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Dossier : 2007-3977(IT)I

ENTRE :

NICKOLAOS SIDERIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 15 avril 2008, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Sandra Tsui

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2003 et 2004 est rejeté, sans dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d’avril 2008.

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2008.

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2008CCI237

Date : 20080423

Dossier : 2007-3977(IT)I

ENTRE :

NICKOLAOS SIDERIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Webb

 

[1]     La question à trancher en l’espèce est de savoir si l’appelant a le droit de déduire de ses revenus le montant de 6 167 $, payé en 2003, et le montant de 4 421 $, payé en 2004, à titre de pension alimentaire aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     L’appelant et son ex‑épouse se sont mariés le 1er octobre 1996. Ils vivent séparés depuis le 3 février 2000. Ils n’ont aucun enfant. Une entente de séparation, datée du 29 mars 2002, traite de plusieurs questions issues de leur mariage. Le paragraphe 6.03 est la disposition de l’entente qui s’applique en l’espèce. Il est rédigé en ces termes :

 

[traduction]

 

Les parties doivent aussi renoncer à toute créance sur tout autre bien appartenant à l’autre, notamment les rentes, les actions, les obligations, les REER. Plus précisément, l’épouse renonce à toute créance qu’elle pourrait avoir concernant tout intérêt dans le bien de placement de l’époux dont la désignation civique est le 3106‑3112, boul. Lakeshore ouest, Toronto (Ontario). En échange des renonciations susmentionnées, y compris le transfert du foyer conjugal à l’époux et la décharge de tout paiement de pension alimentaire pour conjoint, l’époux doit payer à l’épouse la somme de 42 500 $ en fonds certifiés au plus tard le 1er avril 2002, et l’épouse doit quitter le foyer conjugal au plus tard le 1er avril 2002.

 

[3]     L’appelant a payé la somme de 42 500 $ à son ex‑épouse en 2002. Pour ce faire, il a dû emprunter de l’argent de son REER en obtenant un prêt hypothécaire pour la maison. Il était tenu de faire des paiements mensuels à son REER pour rembourser le montant relatif à l’hypothèque. Les montants qu’il a déduits de ses revenus pour les années 2003 et 2004 représentent les totaux annuels des paiements mensuels qu’il doit faire à son REER pour rembourser le montant relatif à l’hypothèque.

 

[4]     Pour que l’appelant puisse déduire un montant à titre de pension alimentaire, le paiement du montant doit répondre aux critères énoncés à l’alinéa 60b) de la Loi. Cet alinéa prévoit ce qui suit :

 

60. Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[…]

 

b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A – (B + C)

 

 

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[5]     En raison de ce qui est prévu au paragraphe 60.1(4) de la Loi, les définitions énoncées au paragraphe 56.1(4) s’appliquent à l’article 60. Le terme « pension alimentaire » est ainsi défini au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui‑ci ou à la fois du bénéficiaire et de ses enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex‑époux ou ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui‑ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[6]     Comme les montants payés par l’appelant en 2003 et en 2004 constituaient des remboursements à son REER et n’étaient pas payables à son ex‑épouse, ils ne peuvent pas être considérés comme une pension alimentaire. Ils n’étaient pas payables à son ex‑épouse. Ces montants n’étaient pas une allocation périodique pour subvenir aux besoins de son ex‑épouse. Ils constituaient plutôt le remboursement du montant que l’appelant avait emprunté de son REER. Les dispositions du paragraphe 60.1(2) de la Loi ne s’appliquent pas non plus aux remboursements faits au REER de l’appelant, étant donné qu’ils ne servaient pas à subvenir aux besoins de l’ex‑épouse.

 

[7]     Le seul montant qui était payable par l’appelant à son ex‑épouse en application de l’entente était le montant forfaitaire de 42 500 $ qu’il avait payé afin d’être libéré de l’obligation de payer à celle‑ci une pension alimentaire pour conjoint. L’appelant a fait valoir que s’il n’avait pas payé ce montant forfaitaire à son ex‑épouse, il aurait alors été obligé de faire des paiements mensuels en application de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario. Cependant, il n’existait aucune ordonnance ou aucun accord écrit prévoyant des paiements périodiques devant être faits par l’appelant à son ex‑épouse. Cet argument ne peut donc pas être retenu.

 

[8]     Dans l’arrêt Trottier v. The Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 728, le juge en chef Cartwright de la Cour suprême du Canada a formulé les commentaires suivants concernant une affaire dans laquelle un époux avait accordé un prêt hypothécaire à son épouse et prétendait que les montants payables à l’égard du prêt hypothécaire constituaient une pension alimentaire :

 

[traduction]

 

Je conviens que les présents documents, qui ont été établis à la même époque et concernent la même transaction, doivent être interprétés ensemble. Mais en les interprétant ainsi, il semble que l’accord conclu entre les parties ne prévoyait pas que l’époux devait verser une allocation périodique à son épouse pour subvenir aux besoins de celle‑ci et n’indiquait pas que le fait qu’il ait accepté de le faire devrait être indirectement garanti par une deuxième hypothèque. L’accord constituait plutôt une renonciation par l’épouse à toute demande d’allocation et une procuration irrévocable qu’elle accordait (au paragraphe 4 de l’accord) afin de renoncer à tout droit de douaire sur les terres de son époux en échange d’une seule contrepartie, soit un prêt hypothécaire de 45 000 $. L’obligation de faire des paiements hypothécaires ne dépendait pas de la survie de l’épouse. Elle était libre de céder l’hypothèque à n’importe quel moment.

 

Le fait de donner l’hypothèque était analogue au paiement d’une somme forfaitaire qui libérait une fois pour toutes l’époux de sa responsabilité de subvenir aux besoins de son épouse. L’hypothèque a été consentie parce que l’époux n’était pas en mesure de verser la somme forfaitaire en argent comptant. Les faits diffèrent du jugement Minister of National Revenue v. Armstrong [1956] S.C.R. 446, [1956] C.T.C. 93, 56 D.T.C. 1044,  mais l’espèce me semble être visée par le principe qui a guidé la décision dans cette affaire.

 

[9]     Étant donné que les paiements concernant une hypothèque consentie au bénéfice d’un conjoint afin de libérer l’autre conjoint de son obligation de faire des paiements périodiques pour subvenir aux besoins du premier conjoint ne constituent pas une allocation périodique pour subvenir aux besoins de celui‑ci, les paiements concernant l’hypothèque consentie au bénéfice des REER de l’appelant ne peuvent pas non plus être déduits à ce titre. Comme dans Trottier, précité, l’hypothèque a été consentie par l’appelant parce qu’il n’était pas en mesure de verser la somme forfaitaire en argent comptant. Même si l’hypothèque avait été consentie à son ex‑épouse, ceci n’aurait pas suffit pour permettre à l’appelant de déduire à titre de pension alimentaire les montants payés relativement à l’hypothèque. Le fait que l’hypothèque ait été consentie au bénéfice des REER de l’appelant ne fait qu’appuyer la position selon laquelle les montants à payer relativement à l’hypothèque ne constituent pas une pension alimentaire.

 

[10]    En ce qui concerne le paiement forfaitaire de 42 500 $ fait en 2002, dans l’arrêt The Minister of National Revenue v. Armstrong, [1956] R.C.S. 446, la Cour suprême du Canada a déjà traité la question de savoir si une personne ayant versé un montant forfaitaire dans le but de satisfaire son obligation de payer une pension alimentaire pouvait déduire ce montant dans le calcul de ses revenus. Le juge Kellock a formulé les commentaires suivants :

 

[traduction]

 

En l’espèce, la somme de 4 000 $ a été payée par l’intimé « en règlement complet » de tous les montants qui étaient payables ou qui allaient le devenir en vertu d’un jugement conditionnel qui l’obligeait à verser chaque mois à son ex‑épouse la somme de 100 $ pour subvenir aux besoins du jeune enfant des parties jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 16 ans. En contrepartie de ce paiement, l’intimé a été libéré par son ex‑épouse de « toute autre obligation » découlant dudit jugement.

 

   […]

 

Il me semble que le paiement en question n’est pas visé par le texte de loi. Il ne s’agissait pas d’un montant payable « conformément à » ce jugement, mais plutôt d’un montant payé pour se libérer de l’obligation qu’il imposait.

 

[11]    Le juge Locke a formulé les commentaires suivants dans l’arrêt Armstrong :

 

C'était dans le but d'obtenir ce qui était censé être une libération des obligations de l'appelant d'entretenir son enfant mineur dans la mesure imposée par le jugement conditionnel que les 4 000 $ ont été payés. On ne peut, à mon avis, dire correctement que ce montant forfaitaire était payé, pour utiliser le libellé de l'article, conformément à l'ordonnance de divorce. Il est vrai que le montant était payé en raison de l'obligation imposée par l'ordonnance en vue de l'entretien de l'enfant mineur, mais cela n'entre pas dans les limites du libellé de l'article.

 

[12]    Dans la décision Pelletier v. The Queen, [1995] 1 C.T.C. 2327, le juge Bowman a résumé en ces termes ces deux arrêts de la Cour suprême du Canada :

 

[…] Ces décisions font valoir qu'un montant global qui remplace l'obligation de faire des paiements périodiques n'est pas déductible dans le calcul du revenu du payeur. […]

 

[13]    En partant du principe que, selon l’appelant, le montant de 42 500 $ concernait seulement son obligation de payer une pension alimentaire pour conjoint (et non la renonciation, par son ex‑épouse, de tout intérêt qu’elle aurait pu avoir dans le foyer conjugal ou les autres biens), il s’agissait tout de même d’un montant forfaitaire payé dans le but de libérer l’appelant de son obligation de payer une pension alimentaire à son ex‑épouse. Par conséquent, l’appelant ne peut déduire aucune partie du montant de 42 500 $ qu’il a payé à son ex‑épouse en 2002. Une autre raison pour laquelle le montant payé en 2002 ne constitue pas une pension alimentaire est le fait qu’il n’existait aucune ordonnance d’un tribunal ni aucun accord écrit prévoyant que l’appelant devait faire des paiements périodiques à son ex‑épouse, comme il est mentionné ci‑dessus.

 

[14]    L’appel est rejeté, sans dépens.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d’avril 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2008.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI237

 

N° DU DOSSIER :                             2007-3977(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Nickolaos Sideris c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 23 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Sandra Tsui

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                         Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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