Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007‑3824(IT)I

ENTRE :

 

PETER RAGSDALE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 15 avril 2008, à Toronto (Ontario),

Devant : L’hnorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocates de l’intimée :

Me Marie‑Therese Boris et Me Sharon Lee

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2000 et 2001 sont accueillis, avec dépens, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelant a le droit de déduire les montants suivants en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi et les montants suivants à titre de déduction pour amortissement et d’intérêts en vertu de l’alinéa 8(1)j) de la Loi pour 2000 et 2001 :

 

2000

 

Véhicule

Poste

Montant admis

Explorer

Entretien et réparations

358 $ + 72 $ = 430 $

 

Assurances

1 142 $

 

Permis et immatriculation

53 $

 

Déduction pour amortissement

1 893 $

 

 

 

Porsche

Entretien et réparations

51 $

 

Assurances

1 164 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

3 784 $

 

Autres – CAA

87 $

 

 

 

Mazda

Entretien et réparations

299 $

 

Assurances

902 $

 

Permis et immatriculation

64 $

 

Déduction pour amortissement

3 348 $

 

 

 

Expedition

Entretien et réparations

54 $

 

Assurances

98 $

 

Permis et immatriculation

16 $

 

Déduction pour amortissement

6 471 $

 

Intérêts

199 $

 

Autres

367 $

 

 

 

Total :

 

20 496 $

 

2001

 

Véhicule

Poste

Montant admis

Explorer

Entretien et réparations

11 $

 

Assurances

432 $

 

Permis et immatriculation

21 $

 

Déduction pour amortissement

0 $

 

 

 

Porsche

Entretien et réparations

0 $

 

Assurances

547 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

2 667 $

 

Autres – CAA

89 $

 

 

 

Mazda

Entretien et réparations

105 $

 

Assurances

885 $

 

Permis et immatriculation

61 $

 

Déduction pour amortissement

2 186 $

 

 

 

Expedition

Entretien et réparations

125 $

 

Assurances

350 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

11 065 $

 

Intérêts

2 631 $

 

Autres

0 $

 

 

 

Total :

 

21 323 $

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 29e jour d’avril 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2008.

 

S. Tasset

 


 

 

 

 

Référence : 2008CCI232

Date : 20080429

Dossier : 2007‑3824(IT)I

ENTRE :

 

PETER RAGSDALE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     En 2000 et en 2001, l’appelant était un employé et, dans le cadre de son emploi, il a utilisé quatre véhicules différents. Dans la présente affaire, il s’agit uniquement de déterminer la partie des dépenses engagées par l’appelant que ce dernier a le droit de déduire en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), et le montant des intérêts ainsi que la partie de la déduction pour amortissement qu’il peut déduire, en vertu de l’alinéa 8(1)j) de la Loi, dans le calcul de son revenu de 2000 et 2001.

 

[2]     Ni l’une ni l’autre partie dans la présente affaire ne nie qu’il a été satisfait aux exigences énoncées à l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi, dont voici le texte :

 

8(1)      Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

 

h.1)      dans le cas où le contribuable, au cours de l’année, a été habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

 

(i)         reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

(ii)        demandé une déduction pour l’année en application de l’alinéa f);

 

 

[3]     L’appelant a bel et bien reçu une allocation relative à son utilisation des véhicules à moteur, mais le montant de cette allocation a été inclus dans le calcul de son revenu.

 

[4]     L’intimée n’a pas contesté le montant des dépenses qui ont été engagées par l’appelant, ni la fraction non amortie du coût en capital des véhicules. Elle s’est opposée uniquement à la partie de ces dépenses qui pouvait être déduite.

 

[5]     L’appelant a tenu des registres détaillés du kilométrage qu’il a parcouru avec chacun des véhicules à des fins personnelles et du kilométrage qu’il a parcouru avec chaque véhicule dans l’exercice des fonctions de son emploi. L’intimée n’a pas contesté le nombre de kilomètres que l’appelant a parcourus avec chaque véhicule à des fins personnelles et dans l’exercice des fonctions de son emploi.

 

[6]     En 2000 et 2001, l’appelant a utilisé quatre véhicules différents dans l’exercice des fonctions de son emploi. Ces véhicules étaient les suivants :

 

(a)              Ford Explorer 1994 (« Explorer »);

(b)             Porsche 911 1987 (« Porsche »);

(c)              Master MX3 1998 (« Mazda »);

(d)             Ford Expedition 2000 (« Expedition »).

 

[7]     Le véhicule Expedition a été acquis vers la fin de l’année 2000.

 

[8]     Les tableaux suivants indiquent le nombre de kilomètres que l’appelant a parcourus avec chaque véhicule, en 2000 et 2001, dans l’exercice des fonctions de son emploi; le nombre total de kilomètres parcourus par chaque véhicule dans chacune de ces années; le pourcentage de l’utilisation admissible tel qu’il a été déterminé par l’appelant; et le pourcentage de l’utilisation admissible tel qu’il a été déterminé par l’intimée :

 

2000

 

Véhicule

Km parcourus aux fins de l’emploi

Total des km parcourus

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (appelant)

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (intimée)

Explorer

15 437

21 628

71,4 %

43 %

Porsche

2 108

2 122

99,3 %

6 %

Mazda

9 870

11 522

85,7 %

28 %

Expedition

355

363

97,8 %

1 %

 

 

35 635

 

 

 

2001

 

Véhicule

Km parcourus aux fins de l’emploi

Total des km parcourus

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (appelant)

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (intimée)

Explorer

5 709

20 477

27,9 %

18 %

Porsche

539

539

100,0 %

2 %

Mazda

6 149

7 511

81,9 %

20 %

Expedition

2 981

2 997

99,5 %

10 %

 

 

31 524

 

 

 

[9]     Les dépenses engagées par l’appelant et le montant de la déduction pour amortissement se rapportant à chaque véhicule avant la prise en compte du pourcentage d’utilisation dans l’exercice des fonctions de l’emploi sont les suivants :

 

Explorer

 

 

2000

2001

Entretien et réparations

502 $

40 $

Assurances

1 600 $

1 548 $

Permis et immatriculation

74 $

74 $

Déduction pour amortissement

2 651 $

0 $

 

4 827 $

1 662 $

 

Porsche

 

 

2000

2001

Entretien et réparations

52 $

0 $

Assurances

1 172 $

547 $

Permis et immatriculation

75 $

74 $

Déduction pour amortissement

3 810 $

2 667 $

Autres – CAA

88 $

89 $

 

5 197 $

3 377 $

 

Mazda

 

 

2000

2001

Entretien et réparations

349 $

128 $

Assurances

1 052 $

1 080 $

Permis et immatriculation

75 $

74 $

Déduction pour amortissement

3 907 $

2 669 $

 

5 383 $

3 951 $

 

Expedition

 

 

2000

2001

Entretien et réparations

55 $

125 $

Assurances

100 $

352 $

Permis et immatriculation

16 $

74 $

Déduction pour amortissement

6 617 $

11 121 $

Intérêts

203 $

2 645 $

Autres

375 $

0 $

 

7 366 $

14 317 $

 

L’intimée n’a contesté aucun de ces montants, qui sont repris également dans les hypothèses formulées dans la réponse et sont identiques à ceux que l’appelant a fournis dans les formulaires T777 qu’il a remplis avant que la partie des dépenses liées à l’emploi ne soit calculée.

 

[10]    Les tableaux suivants indiquent les dépenses engagées et le montant de la déduction pour amortissement pour chaque véhicule; le pourcentage de l’utilisation admissible tel qu’il a été déterminé par l’appelant; le montant déduit par l’appelant; le pourcentage de l’utilisation admissible tel qu’il a été déterminé par l’intimée et le montant dont la déduction a été admise par l’intimée.

 

2000

 

Véhicule

Dépenses + DPA

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (appelant)

Montant déduit par l’appelant

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (intimée)

Déduction admise par l’intimée

Explorer

4 827 $

71,4 %

3 446 $

43 %

2 075 $

Porsche

5 197 $

99,3 %

5 161 $

6 %

312 $

Mazda

5 383 $

85,7 %

4 613 $

28 %

1 507 $

Expedition

7 366 $

97,8 %

7 204 $

1 %

74 $

 

 

 

20 424 $

 

3 968 $

 

2001

 

Véhicule

Dépenses + DPA

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (appelant)

Montant déduit par l’appelant

% de l’utilisation aux fins de l’emploi (intimée)

Déduction admise par l’intimée

Explorer

1 662 $

27,9 %

464 $

18 %

299 $

Porsche

3 377 $

100,0 %

3 377 $

2 %

67 $

Mazda

3 951 $

81,9 %

3 236 $

20 %

790 $

Expedition

14 317 $

99,5 %

14 245 $

10 %

1 425 $

 

 

 

21 322 $

 

2 581 $

 

[11]    L’écart considérable entre le montant déduit par l’appelant et le montant dont l’intimée a admis la déduction est attribuable au dénominateur qui a été utilisé aux fins du calcul du montant dont la déduction a été demandée ou admise pour chaque véhicule. Pour chacun des véhicules, l’appelant a déterminé le montant qu’il convenait de déduire compte tenu du nombre de kilomètres qu’il avait parcourus avec le véhicule dans le cadre de l’exercice des fonctions de son emploi, et il a divisé ce montant par le nombre total de kilomètres parcourus par le véhicule dans l’année.

 

[12]    L’intimée a accepté le numérateur mais, pour ce qui est du dénominateur, elle a utilisé le nombre total de kilomètres parcourus par tous les véhicules. En conséquence, les montants qu’elle a admis étaient considérablement inférieurs aux montants dont l’appelant a demandé la déduction.

 

[13]    La difficulté que pose la méthode adoptée par l’intimée peut être illustrée par un simple exemple. Supposons qu’un particulier propriétaire de deux véhicules ait droit à une déduction en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi (bien que le montant de cette déduction doive être déterminé) et que les faits se rapportant au kilométrage parcouru et aux dépenses engagées relativement au fonctionnement des véhicules soient les suivants :

 

Véhicule

Km parcourus aux fins de l’emploi

Total des km parcourus

Frais de fonctionnement

Premier véhicule

20 000

20 000

3 000 $

Deuxième véhicule

0

20 000

3 000 $

 

 

40 000

 

 

[14]    Dans ce même exemple, l’un des véhicules est utilisé aux seules fins de l’emploi et l’autre, à des fins personnelles uniquement. L’avocate de l’intimée a reconnu que le contribuable aurait le droit de déduire toutes les dépenses engagées relativement au premier véhicule (3 000 $, dans notre exemple) au motif que celui‑ci a été utilisé uniquement dans l’exercice des fonctions de l’emploi.

 

[15]    Toutefois, si l’on modifie l’exemple légèrement en ramenant simplement le pourcentage d’utilisation du premier véhicule dans l’exercice des fonctions de l’emploi de 100 % à 99 % (ou à 19 800 km aux fins de l’emploi) et en portant ce pourcentage de 0 % à 1 % pour le deuxième véhicule (ou 200 km aux fins de l’emploi), on obtient les nouvelles données suivantes :

 

Véhicule

Km parcourus aux fins de l’emploi

Total des km parcourus

Frais de fonctionnement

Premier véhicule

19 800

20 000

3 000 $

Deuxième véhicule

200

20 000

3 000 $

 

 

40 000

 

 

[16]    Si l’on privilégie la formule proposée par l’intimée, le montant que le contribuable aurait le droit de déduire serait ramené à :

 

          Premier véhicule

          19 800 / 40 000 x 3 000 $ = 1 485 $

 

          Deuxième véhicule

          200 / 40 000 x 3 000 $ = 15 $

 

[17]    Si l’on utilise la méthodologie proposée par l’intimée et que l’on modifie le pourcentage d’utilisation des deux véhicules aux fins de l’emploi 100 % et 0 % deviennent 99 % et 1 % il s’ensuit que le montant admis est réduit de 50 %. À mon avis, un changement si négligeable sur le plan des faits ne devrait pas avoir une incidence si radicale sur le montant qui peut être déduit.

 

[18]    Les dépenses qui peuvent être déduites en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi sont de deux types -- les frais fixes et les frais variables. Les frais afférents à un véhicule à moteur qui seraient des frais fixes seraient ceux qui ne varient pas selon le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule. Dans la présente affaire, les dépenses engagées au titre de la prime d’assurance ainsi que des droits de permis et d’immatriculation seraient des frais fixes. Ces dépenses resteraient les mêmes, sans égard au nombre de kilomètres parcourus par les véhicules. Bien que la prime d’assurance puisse dépendre du nombre de kilomètres qui seront parcourus par le véhicule selon la proposition, une fois ce nombre déterminé, le montant de la prime demeure fixe, sans égard au nombre de kilomètres que le véhicule parcourt effectivement.

 

[19]    Les frais variables sont ceux qui varient selon le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule. Les seuls frais variables dans l’affaire qui nous occupe se rapportent à l’entretien et aux réparations. Les frais d’essence ont été assumés par l’employeur de l’appelant. S’ils avaient été payés par l’appelant, ils auraient été des frais variables.

 

[20]    En ce qui concerne d’abord les frais variables, à mon avis, la façon appropriée de déterminer les frais qui sont engagés, pour chaque véhicule, dans l’exercice des fonctions de l’emploi d’un contribuable, lorsque l’on fonde l’utilisation sur le kilométrage parcouru, consisterait à calculer la partie de ces frais sur le fondement du nombre de kilomètres parcourus par chaque véhicule et non sur le fondement du nombre de kilomètres parcourus par tous les véhicules. Si l’on utilisait le nombre total de kilomètres parcourus par tous les véhicules, le contribuable ne pourrait pas déduire tous les frais variables qu’il a véritablement engagés au titre de l’essence, de l’entretien et des réparations dans l’exercice des fonctions de son emploi.

 

[21]    Dans l’exemple donné précédemment du contribuable qui utilise deux véhicules, dans des proportions de 99 % et de 1 %, aux fins d’un emploi, si les dépenses de 3 000 $ engagées pour chaque véhicule mentionné précédemment n’incluaient que les frais d’essence, selon la méthodologie adoptée par l’intimée, le contribuable ne pourrait pas déduire le montant total des frais d’essence engagés dans l’exercice des fonctions de son emploi, ce qui, à mon avis, n’est pas le résultat envisagé par l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi, qui prévoit que les montants qui peuvent être déduits sont les « sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi ». Dans l’exemple où l’un des véhicules est utilisé dans une proportion de 99 % aux fins de l’emploi et l’autre, dans une proportion de 1 %, si le total des sommes dépensées au titre des frais d’essence aux fins de cet emploi était de 3 000 $ (des frais d’essence de 2 970 $ pour le premier véhicule et de 30 $ pour le deuxième véhicule), le contribuable devrait avoir droit à une déduction de 3 000 $, en supposant qu’il ait été satisfait aux autres conditions de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi. Toute formule ou méthode de calcul du montant déductible qui donne pour résultat un montant inférieur est à mon avis incorrecte.

 

[22]    Par conséquent, pour chaque véhicule, la partie des frais variables qui serait déductible par l’appelant serait le montant déterminé selon la formule suivante :

 

A / B x C, où

 

A représente le nombre total de kilomètres que l’appelant a parcourus avec le véhicule en question au cours de l’année dans l’exercice des fonctions de son emploi;

 

B représente le nombre total de kilomètres parcourus par le véhicule en question au cours de l’année;

 

C représente le montant des frais variables engagés aux fins du fonctionnement du véhicule en question.

 

[23]    En ce qui concerne les frais fixes, l’avocate de l’intimée a reconnu que le facteur qu’il convient de prendre en considération pour déterminer l’utilisation du véhicule est le nombre de kilomètres parcourus par ce véhicule. Le facteur qui s’applique pour déterminer l’utilisation d’un véhicule étant le nombre de kilomètres parcourus, à mon avis, les frais fixes devraient être amortis sur le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule. Cette méthodologie donnerait comme résultat le même pourcentage admissible que pour les frais variables, car la partie des frais fixes qui serait déductible reposerait sur la formule même qui permettrait de déterminer le montant des frais variables qui serait déductible. Les avantages découlant des frais fixes afférents à la prime d’assurance et à l’immatriculation ne se concrétisent que lorsque le véhicule est conduit. Il semble raisonnable que ces frais soient amortis sur le nombre de kilomètres parcourus. En conséquence, le montant des frais fixes ou des frais variables qu’il convient de déduire devrait être déterminé au moyen de la formule énoncée ci‑dessus, à savoir celle que l’appelant a adoptée.

 

[24]    L’alinéa 8(1)j) de la Loi énonce le droit de l’appelant de demander une déduction pour amortissement et la déduction des intérêts. Cet alinéa prescrit ce qui suit :

 

8(1)      Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

j)          lorsqu’un montant est déductible en application des alinéas f), h) ou h.1) dans le calcul du revenu que le contribuable tire d’une charge ou d’un emploi pour une année d’imposition,

 

(i)         les intérêts payés par le contribuable au cours de l’année soit sur de l’argent emprunté et utilisé pour acquérir un véhicule à moteur utilisé dans l’exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi ou un aéronef nécessaire à cet exercice, soit sur un montant payable pour l’acquisition d’un tel véhicule ou aéronef,

 

(ii) la déduction pour amortissement pour le contribuable, autorisée par règlement, applicable, selon le cas :

 

(A) à un véhicule à moteur utilisé dans l’exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi,

 

(B) à un aéronef qui est nécessaire à l’exercice de ces fonctions.

 

 

 

[25]    Les critères énoncés à l’alinéa 8(1)j) de la Loi tiennent simplement au fait qu’un montant peut être déduit en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi et qu’en conséquence, la partie des dépenses dont la déduction est admise en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi déterminera la partie des intérêts et de la déduction pour amortissement qui sera admise. La partie des dépenses dont il est question à l’alinéa 8(1)h.1 de la Loi et qui se rapporte à l’exercice des fonctions de l’emploi sera la même partie aux fins de l’alinéa 8(1)j) de la Loi. Il s’agit de la méthodologie qui a été adoptée par l’appelant pour chaque véhicule.

 

[26]    Le nombre de kilomètres qu’un contribuable parcourt avec un véhicule donné dans une année dans le cadre de son emploi, divisé par le nombre de kilomètres parcourus par ce véhicule au cours de la même année, détermine le montant des frais variables, des frais fixes, des intérêts et de la déduction pour amortissement qui peut être déduit.

 

[27]    La vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a déclaré dans son témoignage que, si l’appelant avait été un propriétaire unique exploitant une entreprise et non un employé, l’on n’aurait pas recouru à la même méthodologie et l’utilisation à des fins commerciales de chaque véhicule aurait été déterminée compte tenu du nombre de kilomètres parcourus. En conséquence, si l’appelant avait été un propriétaire unique exploitant une entreprise avec quatre véhicules et que tous les autres faits étaient restés les mêmes relativement au nombre de kilomètres parcourus à des fins commerciales, au nombre total de kilomètres parcourus et aux montants dépensés, il aurait probablement été autorisé à déduire les montants dont il a demandé la déduction. La vérificatrice a déclaré que l’ARC préconisait un traitement différent parce qu’à titre d’employé, il ne pouvait conduire qu’un véhicule à la fois alors que, s’il avait exploité une entreprise, le véhicule aurait pu être utilisé par d’autres employés (ce qui suppose que, s’il avait exploité une entreprise, le contribuable aurait eu d’autres employés). Évidemment, l’inverse s’applique également, à savoir que, s’il avait exploité une entreprise, il n’aurait pu conduire qu’un véhicule à la fois à des fins personnelles.

 

[28]    La limite générale à laquelle sont assujetties les dépenses d’entreprise est énoncée à l’alinéa 18(1)a) de la Loi, dont voici le texte :

 

18.  (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

[29]    Puisque le nombre de kilomètres parcourus par un véhicule à des fins commerciales, divisé par le nombre total de kilomètres parcourus par ce véhicule, est utilisé pour déterminer le montant des frais fixes et variables et de la déduction pour amortissement dans la mesure où ces dépenses ont été engagées ou effectuées en vue de tirer un revenu d’une entreprise, pourquoi utiliserait‑on une formule différente pour calculer les frais afférents à un véhicule à moteur engagés par un contribuable dans l’année pour se déplacer dans le cadre d’une charge ou d’un emploi? Si la façon appropriée de déterminer le pourcentage d’utilisation à des fins commerciales (et, donc, la partie des dépenses qui est déductible) d’un véhicule qui est utilisé par un propriétaire unique en partie à des fins commerciales et en partie à des fins personnelles ce véhicule n’étant pas l’unique véhicule appartenant au propriétaire unique qui est ainsi utilisé consiste à diviser le nombre de kilomètres parcourus par un véhicule à des fins commerciales par le nombre total de kilomètres parcourus par ce véhicule, alors la même méthodologie devrait être utilisée pour déterminer la mesure dans laquelle un contribuable utilise un véhicule pour se déplacer dans le cadre d’un emploi (et, donc, la partie des dépenses qui est déductible). De manière générale, le véhicule utilisé à plus d’une fin n’est utilisé à des fins commerciales que lorsqu’une personne l’utilise pour se déplacer dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise et, par conséquent, si la mesure appropriée de l’utilisation à des fins commerciales est déterminée au moyen des kilomètres pour ce véhicule dans le dénominateur, alors ce même principe devrait s’appliquer pour déterminer le pourcentage d’utilisation d’un véhicule à des fins de déplacement dans le cadre de l’emploi.

 

[30]    L’intimée a soulevé également la question du caractère raisonnable. Dans l’affaire Podlesny c. La Reine, 2005 CCI 97; 2005 DTC 344; [2005] 1 C.T.C. 2912, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a été saisi d’une affaire dans laquelle l’employé en cause avait trois véhicules, dont deux étaient utilisés dans le cadre de l’exercice des fonctions de son emploi. La réponse déposée dans cette affaire ne renvoyait pas à l’article 67 de la Loi, et la demande présentée à l’ouverture du procès en vue de modifier la réponse pour y ajouter un renvoi à l’article 67 de la Loi a été rejetée. Dans cette affaire, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a formulé les remarques suivantes sur la question du caractère raisonnable :

 

15     Il y a également la question du caractère raisonnable qui n’a pas été plaidée, mais qui semble avoir constitué une considération importante lorsqu’il s’est agi d’établir les cotisations. Il est selon moi évident que M. Podlesny a été plutôt audacieux en déduisant le coût de deux voitures dans le calcul de son revenu d’emploi. Il est également évident qu’il aimait les voitures. Toutefois, ce choix ne relève que de lui. Il ne m’appartient pas et il n’appartient pas au ministre de réexaminer son jugement sur le plan des affaires et de dire qu’il ne peut pas utiliser deux voitures pour les besoins d’une entreprise même s’il pouvait se contenter d’une seule voiture, et d’une voiture moins coûteuse. Le travail de l’appelant est important et parfois urgent. La décision qu’il a prise d’avoir deux voitures en bon état n’est pas manifestement absurde au point de me permettre de l’écarter pour le motif qu’il s’agit d’une décision irrationnelle ou arbitraire. (Voir, par exemple, Gabco Ltd. v. M.N.R., [1968] DTC 5210). Si j’agissais ainsi, cela m’obligerait à substituer mon jugement, sur le plan des affaires, à celui du contribuable; or, il ne s’agit pas de quelque chose que je puis à bon droit faire ou que je suis prêt à faire. En outre, j’usurperais dans une certaine mesure le rôle du législateur. Si le législateur veut qu’il soit uniquement permis d’utiliser une seule voiture pour les besoins d’une entreprise, il sait comment le faire, de la même façon qu’il a imposé un plafond quant au montant de la DPA qui peut être déduit à l’égard d’une voiture de luxe. Je ne crois pas que la Cour puisse, en invoquant le « caractère raisonnable », substituer son jugement à celui du contribuable. […]

 

[…]

17     Même si la question du caractère raisonnable avait été plaidée, je ne serais pas prêt à maintenir la mesure que le ministre a prise en admettant certains frais à l’égard d’une voiture seulement ou en admettant la DPA à l’égard des deux voitures, mais en la limitant à ce qui est essentiellement le montant total qui pouvait être déduit à l’égard d’une voiture. Ce genre d’approche rudimentaire peut avoir à première vue un certain attrait, mais elle n’est tout simplement pas conforme à une application pondérée de la règle du caractère raisonnable. Il s’agit d’une approche arbitraire. Une fois qu’il est reconnu que les deux voitures sont utilisées pour « affaires » dans une proportion de 97 p. 100, le ministre ne peut tout simplement pas ramener le montant admis à un montant qu’il juge plus acceptable.

 

[31]    L’avocate de l’intimée a fait valoir que l’affaire Podlesny peut se distinguer de la présente affaire au motif que, dans cette affaire‑là, le ministre avait admis que les deux véhicules étaient utilisés à des fins « commerciales » dans une proportion de 97 %. Dans la présente affaire, l’intimée a reconnu que l’appelant utilisait les quatre véhicules dans l’exercice des fonctions de son emploi et a admis le nombre de kilomètres parcourus par chaque véhicule dans le cadre de cet emploi. L’intimée a admis également que le facteur dont il fallait tenir compte pour déterminer le pourcentage de l’utilisation d’un véhicule est le nombre de kilomètres parcourus. Dès lors que ces faits sont acceptés, le calcul de l’utilisation à des fins « commerciales » de chaque véhicule est simple et l’unique difficulté tient au montant à utiliser dans le dénominateur de la formule. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, je ne puis admettre que le nombre qu’il convient d’utiliser dans le dénominateur soit le nombre total de kilomètres parcourus par tous les véhicules. Je ne suis pas d’avis que l’affaire Podlesny peut se distinguer de la présente affaire.

 

[32]    Ainsi que l’a fait remarquer le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre), il ne m’appartient pas de réexaminer la décision de l’appelant d’utiliser plus d’un véhicule. L’appelant a indiqué qu’il avait besoin de différents véhicules à différentes fins. Il a appelé à témoigner M. Heath, un ingénieur de la circulation de la municipalité régionale de Waterloo, qui est l’un des clients de l’employeur de l’appelant. M. Heath a déclaré dans son témoignage que l’appelant utilisait le véhicule Expedition pour effectuer à l’occasion la livraison d’articles. Il a ajouté que l’appelant se déplaçait également en Mazda ou en Porsche pour assister à des réunions avec lui et d’autres personnes. M. Heath a eu besoin à un moment donné d’assister à une démonstration à Minneapolis, mais il ne voulait pas prendre l’avion. L’appelant l’y a amené dans l’un de ses véhicules. Il utilisait les plus gros véhicules également pour transporter de lourds articles dans le cadre de salons professionnels.

 

[33]    L’appelant a déclaré qu’il touchait chaque année une prime dont le montant était calculé en fonction de la rentabilité de la division au sein de laquelle il travaillait. Il a soumis un relevé de ses talons de chèque de paie pour la période se terminant le 16 décembre 2000, indiquant qu’il avait reçu une prime, pour cette année‑là, de 45 000 $, ce montant étant supérieur au total des frais afférents à un véhicule à moteur déduits pour les deux années.

 

[34]    En conséquence, j’en arrive à la conclusion que, dans la présente affaire, les montants déduits par l’appelant étaient raisonnables.

 

[35]    L’appelant a soulevé également une question à l’égard du véhicule Explorer. En 2000, il conduisait l’Explorer dans l’exercice des fonctions de son emploi lorsqu’il a été impliqué dans un accident. Le montant de la franchise aux termes de la police d’assurance était de 250 $. Suivant la formule susmentionnée, 71,4 % seulement du montant de la franchise pouvait être déduit dans le calcul de son revenu aux fins de la Loi. Les dépenses dont on peut dire clairement qu’elles ont été engagées par le contribuable uniquement aux fins de se déplacer dans l’exécution d’une charge ou d’un emploi devraient être déductibles au complet. Par conséquent, le montant qui aurait dû être admis au titre de la franchise aux termes de la police d’assurance devrait être de 250 $ et non de 178 $. En conséquence, l’appelant a droit à une déduction supplémentaire de 72 $ dans le calcul de son revenu de 2000. Si l’accident était survenu pendant que le véhicule était utilisé à des fins personnelles, aucune partie du montant de la franchise aux termes de la police d’assurance n’aurait pu être déduite en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi. Les dépenses dont on peut dire clairement qu’elles ont été engagées par le contribuable pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi sont déductibles au complet et aucune partie de ces dépenses qui ont été engagées uniquement pour se déplacer à d’autres fins ne sera déductible en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi.

 

[36]    En conséquence, l’appel est accueilli, avec dépens, et la présente affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelant a le droit de déduire les montants suivants en vertu de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi pour les années 2000 et 2001 et les montants suivants à titre de déduction pour amortissement et d’intérêts en vertu de l’alinéa 8(1)j) de la Loi pour les années 2000 et 2001 :

 

2000

 

Véhicule

Poste

Montant admis

Explorer

Entretien et réparations

358 $ + 72 $ = 430 $

 

Assurances

1 142 $

 

Permis et immatriculation

53 $

 

Déduction pour amortissement

1 893 $

 

 

 

Porsche

Entretien et réparations

51 $

 

Assurances

1 164 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

3 784 $

 

Autres – CAA

87 $

 

 

 

Mazda

Entretien et réparations

299 $

 

Assurances

902 $

 

Permis et immatriculation

64 $

 

Déduction pour amortissement

3 348 $

 

 

 

Expedition

Entretien et réparations

54 $

 

Assurances

98 $

 

Permis et immatriculation

16 $

 

Déduction pour amortissement

6 471 $

 

Intérêts

199 $

 

Autres

367 $

 

 

 

Total :

 

20 496 $

 

2001

 

Véhicule

Poste

Montant admis

Explorer

Entretien et réparations

11 $

 

Assurances

432 $

 

Permis et immatriculation

21 $

 

Déduction pour amortissement

0 $

 

 

 

Porsche

Entretien et réparations

0 $

 

Assurances

547 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

2 667 $

 

Autres – CAA

89 $

 

 

 

Mazda

Entretien et réparations

105 $

 

Assurances

885 $

 

Permis et immatriculation

61 $

 

Déduction pour amortissement

2 186 $

 

 

 

Expedition

Entretien et réparations

125 $

 

Assurances

350 $

 

Permis et immatriculation

74 $

 

Déduction pour amortissement

11 065 $

 

Intérêts

2 631 $

 

Autres

0 $

 

 

 

Total :

 

21 323 $

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 29e jour d’avril 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2008.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI232

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3824(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PETER RAGSDALE ET

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT:                L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocates de l’intimée :

Me Marie-Therese Boris et Me Sharon Lee

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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