation n’aurait pas pour effet d’éliminer l’arriéré d’intérêts dû à ce moment ni n’empêcherait les intérêts de s’accumuler sur cet arriéré. Selon le texte du paragraphe 216(2), les montants retenus en application du paragraphe 215(1) seront imputés à l’impôt de la partie I que doit la personne non-résidente par suite de la substitution et tout excédent sera remboursé. La Loi envisage donc des situations où les résidents canadiens déduisent et remettent les montants prévus au paragraphe 215(1) et où les personnes non-résidentes produisent subséquemment des déclarations conformément au paragraphe 216(1).

 

[23]    Il semblerait que le législateur ait décidé consciemment de ne pas inclure de dispositions prévoyant un allégement. Le législateur veut que la personne qui réside au Canada et qui paie des loyers à une personne non-résidente retienne certains montants prescrits de ces loyers et les remette sans délai au receveur général afin que le ministre bénéficie temporairement de ces montants. Étant donné qu’aucune disposition analogue ne figure dans la Loi ou dans le Règlement à l’égard des résidents canadiens qui versent des montants directement à des personnes non-résidentes, cela donne à penser que les résidents doivent dans tous les cas retenir et remettre les montants prévus au paragraphe 215(1).

 

[24]    En dernier lieu, en ce qui a trait à l’objet qui sous-tend les dispositions, l’appelante revient sur l’argument formulé au sujet des mots clés « instead of » figurant au paragraphe 218.3(3) et sur la nécessité d’interpréter l’article 216 de la même façon que le paragraphe 218.3(3). Dans le cadre de ses commentaires concernant la nature des intérêts, l’appelante a invoqué le paragraphe 14 de la décision que le juge Bowie a rendue dans Coughlan c. Canada, [2001] A.C.I. n° 449, où celui-ci a cité les remarques suivantes que le juge Rand avait formulées dans l’arrêt Reference as to the Validity of Section 6 of the Farm Security Act, 1944 of Saskatchewan, [1947] R.C.S. 394, aux pages 411 et 412 : [traduction] « De manière générale, l’intérêt est la contrepartie ou le dédommagement de l’utilisation ou la détention par une personne d’une certaine somme d’argent qui appartient, au sens courant de ce mot, à une autre ou qui lui est due. » Selon l’appelante, étant donné qu’il n’y avait aucune dette fiscale sous le régime de la partie XIII par suite de la production des déclarations conformément au paragraphe 216(1), aucun montant d’intérêt ne peut être exigé d’elle. En d’autres mots, en l’absence d’un montant dû au ministre, selon le paragraphe 215(1), il n’y a aucune somme sur laquelle des intérêts peuvent être exigés. Cet argument présuppose que la production d’une déclaration visée au paragraphe 216(1) a eu pour effet d’éteindre dès le départ l’obligation fiscale prévue à la partie XIII, soit la question même que je dois trancher, ou ne tient pas compte de la distinction très claire que prévoit le paragraphe 215(1) entre l’obligation de l’auteur du paiement qui réside au Canada de retenir et remettre certains montants et la responsabilité solidaire de l’appelante, à titre de personne non-résidente, à l’égard des intérêts. L’argument ne peut donc être retenu. L’appelante n’est pas tenue de payer des intérêts parce qu’elle a retenu des sommes d’argent qui appartenaient au ministre; elle est plutôt solidairement responsable des intérêts afférents aux montants prévus au paragraphe 215(1) que l’auteur du paiement résidant au Canada n’a pas retenus et remis comme l’exigent les dispositions pertinentes de la Loi.

 

[25]    Pour sa part, l’intimée a laissé entendre que l’appelante devait payer des intérêts parce qu’elle a bénéficié de l’argent qui aurait dû être retenu et remis. Bien entendu, tel sera le cas uniquement si l’auteur du paiement qui réside au Canada transfère immédiatement le montant qui aurait dû être retenu à la personne non‑résidente. Si le résident ou payeur conserve les montants retenus sans les remettre, c’est lui qui bénéficie de l’avantage en question. Cependant, cet aspect n’est pas déterminant en l’espèce, puisque le ministre est toujours justifié d’exiger les intérêts payables par l’auteur du paiement qui réside au Canada et de tenir l’appelante, à titre de personne non-résidente, solidairement responsable du paiement de ce montant.

 

[26]    À mon avis, le véritable objet inhérent aux dispositions en cause est d’imposer à l’auteur du paiement qui réside au Canada l’obligation de retenir et de remettre les montants prévus au paragraphe 215(1) afin que le receveur général ne soit pas tenu d’assurer la conformité à la Loi. En conséquence, les interprétations textuelle (sens ordinaire de « in lieu of ») et contextuelle (renvoi au paragraphe 216.1(1)) dans le paragraphe 215(1)) vont également de pair avec l’interprétation téléologique. S’il était possible que la survenance d’un événement subséquent, comme la production de la déclaration visée à l’article 216, élimine rétroactivement l’obligation de retenir et de remettre certains montants conformément au paragraphe 215(1), les contribuables pourraient être incités à ne pas respecter les exigences de la Loi, ce qui introduirait dans le régime un risque et de l’incertitude non voulus.

 

[27]    Le régime de base de la partie XIII de la Loi est simple. Le paragraphe 215(1) existe dans la Loi sous sa forme actuelle depuis 1972 et la disposition qu’il a remplacée, l’article 109, était assez semblable. Le législateur veut que l’auteur du paiement résidant au Canada retienne et remette sans délai certains montants, sans tenir compte, de quelque façon que ce soit, de la position fiscale de la personne non-résidente qui touche ces montants. S’il ne le fait pas, il est indéniable que la personne non-résidente sera solidairement responsable du paiement des intérêts sur ces montants.

 

[28]    En plus des arguments fondés sur l’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique, l’appelante fait valoir que ses conclusions vont de pair avec la décision qu’a rendue le juge suppléant Watson dans Wright c. Canada, [2001] 3 C.T.C. 2426 (CCI). Il n’est pas étonnant que le juge suppléant Watson ait considéré l’impôt de la partie I choisi en remplacement de l’impôt initial prévu à la partie XIII comme un impôt ayant annulé celui-ci, étant donné que les mots « in lieu of » sont habituellement appliqués dans le contexte d’une analyse prospective et non rétrospective (c’est-à-dire aux éléments qui avaient été remplacés).

 

[29]    Même si, dans la décision Curragh Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. N° 650, le juge Mogan n’a pas directement mentionné les mots « in lieu of », je crois qu’il a correctement souligné leur effet dans le contexte de l’article 216. Bien que cette remarque soit incidente, voici comment il s’exprime au paragraphe 15 :

 

[…] À mon avis, si le mandataire canadien est tenu de payer certaines dépenses et si son mandant non résidant exerce l'option que lui offre l'article 216 de payer l'impôt de la Partie I, rien dans l'article 216 ne libère le payeur canadien initial de son obligation de retenir et de remettre l'impôt en vertu du paragraphe 215(1). […]

 

[30]    Les décisions que le juge suppléant Watson a invoquées dans la décision Wright, précitée, n’étaient tout simplement pas pertinentes, parce qu’aucune ne portait sur la position de l’auteur du paiement résidant au Canada à l’endroit de la personne non-résidente bénéficiaire des loyers, lequel auteur est par ailleurs redevable de l’impôt de la partie XIII et de l’obligation de remettre les montants prescrits. Il se peut que le juge suppléant Watson ait confondu par inadvertance l’obligation de l’auteur du paiement résidant au Canada de retenir le montant prévu au paragraphe 215(1) avec la responsabilité solidaire de la personne non-résidente quant au paiement conformément au paragraphe 227(8.1). Or, une distinction très importante existe entre ces deux obligations et la question clé concerne à nouveau le sens ordinaire de l’expression « in lieu of ». Le juge suppléant Watson a interprété à tort la relation « A au lieu de B » comme une relation signifiant l’obligation de substituer A à B, ce qui a pour effet d’éteindre B. Malgré la production d’une déclaration visée au paragraphe 216(1), j’en arrive à la conclusion qu’« une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente partie » continue à exister pour l’application du paragraphe 215(1). Cela signifie que cette disposition oblige les résidents qui versent ces sommes à des personnes non-résidentes d’abord à retenir l’impôt, puis à le remettre. Cela signifie aussi que, conformément au paragraphe 215(6), les personnes qui ne le font pas sont « tenues de verser […] la totalité de la somme qui aurait dû être déduite ou retenue […] ».

 

[31]    Quel est donc l’effet de la production d’une déclaration visée au paragraphe 216(1)? Je ne crois pas que la production de cette déclaration élimine l’application de la partie XIII en ce qui concerne la personne non-résidente. Le paragraphe 215(1) continue à s’appliquer au résident qui paie les loyers, malgré la survenance d’un événement subséquent par suite duquel la personne non‑résidente qui reçoit lesdits loyers n’a aucune obligation fiscale en vertu de la partie XIII. En conséquence, l’obligation de la personne non-résidente, selon le paragraphe 227(8.1), de payer des intérêts sur ces retenues demeure en vigueur. L’intention du législateur est d’obliger l’auteur du paiement qui réside au Canada à retenir ces montants et à les remettre sans délai au receveur général. Contrairement à ce que l’appelante soutient, les intérêts sont exigés non pas sur une somme en principal de zéro, mais sur le montant de la retenue que l’auteur du paiement résidant au Canada aurait dû remettre, conformément à l’article 215, mais qu’il n’a pas remis en l’espèce.

 

[32]    Malgré les arguments valables de l’avocat de l’appelante, je dois rejeter les appels avec dépens.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d’avril 2008.

 

 

«Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008

 

Christian Laroche


[traduction]

 

Annexe A

 

 

2005-3186(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

ENTRE :

 

 

CAROLE PECHET,

 

APPELANTE,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

INTIMÉE.

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

Les parties reconnaissent que les faits énoncés aux présentes sont établis aux fins des présents appels et de tout appel en découlant ou autre procédure engagée dans la présente affaire. Aucune preuve incompatible avec le présent exposé ne peut être présentée à l’audition des présents appels ou d’un appel en découlant. L’une ou l’autre des parties peut présenter des éléments de preuve supplémentaires qui ne sont pas incompatibles avec le présent exposé.

 

1.                 L’appelante est une personne qui ne réside pas au Canada et ne résidait pas au Canada pendant toute la période pertinente, y compris les années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001.

 

2.                 Pendant toute la période pertinente, l’appelante détenait une part de 50 p. 100 dans la société de personnes de la famille Pechet (la société de personnes), qui possédait un bien immobilier au Canada et touchait des loyers de celui‑ci.

 

3.                 Au cours des années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 de l’appelante, la société de personnes possédait un bien locatif commercial (la propriété) situé à Edmonton. En 1987, le coût de la propriété s’établissait à 1 390 279 $, dont une somme de 1 056 614 $ a été imputée au bâtiment et une somme de 333 665 $, au terrain.

 

4.                 En plus de l’appelante, les associés de la société de personnes (les associés) comprenaient les fiducies nommées ci-dessous. Les bénéficiaires des fiducies sont les enfants de l’appelante.

 

Associée

 

Bénéficiaire (dans le cas d’une fiducie)

 

% du revenu (des pertes) de la société de personnes

 

 

 

 

 

L’appelante

 

 

 

50 %

Fiducie foncière Pechet pour

Tiron Pechet

 

 

Tiron Pechet

 

 

12½ %

Fiducie foncière Pechet pour

Taine Pechet

 

 

Taine Pechet

 

 

12½ %

Fiducie foncière Pechet pour

Tavan Pechet

 

 

Tavan Pechet

 

 

12½ %

Fiducie foncière Pechet pour

Tamin Pechet

 

 

Tamin Pechet

 

 

12½ %

          Total

 

 

 

100 %

 

5.                 L’appelante a touché la part suivante des loyers bruts que la société de personnes a reçus à l’égard de la propriété :

 

a)                 1997 : 38 745 $

 

b)                1998 : 42 430 $

 

c)                 1999 : 40 828 $

 

d)                2000 : 52 624 $

 

e)                 2001 : 49 967 $

 

6.                 L’auteur du paiement des loyers bruts n’a pas fait les retenues exigées par la partie XIII de la Loi à l’égard desdits loyers.

 

7.                 Le 5 octobre 2001, les associés ont fait une divulgation volontaire anonyme au bureau d’Edmonton de l’Agence de Revenu Canada (ARC) afin d’informer l’ARC de ce qui suit :

 

a)                 l’année et le coût d’acquisition de la propriété;

 

b)                les frais occasionnés par la propriété et les revenus provenant de celle‑ci pour les années 1997 à 2000 ainsi qu’un calcul montrant que la propriété a généré un profit d’exploitation de zéro, compte tenu de la déduction pour amortissement correspondant à ces années;

 

c)                 aucune déduction pour amortissement n’avait été réclamée à l’égard de la propriété pour les années antérieures à 1997.

 

8.                 Le 29 mai 2002, les associés ont produit des déclarations de revenus en vertu de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi) pour leurs années d’imposition allant de 1997 à 2001, conformément à l’article 216 de la Loi. Ils ont également produit des déclarations relatives à la taxe sur les produits et services (TPS) pour les périodes de déclaration allant de 1997 à 2001, conformément à l’accord de divulgation volontaire susmentionné. Toutes les déclarations de revenus canadiennes en question montraient que les associés ne devaient aucun impôt sur le revenu en vertu de la partie I.

 

Onglet 1 : Copies des déclarations de revenus de Carole Pechet faites en application de l’article 216 à l’égard des années d’imposition 1997 à 2001 inclusivement.

 

9.                 Dans des avis de cotisation tous datés du 3 avril 2003, l’ARC a exigé les retenues prévues à la partie XIII et l’arriéré d’intérêts sur ces retenues que les associés auraient été tenus de payer si les déclarations visées à l’article 216 n’avaient pas été produites.

 

Onglet 2 : Copies des avis de cotisation datés du 3 avril 2003 pour les années d’imposition allant de 1997 à 2001 inclusivement, à l’exception de 1999.

 

10.             Également le 3 avril 2003, l’ARC a établi des avis de nouvelle cotisation (les nouvelles cotisations) à l’endroit de tous les associés pour leurs années d’imposition allant de 1997 à 2001 afin d’annuler la retenue d’impôt exigée par la partie XIII, mais non l’arriéré d’intérêts découlant des avis de cotisation antérieurs du 3 avril 2003.

 

Onglet 3 : Copies des avis de nouvelle cotisation en date du 3 avril 2003 pour les années d’imposition allant de 1997 à 2001 inclusivement.

 

11.             Les cotisations relatives aux déclarations de revenus produites en application de l’article 216 ont été établies aux dates suivantes :

 

1997 : 16 juin 2003

 

1998 : 19 juin 2003

 

1999 : 12 juin 2003

 

2000 : 27 juin 2003

 

2001 : 2 juin 2003

 

12.             Aucun impôt sur le revenu prévu à la partie I n’a été exigé de l’appelante conformément aux déclarations de revenus produites en application de l’article 216.

 

Onglet 4 : Copies des avis de cotisation pour les années d’imposition allant de 1997 à 2001, y compris les avis de cotisation établis en réponse aux déclarations de revenus produites en application de l’article 216.

 

13.             Les avis de cotisation, les avis de nouvelle cotisation, l’impôt de la partie XIII exigé et annulé ainsi que l’arriéré d’intérêts sont résumés ci-dessous. Tous les avis de cotisation (AC) et avis de nouvelle cotisation (ANC) sont datés du 3 avril 2003.

 

Année de cotisation ou de nouvelle cotisation

 

Impôt de la partie XIII

exigé (annulé)

 

Arriéré d’intérêts

 

N° de série des AC ou ANC

 

 

 

 

 

 

 

          1997AC

 

              9 686,25

 

          828,50

 

6206793

          1997ANC

 

           (9 686,25)

 

                  ---

 

6206794

          1998AC

 

            10 607,50

 

          996,63

 

6206795

          1998ANC

 

         (10 607,50)

 

                  ---

 

6206796

          1999AC

 

                  10 207

 

          834,48

 

6206797

          1999ANC

 

               (10 207)

 

                  ---

 

6206798

          2000AC

 

                  13 156

 

       1 066,57

 

6206799

          2000ANC

 

               (13 156)

 

                  ---

 

6206800

          2001AC

 

            12 491,75

 

          792,40

 

6206801

          2001ANC

 

         (12 491,75)

 

                  ---

 

6206802

          Total

 

                        0 $

 

    4 518,58 $

 

 

 

 

14.             L’appelante s’est opposée aux nouvelles cotisations au moyen d’avis d’opposition postés le 27 juin 2003.

 

15.             Le ministre a confirmé les nouvelles cotisations au moyen d’avis de confirmation datés du 15 juin 2005.

 

 

Fait dans la ville d’Edmonton, province d’Alberta, ce 4e jour de février 2008.

 

 

                                                                   FELESKY FLYNN

                                                                   Avocats de l’appelante

 

                                                                   Par : ___signé James C. Yaskowich

                                                                   James C. Yaskowich

                                                                   Avocat de l’appelante

 

Fait dans la ville d’Edmonton, province d’Alberta, ce 4e jour de février 2008.

 

                                                                   Sous-procureur général du Canada

                                                                   Avocat de l’intimée

 

                                                                   Par : ___signé Ernest Wheeler        

                                                                   Ernest Wheeler

                                                                   Avocat de l’intimée

 

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2008CCI208

 

DOSSIER DE LA COUR :

2005-3186(IT)G

 

INTITULÉ :

Carole Pechet c.

Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me James C. Yaskowich

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

James C. Yaskowich

 

Cabinet :

Felesky Flynn LLP, Edmonton (Alberta)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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