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Dossier : 2003-4140(GST)G

ENTRE :

TRIPLE G. CORPORATION INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 6 décembre 2007, à Edmonton (Alberta).

 

Devant l’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Gordon D. Beck

Avocate de l’intimée :

Me Marta E. Burns

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, pour la période entre le 1er août 1999 et le 31 juillet 2002, dont les avis portent les numéros 10BT119047413, 10BT-119147421 et 10BT‑GL0322-5124-9216, est rejeté avec dépens à l’intimée, lesquels dépens seront taxés.

 

       Signé à New Glasgow, en Nouvelle‑Écosse, ce 24e jour d’avril 2008.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’août 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI181

Date : 20080424

Dossier : 2003-4140(GST)G

ENTRE :

 

TRIPLE G. CORPORATION INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     Il s’agit d’un appel des cotisations établies par le ministre à l’endroit de l’appelante, dont les avis portent les numéros 10BT119047413, 10BT-119147421 et 10BT‑GL0322-5124-9216 (« trois nouvelles cotisations »).

 

[2]     Au moyen de ces trois nouvelles cotisations, le ministre a établi une cotisation à l’endroit de l’appelante pour des taxes perçues ou percevables sur ses fournitures de coupe sur commande de viandes pour la période en cause, entre le 1er août 1999 et le 31 juillet 2002, suivant les paragraphes 221(1) et 225(1) et les articles 228 et 296 de la Loi sur la taxe d’accise (« Loi »).

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[3]     Les avocats de deux parties ont convenu que la question soumise à la Cour est celle de savoir si l’appelante a effectué une fourniture unique pour une contrepartie unique ou si l’appelante a effectué une fourniture d’un produit alimentaire de base, de ce fait une fourniture détaxée et par conséquent non taxable.

 

[4]     Jason Gitzel a témoigné qu’il était l’un des propriétaires de l’appelante, Triple G. Corporation Inc.

 

[5]     L’appelante exploite une boucherie qui offre plusieurs services, notamment un restaurant et une charcuterie. On y vend des produits alimentaires congelés et des viandes fraîches et on y fait également la coupe sur commande des viandes. Il s’agissait des activités auxquelles l’appelante se livrait au cours de la période en cause.

 

[6]     On parle de coupe sur commande dans les cas où un agriculteur ou un chasseur apporte un animal chez l’appelante, où on procède au dépeçage, à la coupe et à l’emballage sous une forme que le propriétaire peut utiliser à la maison comme des saucisses, du bifteck haché, du bifteck, des rôtis et de la viande séchée. Les différents chasseurs et agriculteurs apportent dans les locaux de l’appelante les carcasses de différents animaux comme le bœuf, le porc, le chevreuil, l’orignal, le wapiti et l’ours. Les clients de l’appelante incluent tant des propriétaires d’animaux domestiques que des propriétaires d’animaux sauvages.

 

[7]     Lorsqu’un chasseur arrive à l’entreprise, il se présente à la porte d’expédition et il remplit un formulaire par lequel il informe l’appelante de son numéro VIN, de son adresse et du numéro de l’étiquette sur l’animal. L’appelante lui remet un numéro permettant de reconnaître la livraison. Le chasseur donne des instructions quant à la manière selon laquelle il veut que le produit soit coupé et emballé et quant à la forme finale du produit.

 

[8]     L’animal est déchargé dans l’aire de réception, il est marqué avec un numéro fourni par l’appelante et il est placé dans le congélateur de l’appelante. Lorsque vient le moment de procéder à la coupe de l’animal marqué avec ce numéro, les bouchers de l’appelante sortent l’animal, le coupent selon les instructions reçues plus tôt pour obtenir le produit souhaité et l’emballent conformément à ces instructions. Le produit est alors congelé, puis on prépare une facture, on appelle le propriétaire et on l’informe que le produit est prêt pour qu’il vienne le chercher.

 

[9]     Le témoin a reconnu que la pièce A‑1 était le formulaire qu’on fournissait au client et qu’il remplissait au moment où on lui remettait l’animal qu’il avait apporté. Le produit domestique et le gibier sont tous deux reçus et coupés de la même manière sauf que le produit domestique est coupé en premier. Lorsque l’appelante fait des produits à valeur ajoutée, par exemple des saucisses, elle ajoute aux produits un tiers de porc, de même que les épices et les boyaux à saucisses qu’elle utilise. On ajoute du porc au produit sauvage parce qu’il a tendance à être plus sec. Le produit à valeur ajoutée est fourni par l’appelante. Le produit final est enveloppé dans un emballage de papier brun ou emballé sous vide, selon ce que le client préfère. Normalement, le produit est congelé lorsqu’il est prêt.

 

[10]    En raison de la nature de la viande, la viande sauvage n’étant pas inspectée et la viande domestique étant inspectée, les viandes sont conservées dans des chambres froides séparées. La pratique à cet égard a pour objet d’empêcher que les tables de coupe soient contaminées par de la viande non inspectée. À l’avant de la boucherie, il y a un écriteau informant le public que l’appelante n’est pas autorisée à vendre en Alberta de la viande non inspectée. Les règles à cet égard sont imposées par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. L’entreprise est inspectée par Capital Health, à savoir un bureau local à Stoney Plane.

 

[11]    L’appelante facture la coupe sur commande sur la base du prix à la livre. Le témoin a expliqué que le « numéro VIN » renvoie à un numéro d’identification de la faune que chaque chasseur doit avoir et qui lui donne le droit d’acheter des étiquettes pour chasser des animaux sauvages chaque année.

 

[12]    On a parlé d’une autre expression, le « numéro de traité ou de métis », qui se rapporte à un numéro fourni à une population autochtone qui n’a pas besoin d’un numéro VIN, mais qui a effectivement besoin d’un numéro de bande ou d’un numéro de traité lorsqu’un de ses membres apporte des animaux sauvages chez l’appelante.

 

[13]    La carcasse n’est inspectée par aucun agent provincial ou fédéral. Cela s’applique également à ceux qui apportent des animaux domestiques pour les faire couper. Si un animal est considéré comme gâté, l’appelante refusera de le prendre. Parfois, l’appelante constate que l’animal est gâté qu’après avoir commencé à le couper. Lorsqu’on trouve de la viande avariée, on la jette. Il appartient au chasseur de s’assurer que l’animal qu’il apporte n’est pas gâté. Il peut se voir imposer une amende s’il apporte un animal gâté.

 

[14]    Le témoin a indiqué que, selon lui, c’est le chasseur qui est le propriétaire de la carcasse.

 

[15]    L’appelante n’achète jamais de carcasses. Parfois, une personne autre que le propriétaire apporte l’animal chez l’appelante pour qu’elle procède à une coupe sur commande. Pour ce faire, cette personne doit avoir une lettre l’autorisant à transporter l’animal aux installations de l’appelante. Parfois, cette lettre est une lettre type fournie par des agents de la faune, parfois il s’agit d’une lettre écrite par le propriétaire de l’animal énonçant simplement que le porteur de la carcasse peut la livrer aux installations de l’appelante. Cette pièce a été déposée sous la cote A‑2.

 

[16]    Il se peut que des chasseurs, des autochtones ou des fonctionnaires de la faune apportent d’autres animaux dans les locaux de l’appelante. La contre-vérification faite à l’égard de la propriété d’une carcasse a lieu lorsque l’employé compare le numéro d’étiquette de l’animal au numéro VIN. Les étiquettes comportent normalement le nom de la personne.

 

[17]    Lors du contre-interrogatoire, le témoin a indiqué que l’appelante coupe et transforme des animaux pour elle-même et qu’elle peut les revendre. Pour ces animaux, on procède de la même manière dont on le fait pour les autres coupes sur commande. La seule différence est que chaque produit domestique est inspecté avant l’abattage de même qu’après l’abattage. L’appelante n’est pas un abattoir.

 

[18]    Le témoin a confirmé que l’appelante transforme tant de la viande qui a été inspectée que de la viande qui ne l’a pas été. En outre, l’appelante ne peut pas revendre de la viande qui n’a pas été inspectée. La viande qui a été inspectée comporte des cachets et des étiquettes de l’abattoir. L’appelante marque avec ses propres étiquettes la viande qui a été inspectée.

 

[19]    Une fois que la viande est coupée et emballée, elle doit encore être marquée comme « non inspectée ». En outre, à l’entrée des locaux de l’appelante il y a un écriteau comportant ce qui suit : [traduction] « En Alberta, il est interdit de vendre de la viande non inspectée. De la viande non inspectée est transformée ici pour des propriétaires d’animaux. »

 

[20]    Lorsque la carcasse d’un animal est apportée chez l’appelante, elle est pesée et facturée en conséquente. Il y a des frais additionnels de transformation pour la viande séchée, les saucisses et les produits semblables. À la fin du processus, on émet une facture exposant le nombre de livres au début et les frais de transformation additionnels.

 

[21]    Au cours du réinterrogatoire, le témoin a déclaré que la facture présentée au client est une feuille de papier qui énumère tout ce que l’appelante fait, de la coupe et l’emballage aux sortes de différentes saucisses, notamment l’ajout de porc ou de bœuf, et un nombre de livres est inscrit pour chacune des catégories qu’elle utilise. Le montant est alors calculé au bas et on indique [traduction] « plus TPS ». Le témoin a reconnu que cette expression a été ajoutée après que l’appelante a fait l’objet d’une cotisation.

 

[22]    Avant le 31 juillet 2002, l’appelante utilisait le même format pour sa facturation sauf que la TPS n’y était pas mentionnée.

 

[23]    Après que la Cour eut posé plusieurs questions, on a réinterrogé le témoin quant à une question antérieure à l’égard du coût plus élevé pour la viande domestique. Le témoin a précisé qu’il parlait de la viande domestique qui était en vente dans la partie avant de la boucherie de l’appelante. Il disait que les frais pour la coupe et l’emballage de la viande d’un animal sauvage étaient plus élevés parce que la viande était plus sale et que, par conséquent, il était justifié qu’un montant légèrement plus élevé soit payé pour la transformation de cette viande par opposition à la viande d’un animal domestique.

 

OBSERVATIONS PRÉSENTÉES AU NOM DE L’APPELANTE

 

[24]    L’avocat de l’appelante a adopté la position selon laquelle la Cour a pour la première fois la possibilité de trancher la question de savoir si, pour ainsi dire, une entreprise qui transforme des aliments comme le fait l’appelante doit être considérée comme une entreprise qui effectue une fourniture d’un produit ou d’un service. Il considérait qu’il s’agissait d’un appel important de nature à établir un précédent. Il était d’avis qu’il ne s’agissait pas de la première fois qu’on demandait à la Cour de décider dans quelle catégorie se trouve une fourniture pour laquelle on pourrait soutenir qu’elle a différents aspects et qu’elle constitue une fourniture mixte d’un nombre d’éléments constitutifs, dont certains ont un traitement différent de d’autres quant à la TPS.

 

[25]    Il a affirmé que la présente affaire n’est identique à aucune des autres affaires qui ont été tranchées comme celles se rapportant aux bleuets congelés, aux carottes, au bétail et aux terrains d’élevage, aux ranchs de chasse aux wapitis ou à la taxidermie. La présente affaire est différente de toutes ces affaires. Aucune des questions examinées dans ces affaires était aussi fondamentale à la structure de base de la TPS que la question soumise à la Cour dans le présent appel, à savoir si le produit du travail de l’appelante devrait être exempté de taxe parce qu’il s’agit d’aliments ou s’il devrait être assujetti à la taxe parce qu’on considère de manière plus appropriée qu’il s’agit simplement d’un service.

 

[26]    L’avocat soutenait qu’il y a seulement deux dispositions législatives pertinentes qui sont applicables à la présente affaire et il s’agit de l’article 1 de la partie III de l’annexe VI de la Loi et de l’article 138 de la Loi.

 

[27]    L’article 1 de la partie III de l’annexe VI de la Loi détaxe la fourniture d’aliments et de boissons destinés à la consommation humaine. Il y a une douzaine d’exceptions qui ne s’appliquent pas à la présente affaire. L’article 138 est une disposition déterminative prévoyant qu’il est réputé que, dans les cas où il y a un lot de fournitures séparées qui sont assemblées et offertes pour une contrepartie unique, les fournitures soi-disant accessoires qui font partie du lot sont réputées faire partie de la fourniture principale qui est effectuée. Le facteur le plus important pour décider si l’article 1 de la partie III de l’annexe VI s’applique est la politique fiscale qui sous-tend cette disposition. Cette politique établit que « les aliments ne devraient pas être taxés ».

 

[28]    Le témoin a affirmé que la méthode adoptée par la Cour à l’égard de l’article 138 a d’abord été d’examiner si une fourniture est en fait correctement caractérisée comme un nombre de fournitures séparées ou si elle est correctement considérée comme une fourniture unique qui se trouve simplement à avoir des éléments constitutifs.

 

[29]    L’avocat de l’appelante a avancé que la preuve dans la présente affaire est relativement simple et non litigieuse.

 

[30]    Dans son témoignage, M. Gitzel a décrit le processus de coupe sur commande d’une carcasse, qu’il s’agisse d’une carcasse d’un animal sauvage ou de celle d’un animal domestique. Dans les deux cas, le produit final est une viande comestible. Le témoin a indiqué qu’il n’y avait pas de différences importantes, que les mêmes méthodes de travail étaient utilisées, que le même équipement était utilisé et que les viandes inspectées et celles non inspectées ne pouvaient essentiellement pas être distinguées sauf par quelqu’un qui avait la même expertise que la sienne.

 

[31]    Cependant, la contrepartie facturée par l’appelante pour la coupe sur commande pour la vente des produits de viande domestique, qu’elle soit inspectée ou non, est essentiellement déterminée de la même manière, à savoir : à la livre. M. Gitzel considérait la carcasse, une carcasse d’un animal sauvage non inspecté apporté aux installations de l’appelante, comme appartenant au chasseur dont l’étiquette est fixée à la carcasse. Selon lui, il est interdit à un chasseur de vendre cette carcasse à quiconque, y compris à l’appelante.

 

[32]    Il a cependant déclaré qu’il y avait des cas où une personne autre qu’un chasseur qui avait tué un animal sauvage avait en fait la possession de la carcasse et la livrait à l’appelante, mais que cette personne devait avoir un document, signé par le chasseur, l’autorisant à apporter la carcasse aux installations de l’appelante. Il a reconnu que le propriétaire de cette carcasse était le chasseur et non la personne qui en faisait la livraison.

 

[33]    Le processus visant à déterminer la contrepartie que l’appelante obtient est le même dans les deux cas. Le seul facteur différent était la propriété de la carcasse faisant l’objet de la transformation. Ce facteur était le facteur qui a incité l’intimée à établir la cotisation qui est la question visée dans l’appel. La viande est un article compris dans les aliments détaxés suivant l’article 1 de la partie III de l’annexe VI qui nécessiterait que l’appelante en soit la propriétaire. Si elle en est la propriétaire, alors indiscutablement il s’agit d’un aliment. Ce concept de propriété d’animaux sauvages morts est en fait totalement en fonction de la législation provinciale en matière de chasse et d’inspection des viandes ou de la salubrité des aliments. Ce cadre de textes de loi permet que soit tirée une conclusion selon laquelle il y a un transfert de propriété de la carcasse à l’appelante.

 

[34]    L’appelante a en outre avancé la proposition selon laquelle les faits dans la présente affaire démontrent certains aspects de la propriété d’une carcasse d’un animal sauvage, en particulier si le concept de propriété peut être considéré comme transcendant, dans une certaine mesure, le cadre législatif résultant de la loi provinciale en matière d’inspection des viandes d’animaux sauvages.

 

[35]    La troisième proposition avancée par l’avocat de l’appelante était qu’on doit établir le point de départ de la propriété d’un aliment afin de décider si l’article 1 de la partie III de l’annexe VI de la Loi s’applique. Cela ne résulte pas nécessairement du libellé de cet article.

 

[36]    À l’égard de la première proposition, la propriété d’animaux sauvages est essentiellement une création d’une loi provinciale régissant principalement la chasse et la salubrité des aliments et s’avère par conséquent peu pertinente pour trancher le présent appel.

 

[37]    Il a utilisé le scénario par lequel l’appelante achèterait une carcasse d’un chasseur pour une valeur nominale, par exemple 1 $. L’appelante effectuerait ensuite exactement le même processus de coupe sur commande de la carcasse qu’elle effectue en l’espèce, elle revendrait ensuite le produit final au chasseur pour la même contrepartie qu’elle facture actuellement, possiblement pour 1 $ ou plus pour recouvrer les frais de l’achat de la carcasse. Dans ce scénario, rien ne différencierait le processus que l’appelante utilise pour effectuer la coupe sur commande du processus qu’elle utilise dans le cours normal de coupe et de transformation d’un animal domestique inspecté et de vente du produit final. Dans ce scénario, l’intimée ne serait pas fondée à établir une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelante.

 

[38]    Il avance la proposition voulant que, étant donné qu’il n’y a pas de preuve que l’appelante contrevient à quelque loi fédérale ou provinciale à l’égard de la manutention de la carcasse et aux règlements pris en vertu de ces lois, il se peut en fait qu’il ne soit pas interdit aux chasseurs qui apportent des carcasses à l’appelante pour une coupe sur commande de transporter des animaux sauvages d’une manière susceptible de contrevenir à l’article 62 de la loi provinciale ou au règlement pris en vertu de cette loi. Il est donc loisible à la Cour de décider que la propriété d’une carcasse est transférée à l’appelante au cours du processus de coupe sur commande, que la contrepartie pour ce transfert fait simplement partie du prix établi par l’appelante pour les produits de viande qui sont livrés à la fin du processus de coupe sur commande et, si la Cour devait arriver à cette conclusion, que cela n’entraînerait pas nécessairement que l’appelante ou le chasseur contreviendrait à la loi provinciale.

 

[39]    Indépendamment de la question de savoir si l’achat exprès d’une carcasse d’un original, d’un wapiti ou d’un chevreuil par l’appelante pour une somme nominale constituerait une violation à la loi provinciale, il faut mentionner que le statut de la TPS quant à ce que fait l’appelante changerait simplement du fait que l’appelante remet une pièce de un dollar à chaque chasseur qui apporte une carcasse. Toutefois, il s’agit de la manifestation ultime de la position de l’intimée en l’espèce, à savoir que les aliments ne sont pas des aliments à moins que le vendeur soit propriétaire de toutes les parties constitutives, notamment une partie constitutive qui n’a essentiellement pas de valeur.

 

[40]    À l’égard de la deuxième proposition, c’est-à-dire que si la propriété de tous les éléments constitutifs est un facteur déterminant de la question de savoir si une fourniture est une fourniture d’aliments ou une fourniture d’un service, il y avait certains éléments de preuve selon lesquels l’appelante montre effectivement certains indices de propriété de la carcasse qui fait l’objet de la coupe sur commande.

 

[41]    Si l’appelante possédait la carcasse et, en plus, la transformait complètement, elle doit être considérée comme parvenant à un certain degré de propriété, dans la mesure où la propriété est en fonction de la possession.

 

[42]    La carcasse subit une conversion par l’appelante, de sorte qu’il n’est plus exact de la considérer à la fin du processus comme le même bien qu’elle était au début du processus. Le chasseur peut-il encore être considéré comme le propriétaire de la carcasse convertie?

 

[43]    L’avocat semblait suggérer que dans les cas où l’appelante ne pouvait pas se conformer complètement aux instructions reçues du propriétaire de la carcasse parce que la carcasse était gâtée, ou pour une autre raison, cela peut équivaloir à une conversion. On peut donc supposer qu’il est loisible à la Cour de dire que quiconque a pu être le propriétaire du produit au début ne doit pas nécessairement être considéré à la fin du processus comme le propriétaire du produit final, à savoir le bien converti à la fin de ce processus.

 

[44]    Le dernier argument était que dans la mesure où la Cour a accepté qu’il y a une conversion de la carcasse qui est effectuée au cours de sa transformation par l’appelante, alors la Cour doit conclure que la conversion qui se produit donne à l’appelante un certain droit dans la propriété des produits convertis et que cette conclusion démolirait le fondement de la position de l’intimée, à savoir que la fourniture en question est un simple service et non une fourniture d’un produit.

 

[45]    La troisième proposition de l’appelante était que même si elle a reconnu que la seule personne qui ait quelque indice de propriété que ce soit dans l’animal est quelqu’un d’autre que l’appelante, même si elle a reconnu qu’elle ne démontre aucun indice de propriété, cela ne signifie pas nécessairement que l’appelante ne puisse pas être considérée comme une personne qui fournit des aliments.

 

[46]    Cela se produit en raison de la position de l’intimée selon laquelle un aliment est entièrement un produit et par conséquent un bien, et une personne qui n’a pas la propriété de ce bien ne peut pas en effectuer la fourniture. Cela n’est aucunement évident du libellé de l’article 1 de la partie III de l’annexe VI. Cet article énonce simplement que les aliments destinés à la consommation humaine sont détaxés. Cet article ne dit absolument rien sur la personne qui est la propriétaire des aliments. De façon certaine, il ne dit absolument rien à l’égard d’une exigence voulant qu’une personne possède tous les éléments constitutifs qui sont incorporés dans un produit alimentaire pour qu’elle soit considérée comme une personne qui effectue la vente d’un aliment. Accepter la position de l’intimée, c’est exiger qu’on donne à l’article 1 une interprétation alors qu’il n’est pas nécessaire de le faire.

 

[47]    Bien que l’article 1 s’applique à des fournitures effectuées par l’appelante, l’affaire peut être assez correctement réglée en répondant simplement à la question suivante : Le chasseur obtient-il des aliments de l’appelante? La réponse est oui. [traduction] « Rien dans l’article 1 de la partie III de l’annexe VI n’exige que nous allions plus loin, que nous analysions les lois provinciales et fédérales et les règlements et que nous examinions les lois en matière de baillement, de conversion, de fiducie ou de mandat et essentiellement que nous nous entortillions dans la sémantique ».

 

[48]    L’observation finale était que ce que le chasseur reçoit à la fin du processus de coupe sur commande est fondamentalement différent de ce qu’il a fourni au début de ce processus. À vrai dire, ce que fait l’appelante consiste à faire subir à l’animal mort un processus de coupe sur commande qui est un processus qui transforme cet article en un aliment pour les fins prévues à l’article 1 de la partie III de l’annexe VI. En outre, l’appelante elle-même contribue au produit en ajoutant certains articles.

 

[49]    L’avocat ne souscrivait pas à la position adoptée par l’intimée voulant qu’on ne puisse pas considérer le produit final, aussi comestible est‑il, comme un produit alimentaire pouvant être vendu, à moins que quelqu’un puisse démontrer qu’il est le propriétaire de tous les éléments constitutifs. Il y a des cas où un article est vendu par quelqu’un qui ne se trouve pas à en être le propriétaire, et cela ne change pas le fait qu’il s’agit d’un aliment.

 

[50]    La position de l’avocat était que ce qui est remis à l’appelante n’était pas un aliment au début. C’était un aliment lorsqu’il était remis au propriétaire.

 

[51]    La question est donc la suivante : Ce qui était remis au propriétaire par l’appelante équivaut-il à la fourniture d’un aliment?

 

[52]    Il a adopté la position selon laquelle l’article 138 ne s’applique pas à la présente situation. Cet article traite de fournitures mixtes. Il prévoit que dans les cas où plusieurs fournitures sont liées ensemble et vendues pour une contrepartie unique, les fournitures qui sont accessoires à la fourniture principale sont réputées faire partie de la fourniture principale. Dans la présente affaire, la fourniture en question représente une fourniture unique comportant plusieurs éléments constitutifs plutôt qu’une fourniture multiple consistant en plusieurs fournitures distinctes qui sont liées ensemble et vendues pour une contrepartie unique. Il a renvoyé aux affaires suivantes :

 

·   O.A. Brown Limited c. Canada, [1995] A.C.I. no 678;

 

·   Great Canadian Trophy Hunts Inc. c. R., 2005 CCI 612;

 

·   Oxford Frozen Foods Limited v. Canada, CarswellNat 2976 (sup nom), [1996] A.C.I. no 1222;

 

·   Robertson v. R., 2002 CarswellNat 186.

 

[53]    Chacune de ces affaires concernait l’examen de la question de savoir si la fourniture était une fourniture unique comportant des éléments constitutifs et, si oui, quel était le traitement approprié quant à la TPS. La même question est commune dans le présent appel. L’appelante doit-elle être considérée comme effectuant une fourniture unique? L’appelante ne se livre pas seulement à la coupe sur commande, mais elle ajoute certains éléments au produit sous la forme de porc, d’épices, de boyaux à saucisses et d’emballage. Si l’on conclut que l’appelante en l’espèce effectue une fourniture unique, malgré ces éléments constitutifs, quel est le traitement approprié quant à la TPS à l’égard de la fourniture?

 

[54]    Dans l’affaire O.A. Brown, précitée, la Cour a tranché que O.A. Brown effectuait une fourniture unique, non une fourniture multiple, et qu’il s’agissait de la fourniture de bétail qui, de nouveau, était une fourniture détaxée.

 

[55]    Dans l’affaire Oxford Frozen Foods Limited, précitée, M. le juge Tesky a décidé que la société Oxford Frozen Foods effectuait une fourniture unique, autre que le fait qu’il y avait des frais séparés calculés pour les éléments constitutifs énumérés.

 

[56]    Dans Great Canadian Trophy Hunts Inc. c. R., la question consistait à savoir s’il s’agissait d’une fourniture mixte ou d’une fourniture unique. La Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision sur la question de savoir s’il y avait une fourniture unique ou mixte parce qu’elle a conclu qu’il existait une disposition péremptoire, l’article 163 de la Loi sur la taxe d’accise, qui prévoyait essentiellement qu’il est réputé qu’il y a des éléments séparés malgré qu’il y ait eu une contrepartie unique.

 

[57]    Dans l’affaire Robertson v. R., précitée, la Cour a décidé qu’il y avait une fourniture unique et que les services de taxidermie fournis par l’appelant étaient fournis pour une contrepartie unique et que les matériaux n’étaient qu’accessoires à la fourniture de service principale. Elle a conclu qu’il y avait une fourniture unique de services de taxidermie et qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’application de l’article 138.

 

[58]    L’avocate de l’intimée a invité la Cour a tiré une conclusion différente de celle qu’elle a tirée dans Robertson v. R., précitée, bien qu’elle ait admis ouvertement que cette affaire comportait de façon frappante des faits similaires, comme elle l’a dit. Elle a déclaré que la Cour devrait conclure qu’il y avait suffisamment de faits différents pour lui permettre de tirer une conclusion différente de celle qu’elle a tirée dans cette affaire.

 

[59]    L’une de ces différences était le degré de talent démontré par M. Robertson en comparaison avec le degré de talent démontré par l’appelante en l’espèce. Les employés de l’appelante en l’espèce participaient à la coupe sur commande. M. Robertson pouvait être considéré comme un artiste et par conséquent ce fait favorise la caractérisation de la fourniture qu’il effectuait comme la fourniture de services d’un artiste, non pas comme les services d’un peintre engagé par un client pour faire une peinture. En dépit du fait que les employés de l’appelante en l’espèce aient pu avoir une grande fierté quant à leur travail, ils ne sont pas dans la même catégorie que les taxidermistes, comme dans l’affaire Robertson.

 

[60]    Le point différent avancé par l’avocat de l’appelante était que dans l’affaire Robertson v. R., précitée, on a accepté que « la valeur d’un trophée provenait surtout de la partie d’un animal de la faune […] ». Ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[61]    Le degré de transformation du bien du chasseur dans le cours du processus effectué par l’appelante était une troisième distinction importante selon l’avocat de l’appelante. Dans la présente affaire, une personne qui remet à l’appelante une carcasse ne s’attend pas à recevoir le bien dans le même état dans lequel il se trouvait lorsqu’il a été remis à l’appelante. C’est là que la conversion se produit et met en cause la question de savoir si le chasseur reçoit le même bien qu’il a remis.

 

[62]    L’avocat a renvoyé aux commentaires de David Sherman dans l’affaire Robertson v. R, précitée, et a conclu que la personne qui traite un produit de sorte à le transformer en quelque chose de différent peut par la suite être considérée comme fournissant un produit séparé pour la taxe de vente et il ne s’agit pas d’un concept révolutionnaire.

 

[63]    Il a soulevé la question de savoir à quel moment le bien devient un aliment. Si on conclut que le bien devient un aliment à un certain moment au cours du processus de coupe sur commande, alors on ne saurait dire que le chasseur qui apporte la carcasse reçoit le même bien qu’il a apporté.

 

[64]    À plus forte raison, et dans la présente affaire, les actions de l’appelante font qu’un produit complètement nouveau est créé de sorte que, pour utiliser les mots de M. Sherman, on peut certainement dire que la carcasse qui existait auparavant a été incorporée dans le nouveau produit.

 

[65]    Il a renvoyé à ce qu’il appelait [traduction] « le large contexte de la décision de la Cour » tant dans l’affaire Robertson que dans la présente affaire. Dans l’affaire Robertson v. R., précitée, l’une des conséquences possibles de la décision, selon lui, était d’assujettir les chasseurs non-résidents à la TPS et aux services de taxidermie, ce qui aurait bien pu avoir comme résultat de réduire le nombre de chasseurs américains qui viennent au Canada. Il a soutenu qu’il décrit le large contexte de la décision dans la présente affaire comme étant de savoir si les aliments devraient ou non être taxés. Selon lui, une décision favorable à l’intimée dans le présent appel entraînerait la taxation de produits alimentaires de subsistance.

 

[66]    M. Gitzel a témoigné que selon lui un nombre considérable des clients pour lesquels l’appelante effectue de la coupe sur commande sont des chasseurs qui chassent pour leur subsistance. Un certain nombre de clients sont des membres des Premières nations. Selon lui, un membre d’une Première nation ne pouvait chasser que pour sa subsistance. Il a soutenu que des points de vue largement répandus - des points de vue de Canadiens qui remontaient à 1987 et à 1989 - n’ont pas changé au cours des 20 dernières années et que le principe général demeure par conséquent que les produits alimentaires de base ne devraient pas être taxés.

 

[67]    L’appel devait être accueilli et la cotisation du ministre devait être annulée.

 

 

LES OBSERVATIONS PRÉSENTÉES AU NOM DE L’INTIMÉE

 

[68]    L’avocate de l’intimée a reconnu qu’il n’y avait pas beaucoup de contestation quant aux faits. La preuve établissait clairement que l’appelante exploitait un commerce de transformation de la viande qui comportait la coupe sur commande et la transformation de viandes domestiques non inspectées et d’animaux sauvages pour des clients, et qu’elle facturait sur une base à la livre. On renvoie à cette activité en la nommant « coupe sur commande ».

 

[69]    Le client qui a tué un animal ou qui a apporté la carcasse d’un animal pour la faire couper et transformer demeure le propriétaire de la viande de cet animal. Le règlement exige que la viande dans ce produit soit marquée comme « non inspectée ». Finalement, c’est ce que dit l’écriteau dans la boucherie.

 

[70]    Dans son entreprise de coupe sur commande, l’appelante offre un service de coupe de carcasses et de transformation de la viande en viande hachée, en saucisses et en d’autres produits comestibles pour lesquels il peut y avoir des frais additionnels, selon la quantité de porc qui y est ajouté. Sur la facture, le porc est énuméré comme un élément séparé. Cependant, le produit fini est remis au client qui l’a apporté, au moment du paiement.

 

[71]    L’avocate a renvoyé aux dispositions de la Loi sur la taxe d’accise, notamment à l’article 123, qui définit les termes « fourniture » et « service », et qui comporte des définitions comme « valeur taxable », « activité commerciale », « fourniture détaxée ». Le paragraphe 165(1) prévoit que toute fourniture taxable entraîne une taxe sur le total de la contrepartie pour la fourniture. En outre, le paragraphe 165(3) comporte effectivement une exception, à savoir qu’une fourniture détaxée a une taxe nulle.

 

[72]    Un service est tout ce qui n’est pas un bien.

 

[73]    La position de l’avocate était que ce que nous avons en l’espèce est une entente conclue entre l’appelante et le client visant la coupe sur commande et la transformation d’un animal. L’appelante n’est propriétaire de la carcasse à aucun moment; par conséquent elle ne fournit pas un produit fini au moyen d’une vente. L’entente avec le client visait le service de coupe sur commande, non la vente de produits. La fourniture est une fourniture d’un service suivant la définition et est par conséquent taxable au taux de 7 p. 100.

 

[74]    C’est le client de l’appelante qui était le propriétaire de la carcasse pendant tout le processus. Un chasseur chasse d’une manière appropriée et respecte la Wildlife Act et les règlements pris en vertu de cette loi. Il obtient la carcasse et il en est le propriétaire.

 

[75]    À l’égard du droit, l’avocate était d’avis que la décision rendue dans l’affaire Robertson v. R., précitée, est la bonne décision. Lorsqu’on examine le scénario selon lequel une personne apporte son bien à une autre personne et que cette dernière fait quelque chose à ce bien et qu’elle remet le bien, ce qu’elle fait ne peut être une vente du bien à la personne originale. Il doit s’agir d’un service. La personne a fait quelque chose au bien, pour l’améliorer, l’ajuster, le modifier ou le restaurer, etc. Il pourrait s’agir de n’importe quel service, mais il s’agit d’un service.

 

[76]    Comme dans l’affaire Robertson v. R., précitée, en l’espèce, l’appelante fournissait un service dans son entreprise de coupe sur commande, comme le faisait le taxidermiste. Comme dans l’affaire Robertson v. R., précitée, l’appelante avait la possession de l’animal sauvage en partie au nom du chasseur. Le chasseur n’a pas transféré la propriété à l’appelante.

 

[77]    Il y avait dans l’entreprise à laquelle l’appelante se livrait une réalité selon laquelle elle n’avait d’autre choix que de respecter la loi et les règlements. Ces règlements exigeaient que la viande porte un cachet indiquant [traduction] « viande non inspectée » et qu’elle ne soit pas une viande offerte en vente. Une autre règle était que l’entreprise devait avoir un écriteau et cela était fait dans la présente affaire. La raison à cet égard était que le fournisseur de services ne pouvait pas revendre le produit. Par conséquent, il ne peut s’agir de la vente de produits puisque la loi ne le permet pas.

 

[78]    Comme dans l’affaire Robertson v. R., précitée, lorsque l’appelante remet au chasseur les morceaux de l’animal sauvage, dans leur forme finale, elle ne fournit pas au chasseur un « bien » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, parce que le chasseur est déjà le propriétaire de ce bien. En traitant plus à fond de l’affaire Robertson, l’avocate a avancé que l’auteur utilisait une situation hypothétique en mentionnant le cas de quelqu’un qui apporte une griffe d’ours et qui reçoit quelque chose de fondamentalement différent. La question importante est de savoir en quoi consiste le contrat. S’il apportait une griffe d’ours plutôt que l’animal entier, alors le contrat serait totalement différent.

 

[79]    Dans la présente affaire, la Cour doit examiner les faits qui lui sont soumis, non les faits qu’elle aurait souhaité qui soient soumis ou qui auraient pu lui être soumis si la loi était différente. En l’espèce, nous avons une situation dans laquelle le chasseur arrive clairement à la boucherie, y laisse son propre bien, fait effectuer certains services de coupe sur commande à son bien et reprend ce bien.

 

[80]    L’avocate était d’avis que l’analyse de M. Sherman dans l’affaire Robertson v. R, précitée, s’effondre à ce point parce qu’il n’examine pas en quoi consistait le contrat entre les parties et ce qu’elles y faisaient. Il est essentiel de faire cet examen pour déterminer si la TPS est payable ou non parce que cet examen est essentiel pour déterminer en quoi consiste la fourniture.

 

[81]    L’avocate ne soutenait pas qu’il y avait des fournitures multiples. Il s’agissait de la fourniture. Il s’agissait du service de coupe sur commande. La fourniture de porc dans la fabrication de saucisses était très accessoire à la fourniture d’ensemble de la coupe sur commande et elle est réputée faire partie du service ainsi fourni.

 

[82]    Le porc inclus dans les saucisses fait partie de ce que l’appelante remet au propriétaire. Le produit se trouve à être amélioré par l’ajout du porc aux saucisses. Le client de l’appelante est propriétaire de la carcasse et de la viande qu’elle contient pendant tout le processus. Il achète la fourniture de services. À la fin, l’appelante remet la viande au chasseur ou au client, alors elle ne fournit pas un bien dans ce cas. Elle fournit un service.

 

[83]    Elle a mentionné l’argument de l’appelante selon lequel les aliments ne devraient pas être taxés. Toutefois, la Cour doit interpréter la Loi comme elle est rédigée. Il se peut que les rédacteurs n’aient jamais pensé à ce scénario particulier lorsqu’ils ont rédigé la Loi, mais il n’y a rien de particulièrement ambigu dans la Loi à l’égard de la décision que la Cour doit rendre en l’espèce.

 

[84]    Une fois que la Cour a décidé qu’il s’agissait d’un service, il y a peu de choses à contester quant à ce qui découle de la Loi. En outre, la décision quant à savoir s’il s’agit ou non d’un service ne peut pas être influencée par l’argument selon lequel les aliments ne devraient pas être taxés. Ce n’est pas un facteur pertinent.

 

[85]    L’argument selon lequel la viande a peu ou pas de valeur ou la question de savoir s’il y avait un marché pour la viande ne sont d’aucune utilité. Il n’importe pas que la situation ait pu être autre si les lois provinciales et fédérales n’avaient pas existé. Il se peut très bien que l’objet de la Wildlife Act ait été de s’assurer qu’il n’y ait pas de marché pour la viande sauvage de sorte que les animaux puissent être protégés. De plus, il ne sert à rien de traiter la situation comme s’il y avait un marché pour la viande. Il n’est pas utile d’examiner d’autres situations hypothétiques. Nous avons devant nous des faits très clairs auxquels nous pouvons appliquer le droit.

 

[86]    L’avocate a également contesté la prétention de l’avocat de l’appelante voulant que la Cour n’ait pas compétence pour examiner les lois provinciales. C’est ce que la Cour fait très souvent. La Cour a certainement le droit d’examiner les dispositions de cette loi provinciale qui empêche l’appelante de vendre des viandes non inspectées. Relativement à l’argument portant sur la conversion, l’avocate a dit que l’argument de l’appelante à cet égard est très déficient parce qu’elle nous demande d’oublier le fait qu’il y avait une entente contractuelle. Il y avait en l’espèce un contrat. Il s’agissait d’un contrat de service.

 

[87]    L’avocate a également rejeté l’argument de l’appelante selon lequel la carcasse n’était pas un aliment jusqu’à ce qu’elle soit coupée. La Wildlife Act régit les carcasses pour consommation humaine par rapport aux carcasses non comestibles qui doivent être jetées. Par définition, si une carcasse est apportée et est coupée, elle est comestible par des humains et par conséquent il s’agit d’un aliment, du moins en ce qui concerne la portion remise au propriétaire. De plus, à l’égard de l’analogie tirée par l’avocat de l’appelante à l’égard de l’affaire du producteur de carottes, toute la question consiste à savoir ce que prévoit le contrat. L’analogie n’est pas pertinente compte tenu de ce qui s’est réellement produit dans la présente situation particulière.

 

[88]    À l’égard de la présente affaire et des quatre affaires présentées par l’appelante, la plus pertinente est l’affaire Robertson v. R., précitée. L’affaire O.A. Brown, précitée, traitait de la question de savoir s’il s’agissait d’une fourniture mixte et elle n’est pas particulièrement utile. L’affaire Great Canadian Trophy Hunts Inc., précitée, traite d’une fourniture unique ou mixte et les faits étaient différents parce que dans cette affaire il y avait en fait un marché pour le wapiti étant donné qu’on payait pour la viande. C’est le chasseur qui payait le propriétaire original du wapiti et ainsi l’animal était détaxé.

 

[89]    Relativement à l’affaire Oxford Foods, précitée, la question consistait à savoir si la société effectuait ou non une fourniture unique et ce n’est pas la question soumise à la Cour. L’affaire Robertson v. R., précitée, est fondamentalement indifférenciable de la présente affaire.

 

[90]    L’avocat de l’appelante a tenté de faire une distinction entre les deux affaires en se fondant sur le fait qu’il y avait dans l’affaire Robertson un degré différent de talent qui était requis. De façon générale, il n’y avait pas dans la présente affaire d’éléments de preuve quant à la quantité de talent requis pour effectuer le travail de coupe sur commande et le degré de talent n’est pas déterminant de quoi que ce soit. L’avocate a soutenu qu’on ne doit pas non plus accorder peu d’importance au degré de talent requis pour couper de la viande. Le degré de talent requis d’un coupeur de viande n’a aucunement été examiné dans la présente affaire. Bien que la viande ne puisse être examinée du point de vue de la valeur marchande, de façon évidente elle avait une valeur pour ces familles qui la recherchaient pour leur subsistance.

 

[91]    En outre, ces affaires ne peuvent être distinguées en fonction de la valeur du produit sauvage. Il n’était pas possible de distinguer d’une manière perceptible la valeur de ce que le chasseur apportait au taxidermiste et la valeur de ce que le chasseur apportait au coupeur de viande. Les deux avaient une valeur.

 

[92]    L’avocate contestait la position de l’appelante selon laquelle elle faisait une distinction entre les affaires en raison du degré de transformation du bien. Il n’y avait pas une grande transformation dans un cas comme dans l’autre. Dans la présente affaire, la transformation n’était pas très radicale. Le degré de transformation du bien n’est pas un fondement rationnel pour faire une distinction entre la présente affaire et l’affaire visant le taxidermiste.

 

[93]    Quant à la loi du Royaume-Uni, nous n’avons pas un article de ce type. Si l’appelante souhaite obtenir le même résultat en l’espèce que celui obtenu au Royaume-Uni, il est nécessaire d’avoir un article comme celui qui existe pour la taxe sur la valeur ajoutée au R.-U. Nous n’avons pas une telle disposition et la loi du R.-U. ne s’applique pas.

 

[94]    Relativement à la question des dépens, les dépens devraient être les mêmes que dans toute autre affaire présentée selon la procédure générale. Rien dans la présente affaire ne justifie un traitement différent.

 

LA CONTRE-PREUVE

 

[95]    L’appelante a adopté la position selon laquelle le bien peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir d’un bien immeuble ou d’un bien meuble. Il peut être corporel ou incorporel. Il n’est pas impossible que dans une certaine mesure l’appelante en l’espèce fournissait un bien incorporel dans le cadre du processus de préparation de ces produits de viande.

 

[96]    L’avocat a passé beaucoup de temps dans sa contre-preuve sur la question de la propriété de la carcasse et sur la question de savoir si cela déterminait si l’article était une fourniture ou un service. De nouveau, l’avocat a repris son argument selon lequel ce que l’appelante remettait au chasseur était un produit alimentaire détaxé.

 

[97]    Relativement à l’argument selon lequel la disposition de la loi du R.-U. à laquelle on renvoyait n’était en fin de compte aucunement pertinente ici parce que nos textes de loi ne comportent pas une telle disposition, l’avocat a adopté la position que puisque d’autres systèmes de taxes de vente ou de taxes de vente sur la valeur ajoutée, comme la TPS, traitent effectivement des fournitures d’une manière différente, cela est très pertinent. Il a souligné que la Cour disposait d’éléments de preuve selon lesquels le montant que l’appelante dépensait pour les épices et l’emballage était élevé. La preuve établissait que, durant toute la période de cotisation, l’appelante aurait dépensé environ 100 000 $ à cet égard.

 

[98]    Il serait abusif que le présent appel se réduise au fait qu’il est interdit à l’appelante d’acheter une carcasse qui a une valeur marchande nulle. En outre, il se peut très bien que le règlement permette à l’appelante d’acquérir la propriété de la carcasse. S’il ne le fait pas, alors la question sera tranchée sur le fondement de savoir si l’appelante ne peut acquérir la totalité de la carcasse et, par conséquent, ne peut être considérée comme vendant ce bien, il peut s’agir d’un service.

 

[99]    Finalement, il était d’avis qu’il serait abusif que cet appel dépende de l’incapacité de l’appelante d’acquérir la propriété de quelque chose qui n’a pas de valeur.

 

L’ANALYSE ET LA DÉCISION

 

[100]  La situation factuelle dans la présente affaire n’est ni compliquée ni litigieuse. Le témoignage rendu par le représentant averti de l’appelante est direct et compréhensible. Essentiellement, un agriculteur ou un chasseur laisse un animal dans les locaux de l’appelante (qu’il s’agisse d’un animal sauvage, d’un animal domestique, d’un animal inspecté ou d’un animal non inspecté), puis l’appelante et celui qui a livré l’animal (parfois le propriétaire et parfois quelqu’un d’autre que le propriétaire qui a eu de ce dernier la permission d’apporter l’animal chez l’appelante) et les parties concluent une entente selon laquelle le produit doit être dépecé, coupé et emballé puis mis dans une forme que le propriétaire peut utiliser à la maison, comme des saucisses, du bifteck haché, des biftecks, des rôtis ou de la viande séchée.

 

[101]  Dans la présente affaire, la Cour est convaincue que lorsqu’un tel animal est apporté dans les locaux de l’appelante, l’appelante a la permission expresse de celui qui a apporté l’animal de produire les produits qui ont fait l’objet d’une entente. Il n’y avait aucune preuve que ce soit indiquant que l’appelante ait à quelque moment agi contrairement aux instructions précises reçues de celui qui avait apporté l’animal.

 

[102]  Lorsque l’appelante faisait des produits comme des saucisses, elle ajoutait aux produits un tiers de porc ainsi que ses propres épices et ses boyaux de saucisses. Elle ajoutait du porc au produit sauvage parce qu’il avait tendance à être plus sec. L’appelante fournissait ces ingrédients additionnels dans le cadre de l’entente conclue. En fin de compte, le produit était emballé dans du papier brun ou emballé sous vide, selon ce que le client préférait. Le produit était alors congelé et remis à la personne qui l’avait apporté ou vraisemblablement à quelqu’un agissant pour son compte.

 

[103]  L’appelante facture la coupe sur commande sur la base du poids à la livre. La Cour est convaincue que la personne qui apportait l’animal savait sur quelle base la facture serait établie même si la question à cet égard n’est pas traitée expressément dans la preuve.

 

[104]  La question à poser dans la présente affaire est la suivante : « Quelle était la nature de l’entente entre la personne qui apportait l’animal et l’appelante à l’égard des animaux apportés dans les locaux de l’appelante? » La nature de l’entente conclue visait-elle la « fourniture de services » comme l’intimée le soutient ou s’agissait-il d’une entente conclue en vue de la fourniture d’un produit alimentaire de base qui était détaxé suivant les dispositions de la TPS contenues dans la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, et par conséquent non taxable comme l’appelante le soutient? 

 

[105]  Les avocats ont renvoyé aux portions appropriées de la Loi sur la taxe d’accise qui étaient exposées dans leurs observations.

 

[106]  L’avocat de l’appelante a adopté la position selon laquelle l’appelante avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation dans la présente affaire sur le fondement de la propriété de la carcasse, mais étant donné que la viande est un produit alimentaire détaxé en vertu de l’article 1 de la partie III de l’annexe VI, l’appelante est la propriétaire de la viande et ce qu’elle fournissait était un aliment. Il a conclu que le concept de propriété d’animaux sauvages morts est en fonction de la loi provinciale en matière de chasse et d’inspection des viandes ou de la salubrité des aliments et que ce cadre législatif peut justifier une conclusion voulant qu’il y ait un transfert de propriété d’une carcasse à l’appelante.

 

[107]  Cependant, la Cour est convaincue qu’il n’y avait pas un tel transfert de propriété de la carcasse à l’appelante. Cela ne faisait pas partie de quelque entente entre l’appelante et la personne qui apportait un animal, ci-après appelée le « client ».

 

[108]  Il ressortait clairement du témoignage de Jason Gitzel qu’il n’a jamais considéré qu’il y avait un transfert de propriété; cela ne lui avait même jamais traversé l’esprit et il n’y avait aucune preuve appuyant une telle conclusion.

 

[109]  La proposition de l’avocat de l’appelante selon laquelle la carcasse était vendue à l’appelante pour une contrepartie minimale, puis que le produit final était revendu au chasseur pour la même contrepartie que celle que l’appelante facture actuellement pour son travail n’a pas d’importance dans la présente affaire parce que ce scénario ne s’est pas produit. Compte tenu de toute la preuve, on peut raisonnablement conclure que le client demeurait le propriétaire de la carcasse du moment où elle était apportée dans les locaux de l’appelante jusqu’à ce qu’elle lui soit remise dans sa forme finale.

 

[110]  La Cour est convaincue que les observations de l’avocat de l’appelante à l’égard de la question de savoir s’il est interdit aux chasseurs qui apportent des carcasses à l’appelante pour qu’elle procède à la coupe sur commande de faire le trafic d’animaux sauvages d’une manière susceptible de contrevenir à l’article 62 de la loi provinciale ou du règlement ne sont pas importantes en l’espèce. La Cour est convaincue que la propriété de la carcasse n’est pas transférée à l’appelante au cours du processus de coupe sur commande et que la contrepartie reçue par l’appelante pour l’exécution de sa partie du contrat n’était pas une contrepartie pour le transfert de la propriété de la carcasse à l’appelante. Cela est la situation que le chasseur contrevienne ou non à la loi provinciale.

 

[111]  Le contrat ne prévoyait pas que les parties devaient transférer la propriété de la carcasse à l’appelante et le montant de la contrepartie n’était pas un facteur quant à la question de savoir si le transfert a effectivement eu lieu. La valeur de la contrepartie en elle-même n’a pas changé le statut de la TPS quant à ce que les parties faisaient.

 

[112]  La Cour est convaincue que l’appelante n’a obtenu aucun degré de propriété de la carcasse du fait de l’avoir possédée et d’avoir changé sa forme de la manière dont elle l’a fait. Elle n’est pas convaincue que quelque degré de conversion s’est produit du fait de l’appelante parce que l’appelante a simplement fait ce que le client lui a demandé de faire. À la fin du processus, l’appelante remet au client exactement ce qu’elle a reçu, bien que ce soit dans une forme différente conformément au contrat conclu entre les parties au moment où le client a livré la carcasse à l’appelante.

 

[113]  La Cour conclut qu’il ne s’agissait pas d’une carcasse convertie. Le chasseur était encore le propriétaire de ce qui avait été remis à l’appelante et de ce que l’appelante lui avait remis.

 

[114]  La Cour est convaincue que c’est la conclusion appropriée même si une certaine partie de la viande peut être perdue parce qu’elle est gâtée. La Cour est convaincue selon le témoignage principal de Jason Gitzel, ou selon toute conclusion raisonnable qu’elle peut tirer de ce témoignage, que le client devait savoir que toute viande gâtée devait être jetée. Cela faisait partie du contrat.

 

[115]  La troisième proposition de l’appelante était qu’il n’y a rien dans l’article 1 de la partie III de l’annexe VI qui dit qu’une personne qui n’a pas la propriété d’un bien ne peut pas effectuer une fourniture à l’égard de ce bien. Il n’y a rien dans cet article qui parle du propriétaire du produit alimentaire. Le produit alimentaire était détaxé.

 

[116]  Toutefois, la Cour est convaincue que le client reçoit de l’appelante ce produit alimentaire qui a été fourni par l’appelante. L’aliment fourni par le client a fait objet d’une transformation par l’appelante et est remis par l’appelante comme un aliment, bien que ce soit sous une forme différente. Cependant, on ne peut pas dire que l’appelante remet au client autre chose que l’aliment que le client avait apporté chez l’appelante. La forme était imposée par les modalités du contrat.

 

[117]  La Cour rejette l’argument de l’avocat de l’appelante voulant que ce que le chasseur reçoit à la fin du processus de coupe sur commande soit fondamentalement différent de ce qu’il avait apporté au début du processus.

 

[118]  La Cour est convaincue que c’est un aliment qui a été apporté à l’appelante au début et que c’est toujours un aliment, bien qu’il soit sous une forme différente, qui est remis au propriétaire.

 

[119]  Selon ce scénario, quand il a été remis au client par l’appelante cela n’équivalait pas à la fourniture d’un aliment étant donné que l’aliment appartenait au client. L’appelante a simplement changé la forme de cet aliment.

 

[120]  L’avocat de l’appelante a renvoyé à de nombreuses affaires qui ont été tranchées dans ce domaine et il a demandé à la Cour de tirer une conclusion différente de celle qu’elle a tirée dans l’affaire Robertson v. R., précitée, même s’il a reconnu que la situation factuelle, de façon frappante, était similaire. Il a incité la Cour à conclure que les faits étaient suffisamment différents pour lui permettre de tirer une conclusion différente. La Cour est convaincue que la décision rendue dans l’affaire Robertson v. R., précitée, est similaire à la situation factuelle dans la présente affaire, même si l’avocat a soutenu que le degré de talent démontré par M. Robertson était plus élevé que le talent démontré par l’appelante et ses employés dans la présente affaire. Il n’y avait aucun élément de preuve donnant à penser que le degré de talent requis d’un taxidermiste est beaucoup plus élevé que celui requis d’un employé qui fait de la coupe sur commande de viande. De toute façon, la Cour est convaincue que le degré de talent, bien qu’il puisse être un facteur, n’est pas déterminant quant à la question.

 

[121]  L’avocat a renvoyé aux commentaires de David Sherman dans cette affaire et a conclu que si le processus avait l’effet de transformer les produits en quelque chose de différent, il pourrait devoir être considéré comme ayant fourni un produit distinct pour la taxe de vente et que cela n’est pas un concept révolutionnaire. Toutefois, la Cour a indiqué dans la présente affaire que l’appelante n’a pas transformé les produits en quelque chose de différent de ce qu’elle avait reçu. Par conséquent, l’appelante ne peut pas en l’espèce être considérée comme ayant fourni un produit distinct pour la taxe de vente.

 

[122]  Dans l’affaire Robertson, précitée, la Cour a rendu sa décision en se fondant sur les faits illustrés dans cette affaire. Elle n’était pas convaincue que ce que le taxidermiste avait remis était si différent que cela aurait pu être considéré comme un produit distinct de ce que le client avait apporté.

 

[123]  La Cour connaît la position de l’appelante selon laquelle il pourrait y avoir pour elle des conséquences graves qui découleraient d’une décision défavorable. Sa position était qu’il en résulterait une taxation de produits alimentaires de subsistance. La Cour est convaincue que cela n’est pas le résultat. Ce qui est taxé dans la présente affaire, ce n’est pas un aliment, c’est un service.

 

[124]  La Cour souscrit à la prétention de l’avocate de l’intimée voulant que ce que nous avons c’est une entente conclue entre l’appelante et le client pour la coupe sur commande et la transformation des animaux. L’appelante n’était propriétaire de la carcasse à aucun moment et rien dans la preuve ne donne à penser que, en fin de compte, l’appelante a fourni le produit final au moyen d’une vente au client. Le fondement du contrat était une fourniture d’un service suivant la définition appropriée contenue dans la Loi et la fourniture est par conséquent taxable au taux de 7 p. 100.

 

[125]  La Cour est convaincue qu’en l’espèce, comme dans l’affaire Robertson, précitée, lorsque l’appelante a remis l’animal sauvage au client dans sa forme finale, elle ne fournissait pas (un nouveau) « bien » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, parce que le client recevait seulement ce qu’il avait remis à l’appelante et rien de plus.

 

[126]  L’observation de l’avocate de l’intimée est bien formulée lorsqu’elle déclare que l’importante question est de savoir en quoi consiste le contrat. La question n’est pas de savoir ce que le contrat aurait pu être dans l’éventualité où le client avait apporté quelque chose de différent que ce qu’il a apporté dans la présente affaire. Comme dans l’affaire Robertson, précitée, la Cour doit examiner les faits qui lui ont été soumis. Le client s’est rendu aux locaux de l’appelante, a apporté son propre bien et a conclu une entente avec l’appelante à l’égard des services de coupe sur commande qu’il voulait faire effectuer. En fin de compte, son bien lui a été remis.

 

[127]  La Cour est convaincue que ce qui a été fourni dans la présente affaire était un service, un service de coupe sur commande. La fourniture de porc et la fabrication des saucisses et la fourniture d’épices pour la viande séchée sont très accessoires à la fourniture d’ensemble du service de coupe sur commande et sont réputées faire partie du service ainsi fourni. C’est la situation même si durant toute la période donnée, comme la période en cause, les coûts de telles fournitures pour l’appelante, qui étaient finalement facturés au client, étaient élevés.

 

[128]  La Cour doit interpréter la loi comme elle est. Si la loi impose une difficulté à un groupe particulier, il n’appartient pas à la Cour d’y remédier.

 

[129]  L’avocate de l’intimée a soutenu que la détermination de la question de savoir s’il s’agissait d’un service ne peut pas être influencée par l’argument selon lequel les aliments ne devraient pas être taxés. La Cour convient qu’il ne s’agit pas d’une considération pertinente. Une fois plus, la Cour souscrit à la position de l’avocate de l’intimée selon laquelle la question de savoir si la viande avait peu ou pas de valeur ou celle de savoir s’il y avait un marché à cet égard n’est pas pertinente.

 

[130]  Il va de soi que la Cour est convaincue qu’elle a le droit d’examiner les lois provinciales pour prendre sa décision. Elle est convaincue que ces lois ne sont pas déterminantes quant aux questions en l’espèce.

 

[131]  La Cour est convaincue qu’en ce qui concerne la loi du Royaume-Uni, cette loi n’est pas utile à la cause de l’appelante parce que la loi applicable ici ne contient pas les mêmes dispositions.

 

[132]  À l’égard de la contre-preuve de l’appelante, la Cour est convaincue que l’appelante ne fournissait pas un bien corporel dans le cadre du processus de préparation de ces produits de viande. Elle est convaincue que ce qui était remis aux clients n’était pas un produit alimentaire détaxé.

 

[133]  La Cour est convaincue que le fondement de la décision dans la présente affaire ne dépend pas de la capacité de l’appelante d’acquérir la propriété de quelque chose qui n’a pas de valeur. Il dépend des modalités du contrat conclu entre l’appelante et le client. Ce contrat consistait clairement en la fourniture d’un service.

 

[134]  L’appel est rejeté avec dépens à l’intimée, lesquels dépens seront taxés.

 

       Signé à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, ce 24e jour d’avril 2008.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’août 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI181

 

NDU DOSSIER DE LA COUR :      2003-4140(GST)G

 

INTITULÉ :                                       TRIPLE G. CORPORATION INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 6 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 24 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Gordon D. Beck

Avocate de l’intimée :

Me Marta E. Burns

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Me Gordon Beck

                            Cabinet :                MacPherson, Leslie & Tyerman LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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