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Dossier : 98-712(IT)G

ENTRE :

GLAXOSMITHKLINE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

________________________________________________________________

 

Appels entendus les 27 et 28 février, les 1er, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 20, 21, 22, 23, 27, 28, 29 et 30 mars, les 3, 4, 5, 6, 11, 12, 24, 25, 26 et 27 avril, les 1er, 2, 3, 4, 15, 16, 17, 18, 29, 30 et 31 mai, les 1er, 5, 6, 7, 12 et 13 juin et les 17, 18 et 19 juillet 2006, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Pierre Barsalou,

Sébastien Rheault,

Eleni Kouros,

McShane Jones et

Ben Tomlin

Avocates de l'intimée :

Mes Naomi Goldstein,

Myra Yuzak et

Karen Janke

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 et des cotisations établies en vertu de la partie XIII de la Loi à l'égard de l'omission reprochée à l'appelante de retenir l'impôt sur les dividendes qui étaient réputés être versés à un actionnaire non résidant en 1990, en 1991, en 1992 et en 1993 sont accueillis, et les affaires sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement afin de diminuer, d'un montant de 25 $ le kilogramme, les montants excédentaires (décrits dans les motifs du jugement) que l'appelante a payés pour la ranitidine et afin de rajuster les montants des retenues d'impôt en conséquence.

 

          L'appelante paiera les dépens; les parties peuvent présenter des observations au sujet du montant des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2008.

 

 

« Gerald J. Rip »

Le juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

Référence : 2008CCI324

Date : 20080530

Dossier : 98-712(IT)G

ENTRE :

GLAXOSMITHKLINE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Rip

 

Note à l'intention du lecteur

 

            Afin de ne pas rallonger ces longs motifs de jugement, quatre annexes sont jointes aux présents motifs et en font partie intégrante. Les annexes comprennent une décision concernant une requête présentée par l'appelante conformément à l'article 100 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (annexe I), un organigramme de la structure d'entreprise des sociétés Glaxo dirigées par Glaxo Holdings (annexe II), une liste des témoins décrivant l'objet de leurs témoignages, énumérés selon l'ordre de comparution des témoins à l'instruction (annexe III) et un glossaire de termes utilisés au cours de l'instruction, dont certains sont utilisés dans les présents motifs (annexe IV). (Le glossaire a été adapté à partir d'un glossaire que l'appelante a soumis à l'instruction.) Des efforts ont été faits pour que ces annexes soient rédigées en une forme aussi concise que possible afin d'en faciliter la lecture.

 

[1]     GlaxoSmithKline Inc. (« Glaxo Canada ») interjette appel de cotisations d'impôt dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») :

 

a)       a établi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelante pour ses années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 en augmentant son revenu pour chaque année au motif que l'appelante avait payé en trop le fournisseur avec lequel elle avait un lien de dépendance lorsqu'elle avait acheté du chlorhydrate de ranitidine (la « ranitidine »), en application des articles 3, 4 et 9 ainsi que du paragraphe 69(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »)[1] (les « cotisations de la partie I »);

 

b)      a établi des cotisations à l'égard de l'appelante en vertu de la partie XIII de la Loi pour des montants que l'appelante était réputée avoir versés au titre de dividendes à son actionnaire non résidant, Glaxo Group Limited (« Glaxo Group »), en 1990, en 1991, en 1992 et en 1993, conformément aux paragraphes 56(2), 212(2) et 214(3) de la Loi. Subsidiairement, l'intimée affirme que, conformément à l'alinéa 246(1)b) de la Loi, l'appelante est réputée avoir effectué en faveur de son actionnaire, en 1990, en 1991, en 1992 et en 1993, des paiements auxquels la partie XIII de la Loi s'applique (les « cotisations de la partie XIII »).

 

[2]     Les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

INTRODUCTION

 

[3]     La ranitidine est l'ingrédient pharmaceutique actif (l'« IPA ») d'un médicament que l'appelante commercialisait au Canada sous le nom déposé Zantac. Ce médicament était prescrit afin de traiter les ulcères d'estomac sans qu'il soit nécessaire de procéder à une opération chirurgicale. Avant la découverte de la ranitidine, la cimétidine était l'IPA utilisé qui était le plus efficace pour traiter les ulcères. La cimétidine était commercialisée par un concurrent de l'appelante sous le nom déposé Tagamet. La ranitidine a été découverte par la société mère de l'appelante en 1976 et elle a été approuvée aux fins de la vente au Canada en 1981. L'appelante a lancé le Zantac en 1982.

 

[4]     Au cours de la période visée par les appels, d'autres sociétés pharmaceutiques (les « fabricants de produits génériques ») vendaient des versions génériques du Zantac au Canada. Ces sociétés achetaient de la ranitidine à un prix bien inférieur à celui que payait l'appelante. Selon le ministre, le montant raisonnable qu'aurait dû payer l'appelante afin d'obtenir la ranitidine était le prix payé par ces autres sociétés.

 

[5]     Glaxo Canada a versé à Adechsa S.A., une société avec laquelle elle avait un lien de dépendance, les montants suivants pour la ranitidine au cours des années visées par les appels :

 

Années d'imposition

Prix au kilogramme[2]

1990

1 512 $

1991

1 575 $

1992

1 635 $

1993

1 651 $

 

[6]     Pendant la même période, les fabricants de produits génériques au Canada versaient les montants suivants aux personnes qui leur fournissaient la ranitidine :

 

Années d'imposition

Prix au kilogramme

1990

292 $ - 304 $

1991

244 $ - 289 $

1992

220 $ - 253 $

1993

194 $ - 248 $

 

[7]     En établissant les cotisations de la partie I, le ministre n'a pas permis à l'appelante de déduire, dans le calcul de son revenu pour les années visées par les appels, les montants par lesquels les prix d'achat payés à Adechsa pour un kilogramme de ranitidine excédaient le prix le plus élevé payé par les fabricants de produits génériques pour un kilogramme de ranitidine pendant la période pertinente.

 

[8]     Selon la position prise par l'appelante, les cotisations de la partie I sont dénuées de fondement parce que le prix auquel elle achetait la ranitidine [TRADUCTION] « correspondait de près [au prix payé par] [...] des tiers indépendants dans des circonstances comparables » et que les montants qu'elle payait étaient « raisonnables dans les circonstances » au sens du paragraphe 69(2) de la Loi. L'appelante affirme en outre que son modèle commercial et sa situation d'entreprise ne sont pas comparables à ceux des fabricants de produits génériques. Selon la position prise par l'intimée, l'appelante n'a pas payé un prix raisonnable en achetant de la ranitidine parce qu'elle voulait réduire au minimum le bénéfice réalisé au Canada et transmettre le bénéfice à une société liée située dans un ressort à faible imposition.

 

Le paragraphe 69(2) de la Loi

 

[9]     Le paragraphe 69(2) de la Loi, qui était en vigueur au cours de la période visée par les appels, était rédigé en ces termes :

 

Lorsqu'un contribuable a payé ou est convenu de payer à une personne non-résidente avec qui il avait un lien de dépendance, soit à titre de prix, loyer, redevance ou autre paiement pour un bien ou pour l'usage ou la reproduction d'un bien, soit en contrepartie du transport de marchandises ou de voyageurs ou d'autres services, une somme supérieure au montant qui aurait été raisonnable dans les circonstances si la personne non-résidente et le contribuable n'avaient eu aucun lien de dépendance, ce montant raisonnable est réputé, pour le calcul du revenu du contribuable en vertu de la présente partie, correspondre à la somme ainsi payée ou payable.

Where a taxpayer has paid or agreed to pay to a non-resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm's length as price, rental, royalty or other payment for or for the use or reproduction of any property, or as consideration for the carriage of goods or passengers or for other services, an amount greater than the amount (in this subsection referred to as 'the reasonable amount') that would have been reasonable in the circumstances if the non-resident person and the taxpayer had been dealing at arm's length, the reasonable amount shall, for the purpose of computing the taxpayer's income under this Part, be deemed to have been the amount that was paid or is payable therefor.

 

Les faits préliminaires

 

[10]    Glaxo Canada est une filiale à cent pour cent de Glaxo Group, une société du Royaume‑Uni, qui de son côté est une filiale à cent pour cent de Glaxo Holdings PLC, qui est également une société dont le siège est situé au Royaume‑Uni. Glaxo Holdings dirigeait un groupe intégré multinational d'entités qui s'occupaient de la recherche, du développement, de la fabrication et de la distribution de produits pharmaceutiques à l'échelle mondiale. Les produits de Glaxo World[3] sont vendus par l'entremise de filiales et de distributeurs sans lien de dépendance sur des marchés locaux.

 

[11]    Les produits pharmaceutiques sont fabriqués en deux étapes de base, appelées la fabrication primaire et la fabrication secondaire. Au cours de la fabrication primaire, l'ingrédient pharmaceutique actif d'un produit pharmaceutique est fabriqué. La fabrication secondaire comprend le processus permettant de mettre l'ingrédient actif sous une forme permettant son utilisation ou sous une forme posologique, comme un comprimé, un liquide ou un gel.

 

[12]    Deux sociétés de Glaxo World s'occupaient de la fabrication primaire de la ranitidine : Glaxo Pharmaceuticals (Pte) Limited[4], une société constituée et faisant affaire à Singapour, et Glaxochem Ltd., une société britannique située à Montrose, Royaume‑Uni. Une fois achevé le processus de fabrication primaire, le fabricant vendait la ranitidine à un prix uniforme à l'une des deux sociétés de distribution de Glaxo World : Adechsa S.A., une société de Glaxo World basée en Suisse, et Glaxo Far East. Les sociétés de distribution vendaient ensuite l'IPA à des sociétés locales dans divers pays, à divers prix. Glaxo Holdings établissait le prix de l'IPA compte tenu du prix que la société locale pouvait s'attendre à obtenir pour les ventes de Zantac sur son marché local. Au cours de la période visée par l'appel, la ranitidine que l'appelante achetait était fabriquée à Singapour et vendue à l'appelante par Adechsa.

 

[13]    Adechsa avait conclu avec les autorités fiscales suisses une entente aux termes de laquelle elle s'engageait à payer l'impôt compte tenu du fait qu'elle réalisait un bénéfice minimal de 4 p. 100[5]. Le fabricant de Singapour avait payé peu d'impôt parce que, en sa qualité d'entreprise pionnière, il était admissible à un allégement fiscal pour une période de dix ans qui avait commencée en 1982. Après l'expiration de la période de dix ans, le taux d'imposition était de 10 p. 100. En vertu du programme d'allégement fiscal accordé aux entreprises pionnières, Glaxo World bénéficiait d'un accord intervenu entre le Royaume‑Uni et Singapour accordant un crédit d'impôt fictif. La société de Singapour de Glaxo World ne payait pas d'impôt sur les bénéfices gagnés à Singapour; les autorités fiscales du Royaume‑Uni présumaient apparemment que la totalité du revenu avait été imposé au taux d'imposition courant applicable à Singapour. Lorsque les bénéfices étaient rapatriés au Royaume‑Uni sous la forme de dividendes, l'impôt britannique était payable uniquement en fonction de l'excédent du taux d'imposition du Royaume‑Uni par rapport au taux d'imposition de Singapour. Au cours de la période allant de 1990 à 1993, les arrangements concernant l'établissement du prix de transfert de Glaxo World ont permis à la société de Singapour de faire des bénéfices bruts d'environ 90 p. 100 à Singapour sur la vente de la ranitidine à Adechsa. Au cours de la même période, Glaxo Canada gagnait des bénéfices bruts d'environ 57 p. 100. Selon une note de service de Lionel Halpern, contrôleur de gestion des impôts du « groupe » de Glaxo Holdings, la stratégie de Glaxo World visant à réduire au minimum ses impôts à l'échelle mondiale était :

 

1.       de faire autant de bénéfices que possible à Singapour;

 

2.       de réaliser la plus grande part possible des bénéfices restants du groupe au Royaume‑Uni;

 

3.       de faire en sorte que le groupe ne paie pas d'impôt à deux reprises sur les mêmes bénéfices[6].

 

LES ENTENTES

 

[14]    Glaxo Canada avait conclu deux contrats à l'égard du Zantac : un [TRADUCTION] « contrat de licence » daté du 1er juillet 1998 conclu avec Glaxo Group, et un [TRADUCTION] « contrat de fourniture » conclu avec Adechsa et daté du 1er octobre 1983[7]. Aux termes du contrat de licence, qui s'appliquait à tous les médicaments et non simplement au Zantac, Glaxo Canada versait une redevance de 6 p. 100 à Glaxo Group sur ses ventes nettes de Zantac, et Glaxo Group fournissait les services et biens incorporels suivants à Glaxo Canada :

 

a)       le droit de fabriquer, d'utiliser et de vendre des produits;

 

b)      le droit d'utiliser les marques de commerce appartenant à Glaxo Group, notamment la marque Zantac;

 

c)       le droit d'obtenir de l'aide technique pour ses besoins touchant la fabrication secondaire;

 

d)      l'utilisation des documents d'enregistrement préparés par Glaxo Group, lesquels devaient être adaptés pour le Canada et soumis à la Direction générale de la protection de la santé (la « DGPS »);

 

e)       l'accès à de nouveaux produits, y compris des élargissements de la gamme de produits;

 

f)       l'accès aux améliorations apportées aux médicaments;

 

g)       le droit à ce qu'une société de Glaxo World vende toute matière première à Glaxo Canada;

 

h)       le soutien aux fins de la commercialisation;

 

i)        l'indemnisation contre les dommages‑intérêts découlant d'actions en contrefaçon de brevet.

 

[15]    Le contrat de fourniture conclu par Glaxo Canada et Adechsa conférait à l'appelante le droit d'acheter de la ranitidine et fixait le prix de la ranitidine. Le prix de transfert était établi par Glaxo Holdings. Le rôle d'Adechsa consistait à administrer les prix de transfert. Le contrat de fourniture accordait également une protection contre le risque de change, une assurance‑indemnité et prévoyait la fourniture de la propriété intellectuelle dans [TRADUCTION] « la mesure où [l'appelante] ne l'avait pas antérieurement reçue ou ne devait pas par ailleurs la recevoir directement de [Glaxo Group] ».

 

[16]    L'intimée a soutenu que la ranitidine était le seul élément de valeur reçu aux termes du contrat de fourniture. L'avocate de l'intimée a affirmé que la protection contre les fluctuations des devises étrangères était en bonne partie non pertinente étant donné qu'aux termes du contrat, chaque partie pouvait changer la devise. Au cours de chacune des années visées par les appels, Glaxo Group facturait séparément l'assurance‑indemnité à Glaxo Canada. En ce qui concerne la propriété intellectuelle additionnelle, le chef du contentieux de l'appelante, Me McTeague, a admis qu'il ne savait pas trop quelle propriété intellectuelle il restait à fournir aux termes du contrat de fourniture étant donné la large portée du contrat de licence. Par conséquent, selon la preuve, la ranitidine était le seul élément de valeur que Glaxo Canada avait reçu aux termes du contrat de fourniture.

 

L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE CANADIENNE

 

La réglementation

 

[17]    Au cours de la période visée par les appels, le marché des produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada était réglementé par la DGPS de Santé Canada. Les produits pharmaceutiques sur ordonnance ne pouvaient pas être commercialisés au Canada sans être approuvés par la DGPS. La DGPS était chargée d'évaluer l'innocuité, l'efficacité et la qualité de tous les médicaments et de tous les instruments médicaux avant que ceux‑ci puissent être commercialisés au Canada.

 

[18]    Au cours de la période allant de 1980 à 1993, la DGPS était responsable de l'examen des présentations de drogue nouvelle (les « PDN »). La DGPS était chargée de veiller, en dernier ressort, à ce que tous les médicaments, y compris les produits à base de ranitidine, soient sûrs et efficaces pour leur utilisation prévue. L'appelante a fait une PDN pour les comprimés de ranitidine. Lorsqu'une PDN est préparée pour un nouveau composé chimique, les données fournies peuvent être réparties entre divers genres de renseignements selon les catégories suivantes :

 

a)       Composition chimique et fabrication du produit : La substance pharmaceutique (l'« IPA ») et les formes posologiques doivent respecter les normes applicables, et le médicament doit être fabriqué de manière à permettre au produit de produire les effets pharmacologiques qui lui sont inhérents.

 

b)      Propriétés pharmacologiques du médicament : Ce renseignement se rapporte aux résultats de toutes les études effectuées in vitro ou in vivo sur des animaux. Ces expériences visent à élucider les effets pharmacologiques fondamentaux du médicament.

 

c)       Toxicité du médicament : Des études toxicologiques sont effectuées sur des animaux afin de connaître les effets indésirables de chaque nouveau médicament, dans le but de prédire la toxicité possible du composé chez les humains.

 

d)      Effets du médicament chez les humains : Ces études cliniques visent à permettre d'examiner l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'excrétion du médicament chez les humains, ainsi que la capacité du médicament de traiter la maladie en cause et ses effets indésirables.

 

Les médicaments génériques

 

[19]    Pendant la période pertinente, un système d'octroi obligatoire de licences existait au Canada, lequel permettait la commercialisation et la vente d'une version générique des produits pharmaceutiques brevetés, y compris les produits à base de ranitidine, en échange d'une redevance de 4 p. 100 versée au titulaire du brevet. Par conséquent, un fabricant de produits génériques pouvait vendre au public une version générique d'un médicament même si le brevet y afférent était encore en vigueur.

 

[20]    Tout comme les sociétés innovatrices telles que l'appelante, les fabricants de produits génériques étaient obligés de satisfaire aux normes de la DGPS pour ce qui est de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité du produit proposé. Toutefois, contrairement aux sociétés innovatrices, les fabricants de produits génériques n'avaient pas à fournir de preuve d'essais cliniques. La DGPS acceptait plutôt des données publiées adéquates sur l'innocuité du médicament ainsi que des données cliniques publiées provenant d'essais valables.

 

[21]    Les fabricants de produits génériques cherchaient donc à établir que leurs produits pharmaceutiques étaient équivalents à ceux des sociétés innovatrices pour lesquels un avis de conformité avait été délivré. Pour ce faire, ils soumettaient des données complètes sur la composition chimique et la fabrication, établissant l'équivalence chimique, ainsi que des études sur la biodisponibilité visant à démontrer la bioéquivalence. Un avis de conformité délivré par la DGPS pour une PDN constituait une déclaration d'équivalence, le produit générique étant jugé comme équivalent et bioéquivalent, sur le plan pharmacologique, au produit innovateur canadien[8].

 

[22]    Deux sociétés, Apotex Inc. et Novopharm ltée, ont commencé à vendre des produits génériques à base de ranitidine au Canada en 1987 et en 1989 respectivement. Apotex et Novopharm achetaient de la ranitidine de fabricants sans lien de dépendance. Les ventes de produits génériques à base de ranitidine empiétaient sur la part de marché du Zantac; au cours de la période visée par les appels, la part du Zantac a baissé de 38 p. 100 à 20 p. 100 pour les ventes unitaires de comprimés. La part de marché de l'appelante en tant que pourcentage du total des ventes de tous les produits à base de ranitidine a baissé de 49 p. 100 à 40 p. 100.

 

Les formulaires

 

[23]    Au cours des années en cause, les provinces mettaient en oeuvre des régimes d'assurance‑médicaments financés par l'État afin de faire en sorte que les Canadiens bénéficiant d'une assurance‑maladie provinciale reçoivent les produits pharmaceutiques nécessaires, et que le coût de ces produits pharmaceutiques nécessaires soit abordable. À cette fin, chacune des provinces a établi un formulaire pharmaceutique, qui énumère les médicaments dont l'État paie le coût en totalité ou en partie. Si un médicament n'est pas mentionné dans ce formulaire, le médicament n'est pas couvert par le régime d'assurance de la province, et le patient‑consommateur doit payer le médicament de sa poche, ce qui nuit aux ventes.

 

[24]    Monsieur Lorne Davis, un pharmacologue travaillant au régime de médicaments d'ordonnance de la Saskatchewan, a expliqué que chaque administration publique provinciale réglemente l'inscription des médicaments sur son formulaire. La demande d'approbation aux fins d'inscription sur le formulaire n'annule pas l'exigence voulant que chaque produit pharmaceutique innovateur ou générique soit également approuvé par la DGPS, mais seuls les médicaments approuvés par une administration publique provinciale seront inscrits sur le formulaire de la province concernée. En général, le formulaire est publié et distribué aux médecins de la province, de façon qu'ils soient au courant des médicaments qui sont inscrits sur le formulaire. De tels renseignements influenceraient les décisions prises par les médecins au sujet des médicaments à prescrire à leurs patients. Pour les produits génériques, l'inclusion dans le formulaire signifie que le médicament générique a été approuvé comme étant interchangeable avec le produit innovateur et qu'un pharmacien qui exécute une ordonnance peut substituer ce produit.

 

[25]    Les produits génériques étaient inscrits à un prix de détail moins élevé que les médicaments innovateurs. Et même entre eux‑mêmes, les fabricants de produits génériques se faisaient concurrence pour que leurs produits soient inscrits dans les formulaires au plus bas prix. Selon M. Fahner, vice‑président aux finances chez Apotex, le premier produit générique sur un marché se vend normalement à 80 p. 100 ou 85 p. 100 du prix du produit de marque. Le prix du produit générique suivant qui est lancé sur le marché serait habituellement légèrement inférieur à celui du premier produit générique, et ainsi de suite.

 

[26]    Monsieur Fahner a expliqué qu'à cause des programmes provinciaux de substitution, les fabricants de produits génériques axaient leurs efforts de vente envers les pharmaciens, par opposition aux médecins. En plus d'offrir leurs produits à des prix qui étaient inférieurs à ceux des produits de marque, les fabricants de produits génériques cherchaient à stimuler les ventes de leurs produits en accordant des remises sur quantité, surtout aux grosses chaînes de pharmacies, et en offrant des incitations aux petites pharmacies indépendantes. Le but était de faire en sorte que diverses pharmacies stockent une vaste gamme de produits pharmaceutiques du fabricant de produits génériques, ce qui entraînerait un plus grand nombre de ventes. Dans certains cas, les provinces offraient des contrats (surtout pour les ventes à des hôpitaux) au distributeur dont le produit générique était le moins coûteux.

 

[27]    L'un des principaux objectifs des régimes provinciaux d'assurance‑médicaments est de réduire le coût des médicaments au Canada. À cette fin, ces régimes permettaient la substitution de produits génériques moins coûteux lorsque de tels produits existaient. Pendant un certain temps, les régimes provinciaux d'assurance‑médicaments ont permis aux médecins de prescrire des produits innovateurs plus coûteux s'ils inscrivaient la mention « aucune substitution » sur l'ordonnance. Par la suite, les régimes provinciaux d'assurance‑médicaments exigeaient obligatoirement la substitution, c'est‑à‑dire que le régime d'assurance‑médicaments ne payait pas le coût du produit innovateur de marque plus coûteux s'il existait un produit générique moins coûteux. Monsieur Fahner a témoigné que la Saskatchewan avait cessé d'accepter les ordonnances « sans substitution » en 1991.

 

COMMERCIALISATION ET ÉTABLISSEMENT DES PRIX

 

[28]    Lorsque la ranitidine a été découverte, le directeur de la recherche a informé le directeur général de Glaxo Group de l'époque, Paul Girolami (par la suite sir Paul, chef de Glaxo Group)[9], que le Zantac était supérieur au Tagamet à cause de sa plus grande sélectivité, de son profil d'innocuité plus favorable, de sa plus grande efficacité et du régime posologique plus facile. Par conséquent, sir Paul a décidé que le prix du Zantac devait être supérieur d'environ 20 p. 100 au prix du Tagamet, de façon à refléter sa supériorité, et que la stratégie globale de commercialisation pour le produit mettrait l'accent sur les avantages manifestes du Zantac par rapport au Tagamet.

 

[29]    Une fois lancé, le Zantac a bénéficié d'un volume de ventes élevé et a devancé le Tagamet comme médicament anti‑ulcère de premier ordre. Selon Paul Meade, qui travaillait pour le groupe de commercialisation de Glaxo au Canada et au Royaume‑Uni, le Zantac est devenu [TRADUCTION] « le traitement des ulcères par excellence ».

 

La commercialisation

 

[30]    Comme c'était le cas pour d'autres produits pharmaceutiques, la commercialisation du Zantac était restreinte aux affirmations étayées de données et approuvées par les organismes de réglementation. Glaxo Group a établi pour le Zantac une stratégie de commercialisation à l'échelle mondiale que chaque filiale mettait en oeuvre au niveau local. La [TRADUCTION] « stratégie de commercialisation principale » de la société mère britannique pour le Zantac était fondée sur les utilisations médicales du produit pharmaceutique. Sa principale affirmation était que le Zantac atténuait ou prévenait les ulcères gastriques et l'oesophagite. Monsieur Meade a décrit le programme de commercialisation comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Le Zantac sera présenté comme constituant une évolution majeure dans la gestion des ulcères gastro‑duodénaux et d'autres troubles peptiques dus à l'acidité de la voie gastro‑intestinale supérieure. Le Zantac offre trois nouveaux paramètres importants en ce qui concerne le traitement des ulcères : la simplicité de la posologie, une efficacité sans pareille et une absence remarquable d'effets secondaires cliniquement importants.

 

[31]    Glaxo Group décidait de promouvoir un produit particulier tel que le Zantac et effectuait les travaux initiaux de recherche et de développement du produit; elle fournissait ensuite ces renseignements au distributeur local. Au Canada, l'appelante a ajouté une [TRADUCTION] « marque canadienne », comme l'a dit M. Woloschuk, qui travaillait dans le domaine de la commercialisation chez Glaxo Canada de 1976 à 1996. Monsieur Woloschuk a expliqué que la façon dont un produit se vend en Angleterre n'est peut‑être pas celle dont il se vend au Canada. La stratégie, a‑t‑il déclaré, était de [TRADUCTION] « vendre le produit et [de souligner] son efficacité, mais il faut apporter des changements pour lui donner un aspect plus canadien ».

 

[32]    Chaque distributeur local de Glaxo World, y compris l'appelante, était tenu de diffuser le message sur son marché. Glaxo Group fournissait des documents aux distributeurs et parrainait des ateliers de commercialisation auxquels assistaient les employés de ses distributeurs. Les distributeurs locaux communiquaient ensuite le message de Glaxo sur leurs marchés locaux. Les employés responsables de la commercialisation au Canada donnaient des directives et des documents promotionnels aux directeurs des ventes locaux, qui supervisaient ensuite les efforts de commercialisation d'une équipe de représentants locaux. Les représentants locaux visitaient les médecins locaux et leur communiquaient les divers renseignements à caractère commercial au sujet du Zantac. Le but de l'appelante était de convaincre les médecins de prescrire le Zantac plutôt que d'autres produits contre les ulcères.

 

Les stratégies de commercialisation anti‑génériques

 

[33]    Lorsque les fabricants de produits génériques se préparaient à mettre en vente la ranitidine au Canada, en 1985, Glaxo Canada s'est montrée fort agressive en tentant de faire échouer leurs efforts, ou du moins de les retarder, et ce, malgré la position que l'appelante a prise à l'instruction, à savoir que les fabricants de produits génériques n'étaient pas ses concurrents. Cinq tactiques visant à affronter les fabricants de produits génériques étaient énoncées dans un document intitulé [TRADUCTION] « Rapport sur la générisation du Zantac au Canada » (le « rapport ») : les contestations judiciaires, le positionnement, la force de vente, l'image de marque et les capitaux investis dans la marque, y compris le lancement d'un médicament ultragénérique.

 

1)       Les contestations judiciaires

 

[34]    Selon le rapport, [TRADUCTION] « tous les recours juridiques visant le retrait du produit générique du marché, ou sa radiation des formulaires provinciaux, ont été poursuivis ». En 1987, M. K.F. Read, directeur des affaires réglementaires de l'appelante, a tenté de convaincre la DGPS de refuser de délivrer à un fabricant de produits génériques un avis de conformité pour un produit à base de ranitidine en invoquant des problèmes possibles de sûreté. L'appelante a également essayé d'obtenir une injonction à l'encontre de la DGPS, mais elle a échoué. Dans les motifs d'une ordonnance rejetant la demande d'injonction provisoire de l'appelante, le juge Rouleau a affirmé : « la demanderesse n'a présenté la demande en l'espèce que pour faire obstacle à la concurrence dans un marché où, [...] elle a, à toutes fins pratiques, joui d'un monopole »[10]. L'appel porté devant la Cour d'appel fédérale a été rejeté. Monsieur Jacques Lapointe, qui était président de l'appelante au cours des années visées par les appels, a reconnu que la demande constituait [TRADUCTION] « l'une des tactiques » que Glaxo Canada utilisait pour lutter contre la présence de la ranitidine générique au Canada.

 

2)       Le positionnement

 

[35]    L'appelante a cherché à établir la qualité insurpassable du Zantac dans le domaine du traitement des ulcères. Le profil supérieur du Zantac a été comparé et opposé à la qualité contestable des produits génériques auprès des médecins, des pharmaciens et des responsables des formulaires provinciaux.

 

3)       La force de vente

 

[36]    Une fois que les produits génériques ont été mis sur le marché, l'appelante a augmenté son personnel de vente et a créé une force de vente responsable du service aux pharmacies, qui devait s'occuper exclusivement de celles‑ci. Cela a permis à la force de vente responsable des médecins de se concentrer exclusivement sur ces derniers. L'appelante a lancé une campagne anti‑générique, qui englobait la [TRADUCTION] « campagne de non‑substitution ». La force de vente responsable des médecins a cherché à convaincre ceux‑ci d'inclure la mention « sans substitution » ou « aucune substitution » dans les ordonnances de Zantac, ce qui voulait dire qu'un pharmacien ne pouvait pas remplacer le Zantac par un produit générique. La force de vente responsable du service aux pharmacies encourageait les pharmaciens à stocker le Zantac et à le délivrer, à la place d'un médicament générique, à tous les clients qui ne bénéficiaient pas d'un régime provincial d'assurance‑médicaments.

 

[37]    De plus, le programme d'épargne des hôpitaux de Glaxo a été mis sur pied afin de permettre à Glaxo Canada de faire concurrence d'une façon efficace à la ranitidine générique dans les hôpitaux canadiens. En vertu de ce programme, les pharmaciens des hôpitaux recevaient une réduction sur les produits facturés et une remise sur quantité en fonction de l'ensemble du portefeuille des médicaments achetés. La réduction initiale pour le Zantac était de 25 p. 100. Ce rabais a été porté à 40 p. 100, et ensuite à 45 p. 100. Les remises permettaient à l'appelante d'offrir aux hôpitaux les mêmes prix que les fabricants de ranitidine générique.

 

4)       L'image de marque

 

[38]    Monsieur Faheem Hasnain, un représentant de Glaxo que l'avocate de l'intimée a interrogé au préalable, a expliqué que le succès du Zantac au Canada était attribuable à la réputation de la marque sur le marché. [TRADUCTION] « C'était notre carte gagnante. » Il a ajouté que [TRADUCTION] « cela se résumait en une question de commercialisation... l'équipe de commercialisation était très bonne; en fait, c'était une équipe formidable ». Sur le marché, le Zantac avait la réputation d'être un produit supérieur de grande qualité. Monsieur Hasnain a reconnu que chaque campagne de commercialisation tient compte des nuances locales et de la compréhension locale de la clientèle. Ainsi, au Canada, la campagne de publicité était axée sur l'idée selon laquelle les produits génériques posaient des problèmes de qualité et que seul le Zantac offrait une garantie de qualité pour le patient.

 

[39]    En 1988, ACIC, un fabricant de ranitidine de Toronto, a offert de vendre son produit à Glaxo Canada. Le prix proposé était un paiement unique de 240 000 $ pour la recherche et, par la suite, un prix de 350 à 400 $ le kilogramme. Jacques Lapointe a témoigné que Glaxo Canada et Glaxo World entretenaient certaines préoccupations au sujet des effets qu'aurait la conclusion d'une entente avec ce fournisseur. Dans une lettre datée du 21 avril 1998 adressée à Jeremy Strachan, de Glaxo Holdings, M. Lapointe disait ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Du point de vue de la commercialisation, plus nous réussissons à retarder la mise dans le commerce d'un second produit générique à base de ranitidine par Novopharm, plus nous serons en mesure de défendre notre position contre Apotex, qui est perçue, sur le marché, comme ayant indubitablement un problème de qualité. Il serait également beaucoup plus difficile de se défendre contre les produits génériques si leur qualité était égale ou supérieure à celle du Zantac.

 

Il pourrait également y avoir d'importantes répercussions financières. Comme vous le savez, Revenu Canada a contesté l'établissement du prix de transfert de la ranitidine étant donné que la matière première est en vente sur le marché mondial, pour un prix d'environ 350 $ [...] En plus de l'argument concernant l'inclusion des frais de développement dans la matière de Glaxo, un autre moyen de défense possible serait la mauvaise qualité de cette matière moins coûteuse provenant de sources étrangères. Le prix non négocié offert par ACIC pour une matière de bonne qualité est de 400 $, et cette matière provient d'une source canadienne. Toutefois, si nous devions conclure un contrat d'achat à ce prix, les conséquences à l'échelle mondiale devraient être évaluées d'un oeil critique. Un tel précédent pourrait mettre en péril l'établissement du prix de transfert sur une échelle beaucoup plus grande.

 

[...]

 

Notre ligne de conduite projetée est de mettre des bâtons dans les roues [d'ACIC] le plus longtemps possible. Nous avons demandé un autre échantillon du lot initial, qui sera envoyé aux laboratoires de John Padfield pour évaluation avec le rapport de notre analyse, et ce, le plus tôt possible. À supposer que la qualité de cette matière soit confirmée, il se peut que nous voulions envisager de nous réserver cette source de production pour une période indéfinie avant que la matière soit offerte sur le marché.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[40]    Glaxo Canada a décidé en fin de compte de ne pas acheter la ranitidine d'ACIC. Monsieur Lapointe a témoigné que c'était parce que sa stratégie de commercialisation comportait l'assertion selon laquelle la ranitidine fabriquée par Glaxo était supérieure à la ranitidine générique et que la seule façon d'être certain d'obtenir un produit de qualité consistait à acheter du Zantac. À son avis, si l'appelante commençait à s'approvisionner en ranitidine auprès d'un fournisseur qui pouvait offrir son produit aux fabricants de produits génériques, elle perdrait sa crédibilité quant au positionnement du produit. Monsieur Lapointe a témoigné que cette décision n'était pas liée à quelque préoccupation que ce soit au sujet de la qualité ou de la pureté de la ranitidine d'ACIC.

 

[41]    Le Canada était unique en son genre en ce sens qu'il était l'un des premiers marchés sur lesquels des produits génériques étaient en vente et qu'il y avait des formulaires provinciaux exigeant la substitution. Glaxo World met peut‑être en oeuvre, pour la plupart des médicaments, un programme de commercialisation s'appliquant de la même manière partout au Canada, mais M. Lapointe était d'accord pour dire qu'en ce qui concerne certains produits, des programmes de commercialisation différents étaient utilisés au Québec, et même dans certaines provinces où la substitution obligatoire de produits génériques était exigée à différents degrés. Monsieur Meade était également d'accord pour dire que l'appelante [TRADUCTION] « faisait certaines choses différemment » au Québec. Cette province était différente à cause des différences linguistiques et culturelles, a‑t‑il précisé.

 

5)       L'investissement de capitaux

 

[42]    En 1989, Glaxo World a lancé un autre produit à base de ranitidine sur le marché canadien en vue de faire directement concurrence aux produits génériques pour ce qui est du prix. Glaxo Canada a transformé sa ranitidine en produits finis à base de ranitidine en vue de les vendre à Kenral Inc. (« Kenral »), une société appartenant à la société Upjohn Company of Canada. Le produit vendu sous l'étiquette Kenral était identique au Zantac, sauf pour le nom. Selon Paul Lucas, le premier vice‑président de la mobilité d'entreprise de l'appelante, c'était la première entente volontaire que Glaxo World avait négociée avec un fabricant de produits génériques, et la redevance de 6 p. 100 que Kenral devait verser était [TRADUCTION] « une affaire bien meilleure » que les 4 p. 100 payables par les fabricants de produits génériques. Monsieur J. W. Cuttle, de la gestion de la commercialisation chez Kenral, a dit que Kenral avait été créé en vue de faire concurrence sur le marché des produits génériques à titre de produit ultragénérique. Il a défini un produit ultragénérique comme étant un produit qui est fabriqué par la société pharmaceutique possédant le nom déposé initial, mais qui est vendu dans le segment du marché des produis génériques à des prix génériques.

 

[43]    Un plan d'entreprise de l'appelante pour la période de cinq ans de 1991‑1992 à 1995‑1996 traitait de diverses stratégies visant à permettre d'accroître la part de marché du Zantac tout en protégeant le Zantac [TRADUCTION] « contre les avances concurrentielles » à un moment où les ventes du Zantac baissaient à cause de la présence des produits génériques et de la concurrence possible de l'oméprazole, un nouveau produit anti‑ulcère qui avait récemment été mis sur le marché. Les stratégies comprenaient la fragmentation du marché au moyen de l'élargissement de la gamme, des efforts promotionnels continus pour l'utilisation à long terme du Zantac, l'amélioration de l'image de la société et le soutien aux médecins, aux pharmaciens et aux consommateurs.

 

[44]    En 1993, le Zantac avait perdu une part importante du marché en faveur des produits génériques au Canada; il a été décidé de cesser de promouvoir le Zantac pour ne pas défendre une cause perdue. Il s'agissait d'un phénomène particulier au Canada. Sur les autres dix marchés principaux, la stratégie de commercialisation principale consistant à investir d'énormes capitaux dans le Zantac de façon à développer des débouchés était encore en vigueur, étant donné que le brevet n'était pas expiré.

 

L'établissement des prix et les ententes conclues avec d'autres parties

 

[45]    Comme il en a été fait mention, la stratégie d'établissement des prix de Glaxo World consistait à fixer le prix de son produit en le majorant d'environ 20 p. 100 par rapport au prix du Tagamet. Au Canada, au Royaume‑Uni et aux États‑Unis, l'État ne restreignait pas les prix, et Glaxo World pouvait à sa guise fixer le prix de vente du Zantac. Toutefois, dans bien des pays, le prix de détail était fixé par l'État, et il était souvent basé sur le coût de l'IPA pour le distributeur ou par rapport au prix de détail dans d'autres pays. Dans ces pays, Glaxo World devait négocier le prix avec les autorités gouvernementales. Par conséquent, Glaxo World avait intérêt à fixer des prix de transfert élevés pour l'IPA parce qu'un prix de transfert plus élevé que le distributeur local de Glaxo World versait à Adechsa entraînait souvent un prix de détail plus élevé dans ce pays, ainsi que dans d'autres pays qui pouvaient se fonder sur ce prix.

 

[46]    Sur un grand nombre de marchés européens, Glaxo World a entrepris de promouvoir et de distribuer le Zantac par l'entremise de sociétés sans lien de dépendance, en plus de ses filiales locales. Dans les témoignages, ces sociétés sans lien de dépendance ont également été désignées comme des détenteurs de licence étrangers et comme des codistributeurs. Monsieur Gregory Bell, un expert en ce qui concerne l'industrie pharmaceutique et l'établissement des prix de transfert, a expliqué qu'un codistributeur est quelqu'un qui vend la même substance chimique que l'innovateur, mais sous un nom déposé différent. Les sociétés sans lien de dépendance avaient principalement pour tâche de s'occuper de la commercialisation, de la présentation du produit aux médecins et de la distribution. Comme c'était le cas pour Glaxo Canada, ces sociétés utilisaient des outils de commercialisation fournis par Glaxo World au Royaume‑Uni en vue de faire valoir auprès des médecins les avantages cliniques que comportaient leurs produits à base de ranitidine par rapport au Tagamet.

 

[47]    Glaxo World a utilisé ce qui est connu sous le nom de méthode du prix de revente[11] en vue de fixer le prix de transfert de l'IPA. Glaxo World et ses distributeurs s'étaient entendus pour que les distributeurs conservent une marge brute de 60 p. 100 et ils avaient fixé le prix de la ranitidine en conséquence. Il est possible d'illustrer la chose au moyen d'un exemple fort simple : si le produit à base de ranitidine coûtait dix dollars en Italie, le prix de transfert était de quatre dollars; si le produit à base de ranitidine coûtait vingt dollars en France, le prix de transfert s'élevait à huit dollars. L'avocat de l'appelante a décrit le processus en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

le point de départ aux fins de la détermination du prix pour le distributeur était le prix de détail du produit à base de ranitidine fini;

 

à partir du prix de détail, les parties s'entendaient, à supposer que des conditions précises soient remplies, sur la marge bénéficiaire brute que le distributeur devait conserver (soit environ 60 p. 100);

 

le restant était remis à Glaxo Group sous la forme de prix de transfert, de redevances [ou des deux]. Lorsque le distributeur devait payer à la fois un prix de transfert et des redevances, il était tenu compte tant du prix que de la redevance pour déterminer la marge bénéficiaire brute du distributeur une fois la redevance payée.

 

[48]    Monsieur Fisk a clairement dit que le prix de l'IPA n'était pas lié à ses coûts de fabrication ou aux coûts des produits génériques. Il a expliqué que [TRADUCTION] « c'était le prix de détail qui commandait le prix et, de toute évidence, comme on le sait, les lignes directrices de Glaxo Group pour ce qui est de la question de savoir quelle serait la marge brute appropriée ». Selon M. Hasnain, une marge brute de 60 p. 100 a été choisie parce qu'il avait été conclu que cela donnerait un rendement suffisant aux distributeurs pour leur permettre de commercialiser le médicament d'une façon appropriée.

 

[49]    Selon M. J. Gregory Ballentine, un économiste qui a été reconnu à titre d'expert en matière d'établissement des prix de transfert, cette méthode d'établissement des prix assure l'uniformité des rendements pour des fonctions similaires sur des marchés similaires, même si les prix de détail sont différents d'un pays à l'autre. Toutefois, l'intimée soutient qu'il s'agit d'un processus circulaire, en ce sens que Glaxo World détermine le prix de transfert en se fondant sur son prix de détail cible, et que les autorités en matière d'établissement des prix déterminent le prix de détail ou le prix de remboursement approuvé en se fondant sur le coût de l'IPA.

 

[50]    Les arrangements contractuels variaient d'un pays à l'autre. Dans certains pays, un contrat de licence était conclu avec Glaxo Group; dans d'autres pays, un contrat était conclu avec la filiale locale de Glaxo. Dans la plupart des pays, des biens incorporels, comme le droit d'utiliser une marque de commerce de Glaxo Group et le droit à un soutien sur le plan de la commercialisation, étaient inclus dans le prix d'achat de la ranitidine, et il était renoncé au paiement de la redevance, s'il y en avait une. Au Canada, par contre, une redevance devait être versée à Glaxo Group conformément au contrat de licence. Aux termes de chaque contrat de licence, tous les distributeurs locaux de Glaxo devaient acheter de la ranitidine granulée d'une source approuvée par Glaxo Group et vendre le produit autorisé sous une marque de commerce appartenant à Glaxo Group ou régie par elle. Cela est semblable à l'entente conclue par l'appelante.

 

[51]    Monsieur Ballentine a expliqué que Glaxo concluait les ententes de codistribution pour diverses raisons stratégiques, notamment en vue d'arriver à un prix de détail plus élevé, en vue d'obtenir un enregistrement de produit antérieur et en vue de limiter l'entrée d'autres concurrents sur le marché. Ainsi, en France et en Italie, les ententes de codistribution de Glaxo ont permis à celle‑ci de négocier un prix de remboursement élevé auprès des autorités gouvernementales. En Espagne et au Portugal, l'État limitait le nombre de marques ou de licences pour chaque produit. Le but de Glaxo World était de protéger le marché contre les « pirates » qui achètent de la ranitidine de sources non approuvées en faisant appel aux principaux acteurs à titre de codistributeurs, et en inondant ainsi le marché en vue de limiter les possibilités pour d'autres entreprises d'acheter le produit de sources non approuvées et de soutenir la concurrence.

 

[52]    Les ententes de codistribution conclues avec Menarini, une société italienne, montrent bien pourquoi les ententes de codistribution étaient si importantes pour Glaxo World. En Italie, le premier pays dans lequel le Zantac a été vendu, tous les produits à base de ranitidine étaient remboursés au même prix, fixé par l'État. Cette association avec Menarini découlait notamment de la faible protection accordée aux brevets en Italie, du fait que l'on voulait tirer parti de l'influence que Menarini exerçait auprès des autorités italiennes responsables de la santé lorsqu'il s'agissait de faire approuver rapidement l'enregistrement ainsi que de l'avantage perçu que procurerait l'utilisation d'une société basée en Italie afin d'obtenir un prix de détail plus élevé. Lors du contre‑interrogatoire, M. Fisk a reconnu que l'élément fondamental, lorsqu'il s'agissait de s'assurer que l'État approuve un prix de détail élevé, était le prix élevé de l'IPA pour les distributeurs. Si Menarini avait acheté de la ranitidine à un prix moindre, le prix de détail approuvé pour son produit et pour le produit de Glaxo aurait été moins élevé.

 

[53]    Dans une déclaration de témoin, David John Richard Farrant, le directeur des marchés en développement de Glaxo Group de 1981 à 1988, a expliqué que Glaxo croyait que la société italienne serait probablement davantage en mesure que Glaxo de négocier un prix élevé. En fin de compte, cette stratégie a fonctionné [TRADUCTION] « à merveille » et ils ont obtenu, en Italie, un prix qui était de 44 p. 100 supérieur au prix du Tagamet, soit un prix beaucoup plus élevé que ce qui était prévu. Monsieur Fisk a témoigné qu'il était particulièrement important d'obtenir un prix de détail élevé en Italie parce que c'était la première fois que la stratégie de Glaxo World visant l'obtention d'un prix supérieur au prix du Tagamet était mise à l'essai, et qu'il était important de faire savoir aux autres sociétés d'exploitation que telle était la stratégie. Le prix de détail élevé obtenu en Italie avait un effet sur le prix de détail fixé dans d'autres pays également, étant donné qu'un grand nombre de pays européens fixent leurs prix à l'aide du prix de référence établi au Royaume‑Uni et dans le premier pays où le produit a été lancé.

 

[54]    En plus de l'entente de codistribution en Italie, Glaxo World avait conclu des ententes en France, en Autriche, en Finlande, en Allemagne, en Grèce, en Espagne et au Portugal. Selon l'appelante, les codistributeurs achetaient la ranitidine, au cours des années visées par les appels, au prix de 962,20 $ à 2 641,69 $ le kilogramme.

 

[55]    Au cours des années visées par les appels, il y avait un grand nombre de différences entre le marché canadien et les marchés européens. Contrairement à ce qui se produisait au Canada, Glaxo avait, en Allemagne, en Autriche, en Finlande, en France et en Italie, un monopole qui lui donnait la possibilité d'exiger des prix élevés pour la ranitidine vendue à d'autres parties. Contrairement à ce qui se produisait au Canada, une réglementation des prix basée sur le prix de vente de la ranitidine existait dans ces pays ainsi qu'en Grèce, en Espagne et au Portugal. Au Canada, il y avait des produits génériques sur le marché, alors qu'il n'y en avait pas sur la plupart des marchés européens, et que dans les deux pays où il y en avait (en Grèce et en Espagne), le remboursement pour les produits génériques à base de ranitidine devait se faire au même prix que pour les produits de Glaxo. Sur les marchés européens, on n'encourageait pas l'utilisation de produits génériques au moyen de règles de substitution obligatoire.

 

[56]    En 1993, un représentant de Vitoria, l'un des détenteurs espagnols de licence, a écrit à Adechsa pour demander une réduction du prix de transfert :

 

[TRADUCTION]

 

Comme vous le savez, il y a bien des années que le prix [de la ranitidine] fournie par Adechsa n'a pas été révisé et, à l'heure actuelle, ce prix [...] est près de 12 ou 13 fois plus élevé que les prix courants sur le marché libre [...]

 

Nous vous prions avec instance de nous accorder une forte diminution de prix pour [la ranitidine] afin de nous permettre de soutenir la concurrence sur un pied d'égalité et, par conséquent, d'essayer de changer la tendance à la baisse de la part de marché qui se manifeste depuis quelques années. À cette fin, veuillez tenir compte du rapport entre votre prix [...] et le prix sur le marché libre susmentionné, où les concurrents obtiennent leur matière première.

 

[57]    Lors du contre‑interrogatoire de M. Fisk, l'intimée a établi qu'à partir de 1986, Glaxo World avait vendu de la ranitidine à une société indienne appelée Bio Tech Pharma au prix de 225 $US le kilogramme. En 1992, Glaxo World vendait de la ranitidine à une société hongroise appelée Biogal au prix de 550 $US le kilogramme, et à une société égyptienne au prix de 630 $US le kilogramme. En ce qui concerne le prix en Égypte, M. Fisk a expliqué que certaines matières génériques y étaient en vente et que Glaxo Egypt devait faire concurrence aux produits génériques moins coûteux. Lorsque l'avocate de l'intimée a demandé à M. Ballentine pourquoi Adechsa ne vendait pas de la ranitidine à Glaxo Canada au même prix qu'elle la vendait à la société indienne, celui‑ci a répondu ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Parce qu'elle peut la vendre à Glaxo Canada à un prix supérieur [...]

 

Le prix qui est payé pour la vendre en Inde n'est absolument pas pertinent, parce qu'elle ne la vend pas en Inde. Elle la vend au Canada. Le prix au Canada est différent du prix en Inde, et c'est exactement ce à quoi on s'attend et ce qui est entendu.

 

[58]    Le contre‑interrogatoire de M. Fisk révélait également que les prix mentionnés par l'appelante ne tenaient pas tous compte de diverses réductions et ristournes que Glaxo accordait aux détenteurs de licence sans lien de dépendance, et que le prix de transfert rajusté était souvent bien inférieur. Ainsi, dans le cas de l'Autriche, Glaxo World versait une ristourne promotionnelle dans un compte bancaire de Singapour sans soumettre de documentation aux autorités gouvernementales autrichiennes. La chose avait pour effet de réduire le prix de transfert et aurait entraîné un prix de détail réduit si les autorités gouvernementales avaient été au courant de la chose. Les détenteurs de licence en Italie, au Portugal et en Espagne recevaient tous diverses ristournes promotionnelles, des réductions, des marchandises gratuites et des paiements forfaitaires également. Monsieur Fisk a aussi admis qu'il n'avait pas examiné les livres des détenteurs de licence français, italien et finnois; il se fondait plutôt sur diverses factures et des données obtenues de IMS, une organisation qui recueille des données pharmaceutiques, par exemple sur les prix et les ventes de médicaments particuliers dans divers pays, afin que les sociétés pharmaceutiques puissent s'en servir, principalement pour évaluer la conjoncture du marché. IMS affirme obtenir un degré élevé d'exactitude dans certains pays, mais elle ne garantit pas l'exactitude de ses renseignements, et Glaxo Canada ne confirme pas ou ne conteste pas cette exactitude. IMS ne vérifie pas ses renseignements auprès du fabricant du médicament; elle s'en remet plutôt aux pharmacies ou aux grossistes pour obtenir des renseignements concernant leurs ventes. Les données d'IMS ne comprennent pas les remises offertes aux fabricants ni les réductions, promotions ou marchandises gratuites offertes aux pharmaciens ou aux grossistes, et IMS ne recueille pas toujours de données des hôpitaux.

 

CONVENTION DE L'OCDE ET PRINCIPES

 

[59]    Le paragraphe 69(2) de la Loi est analogue au paragraphe 9(1) du Modèle de Convention de double imposition de l'OCDE concernant le revenu et la fortune. En 1979, l'OCDE a publié des commentaires sur l'analyse de l'établissement des prix de transfert[12]. L'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») se fonde sur les principes de l'OCDE en établissant ses cotisations : Circulaire d'information 87‑2 du 2 février 1987, intitulée Fixation du prix des transferts internationaux et autres transactions internationales. La circulaire d'information 87‑2 a été remplacée le 27 septembre 1999 par la circulaire 87‑2R, intitulée Prix de transfert international. La Cour d'appel fédérale a dit : « On semble s'entendre sur le fait que les Principes de l'OCDE éclairent ou devraient servir à éclairer l'interprétation et l'application du paragraphe 69(2) »[13].

 

[60]    Les Principes de l'OCDE portant sur le paragraphe 9(1) sont fondés sur le principe du prix de pleine concurrence aux fins de la détermination des prix que les entreprises multinationales (les « EMN ») exigeraient pour les biens et les services vendus d'un ressort à un autre. Le principe de pleine concurrence tient compte du fait que les prix demandés par les entreprises indépendantes sont fonction des forces du marché lorsque ces entreprises traitent les unes avec les autres. Les Principes reconnaissent que les transferts entre les EMN ne sont pas forcément le résultat du libre mécanisme du marché, mais qu'ils peuvent plutôt avoir été adoptés par souci de commodité pour les EMN. Par conséquent, les prix fixés par une EMN peuvent être fort différents des prix dont conviennent entre elles des personnes sans lien de dépendance effectuant les mêmes transactions ou des transactions similaires dans les mêmes conditions ou dans des conditions similaires.

 

[61]    Selon les Principes de l'OCDE, les EMN peuvent adopter des prix de transfert pour des raisons autres qu'en vue de réduire au minimum l'impôt à payer, mais indépendamment de la raison, les transferts au sein d'un groupe qui ne sont pas effectués à des prix de pleine concurrence entraîneront probablement la transmission de bénéfices d'un pays à un autre. Les Principes reconnaissent également que dans certaines EMN, les membres sont suffisamment autonomes pour être en mesure de conclure des marchés les uns avec les autres de la même façon que les entités indépendantes.

 

[62]    Les Principes de l'OCDE présentent une hiérarchie de méthodes que l'on peut utiliser pour déterminer le prix de transfert. Il y a trois « méthodes traditionnelles fondées sur les transactions » : la méthode du prix comparable sur le marché libre, la méthode du prix de revient majoré et la méthode du prix de revente. Les Principes de 1995 prévoient deux méthodes additionnelles : la méthode du partage des bénéfices[14] et la méthode transactionnelle de la marge nette, qu'il faut utiliser si aucune des trois autres méthodes n'est appropriée.

 

[63]    Les méthodes sont définies comme suit dans les Principes de l'OCDE :

 

a)         La méthode du prix comparable sur le marché libre (« PCML ») est la méthode la plus directe pour déterminer le prix de pleine concurrence. Le prix de transfert est fixé par référence aux opérations comparables réalisées entre un acheteur et un vendeur qui ne font pas partie du même groupe. Les ventes sur le marché libre peuvent comprendre celles qui sont faites par un membre d'une EMN à une partie non apparentée, les ventes faites à un membre d'un groupe par une partie non apparentée, ainsi que les ventes dans lesquelles les participants n'appartiennent ni l'un ni l'autre au groupe et ne sont pas non plus apparentés (bien qu'ils puissent eux‑mêmes appartenir à d'autres groupes). Les ventes sur le marché libre sont, en bref, celles dans lesquelles l'un au moins des participants à l'opération ne fait pas partie du groupe d'entreprises auquel est apparenté le contribuable; seules seront prises en considération les opérations de bonne foi et non les ventes non représentatives de l'état du marché, par exemple des ventes, faites en quantités limitées, à des prix exceptionnels à un acheteur non apparenté en vue de fixer pour une opération plus importante le prix de pleine concurrence. Les opérations réalisées sur le marché libre doivent être étudiées attentivement pour les comparer aux opérations faites hors marché[15].

 

b)         Pour évaluer le prix de pleine concurrence selon la méthode du prix de revient majoré, on majore d'une marge bénéficiaire appropriée le prix de revient du fournisseur. Les problèmes posés par cette méthode concernent le calcul des coûts et la marge bénéficiaire normale; si elle peut être utile pour vérifier les prix qui peuvent être provisoirement acceptés à la suite de l'application d'autres méthodes, il est probable qu'elle offrira surtout un critère décisif dans des cas particuliers[16]. Cette méthode peut permettre d'évaluer un prix de pleine concurrence lorsque des produits semi‑finis sont vendus [...][17].

 

c)         La méthode du prix de revente (« MPR ») part du prix auquel la marchandise qui a été achetée à un vendeur apparenté est revendue à un acheteur indépendant. Ce prix est ensuite diminué d'une marge appropriée représentant le montant qui permettrait au revendeur de couvrir ses frais et de réaliser un bénéfice. Le reste peut être considéré comme le prix de pleine concurrence de la vente initiale. Cette méthode est probablement particulièrement utile lorsqu'elle est appliquée à des opérations de commercialisation[18].

 

d)         La méthode transactionnelle de la marge nette (« MTMN ») consiste à déterminer, à partir d'une base appropriée (par exemple les coûts, les ventes ou les actifs), la marge bénéficiaire nette que réalise un contribuable au titre d'une transaction contrôlée[19] [...]

 

[64]    Chacune des deux parties a cité un témoin expert chargé d'expliquer l'établissement du prix de transfert et de témoigner au sujet de la méthode qu'il convient d'employer pour établir le prix de transfert entre l'appelante et Adechsa. Monsieur J. Gregory Ballentine a témoigné pour l'appelante. Monsieur Jack Mintz a témoigné pour l'intimée. Les deux experts ont reconnu que la méthode du PCML est la méthode privilégiée à employer pour déterminer les prix de transfert.

 

[65]    Le recours à une autre méthode n'est nécessaire qu'en l'absence de preuve utile au sujet d'une transaction sur un marché de pleine concurrence[20], par exemple lorsqu'aucune transaction comparable n'existe ou lorsque les transactions comportent des différences qui ne peuvent pas être prises en compte. Les autres méthodes sont également utiles en ce sens qu'il est possible de les utiliser pour vérifier si leurs résultats sont conciliables.

 

LA POSITION DES PARTIES

 

[66]    Encore une fois, la question qui se pose dans les présents appels est de savoir si les prix que Glaxo Canada a payés pour obtenir la ranitidine d'Adechsa auraient été raisonnables dans les circonstances si les deux sociétés n'avaient pas eu de lien de dépendance entre elles.

 

[67]    Selon la position prise par l'intimée, les achats de ranitidine effectués par les fabricants de produits génériques auprès de fabricants de ranitidine avec lesquels ils n'ont pas de lien de dépendance sont des transactions comparables. L'intimée soutient que le prix de pleine concurrence que l'appelante aurait payé à Adechsa est identique aux prix payés par Apotex et par Novopharm à leurs fournisseurs. À l'appui de son analyse du PCML, l'intimée se fonde sur la méthode du prix de revient majoré.

 

[68]    La position de l'appelante est qu'il ne convient pas d'utiliser les fabricants de produits génériques à des fins de comparaison, et ce, pour deux raisons : a) l'appelante affirme que les circonstances commerciales réelles auxquelles elle faisait face étaient tout à fait différentes de celles d'Apotex et de Novopharm, de sorte que les transactions ne sont pas comparables au sens du paragraphe 69(2) de la Loi et de la méthode du PCML; b) la ranitidine que l'appelante a achetée d'Adechsa a été fabriquée selon les normes des bonnes pratiques de fabrication de Glaxo World (les « BPF »), elle a été granulée de façon à respecter les normes de Glaxo World et elle a été produite conformément aux normes de Glaxo World en matière d'hygiène, de sécurité et d'environnement (les « HSE »). L'appelante fait valoir que la ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques n'est pas une marchandise comparable parce qu'elle n'est pas fabriquée selon les normes de Glaxo World.

 

[69]    Aux dires de l'appelante, les sociétés indépendantes détentrices de licence en Europe sont celles avec qui la meilleure comparaison peut être faite, parce qu'elles achetaient la même ranitidine dans le même ensemble de circonstances commerciales que l'appelante. L'appelante se fonde sur la méthode du prix de revente (la « MPR ») pour confirmer l'analyse qu'elle fait selon le PCML.

 

ANALYSE

 

[70]    Il y a trois différences fondamentales entre les positions des parties, soit (1) la question de savoir s'il faut considérer ensemble le contrat de fourniture et le contrat de licence pour déterminer un prix de transfert raisonnable; (2) le sens de l'expression « raisonnable dans les circonstances » figurant au paragraphe 69(2) de la Loi; (3) l'effet des différences liées aux normes de BPF et de HSE sur la comparabilité de la ranitidine achetée par l'appelante avec celle que les fabricants de produits génériques achètent.

 

[71]    La méthode du PCML est la méthode privilégiée à utiliser pour établir le prix de transfert de pleine concurrence. Toutefois, avant de procéder à une analyse du PCML, il faut prendre en considération chacune des différences décrites au paragraphe précédent.

 

La pertinence du contrat de licence

 

[72]    Il existe une différence importante dans les approches que les parties ont adoptées pour déterminer le prix de transfert en ce qui concerne la question de savoir si le coût total de la ranitidine pour l'appelante, y compris les redevances, doit être pris en considération ou s'il faut uniquement tenir compte de la transaction conclue par Adechsa et l'appelante pour l'achat de la ranitidine. Selon l'appelante, le contrat de fourniture conclu avec Adechsa et le contrat de licence conclu avec Glaxo Group doivent tous deux être pris en considération. Selon l'intimée, il faut examiner les deux contrats séparément, et la seule transaction pertinente dans les présents appels est le contrat de fourniture conclu avec Adechsa. L'intimée s'est fondée sur l'arrêt Singleton c. Canada[21] à l'appui de la thèse selon laquelle il faut examiner la transaction en question plutôt que les circonstances de l'affaire, d'autres transactions ou d'autres réalités parce que, afin de donner effet aux relations juridiques, il faut considérer les contrats d'une façon indépendante. L'intimée souligne que les deux contrats portaient sur des objets distincts, tous les avantages ou toutes les marchandises étant fournis par le propriétaire respectif, et qu'il n'y avait pas de lien entre le contrat de licence et le contrat de fourniture. Dans certains contrats conclus avec les détenteurs de licence européens, le contrat de fourniture renvoyait au contrat de licence.

 

[73]    L'intimée a également présenté une preuve en vue d'établir que l'appelante avait acquis d'une société sans lien de dépendance un autre IPA, le salbutamol. Le salbutamol est un produit utilisé dans les inhalateurs dont se servent les personnes atteintes d'asthme. Aux termes du contrat de licence conclu avec Glaxo Group, l'appelante versait une redevance à Glaxo Group et recevait tous les avantages incorporels associés au médicament dont il est ci‑dessus fait mention au paragraphe 14. Il existait un contrat de fourniture distinct entre l'appelante et la société sans lien de dépendance pour l'achat de l'IPA. Il n'existait absolument aucun lien entre les deux contrats. L'intimée affirme que cela montre encore une fois que les deux contrats étaient indépendants l'un de l'autre.

 

[74]    L'appelante invoque deux décisions, Koffler Stores Ltd. c. La Reine[22] et GSW Appliances Limited c. M.R.N.[23], à l'appui de son argument. Ces deux décisions ont été rendues avant l'arrêt Singleton, précité, et ni l'une ni l'autre n'est particulièrement pertinente. L'affaire Koffler Stores porte sur la vente de deux pharmacies et sur la cession des baux du vendeur à l'acheteur. La Cour a conclu qu'un contrat était le [TRADUCTION] « contrat originaire » (ou le contrat principal) et que les autres étaient des contrats visant à assurer la mise en oeuvre du contrat originaire et qu'il s'agissait de contrats [TRADUCTION] « accessoires et secondaires ». La Cour a conclu qu'il faut examiner les contrats ensemble pour déterminer la nature des paiements prévus par l'un d'eux. Je n'ai tiré aucune conclusion de fait similaire. Le contrat de licence et le contrat de fourniture peuvent être considérés isolément; ni l'un ni l'autre n'est accessoire à l'autre. Dans l'affaire GSW Appliances, il était question d'une déduction pour inventaire dans un cas où une société particulière avait mis fin à ses activités. Le problème dans cette affaire était qu'il y avait deux contrats par lesquels les stocks étaient censément transférés à la même date, à la société mère de la contribuable dans un cas, et à un tiers dans l'autre cas. La Cour a conclu que les deux contrats étaient contradictoires; elle a appliqué ce qui est appelé la règle de l'inconciliabilité et elle a conclu que si l'on applique la règle de l'inconciliabilité, il convient d'examiner un contrat pour comprendre l'autre. Cependant, en l'espèce, il n'a pas été soutenu qu'il existe une incompatibilité entre le contrat de licence et le contrat de fourniture.

 

[75]    L'avocat de l'appelante a affirmé que les avantages offerts aux termes du contrat de licence que sa cliente avait conclu avec Glaxo Group [TRADUCTION] « [...] [étaient] pertinents lorsqu'il s'agissait de déterminer le prix auquel une personne sans lien de dépendance aurait été prête à acheter la ranitidine d'Adechsa dans les circonstances ». Monsieur Ballentine a formulé la question comme étant de savoir [TRADUCTION] « quel serait le coût de vente des produits à base de ranitidine au Canada » et, ce faisant, il a combiné la redevance payée conformément au contrat de licence et le prix d'achat qui était payé pour obtenir le chlorhydrate de ranitidine d'Adechsa afin d'arriver à un ensemble de marchandises et d'avantages reçus de Glaxo World.

 

[76]    Monsieur Bell a témoigné que ce qui intéressait Glaxo Canada et Glaxo Group, c'était le [TRADUCTION] « prix de transfert net », compte tenu tant du coût de l'IPA que de la redevance. Au cours de son témoignage, il a proposé de [TRADUCTION] « faire abstraction des questions fiscales » et de mettre l'accent sur les bénéfices. Il a témoigné que, dans la mesure où l'innovateur obtient son bénéfice de 40 p. 100, la façon dont le bénéfice est réalisé n'est pas pertinente, et qu'il importe peu que le bénéfice soit obtenu au moyen du prix d'achat et d'une redevance combinés ou au moyen du prix d'achat ou de la redevance séparément. Dans ses conclusions finales, l'avocat de l'appelante a renvoyé au témoignage de M. Bell et a soutenu que la Cour devrait respecter la structure juridique élaborée par Glaxo World.

 

[77]    En soutenant qu'il faut minimiser la question de l'imposition, M. Bell a démontré qu'il comprend mal ce qu'est un examen de l'établissement du prix de transfert. Cet examen vise à permettre de déterminer un prix d'achat raisonnable pour l'IPA et, en fin de compte, à permettre de déterminer la dette fiscale de l'appelante. Au Canada, les paiements de redevance sont assujettis à une retenue d'impôt; le bénéfice reviendra à Glaxo Group et sera imposé au Royaume‑Uni. Le prix d'achat de la ranitidine n'est pas assujetti à une retenue d'impôt, et le bénéfice s'accumule en Suisse, et finalement à Singapour. Affirmer qu'il importe peu à Glaxo Group que ses bénéfices découlent du paiement d'une redevance ou du prix d'achat, c'est sous‑estimer l'importance de la question qui se pose dans les présents appels.

 

[78]    Je souscris à l'avis de l'intimée lorsqu'elle dit que le contrat de fourniture qui a été conclu avec Adechsa et le contrat de licence qui a été conclu avec Glaxo Group se rapportent à des questions distinctes et qu'ils doivent être considérés d'une façon indépendante comme l'exige l'arrêt Singleton[24]. La Cour américaine de l'impôt est arrivée à une conclusion similaire dans une affaire d'établissement du prix de transfert, Bausch & Lomb, Inc. v. Commissioner[25]. Il se peut fort bien qu'un bénéfice global de 40 p. 100 pour Glaxo Group soit raisonnable; toutefois, la question dont je suis saisi est de savoir si le prix d'achat de la ranitidine était raisonnable. On ne peut pas combiner les deux transactions et ne pas tenir compte des traitements fiscaux distincts auxquels elles sont assujetties.

 

EXAMEN DU PARAGRAPHE 69(2)

 

[79]    L'appelante affirme que les circonstances dans lesquelles elle a acquis la ranitidine et les circonstances dans lesquelles les fabricants de produits génériques ont acquis la ranitidine ne sont pas comparables. L'appelante affirme que le prix qu'elle a payé pour obtenir la ranitidine d'Adechsa était « raisonnable dans les circonstances », au sens du paragraphe 69(2) de la Loi. Dans les Principes de l'OCDE, on explique que pour que les prix de marchandises soient comparables, il doit y avoir des marchés comparables et des marchandises comparables, et qu'il faut que les marchandises soient vendues au même point de la chaîne allant du producteur au consommateur. Dans les Principes de 1995, on ajoute que les fonctions des entreprises, les clauses contractuelles et les stratégies des entreprises doivent être comparables.

 

[80]    L'appelante invoque les Principes de 1995 et affirme que ses [TRADUCTION] « circonstances commerciales réelles étaient tout à fait différentes de celles des [...] [fabricants de produits génériques], mais semblables à celles des détenteurs de licence sans lien de dépendance de Glaxo Group dans un certain nombre de pays ». En fait, cet argument est crucial pour ce qui est de l'argumentation de l'appelante, comme on l'a signalé à plusieurs reprises au cours de l'audience. Dans ses observations, l'avocat de l'appelante énumère les conditions ou les circonstances commerciales qui, à son avis, distinguent les transactions de l'appelante de celles des fabricants de produits génériques :

 

[TRADUCTION]

 

a)         Glaxo Canada achetait la ranitidine d'Adechsa en utilisant la MPR, comme le faisaient les détenteurs de licence indépendants. Apotex et Novopharm ne le faisaient pas.

 

b)         Glaxo Canada devait acheter la ranitidine de sources approuvées par Glaxo Group et ne pouvait pas décider d'elle‑même de ses propres sources. Les détenteurs de licence indépendants de Glaxo Group étaient assujettis à des restrictions similaires. Apotex et Novopharm ne l'étaient pas.

 

c)         Glaxo Canada était tenue de mener ses activités conformément aux normes de Glaxo Group. En plus de l'obliger à acheter sa ranitidine de sources approuvées par Glaxo, ces normes exigeaient que le Zantac soit fabriqué selon les normes des bonnes pratiques de fabrication de Glaxo Group, qu'il soit granulé de façon à respecter les normes de Glaxo Group, et qu'il soit produit conformément aux normes d'hygiène, de sécurité et d'environnement de Glaxo Group.

 

d)         Glaxo Canada obtenait de Glaxo Group de l'aide sur le plan de l'approbation réglementaire et de la commercialisation, comme c'était le cas pour les détenteurs de licence indépendants. Apotex et Novopharm n'en obtenaient pas.

 

e)         Glaxo Canada vendait les produits à base de ranitidine de Glaxo Group en utilisant des marques de commerce appartenant à Glaxo Group, comme le faisaient les détenteurs de licence indépendants. Apotex et Novopharm vendaient les produits en utilisant leurs propres marques de commerce.

 

f)          Glaxo Canada commercialisait et présentait ses produits aux médecins en utilisant les outils normaux de l'industrie pharmaceutique, comme le faisaient les détenteurs de licence indépendants. Apotex et Novopharm ne commercialisaient pas et ne présentaient pas leurs produits aux médecins.

 

g)         Glaxo Canada vendait ses produits à base de ranitidine à un prix supérieur à celui du Tagamet, comme le faisaient les détenteurs de licence indépendants. Apotex et Novopharm vendaient leurs produits à base de ranitidine à un prix inférieur à celui du Zantac.

 

h)         En commercialisant et en présentant les produits aux médecins, Glaxo Canada cherchait avant tout à faire valoir les avantages cliniques du Zantac (son produit à base de ranitidine) par rapport au Tagamet (le nom déposé du produit à base de cimétidine). Les détenteurs de licence indépendants cherchaient également à le faire. Par contre, Apotex et Novopharm vendaient des versions génériques de la ranitidine et de la cimétidine. Elles cherchaient avant tout à se faire concurrence pour obtenir de l'espace d'étalage dans les pharmacies.

 

i)          Le fabricant de Glaxo Group qui a été approuvé pour Glaxo Canada au cours de la période visée par les appels, Glaxochem (Pte) Singapore, satisfaisait aux normes de BPF de Glaxo Group, ainsi qu'aux normes relatives à la granulation et à l'environnement. Les fournisseurs de produits génériques d'Apotex et de Novopharm n'y satisfaisaient pas.

 

[81]    L'appelante a également soutenu que la preuve présentée par M. Mintz devrait être rejetée, notamment parce que celui‑ci ne tenait pas compte des circonstances uniques en leur genre découlant du modèle d'entreprise de Glaxo Canada dans son analyse de l'établissement du prix de transfert.

 

[82]    L'intimée prend la position selon laquelle on ne devrait pas se fonder sur les Principes de 1995 étant donné qu'ils ont été publiés après la période visée par les appels, et ce, même si son avocate a cité les Principes de 1995 dans ses observations écrites. L'avocate a également soutenu que les circonstances commerciales différentes ne sont pas des considérations pertinentes dans l'analyse de l'établissement des prix de transfert.

 

[83]    Les Principes de 1995 peuvent m'aider dans l'examen des questions d'établissement des prix de transfert auquel je dois procéder. Aucune des deux parties n'a signalé d'incohérences entre les Principes de 1995 et les principes antérieurs. Les Principes de 1995 sont plus détaillés et donnent un plus grand nombre d'exemples que la version antérieure. La préface du document de 1995 dit que les principes directeurs qu'il comprend « constituent une révision et une compilation de divers rapports précédents [de l'OCDE] traitant de la détermination des prix de transfert [...] Le principal rapport est [les principes de 1979] »[26]. Les Principes de 1979 et de 1995 peuvent tous deux entrer en ligne de compte dans l'analyse du PCML.

 

[84]    Plusieurs exemples de stratégies commerciales pertinentes apparaissent dans les Principes de 1995, notamment : « l'innovation et la mise au point de nouveaux produits, le degré de diversification, l'aversion pour le risque, la prise en compte des facteurs politiques, le rôle de la législation du travail en vigueur et des nouvelles dispositions envisagées dans ce domaine, [...] les autres facteurs qui ont une incidence sur le fonctionnement quotidien des entreprises [...] [et] les stratégies des entreprises [...] sur les modalités de pénétration du marché »[27]. Il s'agit d'exemples dont on voudrait de toute façon tenir compte en l'absence des Principes de 1995.

 

[85]    La circonstance mentionnée ci‑dessus à l'alinéa 80a), à savoir que Glaxo Canada achetait la ranitidine d'Adechsa en utilisant la MPR, n'a rien à voir avec la question de la comparabilité. Personne ne conteste réellement la méthode que Glaxo World a utilisée pour arriver au prix de la ranitidine. Il s'agit de savoir si ce prix était raisonnable.

 

[86]    Plusieurs circonstances énumérées par l'appelante découlent d'obligations contractuelles qui lui incombaient aux termes du contrat de licence conclu avec Glaxo Group en 1988 ou des stratégies de commercialisation et d'établissement des prix de Glaxo World. Ainsi, aux termes du contrat de licence, l'appelante était tenue d'acheter sa ranitidine de sources approuvées par Glaxo et de se conformer aux normes de Glaxo.

 

[87]    L'appelante prend la position selon laquelle seules Adechsa et Glaxochem étaient autorisées à vendre la ranitidine de Glaxo et affirme que si elle voulait vendre le Zantac, elle devait l'acheter d'un de ces fournisseurs. Glaxo Group pouvait vendre le produit à n'importe quel prix, puisque c'était elle qui le fixait. Tel était le témoignage de M. Bell, qui a dit que si l'appelante n'achetait pas la ranitidine au prix de 225 $US comme Glaxo India le faisait, c'était parce que Glaxo Group ne le permettait pas. Monsieur Bell a témoigné que ce qui était rare, c'était le droit de vendre du Zantac, et qu'à cause de cette rareté, Glaxo Group pouvait fixer le prix qu'elle demandait pour sa ranitidine.

 

[88]    L'intimée ne plaide pas que l'appelante aurait dû acheter la ranitidine d'un fournisseur différent. Elle affirme que le prix n'était pas raisonnable. La Couronne se fonde sur les prix auxquels les fabricants de produits génériques obtenaient la ranitidine pour décider si le prix payé par l'appelante était raisonnable.

 

[89]    Si le législateur voulait que l'expression « raisonnable dans les circonstances » figurant au paragraphe 69(2) vise toutes les modalités contractuelles, le paragraphe 69(2) n'aurait aucun objet; toute EMN pourrait alléguer que sa société mère ne l'autoriserait pas à acheter le produit d'un autre fournisseur. Les prix de transfert d'une EMN ne seraient jamais mesurés par rapport à des prix de pleine concurrence, parce que toutes les EMN allégueraient qu'elles peuvent uniquement acheter le produit de sources approuvées par la société mère. La société dominante dans une EMN organiserait ses relations avec ses sociétés liées, et entre ses sociétés liées, de cette manière ou d'une manière similaire. L'appelante était sans aucun doute tenue d'acheter la ranitidine approuvée par Glaxo. Il s'agit de savoir si une personne au Canada qui n'a aucun lien de dépendance avec son fournisseur aurait accepté les conditions qui s'appliquaient à l'appelante et aurait payé le prix que l'appelante payait.

 

[90]    Les circonstances énoncées aux alinéas f), g) et h) du paragraphe 80 se rapportent au fait que le prix du Zantac était supérieur à celui du Tagamet et que l'appelante cherchait à commercialiser le produit en le promouvant aux médecins. Encore une fois, il n'est pas contesté que les stratégies de commercialisation et d'établissement des prix de l'appelante étaient différentes des stratégies adoptées par la plupart, ou même l'ensemble, des fabricants de produits génériques. Toutefois, la question qui se pose se rapporte au prix raisonnable à payer pour l'achat de la ranitidine et non pour l'achat du Zantac. La preuve a établi que c'étaient les efforts de commercialisation de Glaxo Canada et la valeur du nom déposé Zantac qui entraînaient le prix supérieur du Zantac. Selon la preuve présentée par M. Bell et par M. Hasnain, le succès du Zantac reposait en grande partie sur la perception du consommateur. Il n'a pas été prouvé que le prix ou la valeur de l'IPA avait un effet sur le prix du produit fini. De fait, Glaxo World établissait ses prix dans le sens inverse, en commençant par le prix du produit fini et en déterminant le prix de l'IPA à partir de ce qu'elle obtiendrait en fin de compte pour le produit final. Toute différence de stratégie commerciale entre l'appelante et les fabricants de produits génériques était liée au prix de vente ultime du produit fini, et non au prix d'achat de l'IPA.

 

[91]    Enfin, aux alinéas d) et e) du paragraphe 80, l'appelante affirme qu'elle a obtenu de Glaxo Group de l'aide sur le plan de l'approbation réglementaire et de la commercialisation, et qu'elle vendait son produit à base de ranitidine sous des marques de commerce appartenant à Glaxo World. Cela n'est pas pertinent parce que la prestation des biens incorporels est prévue dans le contrat de licence, qu'il faut considérer séparément du contrat de fourniture.

 

[92]    Selon les Principes de 1995, il faut examiner les stratégies commerciales afin de juger de la comparabilité. Toutefois, dans les appels ici en cause, les circonstances et stratégies commerciales qui, selon l'appelante, la distinguent des fabricants de produits génériques n'ont rien à voir avec la question de l'établissement des prix de transfert.

 

LES BONNES PRATIQUES DE FABRICATION

 

[93]    L'effet des BPF de Glaxo est un point qui est en litige. L'appelante affirme que la ranitidine de Glaxo et la ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques ne sont pas comparables parce que les normes de BPF et de HSE sont différentes. L'intimée est d'accord pour dire que les normes de BPF et de HSE sont peut‑être différentes à certains égards, mais elle affirme que ces différences n'ont aucune importance sur le plan de l'innocuité ou de l'efficacité et qu'elles ne devraient donc pas influer sur le prix d'achat de la ranitidine.

 

[94]    Le terme « BPF » se rapporte à la direction et à la gestion de la fabrication et aux épreuves de contrôle de la qualité d'aliments et de produits pharmaceutiques. L'expert de l'appelante, M. William Ment, conseiller principal en matière de conformité réglementaire qui, jusqu'en 1999, était directeur général à l'Agence américaine des aliments et des drogues (Food and Drug Administration, la « FDA ») a décrit les BPF en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

les politiques, les pratiques, les procédures écrites que les sociétés établissent pour s'assurer que le processus de production dans son ensemble, ce qui comprend la fabrication, les essais et la mise en commerce, réduise le plus possible le risque que ce produit comporte – d'être falsifié, de renfermer des impuretés nocives, et ainsi de suite.

 

[95]    De l'avis de Clive Rogers, directeur des achats chez Glaxochem Limited de 1988 à 1994, les BPF :

 

[TRADUCTION]

 

[...] signifient que l'on dirige l'installation d'une façon efficace, avec une bonne administration interne. L'exploitation est assurée par un personnel bien formé. Des dossiers exhaustifs complets sont établis pour la fabrication dans son ensemble, des dossiers complets sur les lots. On procède à une analyse chimique appropriée de toutes les matières qui sont achetées, des matières qui sont utilisées dans le processus. On met de côté les matières rejetées qui ont été achetées et on utilise uniquement les bonnes matières, et l'on peut trouver immédiatement un fabricant, du début à la fin, on sait qui a fait quelque chose, ce qu'il a fait, à quel moment il l'a fait, et s'il s'est conformé à un processus de fabrication enregistré.

 

[96]    Cinq experts en sciences en tout ont été cités; ils ont tous tenté d'utiliser des termes simples dans leurs témoignages, avec plus ou moins de succès. En ce qui concerne ces questions, les faits suivants sont clairs :

 

a)         Au cours des années visées par les appels, le Canada n'effectuait pas d'inspections chez les fabricants d'IPA et il n'avait pas établi d'exigences à l'égard des BPF. La responsabilité de contrôler la qualité des IPA incombait aux fabricants s'occupant de la forme posologique.

 

b)         Le Canada obligeait les fabricants s'occupant de la forme posologique (fabrication secondaire) à fabriquer leurs produits finis conformément aux BPF.

 

c)         La ranitidine générique était chimiquement équivalente et bioéquivalente à la ranitidine de Glaxo et elle était approuvée aux fins de la vente par la DGPS.

 

d)         Glaxo Group avait établi des BPF pour la fabrication primaire des IPA; les fournisseurs de produits génériques n'en avaient pas établi.

 

[97]    L'appelante a soutenu que les normes de Glaxo différaient de celles des fabricants d'IPA génériques en ce sens que Glaxo World exigeait que sa ranitidine (1) soit fabriquée selon les normes de BPF de Glaxo, (2) soit produite conformément aux normes de HSE, et (3) soit granulée de façon à respecter les normes de Glaxo World[28]. Or, les entreprises qui fournissaient le produit aux fabricants de produits génériques ne fabriquaient pas la ranitidine conformément aux normes de Glaxo.

 

[98]    On a posé la question suivante à M. Ment : [TRADUCTION] « Dans quelle mesure est‑il possible d'élaborer des méthodes d'essai permettant de déceler la contamination accidentelle, la contamination croisée ou tout produit chimique susceptible de se trouver dans un lot? » Monsieur Ment a répondu : [TRADUCTION] « Il serait extrêmement difficile, sinon impossible, de le faire à l'aide de la batterie d'essais que les sociétés effectuent normalement aux fins de la mise en commerce des lots. Les méthodes employées ne sont pas destinées à permettre de déceler et d'identifier la contamination accidentelle, si ce n'est dans une mesure fort restreinte[29]. »

 

[99]    Une opinion similaire a été exprimée, lors de l'interrogatoire préalable, par M. Ian Keith Winterborn, le scientifique désigné par l'appelante, qui a également témoigné à l'instruction des présents appels. Voici ce que M. Winterborn a dit : [TRADUCTION] « Il est impossible d'élaborer – eh bien, cela n'est pas impossible, mais il serait fort onéreux d'essayer de concevoir des essais analytiques permettant de déceler et de mesurer tous les contaminants qui peuvent s'introduire au cours de la fabrication, si les conditions dans lesquelles la matière est fabriquée ne sont pas connues et ne sont pas comprises. »

 

[100]  Monsieur Ment a dit que les essais de laboratoire visent à permettre de déceler les contaminants les plus probables (compte tenu du processus utilisé) et les contaminants croisés (compte tenu des autres produits chimiques présents dans une installation à production diversifiée), mais il a affirmé que même avec pareils essais, certains contaminants pourraient néanmoins passer inaperçus[30].

 

[101]  L'avocat de l'appelante n'a pas soutenu que la ranitidine de sa cliente était supérieure à la ranitidine utilisée par les fabricants de produits génériques. Il a soutenu que les BPF de Glaxo étaient meilleures et que cela réduisait le risque de contamination au cours de la fabrication. L'expert de l'intimée, M. Leslie Benet, voyait les choses différemment. Monsieur Benet, qui est professeur de sciences biopharmaceutiques à l'Université de la Californie à San Francisco, a été reconnu à titre d'expert dans le domaine des sciences pharmaceutiques, de la pharmacologie, de la bioéquivalence, de l'équivalence chimique et d'autres aspects scientifiques de questions se rattachant aux médicaments. Il a souligné que la véritable question ne se rapporte pas à la contamination en soi (soit une question de qualité), mais à la contamination nocive (soit une question de sécurité). Ainsi, selon M. Benet, la contamination croisée avec l'aténolol, un bêtabloquant utilisé pour faire baisser la pression artérielle, ne poserait pas de problème parce que celui‑ci a un index thérapeutique fort élevé. D'autre part, la contamination croisée avec de la pénicilline poserait un problème parce que les gens peuvent avoir des réactions allergiques à la pénicilline[31]. Monsieur Benet a témoigné que les différences dans les normes de BPF et de HSE ne sont pas pertinentes. À son avis, les sociétés peuvent établir les normes internes qu'elles veulent, mais les produits pharmaceutiques sont approuvés en fonction des normes réglementaires qui s'appliquent dans chaque pays. Selon M. Benet, il s'agit uniquement de savoir si l'IPA respectait la norme canadienne. L'appelante a admis que la ranitidine générique était bioéquivalente et chimiquement équivalente à la ranitidine de Glaxo. Telle est la norme que la DGPS utilise pour décider de délivrer un avis de conformité pour une présentation de drogue nouvelle. De l'avis de M. Benet, cela suffit pour mettre fin à l'examen.

 

[102]  L'appelante a soutenu que l'ingestion de contaminants nocifs par le consommateur final porterait atteinte à la marque Zantac et à la réputation de Glaxo. Par conséquent, de l'avis de l'appelante, cela incite Glaxo World à faire plus que de simplement satisfaire aux exigences réglementaires fondamentales. Afin de réduire le risque de contamination, il n'était pas déraisonnable pour l'appelante, pour se rassurer et pour rassurer Glaxo World, d'acheter de la ranitidine produite selon de bonnes pratiques de fabrication à un prix légèrement supérieur à celui qui serait payé pour de la ranitidine ne respectant pas les BPF.

 

[103]  La Direction des produits thérapeutiques (la « DPT ») de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada est l'instance canadienne chargée de réglementer les produits pharmaceutiques et les instruments médicaux destinés à être utilisés sur l'homme. Le témoin de l'intimée, M. Sultan Ghani, est devenu directeur du Bureau des sciences pharmaceutiques de la DPT en 2002. Il a été reconnu à titre d'expert en ce qui concerne les bonnes pratiques de fabrication dans l'industrie pharmaceutique en général, le processus d'approbation des médicaments, le contrôle de la qualité et les BPF dans l'industrie pharmaceutique au Canada.

 

[104]  Monsieur Ghani a expliqué qu'au cours des années en cause et jusqu'au moment de son témoignage, les règlements canadiens imposaient la responsabilité de contrôler la qualité de l'ingrédient pharmaceutique actif aux fabricants s'occupant de la forme posologique (la fabrication secondaire), et que Santé Canada estimait elle aussi que cette responsabilité incombait au fabricant secondaire. Toutefois, cette pratique changera bientôt à cause d'efforts internationaux visant à imposer des normes de BPF aux fabricants d'IPA.

 

[105]  Monsieur Ghani a également dit qu'il y avait fort peu de problèmes de BPF associés à la fabrication des IPA, comparativement au nombre de problèmes de BPF associés à la forme posologique ou à la fabrication secondaire, et que c'était la raison pour laquelle Santé Canada ne s'intéressait pas aux fabricants d'IPA. Il a également admis que la contamination croisée pose partout un problème, y compris chez les fabricants d'IPA, si l'on n'effectue pas de nettoyage adéquat et si l'on ne prend pas d'autres précautions. Au cours du réinterrogatoire, M. Ghani a reconnu qu'il y avait des limites aux essais qui étaient faits sur le produit final, et que les BPF réduisent de fait le risque de contamination autant que cela est possible[32].

 

[106]  Au cours des années visées par les appels, la FDA était le seul organisme de réglementation gouvernemental au monde à effectuer des inspections chez les fabricants d'IPA. La FDA a procédé aux inspections d'usage de l'installation de Glaxo, à Singapour, les 17 et 18 avril 1989 ainsi que du 21 au 23 février 1994. Elle n'a constaté que des lacunes mineures et elle a conclu que l'installation se conformait en général aux BPF qui s'appliquaient alors. Il a également été conclu qu'Uquifa[33] était une source [TRADUCTION] « approuvable » de chlorhydrate de ranitidine pour le marché américain au cours de la période en cause, mais pas nécessairement tout au long de la période en cause. C'est ce que montre l'abréviation « AE » (qui signifie « approuvable ») apposée par le Center for Drug Evaluation and Research (le « CDER », le Centre pour l'évaluation des médicaments et la recherche) de la FDA sur les formulaires de rapport de la FDA concernant les inspections des installations d'Uquifa effectuées en 1987, en 1990 et en 1993. Des lacunes ont été décelées au cours de chacune des inspections, mais elles ont toutes été corrigées par la suite.

 

[107]  Il est particulièrement important de noter que, dans le formulaire de rapport de la FDA concernant l'inspection de l'installation d'Uquifa qui a eu lieu le 22 août 1995, on utilisait encore l'abréviation AE du CDER pour indiquer que la source était approuvable, et que la page d'observations connexe, signée le 11 novembre 1995 et le 8 décembre 1995, dit clairement : [TRADUCTION] « SUIVI : Nous recommandons l'approbation des deux demandes. » Par conséquent, même si Uquifa était peut‑être une source « approuvable » de chlorhydrate de ranitidine, il ne s'agissait pas encore d'une source « approuvée » par la FDA.

 

[108]  La différence subtile entre les mots « approuvé » et « approuvable » semble avoir causé des problèmes pour les témoins des deux parties. Les propos suivants ont été échangés lors du contre‑interrogatoire de M. Benet :

 

[TRADUCTION]

 

Q. Avez‑vous vu une approbation, une approbation finale? [En parlant de l'approbation d'Uquifa par la FDA]

 

R. Oui. C'est dans ce document. Passons donc aux pages suivantes.

 

Q. À la date de cette vérification, l'approbation n'avait pas été accordée, n'est‑ce pas?

 

R. L'approbation a été accordée au mois de janvier – lorsqu'ils ont examiné ces données. Pouvons‑nous passer aux pages suivantes?

 

[...]

 

Q. Si vous passez à la page 13, il y est dit : [TRADUCTION] « Aucune réponse n'a été reçue de l'entreprise. Nous recommandons que l'entreprise soit considérée comme une source acceptable. » C'est au mois de février 1991?

 

R. C'est exact.

 

Q. Il s'agit d'une recommandation. Avez‑vous vu l'approbation?

 

R. Oui. Cela figure au bas du document que j'ai à ma disposition, mais vous ne le voyez pas là. Le document que j'ai à ma disposition comporte l'approbation, que nous avons obtenue de la FDA selon la convention.

 

[...]

 

c'était l'approbation du produit par la FDA, et cela est classé – vous pouvez avoir le document qui montre que cela est approuvé, que cela est approuvable.

 

Me RHEAULT :

 

Q. Approuvé ou approuvable?

 

R. Ils utilisent le mot « approuvable ». Regardez, ce document n'indique que le district en cause. Il faut consulter le document à la page suivante, indiquant la mesure qui a été prise, et cela ne figure pas dans ce document. Ce n'est peut‑être pas dans votre document, mais on m'a montré – mon avocat, lorsque j'ai demandé à voir le 505438, a pu me le montrer. Le voici : « Décision du district, AE ». Cela est approuvable.

 

[109]  Monsieur Benet semble avoir confondu les mots « approuvable » et « approuvé ». Lors du contre‑interrogatoire, il a déclaré que la FDA avait approuvé Uquifa en 1990 quant aux BPF, alors qu'en fait, il semble que cela ne soit pas le cas. Je ne sais pas dans quelle mesure cette hypothèse a influé sur la conclusion de M. Benet, à savoir que les BPF de Glaxo n'entraînaient pas de différences, quant à la qualité, l'innocuité ou l'efficacité, entre l'IPA de Glaxo et l'IPA générique.

 

[110]  Monsieur Chris Baker, qui est devenu directeur de la logistique au sein du secteur pharmaceutique de Glaxo vers 1990 ou 1991, semble également avoir confondu les mots « approuvable » et « approuvé ». Lorsqu'il a été interrogé, M. Baker a répondu qu'il savait que la FDA avait approuvé Uquifa, mais que les lacunes énumérées dans les formulaires 483 de la FDA montraient qu'il y avait encore des problèmes en 1995.

 

[111]  Il semble que les ingrédients non actifs dans une forme posologique donnée (pilule, comprimé...) n'ont peut‑être pas été fabriqués selon les BPF. Le scientifique désigné par l'appelante, M. Winterborn, a dit ce qui suit lors de l'interrogatoire principal :

 

[TRADUCTION]

 

Glaxo avait d'autres exigences en plus de simplement procéder à un essai sur un échantillon par rapport à une spécification. L'une des exigences principales était que tous les ingrédients actifs [c'est‑à‑dire les ingrédients pharmaceutiques actifs ou les IPA] devaient être fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication.

 

J'en déduis que Glaxo n'exigeait pas que ses ingrédients non actifs soient fabriqués selon les BPF[34].

 

[112]  En outre, l'expert de l'intimée, M. Ghani, a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[...] récemment, il y a eu des discussions au sujet de l'application de BPF aux excipients [la « colle » qui tient le comprimé ensemble], ce qui veut dire les ingrédients pharmaceutiques non actifs, parce qu'ils croient que pour [la] plupart des comprimés ou des capsules, la quantité d'excipient est plus élevée. Il y a un comprimé de 25 milligrammes, il y a un ingrédient actif de 25 milligrammes, mais on peut [y] ajouter un peu plus d'un gramme [d'ingrédients] non actifs. Il y a des organisations, maintenant, qui ont élaboré des normes de qualité pour les excipients, conformément aux BPF, mais je suis certain que d'ici quelques années, cela deviendra une question à laquelle les organismes de réglementation s'intéresseront [...]

 

[113]  Je retiens le témoignage de M. Ghani, lorsqu'il déclare que les normes de BPF applicables aux excipients sont un phénomène relativement nouveau. Cela étant, il n'est peut‑être pas surprenant que l'appelante n'ait pas de BPF pour les excipients; néanmoins, on peut se demander pourquoi l'appelante chercherait tant à éviter que des contaminants s'introduisent dans le produit final au moyen d'IPA non conformes aux BPF, alors qu'elle veut bien accepter le risque que des contaminants s'introduisent dans le produit final au moyen d'excipients non conformes aux BPF.

 

[114]  En ce qui concerne les normes de HSE, l'appelante a également soutenu que la ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques n'était pas fabriquée dans des installations spécialisées (c'est‑à‑dire dans des installations ne fabriquant qu'un seul produit), et que dans les installations à production diversifiée, le risque de contamination croisée était plus élevé. Cet argument est intéressant en ce sens que Glaxo fabriquait du chlorhydrate de ranitidine dans deux installations, à Singapour (une installation ne fabriquant qu'un seul produit) et à Montrose, au Royaume‑Uni (une installation à production diversifiée). L'appelante n'a jamais soutenu que l'IPA fabriqué à Singapour était supérieur à l'IPA fabriqué à Montrose. De fait, M. Chris Baker a décrit les politiques et procédures de production primaire de Glaxo Group comme étant des normes internes visant à faire en sorte que la sûreté et la sécurité des processus et produits de Glaxo soient maintenues d'une façon uniforme partout au monde. L'uniformité, a‑t‑il dit, [TRADUCTION] « s'entend de la façon dont la fabrication est effectuée et, par conséquent, s'il y a fabrication, il faut qu'elle soit effectuée de la même façon, selon le même processus, dans les mêmes emplacements, partout au monde. [...] En effet, s'il y a des différences d'un marché à l'autre, le patient pourrait obtenir une qualité de produit différente. » Par conséquent, en ce qui concerne l'appelante, un IPA qui provient d'une installation à production diversifiée de Glaxo n'est pas différent d'un IPA fabriqué dans une installation spécialisée; les normes de Glaxo sont les mêmes. Il n'existait aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation de l'appelante selon laquelle une installation à production diversifiée d'un fournisseur de produits génériques, par sa nature même, est inférieure à une installation spécialisée.

 

[115]  Monsieur Tomas Barrera a été reconnu pour témoigner pour le compte de l'appelante au sujet de la question de savoir si Uquifa satisfaisait aux normes réglementaires espagnoles en matière d'environnement en ce qui concerne l'évacuation des eaux usées, les déchets dangereux et les émissions dans l'atmosphère au cours des années en cause. Il a également été reconnu lorsqu'il s'est agi de présenter un témoignage d'opinion au sujet de la question de savoir si Uquifa satisfaisait aux normes d'évacuation des eaux usées de Glaxo au cours de la même période, mais il n'a pas été reconnu pour parler de questions de commercialisation.

 

[116]  J'accorde peu de poids, pour ne pas dire aucun, au témoignage de M. Barrera, et ce, pour les raisons suivantes :

 

a)       Il a utilisé des renseignements obtenus des autorités réglementaires espagnoles en vue d'évaluer Uquifa, mais il s'est fondé sur des renseignements fournis par Glaxo pour évaluer l'emplacement de Singapour. (Le dossier de Glaxo en matière d'environnement, en Espagne, n'est absolument pas pertinent, parce que les IPA n'étaient pas produits dans ce pays.)

 

b)      Il a admis que les usines d'Uquifa et de Singapour transgressaient, toutes les deux, les limites applicables aux eaux usées avec la permission des autorités réglementaires respectives.

 

c)       Il a admis qu'il ne savait pas si l'exemption accordée à Uquifa de 1988 à 1990 en ce qui concerne les limites applicables aux eaux usées avait été prolongée.

 

[117]  Les différences qui pourraient exister entre Uquifa et Singapour pour ce qui est du respect des normes environnementales ne sont pas importantes pour les besoins des présents appels. Monsieur Chris Baker a dit que [TRADUCTION] « la politique normale chez Glaxo était de conserver des stocks passablement importants d'IPA, parce que le coût du maintien des stocks est relativement peu élevé [comparativement] aux conséquences si l'on n'est pas en mesure d'approvisionner le marché ». La chose aurait apaisé toute préoccupation relative à la sécurité de l'approvisionnement que l'appelante aurait pu entretenir au sujet de l'achat d'IPA d'Uquifa, surtout puisqu'il y avait plusieurs fournisseurs possibles. Et puisque Apotex et Novopharm achetaient également le produit d'Uquifa, aucune des sociétés n'aurait pu bénéficier d'un avantage concurrentiel si des problèmes environnementaux étaient apparus dans l'installation d'Uquifa.

 

[118]  L'avocat de l'appelante a soutenu que le fait que Glaxo se conformait aux BPF voulait dire que sa ranitidine n'était pas comparable à celle que les fabricants de produits génériques utilisaient. Je n'accepte pas cet argument. Les normes de Glaxo en ce qui concerne les BPF et les HSE ne changent pas la nature de la marchandise. Comme M. Winterborn l'a dit : [TRADUCTION] « De la ranitidine, c'est de la ranitidine. » Bernard Sherman, président d'Apotex, a affirmé avec insistance que la molécule de ranitidine de Glaxo et la molécule de ranitidine générique sont identiques. L'appelante a admis que la ranitidine générique était chimiquement équivalente et bioéquivalente comme l'exigeait la DGPS. Par conséquent, si ce n'était du contrat de licence et des normes que Glaxo World elle‑même s'imposait, l'appelante aurait pu acheter la ranitidine des fournisseurs de produits génériques, elle aurait pu l'emballer en tant que Zantac et elle aurait pu la vendre au même prix que celui auquel elle vendait le Zantac qui contenait de la ranitidine fabriquée par Glaxo. Toutefois, j'accepte l'argument voulant que les BPF puissent conférer un certain degré d'assurance en ce qui concerne le fait que la marchandise renferme fort peu d'impuretés et qu'elle est fabriquée d'une façon responsable. À vrai dire, cela a une certaine valeur, mais cela n'influe pas sur sa comparabilité avec la ranitidine utilisée par les fabricants de produits génériques.

 

LA MÉTHODE DU PRIX COMPARABLE SUR LE MARCHÉ LIBRE (LE « PCML »)

 

[119]  Les Principes de l'OCDE de 1979 et de 1995 appliquent les critères suivants aux fins de l'analyse selon la méthode du PCML : des marchés comparables, des marchandises comparables, des stades comparables du marché, des fonctions comparables assurées par les parties, des clauses contractuelles comparables et des stratégies commerciales comparables[35]. J'examinerai chaque critère.

 

I. Marchés comparables

 

[120]  Dans les Principes de l'OCDE, on explique que des marchés géographiquement différents sont différents, de sorte qu'il est rarement possible de déterminer directement un prix de pleine concurrence dans un pays en se référant aux prix pratiqués sur le marché dans un autre pays. Par conséquent, des marchés géographiquement différents ne peuvent être comparés d'une façon satisfaisante que si les conditions économiques sont identiques, ou si les différences qu'elles comportent peuvent être facilement éliminées[36]. Les Principes de 1995 renferment des précisions sur ce point en indiquant plusieurs autres circonstances qui peuvent être pertinentes pour déterminer la comparabilité des marchés, notamment la dimension des marchés, le degré de concurrence sur les marchés et la position concurrentielle relative des acheteurs et des vendeurs, l'existence de biens et de services de substitution, ainsi que la nature et la portée des réglementations publiques applicables au marché[37].

 

[121]  Les fabricants de produits génériques et l'appelante exploitaient sans aucun doute leur entreprise sur le même marché géographique. Dans les deux cas, les produits à base de ranitidine étaient vendus partout au Canada tout au long de la période visée par les appels. De même, les fabricants de produits génériques et l'appelante exploitaient leur entreprise sur le même marché, compte tenu des circonstances additionnelles énoncées dans les Principes de 1995. Les trois sociétés s'occupaient de la vente de produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Les trois sociétés étaient comparables quant à la taille, elles étaient régies par les mêmes réglementations publiques et elles se faisaient concurrence et faisaient concurrence à d'autres médicaments contre les ulcères en ce qui concerne la part de marché.

 

[122]  Dans son rapport, M. Ballentine a conclu qu'il y avait au moins deux marchés pour la ranitidine au Canada : le marché des produits pharmaceutiques de marque et le marché des produits pharmaceutiques génériques. Il a fondé cette conclusion sur le fait que l'appelante et les fabricants de produits génériques vendaient leurs produits finis à base de ranitidine à des prix différents. Il a également fait remarquer que les stratégies de commercialisation, les circonstances économiques et les stratégies commerciales des fabricants de produits génériques étaient différentes de celles de l'appelante. Pendant toute la durée de l'audience, les témoins de l'appelante ont maintenu que l'appelante ne considérait pas les fabricants de produits génériques comme des concurrents. À leur avis, le Tagamet et d'autres médicaments de marque contre les ulcères lui faisaient concurrence.

 

[123]  L'expert de l'intimée dans le domaine de la commercialisation des produits pharmaceutiques, M. Charles King III, a répondu à l'argument de M. Ballentine dans le rapport d'expert qu'il a soumis en contre‑preuve. Monsieur King a conclu qu'il n'y a qu'un seul marché pour la ranitidine au Canada. Il a expliqué que les économistes définissent les marchés en se fondant sur l'analyse de la substitution, et que les produits n'ont pas à être identiques afin d'être des substituts. Dans son témoignage, M. King a donné l'exemple du beurre et de la margarine, qui ne sont pas des marchandises identiques, mais qui se vendent sur le même marché. Il a fait remarquer que la ranitidine générique est un substitut du Zantac, et que le marché du Zantac n'est pas indépendant du marché de la ranitidine générique. Après que la ranitidine générique a été lancée à un prix inférieur à celui du Zantac, un grand nombre de consommateurs ont adopté le produit générique plutôt que le Zantac. Le fait que Glaxo Canada n'a pas baissé le prix du Zantac ne veut pas dire que les fabricants de produits génériques n'étaient pas des concurrents sur le même marché.

 

[124]  À l'instruction, M. Ballentine a fait remarquer ceci : [TRADUCTION] « Le fait que j'ai employé le mot « marchés » a suscité une certaine controverse. Le choix du terme utilisé m'importe peu. Dans mon analyse, j'emploierai ce terme; il y a deux segments pour le marché des comprimés de ranitidine au Canada. » À l'audience, M. King a reconnu qu'il était acceptable de dire qu'il y a deux segments dans lesquels les prix sont différents, dans la mesure où il était bien compris que les deux segments se faisaient concurrence sur un seul marché économique.

 

[125]  Je ne doute aucunement que les fabricants de produits génériques et l'appelante se faisaient concurrence sur le même marché économique. L'appelante elle‑même a reconnu qu'elle perdait une part du marché au profit des fabricants de produits génériques et qu'elle avait élaboré une stratégie de commercialisation précisément en vue de faire front à ces derniers. Le fait que l'appelante et les fabricants de produits génériques demandaient des prix différents pour leurs produits à base de ranitidine respectifs n'a aucune importance à cet égard.

 

II. Marchandises comparables

 

[126]  Pour être comparables, les marchandises devraient être aussi semblables que possible, du point de vue physique, mais si les différences sont importantes, la comparaison reste encore possible tant que l'on peut, par des rajustements appropriés des prix du marché libre, tenir compte de ces différences. Les Principes de l'OCDE indiquent que, même dans le cas de produits apparemment homogènes comme l'acier, les différences de qualité constituent un élément déterminant du prix dont il convient de tenir compte. Néanmoins, il est juste en général de dire que moins les marchandises sont homogènes, moins il sera facile de trouver des prix comparables sur le marché libre[38].

 

[127]  L'appelante a soutenu que la ranitidine qu'elle achète d'Adechsa n'était pas comparable à la ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques parce que la ranitidine qu'elle achète était fabriquée selon les normes de BPF de Glaxo World, qu'elle était granulée de façon à respecter les normes de Glaxo World et qu'elle était produite conformément aux normes de HSE de Glaxo World, alors que la ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques ne l'était pas. J'ai antérieurement conclu que les normes de BPF et de HSE de Glaxo World ne changent pas la nature de la ranitidine. S'il y a une différence, celle‑ci ne réside que dans la réduction possible des contaminants; il n'y a pas de différence au point de vue de la substance.

 

III. Stades comparables du marché

 

[128]  Pour que des prix soient facilement comparables, il faut comparer des marchandises vendues au même point de la chaîne qui va du producteur au consommateur, ou pouvoir chiffrer aisément les stades différents de la chaîne. L'appelante et les fabricants de produits génériques achetaient la ranitidine de grossistes. Les parties ont reconnu que ce facteur est comparable.

 

IV. L'analyse fonctionnelle

 

[129]  Les Principes de 1995 disent qu'il faut comparer les fonctions exercées par les parties afin d'identifier et de comparer les activités et responsabilités significatives sur le plan économique qui sont exercées par les entreprises associées et par les entreprises indépendantes[39]. Les fonctions énumérées comprennent entre autres la conception, la fabrication, la publicité, la commercialisation et la distribution. Il faut également tenir compte des risques assumés par les parties respectives, et effectuer des rajustements pour toute différence tangible.

 

[130]  L'appelante et les fabricants de produits génériques accomplissaient des fonctions similaires, à savoir la fabrication secondaire, les ventes et la distribution, ainsi que des travaux de recherche et de développement. Les trois sociétés étaient dotées de divisions des affaires réglementaires chargées de faire approuver leurs médicaments respectifs par la DGPS. Dans les trois cas, les acheteurs ultimes de leurs médicaments sont des consommateurs canadiens. Plus précisément, en ce qui concerne la ranitidine, l'appelante et les fabricants de produits génériques accomplissaient tous des fonctions fort similaires lorsqu'il s'agissait d'acheter de la ranitidine en vrac des fabricants primaires, de se livrer à la fabrication secondaire au Canada et d'entreprendre des activités de commercialisation et de distribution. Le fait que les fabricants de produits génériques avaient adopté une stratégie différente pour commercialiser leurs produits ne veut pas dire que leurs fonctions étaient différentes de celles de l'appelante.

 

V. Clauses contractuelles comparables

 

[131]  Les contrats conclus par les fabricants de produits génériques et leurs fournisseurs n'ont pas été produits en preuve. Monsieur Sherman a témoigné que le contrat qu'Apotex avait conclu avec ses fournisseurs se rapportait uniquement à la ranitidine, qu'il ne comprenait pas d'aide à la commercialisation ou à la fabrication secondaire et qu'il ne comprenait pas non plus de clause d'exclusivité ou de disposition portant sur le droit d'acheter des médicaments futurs. Rien ne montre que le contrat de fourniture que l'appelante a conclu avec Adechsa ait été différent des contrats que les fabricants de produits génériques concluaient avec leurs fournisseurs; le contrat se rapportait simplement à l'achat‑vente de la ranitidine.

 

VI. Les détenteurs de licence européens peuvent‑ils être utilisés à des fins de comparaison pour les besoins de la méthode du PCML?

 

[132]  L'appelante se fonde sur le témoignage et sur le rapport d'expert de M. Ballentine à l'appui de l'argument selon lequel les prix que les détenteurs de licence européens de Glaxo payaient peuvent être utilisés à des fins de comparaison. Elle affirme que les détenteurs de licence européens étaient semblables à Glaxo Canada, en ce sens qu'ils vendaient des produits à base de ranitidine sur les marchés locaux aux termes de licences accordées par Glaxo World compte tenu du prix supérieur par rapport au Tagamet. Les détenteurs de licence étaient assujettis aux mêmes types de restrictions que Glaxo Canada, y compris les restrictions relatives à l'utilisation de la marque de commerce appartenant à Glaxo Group ou régie par elle et l'obligation d'acheter la ranitidine d'une source approuvée par Glaxo.

 

[133]  L'intimée ne souscrit pas aux arguments de l'appelante; elle affirme qu'on ne saurait utiliser les détenteurs de licence européens à des fins de comparaison, et ce, pour les six raisons suivantes. Premièrement, les arrangements commerciaux de Glaxo World découlent précisément du fait qu'il n'était pas possible de comparer les prix entre les marchés. Deuxièmement, il n'est pas possible d'effectuer des rajustements pour compenser les différences entre les différents marchés. Troisièmement, les transactions avec les détenteurs de licence étrangers diffèrent des transactions conclues par Glaxo Canada et Adechsa sur des points importants qui ne peuvent pas être chiffrés (bien incorporels, fonctions différentes). Quatrièmement, les prix d'achat des détenteurs de licence ont été déterminés par suite de négociations menées au sujet de la marge bénéficiaire brute et non du prix. Cinquièmement, Glaxo Canada n'a pas établi quel était le prix de transfert pour les détenteurs de licence européens. Enfin, Glaxo Canada omet de tenir compte d'autres éléments de comparaison possibles, et ce, sans raison valable.

 

[134]  Je n'ai pas l'intention d'examiner chacun des arguments de l'intimée. Qu'il suffise de dire que je suis d'accord avec l'intimée lorsqu'elle affirme que les détenteurs de licence européens ne peuvent pas être utilisés à des fins de comparaison. Les marchés européens et les transactions européennes étaient fort différents du marché canadien et des transactions canadiennes, et il n'est pas possible de compenser ces différences. Selon la preuve, en commercialisant et en vendant un produit, on tient compte du fait que chaque pays est différent et que même certaines régions d'un même pays peuvent être différentes. Je rejette également l'argument de l'appelante parce qu'elle n'a pas établi d'une façon satisfaisante le prix de transfert applicable aux détenteurs de licence européens, et qu'elle n'a pas tenu compte d'autres entités qu'on aurait pu utiliser aux fins de comparaison et pour lesquelles les prix de transfert étaient moins élevés.

 

VII. Les circonstances économiques non comparables

 

[135]  Dans les Principes de l'OCDE, une mise en garde est faite à l'encontre de l'utilisation d'éléments de référence dans différents ressorts :

 

[...] La libération progressive des échanges internationaux, enregistrée au cours des dernières décennies, a certainement facilité l'accès à des marchés nouveaux, mais elle n'a pas entraîné, même dans les pays où cette libération est la plus étendue, la constitution d'un marché unique où les opérations se feraient toujours et partout aux mêmes conditions. C'est dans un très petit nombre de cas seulement que l'on peut déterminer directement le prix de pleine concurrence dans un pays, en se référant aux prix pratiqués sur le marché dans un autre pays. Par conséquent, des marchés géographiquement différents ne peuvent être comparés d'une manière satisfaisante que si les conditions économiques sont identiques, ou si les différences qu'elles comportent peuvent être facilement éliminées. La diversité des structures économiques et sociales, des situations géographiques et des habitudes des consommateurs, peut rendre l'offre et la demande très différentes d'un pays à l'autre pour une même marchandise. En pratique, les prix du marché varient d'un pays à l'autre, ou même à l'intérieur d'un pays; de plus, les mesures, différentes selon les pays, prises en de nombreux domaines (par exemple valeur de la monnaie, fiscalité, politique de la concurrence, contrôle des prix ou des changes, ampleur et efficacité du marché et degré de concentration) sont susceptibles d'agir sur le niveau des prix. D'un autre côté, l'entreprise qui jouit d'un monopole ou d'une autre position dominante sur le marché peut appliquer, et souvent appliquera, des prix uniformes à tous ses clients non apparentés ou à tous ceux qui relèvent de secteurs particuliers, ou bien encore elle pratiquera des prix uniformes ajustés seulement en fonction de certains facteurs identifiables tels que les droits de douane[40].

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[136]  Au cours des années visées par les appels, il y avait des différences importantes entre les marchés canadiens et les marchés européens comme il en est fait mention au paragraphe 55 des présents motifs. Monsieur Ballentine a tenté d'effectuer certains rajustements pour tenir compte des différences entre les prix de vente en apportant certaines modifications au prix de transfert des détenteurs de licence. Il a déclaré que le but des rajustements était le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

[pour prendre en compte] les effets de l'octroi obligatoire de licences au Canada, et peut‑être l'établissement de prix de référence en France, et le mécanisme d'établissement des prix qui s'appliquait en Espagne. À mon avis, le processus législatif, réglementaire ou administratif qui est utilisé pour influer sur les prix des comprimés importe peu. Ces facteurs ont peut‑être un effet important sur le prix des comprimés [...] c'est ce que montre [le tableau 7]. Je tiens compte des diverses différences qui ont un effet important sur les prix des comprimés pour ce qui est de leur influence sur la ranitidine en procédant à ce rajustement.

 

[137]  Monsieur Mintz a déclaré qu'il était très difficile d'effectuer des rajustements et qu'il n'était généralement pas possible de tenir compte des différences entre les marchés; de plus, M. Mintz ne comprenait pas la logique sur laquelle les rajustements effectués par M. Ballentine étaient fondés. Monsieur Ballentine n'a pas effectué de rajustement pour tenir compte des monopoles existant en Europe, par opposition à la concurrence existant entre les entreprises qui vendaient leur produit au Canada, ou à la concurrence, quant au prix, entre les vendeurs canadiens de ranitidine.

 

VIII. Les clauses contractuelles ne sont pas comparables

 

[138]  Les transactions conclues par Glaxo Canada et Adechsa se rapportaient à un kilogramme de ranitidine, et aucun bien incorporel n'était inclus dans le prix d'achat. Les transactions conclues avec les détenteurs de licence européens entre 1990 et 1993 incluaient généralement la ranitidine et divers biens incorporels moyennant une seule contrepartie, de sorte que la transaction conclue par Glaxo Canada est fondamentalement différente des transactions qui s'appliquaient aux détenteurs de licence européens et qu'on ne saurait faire une comparaison entre les deux. Les politiques relatives à l'établissement du prix de transfert étaient également différentes en ce qui concerne Glaxo Canada et les distributeurs européens. Des incitations spéciales, comme des marchandises promotionnelles, étaient offertes aux distributeurs européens, contrairement à ce qui était le cas pour Glaxo Canada.

 

[139]  Monsieur Ballentine a tenté d'effectuer un rajustement à l'égard des différences existant entre les contrats en reformulant la question comme étant celle de savoir ce que Glaxo Canada était tenue de payer pour vendre le Zantac au Canada. Ce faisant, il a regroupé le paiement de redevances que l'appelante effectuait en faveur de Glaxo Group et le prix de transfert qu'elle payait à Adechsa, ce qui lui a permis de tenter de comparer les deux transactions que les détenteurs de licence européens avaient effectuées avec Glaxo Canada. Encore une fois, la question qui se pose dans les présents appels n'est pas de savoir ce qu'est un prix raisonnable que Glaxo Canada devrait payer pour vendre le Zantac au Canada, mais ce qu'est un prix raisonnable que Glaxo Canada devrait payer pour obtenir un kilogramme de ranitidine. L'analyse du PCML de M. Ballentine ne traite pas de cette dernière question.

 

IX. Autres différences : analyse fonctionnelle

 

[140]  En outre, si l'on accepte la façon dont M. Ballentine a formulé la question, à savoir qu'il ne s'agissait pas simplement de déterminer un prix de transfert raisonnable pour un kilogramme de ranitidine, il faudrait tenir compte de toutes les fonctions que Glaxo Canada doit assumer pour le compte de la société mère – y compris les travaux de recherche et de développement, l'enregistrement de documents auprès des autorités sanitaires locales, la fabrication secondaire pour des personnes sans lien de dépendance (Kenral), les activités financières et l'aide à l'égard des stratégies de commercialisation – et chercher des entreprises comparables dont les fonctions sont similaires. Comme M. Mintz l'a indiqué, M. Ballentine s'est montré sélectif en choisissant ce qu'il fallait grouper et ce dont il ne fallait pas tenir compte. Aucun des détenteurs de licence européens ne se livrait aux activités susmentionnées, de sorte qu'on ne saurait les utiliser à des fins de comparaison. Certains détenteurs de licence européens, notamment en Espagne, en France et au Portugal, couraient beaucoup moins de risques que Glaxo Canada. Les détenteurs de licence de ces pays étaient certains d'obtenir une marge bénéficiaire brute d'environ 60 p. 100. Glaxo Canada n'avait pas de garanties similaires de réaliser des bénéfices. Il s'agit également de quelque chose qui nécessiterait un rajustement, si possible.

 

[141]  Un meilleur exemple d'un PCML pour la ranitidine de Glaxo se rapporte à la vente qu'Adechsa a conclue avec Biotech Pharma en Inde. Biotech Pharma était une société sans lien de dépendance qui avait uniquement acquis la ranitidine pour la revendre ensuite à une société liée à Glaxo. Il n'y avait pas de biens incorporels associés à la ranitidine, de sorte qu'il s'agit d'un point de référence presque parfait en ce qui concerne les transactions conclues avec l'appelante. En 1986, le prix de vente était de 225 $US le kilogramme. Un autre exemple que M. Ballentine n'a pas pris en considération était la vente conclue en 1992 en faveur de Glaxo Egypt, qui appartenait alors à une partie sans lien de dépendance, au prix de 630 $US. Il a été dit que Glaxo Group avait vendu la ranitidine à Glaxo Egypt à ce prix parce qu'il fallait faire concurrence à la ranitidine générique. Les circonstances dans ces pays ressemblaient davantage à la situation dans laquelle se trouvait Glaxo Canada.

 

[142]  Même si l'on accepte la prétention de l'appelante selon laquelle les codistributeurs européens sont ceux qui se prêtent le mieux à une comparaison, l'appelante ne m'a pas convaincu du prix de transfert qu'ils payaient. Comme je l'ai déjà dit dans les présents motifs, l'appelante n'a pas révélé quelles étaient les diverses remises promotionnelles que Glaxo World accordait aux détenteurs de licence sans lien de dépendance. Ces paiements réduisaient en fait le prix de transfert. En l'absence de documents complets provenant des détenteurs de licence, il n'est pas possible d'estimer avec exactitude le prix de transfert net.

 

X. La transaction conclue avec Kenral peut‑elle être utilisée aux fins d'une comparaison à l'aide de la méthode du PCML?

 

[143]  Monsieur Ballentine a reconnu que la transaction conclue avec Kenral ne constituait pas un bon point de référence, quoique pour des raisons différentes de celles que l'intimée a invoquées. Kenral se livrait à la concurrence sur le même marché géographique que l'appelante et, comme l'appelante, elle utilisait la ranitidine approuvée par Glaxo dans ses comprimés. Toutefois, les transactions différaient énormément en ce qui concerne les fonctions, les risques et les clauses contractuelles. Kenral achetait de Glaxo Canada des emballages prêts à être utilisés de comprimés de ranitidine. Kenral se voyait garantir un bénéfice brut de 25 p. 100 et, par conséquent, elle assumait peu de risques, contrairement à l'appelante, qui supportait tous les coûts et risques associés à l'approbation du produit par la DGPS, à la fabrication secondaire, aux travaux de recherche et de développement consécutifs au lancement et à la commercialisation. Enfin, Kenral recevait des biens incorporels et d'autres avantages en échange du prix d'achat : la capacité d'avoir accès aux documents d'enregistrement de Glaxo Canada auprès de la DGPS, ce qui lui permettait de ne pas avoir à préparer ses propres documents, la fabrication secondaire, et l'aide à la commercialisation, y compris des marchandises gratuites. De plus, Glaxo Canada versait la redevance de 6 p. 100 à Glaxo Group à l'égard des ventes de ranitidine à Kenral. Il n'existe aucun élément de preuve établissant ce que Kenral aurait payé pour obtenir uniquement un kilogramme de ranitidine en l'absence des biens incorporels et des autres avantages.

 

[144]  L'appelante a soutenu que s'il n'y avait pas de cas comparable selon la méthode du PCML, il faudrait avoir recours à la méthode du prix de revente en utilisant les détenteurs de licence européens à des fins de comparaison. L'appelante s'est fondée sur la méthode transactionnelle de la marge nette (la « MTMN ») et l'intimée s'est fondée sur la méthode du prix de revient majoré pour confirmer le caractère raisonnable de leurs méthodes respectives. Toutefois, les parties reconnaissent que la méthode du prix de revient majoré et la méthode du prix de revente sont des méthodes secondaires à n'employer que si la méthode du PCML ne convient pas, et que la MTMN offre une autre solution de rechange lorsque la méthode du prix de revient majoré et la MPR ne conviennent pas.

 

XI. La méthode du prix de revente

 

[145]  Selon la MPR, on compare les marges brutes, que l'on calcule en soustrayant le coût des marchandises vendues des ventes nettes et en divisant le résultat par les ventes nettes. La MPR est surtout fiable lorsqu'elle mesure le rendement d'une seule fonction, lorsqu'elle se rapporte à un seul produit particulier et lorsque les fonctions des sociétés que l'on compare et les risques qu'elles assument sont fort semblables. Dans les Principes de l'OCDE, il est dit que la MPR est particulièrement utile lorsqu'elle est appliquée à des opérations de commercialisation. Comme dans le cas de la méthode du PCML, il est difficile de comparer des transactions survenues dans différents emplacements géographiques à l'aide de la MPR. Monsieur Mintz a expliqué que cela est parce que les dépenses inférieures au seuil de la marge bénéficiaire brute varieront énormément d'un emplacement géographique à l'autre. Monsieur Mintz a mentionné comme exemples les impôts et les frais de commercialisation. Un détenteur de licence dans un pays où les frais de commercialisation ou les impôts sont peu élevés peut être prêt à accepter une marge bénéficiaire brute inférieure à celle qu'accepterait un détenteur de licence dans un ressort où les frais de commercialisation et les impôts sont élevés. Par conséquent, ce qui peut être une marge bénéficiaire brute raisonnable dans un pays ne l'est peut‑être pas dans un autre pays.

 

[146]  Monsieur Ballentine a comparé les marges brutes obtenues par les détenteurs de licence européens et les marges de revente obtenues par Glaxo Canada sur les ventes de leurs comprimés de ranitidine respectifs. Monsieur Ballentine a calculé le coût des marchandises vendues en deux étapes. En premier lieu, il a calculé le prix de transfert de la ranitidine, y compris la redevance, le cas échéant. En second lieu, il a calculé les frais de fabrication secondaire. En calculant le coût des marchandises vendues aux détenteurs de licence européens, M. Ballentine a utilisé le coût de fabrication secondaire de Glaxo Canada. Il a reconnu qu'il peut y avoir certaines différences dans les coûts locaux de la main‑d'oeuvre et dans les coûts indirects, mais il a conclu que les différences seraient relativement minimes. Ses conclusions montraient qu'au cours de la période allant de 1990 à 1993, les marges brutes réalisées par les distributeurs européens se situaient entre 45,8 p. 100 et 82,4 p. 100, et que neuf des 13 détenteurs de licence obtenaient des marges brutes allant de 61,5 p. 100 à 64,4 p. 100, la marge brute médiane étant de 62,0 p. 100, alors que la marge brute de Glaxo Canada pour la même période était de 61,7 p. 100. Il a conclu que les prix que Glaxo Canada payait pour acheter la ranitidine n'étaient pas supérieurs aux prix de pleine concurrence.

 

[147]  L'intimée a mis en question l'analyse de M. Ballentine. Premièrement, l'intimée a soutenu que M. Ballentine n'avait pas utilisé des données financières exactes. Au lieu d'utiliser des données financières des détenteurs de licence eux‑mêmes, lesquelles ne lui avaient apparemment pas été fournies, M. Ballentine s'est fondé sur les données d'IMS. Deuxièmement, l'intimée soutient que M. Ballentine n'aurait pas dû estimer les frais de fabrication secondaire en se fondant sur les coûts types de Glaxo Canada[41]. Monsieur Ballentine s'est également fondé sur les prix de transfert que Glaxo Canada lui avait fournis, lesquels avaient changé à plusieurs reprises et ne tenaient pas compte de diverses autres incitations promotionnelles. L'appelante n'a pas établi les coûts assumés par les détenteurs de licence qu'il fallait connaître pour calculer les marges brutes.

 

[148]  Même si l'on accepte les estimations de M. Ballentine quant aux marges bénéficiaires brutes, il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles les résultats ne sont pas utiles. Les chiffres de M. Ballentine établissent que les marges bénéficiaires brutes variaient de 45,8 p. 100 à 82,4 p. 100, les deux détenteurs de licence portugais réalisant les bénéfices bruts les plus élevés, et le détenteur de licence autrichien obtenant les bénéfices les plus faibles. Les quatre détenteurs de licence espagnols réalisaient tous des bénéfices bruts moyens de 61,5 p. 100 à 62,0 p. 100. Les deux détenteurs de licence finnois faisaient des bénéfices bruts moyens de 61,8 p. 100 à 62,0 p. 100. Selon M. Mintz, cette fourchette étendue mine la fiabilité de l'analyse. À partir des données, M. Mintz a conclu que les conditions locales influençaient énormément les marges bénéficiaires brutes des détenteurs de licence; ce n'est pas un hasard si les marges bénéficiaires brutes des détenteurs de licence situés dans le même pays étaient similaires, et que les marges brutes des détenteurs de licence situés dans des pays différents étaient différentes. Monsieur Mintz a conclu qu'il y a d'autres facteurs qui influencent l'établissement du prix de la ranitidine dont il faut tenir compte, comme le genre de pressions auxquelles on ferait face sur un marché particulier, ou le genre de fonctions que la société distributrice sans lien de dépendance accomplirait, ou même l'effort qui est déployé sur le plan de la publicité et de la commercialisation dans chacun des pays.

 

[149]  Monsieur Ballentine a également exclu, compte tenu du fait qu'il s'agissait de personnes liées, les résultats de codistributeurs au Japon et en Corée, lesquels indiquaient des marges plus élevées que la médiane de 62 p. 100. Toutefois, Glaxo Canada a admis que les trois entités concernées appartenaient à 50 p. 100 à des sociétés sans lien de dépendance, et qu'il s'agissait là du même critère que M. Ballentine avait utilisé pour inclure les données de Cascan, une société allemande. Monsieur Ballentine n'a pas indiqué pourquoi il avait exclu la marge bénéficiaire brute de 75 p. 100 de Glaxo Korea, quoique cela ait également été un fait admis. Il a également rejeté les marges bénéficiaires brutes des deux détenteurs de licence portugais, de 76,8 p. 100 et de 80,0 p. 100, comme étant des anomalies. Monsieur Mintz a expliqué que lorsqu'il n'y a que 13 données, on ne saurait omettre de tenir compte de deux données. Deux éléments sur treize sont pertinents du point de vue statistique. Lorsque les données de Glaxo Korea sont prises en compte, cela fait trois sur quatorze. Par conséquent, M. Mintz n'était pas d'accord avec M. Ballentine pour qualifier d'anomalies le cas des détenteurs de licence portugais, et il a dit qu'il voudrait comprendre ce qui causait la différence. Deux des différences connues entre le Portugal et les autres pays européens sont que la ranitidine ne provenant pas de Glaxo était offerte en vente au Portugal à un prix équivalant au douzième du prix de Glaxo. De plus, les produits à base de ranitidine de Glaxo Portugal et des deux détenteurs de licence de Glaxo se vendaient tous à peu près au même prix, mais la ranitidine générique au Portugal se vendait à rabais. Les circonstances au Canada étaient similaires, ce qui pourrait donner à entendre que l'appelante devrait avoir une marge bénéficiaire brute semblable à celle des détenteurs de licence portugais.

 

[150]  Plusieurs des raisons pour lesquelles les détenteurs de licence européens ne constituaient pas de bons objets de comparaison dans l'analyse du PCML font en sorte qu'ils ne constituent pas non plus de bons objets de comparaison pour les besoins de la MPR. Glaxo Canada accomplissait un nombre beaucoup plus élevé de fonctions et assumait un plus grand nombre d'obligations que les détenteurs de licence européens. Ces facteurs auraient dû justifier un prix de transfert plus bas ou une marge bénéficiaire brute plus élevée pour Glaxo Canada. Quant aux différences entre les fonctions, le fait que les détenteurs de licence européens devaient recevoir une marge bénéficiaire brute de 60 p. 100 pour la fonction de commercialisation peut donner à entendre que c'est ce que valait la fonction de commercialisation à elle seule. Si c'est bien le cas, Glaxo Canada, qui accomplissait un bien plus grand nombre de fonctions, aurait dû recevoir une marge bénéficiaire brute nettement supérieure à 60 p. 100, une marge tenant compte de toutes les activités supplémentaires auxquelles elle se livrait et du fait qu'elle courait plus de risques que les détenteurs de licence européens parce qu'elle ne bénéficiait d'aucune garantie.

 

[151]  L'appelante affirme que la décision Ford Motor Co. of Canada v. Ontario Municipal Employees Retirement Board[42] fait autorité en ce qui concerne le caractère raisonnable de la MPR. Toutefois, l'avocate de l'intimée a souligné qu'elle ne contestait pas la validité de la MPR; elle affirmait que la MPR est une méthode secondaire qu'il convient d'utiliser lorsque la méthode du PCML ne convient pas. Les circonstances de l'affaire Ford étaient telles qu'il n'y avait pas de transactions comparables selon la méthode du PCML. En outre, il est possible de faire une distinction à l'égard de l'affaire Ford pour le motif que dans cette affaire, les franchisés achetaient et vendaient une voiture finie. Leurs seules fonctions se rapportaient à la commercialisation et à la distribution. Par contre, l'appelante accomplissait un plus grand nombre de fonctions, ce qui donne encore une fois à entendre que la MPR n'est pas une méthode appropriée.

 

XII. La méthode transactionnelle de la marge nette

 

[152]  Monsieur Ballentine a utilisé la MTMN pour vérifier le caractère raisonnable du prix auquel l'appelante achetait la ranitidine. Selon cette méthode, on compare les bénéfices nets de différentes sociétés. Pour appliquer cette méthode, M. Ballentine a comparé le taux de rendement de l'appelante une fois payés les coûts associés aux travaux de recherche et de développement avec les taux de rendement de sociétés indépendantes s'occupant de la préparation et de la vente de produits pharmaceutiques. Monsieur Ballentine a éliminé toute société (1) qui n'avait pas conclu de ventes au cours de chacune des quatre années allant de 1990 à 1993, (2) dont la valeur annuelle des ventes était inférieure à 50 millions de dollars américains, et (3) dont le rapport moyen entre les travaux de recherche et de développement et les ventes était supérieur à 3 p. 100, parce que ces dernières sociétés pourraient posséder d'importants actifs technologiques incorporels.

 

[153]  Au cours des années en question, l'appelante a dépensé un montant correspondant à plus de 3 p. 100 du chiffre d'affaires au titre des travaux de recherche et de développement[43], mais M. Ballentine croyait qu'il convenait d'utiliser la comparaison de 3 p. 100 parce que, pendant bien des années avant les années en cause, l'appelante avait dépensé un montant bien inférieur :

 

[TRADUCTION]

 

Étant donné qu'il peut s'écouler de dix à douze ans, sinon plus, entre le moment où un médicament est découvert et où les travaux de développement sont effectués et celui où l'approbation est donnée aux fins de la commercialisation, on ne peut pas s'attendre à ce que les dépenses actuelles se rattachant aux travaux de recherche et de développement de produits pharmaceutiques, même si elles portent finalement fruit, se traduisent par un produit commercialisé avant dix ou douze années. Même si Glaxo Canada a consacré plus de 3 p. 100 à la recherche et au développement au cours des années 1990 à 1993, cette dépense n'aurait pas pu entraîner de ventes de nouveaux médicaments au cours des années 1990 à 1993. Par conséquent, il convient de comparer Glaxo Canada aux entreprises qui dépensent moins de 3 p. 100.

 

[154]  Monsieur Ballentine a donc conclu que la rentabilité de l'appelante était supérieure à la rentabilité des sociétés indépendantes.

 

[155]  Dans le rapport d'expert qu'il a soumis en contre‑preuve, M. Mintz a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Il est loin d'être clair qu'il s'agit de sociétés qui se prêtent à une comparaison s'il n'est pas tenu compte des frais de recherche et de développement, de la fabrication, des pratiques en matière de commercialisation, des politiques d'investissement et d'autres attributs qui influeraient sur les marges. Je ne puis conclure à la validité des comparaisons qui ont été faites.

 

[156]  Je ne puis accepter l'analyse de M. Ballentine sur ce point. Le raisonnement qu'il a fait pour exclure les sociétés où le rapport entre les travaux de recherche et de développement et les ventes était plus élevé n'est pas raisonnable. Nous ne disposons pas d'un nombre suffisant d'éléments de preuve au sujet des autres fonctions accomplies par les sociétés avec lesquelles la comparaison est faite.

 

XIII. La méthode du prix de revient majoré

 

[157]  L'intimée se fonde sur la méthode du prix de revient majoré pour étayer le caractère raisonnable de son analyse du PCML. En appliquant la méthode du prix de revient majoré, M. Mintz a examiné le coût de fabrication de la ranitidine et y a ajouté une marge bénéficiaire acceptable. Il n'a pas tenu compte d'Adechsa et il a uniquement pris en considération le fabricant de Singapour parce qu'Adechsa subissait en fait des pertes sur les ventes de ranitidine conclues avec l'appelante une fois pris en compte les prix de transfert et les redevances payés à Glaxo Group.

 

[158]  Au cours des années visées par les appels, les marges bénéficiaires du fabricant de Singapour étaient de 766 p. 100 à 1059 p. 100. Par contre, dans le cas de Glaxochem UK (Montrose), les marges bénéficiaires se situaient entre 4 p. 100 et 16 p. 100 au cours de la même période, et CKD Korea, qui fabriquait la ranitidine en raison d'une interdiction d'importation en Corée, bénéficiait d'une majoration de 25 p. 100 par suite d'une entente conclue avec Glaxo Group. Monsieur Mintz a ensuite calculé la marge bénéficiaire du fabricant de Singapour en utilisant les prix de transfert substitués par le ministre; il a constaté une variation de 62 p. 100 à 159 p. 100, ce qui est toujours beaucoup plus élevé que les marges des autres fabricants.

 

[159]  Monsieur Mintz a conclu qu'une majoration raisonnable serait de 25 p. 100 pour le fabricant de Singapour et de 4 p. 100 pour Adechsa (ce qui est conforme à ce qui a été convenu avec le gouvernement suisse). Monsieur Mintz a conclu que, si l'on utilisait la méthode du prix de revient majoré pour calculer le prix de transfert, le total des nouvelles cotisations concernant les bénéfices de Glaxo Canada représenterait 93 p. 100 des nouvelles cotisations qui ont effectivement été établies. Il a conclu qu'après les rajustements du PCML pour la recherche et le développement, pour les frais de granulation et pour d'autres facteurs, le total des nouvelles cotisations serait presque identique à celui des nouvelles cotisations établies par l'ARC.

 

[160]  L'appelante n'a pas cité de témoin pour réfuter les conclusions que M. Mintz avait tirées au sujet de la méthode du prix de revient majoré et, en général, les conclusions en question n'ont pas été contestées lors du contre‑interrogatoire. L'appelante n'a jamais contesté les chiffres, les calculs ou les conclusions de M. Mintz sur ce point. L'appelante a plutôt axé son argument sur le fait que M. Mintz ne possédait pas d'expérience dans le domaine de l'industrie pharmaceutique. Elle a de fait établi que Glaxo Group n'avait pas utilisé la méthode du prix de revient majoré pour fixer le prix de la ranitidine. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, la méthode que Glaxo a utilisée pour fixer ses prix n'a rien à voir avec la question de savoir si le prix est raisonnable.

 

Les cotisations de la partie I : Conclusion

 

[161]  La méthode du PCML est la méthode privilégiée, et les fabricants de produits génériques au Canada constituent des objets de comparaison appropriés lorsque la méthode du PCML est utilisée. L'appelante a acquis la ranitidine granulée d'Adechsa à un prix supérieur à la juste valeur marchande de la ranitidine, et conformément au paragraphe 69(2) de la Loi, l'appelante est réputée acquérir la ranitidine à un prix raisonnable. Le prix qui aurait été raisonnable dans les circonstances pour l'achat par Glaxo Canada d'un kilogramme de ranitidine d'Adechsa est le prix le plus élevé que les fabricants de produits génériques payaient pour obtenir un kilogramme de ranitidine. Toutefois, à ce montant, j'ajouterai 25 $ le kilogramme étant donné qu'il s'agissait du coût approximatif de la granulation pour Singapour. La ranitidine achetée par les fabricants de produits génériques n'était pas granulée. Les BPF suivies à Singapour ont peut‑être eu pour effet d'augmenter la valeur de la ranitidine, mais uniquement dans la mesure où, comme il en a ci‑dessus été fait mention, elles donnaient à l'appelante un certain degré d'assurance que le produit renfermait probablement moins d'impuretés et de contaminants que celui de ses concurrents génériques. Aucun argument n'a été soumis au sujet de la question de savoir à combien devrait s'élever cette contrepartie additionnelle. Je ne dispose d'aucun élément de preuve me permettant de décider du montant que je pourrais ajouter au prix générique de la ranitidine, au kilogramme, en raison des BPF. Il semble que ce montant serait de toute façon modeste. La preuve ne donne pas à entendre que les normes de HSE suivies à Singapour puissent justifier une augmentation du prix de la ranitidine. Dans le calcul de son revenu pour une année donnée, l'appelante ne peut pas déduire le montant excédentaire qu'elle a versé à Adechsa. Ainsi, si l'appelante versait à Adechsa 1 300 $ le kilogramme pour la ranitidine et que le prix le plus élevé que les fabricants de produits génériques payaient pour obtenir la ranitidine était de 380 $ le kilogramme, l'appelante serait autorisée à déduire le montant de 380 $ le kilogramme, plus 25 $ le kilogramme pour la granulation, soit 405 $ en tout. Le montant excédentaire, 895 $, n'est pas déductible dans le calcul du revenu de l'appelante.

 

LES COTISATIONS DE LA PARTIE XIII

 

[162]  Glaxo Canada a payé ou transféré le montant excédentaire, soit 895 $ dans cet exemple, à Adechsa. Le ministre a également établi une cotisation à l'égard de l'appelante au titre de l'impôt de la partie XIII de la Loi pour le motif que le paiement ou le transfert du montant excédentaire était fait suivant les instructions de la société mère, Glaxo Group au Royaume‑Uni, ou avec son accord, et constituait un avantage que Glaxo Group désirait voir accorder à Adechsa. Selon le paragraphe 56(2) de la Loi :

 

Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne – sauf la cession d'une partie d'une pension de retraite conformément à l'article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi ou d'un régime provincial de pensions visé par règlement – doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

A payment or transfer of property made pursuant to the direction of, or with the concurrence of, a taxpayer to some other person for the benefit of the taxpayer or as a benefit that the taxpayer desired to have conferred on the other person (other than by an assignment of any portion of a retirement pension pursuant to section 65.1 of the Canada Pension Plan or a comparable provision of a provincial pension plan as defined in section 3 of that Act or of a prescribed provincial pension plan) shall be included in computing the taxpayer's income to the extent that it would be if the payment or transfer had been made to the taxpayer.

 

[163]  Dans sa réponse à l'avis d'appel, l'intimée a déclaré qu'en établissant les cotisations, le ministre avait supposé que le paiement ou le transfert du montant excédentaire avait été fait suivant les instructions de Glaxo Group ou avec son accord et au profit de celle‑ci. Dans sa réponse modifiée à l'avis d'appel modifié, l'intimée a allégué que le transfert avait été fait au profit d'Adechsa, et c'est sur cette base que les présents appels ont été entendus. La Couronne, puisqu'elle avait modifié le fondement des cotisations, avait la charge de prouver qu'Adechsa était le bénéficiaire envisagé des paiements excédentaires. Elle s'est acquittée de cette obligation.

 

[164]  Pour l'application du paragraphe 56(2) de la Loi, l'intimée soutient que Glaxo Group est le contribuable, qu'Adechsa était la personne à qui l'avantage était accordé et que l'appelante était la source de l'avantage. Dans l'arrêt McClurg c. La Reine, le juge en chef Dickson a expliqué que l'objet du paragraphe 56(2) était d'« assurer que les paiements qui auraient autrement été reçus par le contribuable ne soient pas détournés au profit d'un tiers comme technique d'évitement fiscal »[44]. Un montant sera inclus dans le revenu d'un contribuable qui n'a pas reçu le revenu directement lorsque les quatre conditions suivantes sont remplies :

 

1.       Il y a un paiement ou transfert de biens à une personne autre que le contribuable;

 

2.       Le paiement ou transfert est fait suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable;

 

3.       Le paiement ou transfert doit être effectué au profit du contribuable ou de toute autre personne que le contribuable désire avantager;

 

4.       Le paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du revenu du contribuable s'il l'avait reçu directement[45].

 

[165]  Les première et deuxième conditions sont remplies. Glaxo Canada a effectué un paiement excessif à Adechsa en achetant la ranitidine, et Glaxo Group était d'accord avec le transfert. Quant à la troisième condition, l'appelante a soutenu qu'il n'existait aucune intention d'accorder un avantage à Adechsa. Subsidiairement, l'appelante a soutenu qu'il n'y avait pas d'avantage parce qu'un avantage ne peut pas dépasser le bénéfice net réalisé par Adechsa sur les ventes. L'avocat de l'appelante a expliqué que, parce qu'Adechsa avait subi une perte en vendant la ranitidine à l'appelante, il ne peut pas y avoir d'avantage. Il a également affirmé que la quatrième condition n'est pas remplie parce que Glaxo Group n'avait droit à aucun des paiements faits à Adechsa.

 

[166]  L'avocat de l'appelante a souligné que l'une des conditions essentielles de l'application du paragraphe 56(2) est que le contribuable doit avoir désiré voir accorder un avantage à l'autre personne. L'avocat a soutenu que cette condition, qui a été confirmée dans de nombreux jugements[46], n'était pas remplie dans les circonstances de l'espèce. Je ne puis souscrire à l'évaluation que l'avocat a faite de la preuve sur ce point. En 1990, Glaxo Group savait que l'appelante achetait la ranitidine à un prix environ cinq fois supérieur à celui que payaient d'autres sociétés au Canada. Glaxo Group ne croyait pas erronément que le prix auquel l'appelante achetait la ranitidine était raisonnable. Comme il en a été fait mention au paragraphe 13 des présents motifs, la stratégie fiscale de Glaxo Group était de réduire au minimum l'impôt en acheminant ses bénéfices vers Singapour en passant par la Suisse. Cette stratégie comportait notamment le recours à Adechsa comme distributeur et l'acheminement des montants excédentaires par son intermédiaire. La structure organisationnelle de Glaxo World visait en partie à réduire au minimum le revenu gagné dans les ressorts à imposition élevée en le détournant vers un ressort à faible imposition.

 

[167]  Je rejette également l'argument subsidiaire de l'appelante. L'avocat de l'appelante a erronément confondu un avantage et des bénéfices nets; il ne s'agit pas de la même chose. Si l'appelante avait acheté la ranitidine d'Adechsa aux mêmes prix que les fabricants de produits génériques, Adechsa aurait subi une perte beaucoup plus élevée. Bref, Adechsa a obtenu quelque chose en ne donnant rien en échange. Il s'agit d'un avantage, même s'il consiste en une perte plus petite plutôt qu'en un bénéfice net.

 

[168]  Enfin, l'avocat de l'appelante a soutenu que la quatrième condition n'était pas remplie parce que Glaxo Group n'avait pas droit aux paiements faits à Adechsa. L'avocat de l'appelante se fonde sur l'arrêt Smith c. La Reine[47], où le juge Mahoney a cité en l'approuvant un passage de l'arrêt Winter c. La Reine[48] :

 

[...] [Winter] a ajouté une autre condition préalable à l'application du paragraphe 56(2), laquelle condition me paraît applicable en l'espèce.

 

Il a été jugé dans Winter, en page 6684, que :

 

la validité d'une cotisation établie en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi, dans le cas où le contribuable lui-même n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, est assujettie à une condition implicite, soit celle que le bénéficiaire ou le cessionnaire n'ait pas été assujetti à l'impôt sur l'avantage qu'il a reçu.

 

Le juge Mahoney a conclu que : « L'“assujettissement à l'impôt sur l'avantage reçu” signifie que celui‑ci doit être inclus dans le calcul du revenu imposable du bénéficiaire[49]. »

 

[169]  Dans l'arrêt Neuman c. Canada[50], la Cour suprême du Canada a également examiné le paragraphe 56(2) de la Loi. Le passage tiré de l'arrêt Winter cité dans l'arrêt Smith est une remarque incidente fondée sur la décision que la Cour d'appel fédérale avait rendue dans l'affaire McClurg c. Canada (C.A.F.)[51], que la Cour suprême du Canada a confirmée après qu'une décision a été rendue dans l'affaire Winter. L'arrêt McClurg étaye la thèse selon laquelle le paragraphe 56(2) ne s'applique généralement pas au revenu de dividendes parce que le contribuable qui fait l'objet d'une nouvelle cotisation n'aurait pas reçu cet argent s'il n'avait pas été versé à l'actionnaire. L'arrêt Winter est résumé aux paragraphes 51 à 53 de l'arrêt Neuman :

 

Dans Winter, l'actionnaire majoritaire d'une société de portefeuille avait fait en sorte que cette société vende certaines de ses actions à son gendre, qui était aussi actionnaire de la société, au prix de 100 $ l'action. Le Ministre avait fixé leur juste valeur marchande à environ 1 000 $ l'action et avait établi, à l'égard de l'actionnaire majoritaire, une nouvelle cotisation fondée sur le par. 56(2), en ajoutant comme revenu la différence entre le montant que le gendre avait payé pour les actions et la valeur marchande de ces dernières.

 

Le juge Marceau, s'exprimant au nom de la cour, a conclu que le fait que le contribuable n'avait aucun droit direct aux actions n'empêchait pas l'attribution étant donné qu'il n'y avait aucune indication que le par. 56(2) avait été conçu pour avoir une application aussi limitée. Le juge Marceau a conclu (à la p. 593) que :

 

... lorsque la doctrine de la « recette présumée » n'est pas clairement en cause, parce que le contribuable n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, il n'est que juste d'inférer que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire.

 

Le juge Marceau a fait la distinction d'avec l'arrêt McClurg de la Cour d'appel fédérale, où le juge Urie a conclu que le par. 56(2) ne s'applique pas aux revenus de dividendes, ce qui a été confirmé par notre Cour de la façon suivantes (aux pp. 591 et 592) :

 

... l'arrêt McClurg portait sur la déclaration d'un dividende conformément (de l'avis de la majorité) aux pouvoirs accordés par l'organisation du capital social de la société, et j'estime qu'il fait autorité uniquement à l'égard des circonstances particulières qui y étaient traitées.

 

Je suis d'accord avec le juge Marceau : Winter concernait l'attribution d'un avantage qui n'était pas sous forme de revenu de dividendes. Notre Cour n'était pas saisie, dans l'arrêt McClurg, de la question de l'application du par. 56(2) à un revenu autre qu'un revenu de dividendes, et elle ne l'est pas non plus en l'espèce. Toutefois, dans McClurg, la condition de l'existence d'un droit, que comporte implicitement la quatrième condition préalable à l'application du par. 56(2), s'applique nettement aux revenus de dividendes.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[170]  L'affaire Neuman a été entendue après l'affaire Smith, mais il n'y était pas fait mention de l'arrêt Smith. L'avantage accordé à Adechsa ne prenait pas la forme d'un revenu de dividendes; la condition relative à l'existence d'un droit ne s'applique pas aux appels ici en cause.

 

[171]  Le fait que la condition relative à l'existence d'un droit ne s'applique pas aux faits de la présente affaire découle de l'effet réciproque du paragraphe 56(2) et de l'alinéa 214(3)a) de la Loi. Selon cette dernière disposition, un paiement indirect est réputé être un dividende dans le cas où un contribuable non‑résident est en cause. La Loi prévoit un régime complet pour le traitement des montants excédentaires transférés à Adechsa, et il n'est pas nécessaire d'avoir recours à la condition relative à l'existence d'un droit.

 

[172]  Dans les affaires d'établissement du prix de transfert, l'EMN cherche à détourner les bénéfices vers un ressort à faible imposition. Les montants seront inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire vers qui les montants ont été détournés (soit Adechsa dans ce cas‑ci), de sorte que le taux d'imposition est moins élevé et qu'il reste plus de bénéfices à remettre à la société mère. Comme il a été dit dans l'arrêt Winter, la condition relative à l'existence d'un droit vise à empêcher les autorités fiscales de choisir entre des contribuables possibles. En l'espèce, il n'y a qu'un contribuable possible et, par conséquent, la condition relative à l'existence d'un droit ne peut pas s'appliquer. De fait, dans une affaire d'établissement du prix de transfert, l'application de la condition relative à l'existence d'un droit pourrait permettre à une entreprise multinationale de se soustraire complètement à l'impôt sur le revenu gagné dans un ressort.

 

[173]  Même si la condition relative à l'existence d'un droit s'appliquait en l'espèce, elle est remplie eu égard aux faits. Conformément au paragraphe 69(2), les montants raisonnables que l'appelante aurait versés à Adechsa pour acheter la ranitidine sont les montants les plus élevés que les fabricants de produits génériques payaient, au moment pertinent, pour se procurer la ranitidine. Les montants en sus des montants raisonnables (soit 895 $ le kilogramme dans notre exemple) qui ont été transférés à Adechsa n'ont pas été payés en échange de la ranitidine. Adechsa n'a pas fourni d'autres marchandises ou services à l'appelante et, cela étant, elle n'avait pas droit aux montants excédentaires. Il s'agit de savoir si Glaxo Group avait droit aux montants excédentaires.

 

[174]  L'avocat de l'appelante n'a pas offert d'explications au sujet de la question de savoir qui, selon lui, avait droit aux montants excédentaires. Il a affirmé que ce n'était pas Glaxo Group. Si ce n'était pas Glaxo Group, qui était‑ce? C'était Glaxo Group qui avait droit aux montants excédentaires. Si ce n'avait été des instructions données par Glaxo Holdings et de l'accord de Glaxo Group lors de l'établissement du prix de transfert, l'appelante n'aurait pas transféré les montants excédentaires à Adechsa. Les montants excédentaires seraient restés entre les mains de l'appelante et, à un moment donné, ils auraient été remis, en totalité ou en partie, à Glaxo Group sous la forme de dividendes. La stratégie fiscale de Glaxo World était de détourner les bénéfices vers Singapour avant que ces bénéfices soient versés à Glaxo Group à titre de dividendes. En fin de compte, les montants étaient de fait reçus par Glaxo Group.

 

[175]  Le paragraphe 212(2) de la Loi impose une retenue d'impôt de 25 p. 100 sur les dividendes versés à des non‑résidents. Ce montant est ramené à 10 p. 100 en vertu de l'alinéa 10(1)a) de la Convention fiscale Canada‑Royaume‑Uni (1978). Glaxo Canada devait retenir les 10 p. 100 en vertu du paragraphe 215(1), et elle est tenue de payer l'impôt, en vertu du paragraphe 215(6), parce qu'elle a omis de retenir les montants en cause.

 

[176]  Les cotisations de la partie XIII sont essentiellement fondées. Toutefois, le dividende réputé, et par conséquent la retenue d'impôt établie, doivent être réduits compte tenu d'une augmentation de 25 $ de la valeur d'un kilogramme de ranitidine, cette augmentation étant attribuable à la granulation.

 

CONCLUSION

 

[177]  Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 et des cotisations établies en vertu de la partie XIII de la Loi à l'égard de l'omission reprochée à l'appelante de retenir l'impôt sur les dividendes qui étaient réputés être versés à un actionnaire en 1990, en 1991, en 1992 et en 1993 sont accueillis, et les affaires sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement afin de diminuer, d'un montant de 25 $ le kilogramme, les montants excédentaires que l'appelante a payés pour la ranitidine et afin de rajuster les montants des retenues d'impôt en conséquence.

 

[178]  L'appelante paiera les dépens; les parties peuvent présenter des observations au sujet du montant des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2008.

 

 

« Gerald J. Rip »

Le juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


ANNEXE I

 

[TRADUCTION]

 

REQUÊTE DE L'APPELANTE : PARAGRAPHE 100(3)

 

 

[1]     Lors de la lecture par l'avocate de l'intimée, aux fins du dossier, de certaines parties des interrogatoires préalables (les « éléments consignés ») à verser au dossier des appels, l'avocat de l'appelante a demandé, en vertu du paragraphe 100(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), que soient inclus d'autres extraits des interrogatoires pertinents. J'ai dressé ci‑dessous un tableau résumant les parties des interrogatoires pertinents que l'appelante veut ajouter (les « ajouts ») aux « éléments consignés » que j'accepte et que je n'accepte pas.

 

[2]     Le paragraphe 100(3) prévoit ce qui suit : « Si un extrait seulement d'une déposition recueillie à l'interrogatoire préalable est consigné ou utilisé en preuve, le juge peut, à la demande d'une partie opposée, ordonner la présentation d'autres extraits qui la nuancent ou l'expliquent. » Cette disposition est semblable à l'article 289 des Règles des Cours fédérales, intitulé « extraits pertinents », qui permet à la Cour d'ordonner la production de tout autre extrait « qui, à son avis, est pertinent et ne devrait pas être omis ».

 

[3]     La règle des Cours fédérales vise à « faire en sorte que le passage tiré de la transcription d'un interrogatoire préalable consigné comme élément de preuve au cours de l'instruction soit placé dans un contexte approprié afin qu'il soit vu et consigné équitablement, sans qu'un préjudice ne soit causé à une autre partie, si une seule partie du contexte nécessaire à une bonne compréhension de la preuve consignée était dévoilée »[52]. Le libellé de la règle de la Cour de l'impôt n'est pas identique à celui de la règle des Cours fédérales, mais leur objet est le même.

 

[4]     Par conséquent, l'expression « la nuancent ou l'expliquent » vise à faire en sorte que les extraits consignés par la partie opposée n'induisent pas la Cour en erreur en omettant une partie pertinente de la preuve. En décidant si la preuve doit être acceptée, j'ai tenu compte des points suivants :

 

·                    la continuité des idées ou de l'objet;

 

·                    le but dans lequel la preuve a été présentée en premier lieu et la question de savoir si elle est complète en elle‑même;

 

·                    l'équité, en ce sens que la preuve devrait, dans la mesure du possible, représenter la réponse complète du témoin sur l'objet de l'examen dans la mesure où on la retrouve dans les réponses que le témoin a données lors de son interrogatoire préalable.

 

[5]     Les mots « nuancer » ou « expliquer » ne veulent pas dire qu'une question connexe sera admise, et ils ne veulent pas non plus dire que des réponses contradictoires doivent être admises. Dans la décision Canada c. Fast[53], le juge Pelletier a fait remarquer ce qui suit :

 

On doit tenir compte du fait que le processus d'intégration des questions et réponses consiste à faire inscrire au dossier les admissions de l'autre partie. Cette partie a toujours l'option de témoigner pour expliquer ou qualifier ces admissions. Toutefois, il n'est pas habituel que ces explications ou restrictions soient intégrées aux prétentions de la partie qui interroge[54].

 

[6]     Par conséquent, en examinant les demandes d'inclusion de questions et de réponses visant à clarifier ou à expliquer l'affaire, j'ai généralement tenu compte de la question de savoir s'il existe réellement un lien entre l'élément et les éléments consignés par l'intimée ou si cela constitue une preuve qui aurait dû être présentée par le témoignage des témoins de l'appelante.

 

[7]     Les ajouts proposés ci‑dessous sont énumérés dans l'ordre utilisé par l'appelante dans son avis de requête :

 

 

Éléments consignés

Ajouts de l'appelante

Acceptation

Motif

 

Témoin

Q

Témoin (si différent)

Q

Page

O/N

 

1.

Fisk

11-07-2001

475 ~ 485

 

474

1

 

N

L'élément consigné par la Couronne se rapporte à la méthode du PCML. L'ajout de l'appelante se rapporte à la méthode du prix de revente. Il s'agit de sujets différents. Aucune nuance.

2.

Hasnain

14-02-2001

1393 -1394

Fisk p. 104

12-07-2001

975

2

 

N

Les ajouts n'expliquent pas les réponses de M. Hasnain au sujet de l'analyse effectuée afin de déterminer le taux de rendement.

3.

Fisk

30-04-2002

1537

 

1534 ~ 1539

5

O

 

Il y a ici un lien étant donné que toutes les questions se rapportent au marché français et à Fournier.

4.

Hasnain

13-02-2001

 

818-819

Fisk/ Woloschuk

12-05-2005

4886-4897

 

 

 

s.o. – non inclus dans l'affidavit d'Amanda Pollicino

5.

Winterborn

20-04-2001

 

13-05-2002

 

 

17-05-2005

12-14

 

 

436-438

 

71-75

Fisk

16-10-2003

1393

 

6

 

N

L'élément consigné se rapporte au but des essais et à la qualité de la base de ranitidine provenant de deux sociétés indiennes dénommées Shasun et Cheminor. L'ajout se rapporte à la question de savoir si Glaxo Canada a procédé à des essais sur son propre produit pour y déceler le chloroforme. Aucune nuance.

6.

Winterborn

17-04-2001

69-74

 

75-77

8

 

N

Aucune nuance.

7.

Winterborn

10-05-2001

2082-2084

 

2085

10

O

 

La question se rapporte directement à la question précédente. Les deux questions portent sur le contrat modifié de fourniture. L'ajout explique que le contrat n'a pas été signé.

8.

Winterborn

15-05-2002

1571-1575

 

432-433

11

 

N

L'élément consigné se rapporte à la question de savoir quelles sont les sources de base approuvées de Glaxo. L'ajout porte sur les politiques et procédures d'obtention de fournitures de sources autres que Glaxo.

9.

Winterborn

16-05-2002

1928-1939

 

1931-1932

12

 

N

L'élément consigné se rapporte à la question de savoir si Uquifa était peu sûre ou inefficace. L'ajout n'a rien à voir avec la question. Aucune nuance.

10.

Winterborn

06-06-2002

3843-3846

 

3874-3875

 

 

N

L'élément consigné se rapporte à un document; les ajouts à un autre. Aucune nuance.

11.

Winterborn

17-05-2005

54 ~

385

 

87-135

15-46

 

N

L'élément consigné est complet en lui‑même.

258-267

 

O

 

L'ajout nuance et explique la preuve des pages suivantes en ce qui concerne la taille de la particule et la question de savoir si l'échantillon d'Uquifa convient.

12.

Wolsochuk

17-07-2002

 

Hasnain

20-03-2001

1231-1235

 

p. 216

-217

Wolsochuk

17-07-2002

1236

47

 

N

Les éléments consignés sont complets en eux‑mêmes. Ils se rapportent à l'établissement des prix et à la promotion effectuée par Kenral et à la question de savoir si Glaxo demandait de l'argent à Kenral pour partager l'information avec elle. L'ajout se rapporte uniquement à la question de savoir qui a élaboré un slogan publicitaire. Il ne nuance pas ou n'explique pas l'élément consigné.

13.

Hasnain

12-02-2001

324-235

 

326-328

49

O

 

L'ajout nuance l'élément consigné en clarifiant que Glaxo World a approuvé la stratégie d'établissement du prix canadien.

14.

Hasnain

12-02-2001

-

13-02-2001

618-620

 

 

 

717-727

50

 

N

L'élément consigné se rapporte à des questions cruciales auxquelles fait face Glaxo Canada. Les ajouts portent expressément sur la question de savoir qui étaient les principaux concurrents du Zantac. Cela n'apporte aucune nuance ou n'est pas explicatif. L'élément consigné est complet en lui‑même.

733

 

 

N

867

 

870-871

52

 

N

Apporte plus de précisions. La réponse consignée (867) indique que la part de marché de Glaxo baissait, mais que sa stratégie consistait à donner de l'expansion au marché dans son ensemble. L'ajout traite de ce que Glaxo faisait pour accroître la taille du marché.

1060

 

1061

54

 

N

L'élément consigné est complet en lui‑même.

15.

Hasnain

15-02-2001

 

1635-1638

 

1639-1640

 

O

 

L'élément consigné cerne les questions d'élargissement de la gamme, de positionnement de la marque et de la fin de l'octroi obligatoire de licences. La partie des ajouts qui explique l'octroi obligatoire de licences est acceptée parce que les questions de l'intimée en traitaient en partie.

1641-1655

55

 

N

La partie des ajouts donnant des précisions au sujet de l'élargissement de la gamme n'est pas acceptée. Elle ne nuance pas ou n'explique pas quelque partie que ce soit des éléments consignés.

1662-1663

58

 

N

L'ajout décrit l'approche adoptée par Glaxo à l'égard de la promotion et de la concurrence que lui faisait le Tagamet. Cela ne nuance pas les éléments consignés.

1696-

60

 

N

L'ajout traite de la question de savoir si l'octroi obligatoire de licences était un point litigieux dans d'autres pays. Cela ne nuance pas l'élément consigné, qui traite de questions internes.

1715

62

O

 

L'ajout explique pourquoi l'octroi obligatoire de licences était un point litigieux.

16.

Hasnain

19-03-2001

p. 43

lignes 15-21

 

p. 42-43

lignes 24-25, 1-14

64

 

N

L'élément consigné porte uniquement sur la question de savoir pourquoi les augmentations de prix étaient libellées en dollars canadiens. L'ajout porte sur les changements apportés au prix de gros. L'ajout ne nuance pas ou n'explique pas l'élément consigné.

17.

Hasnain

20-03-2001

p. 236

lignes 8-18

 

p. 236-237

 

lignes 19‑25,

1-3

65

 

N

L'élément consigné établit que Kenral n'avait pas pénétré le marché pour ce qui est de la ranitidine. L'ajout se rapporte à la question de savoir quels étaient les produits de Kenral qui connaissaient le plus de succès. Ne nuance pas ou n'explique pas.

18.

Hasnain

29-03-2001

1231-1234

 

1220

66

O

 

L'ajout identifie le document mentionné dans l'élément consigné.

1433

 

1434

67

 

N

L'élément consigné se rapporte à certains problèmes se rattachant à la ranitidine de Novopharm; l'ajout se rapporte aux problèmes concernant Apotex. Ne nuance pas ou n'explique pas.

1466-1468

 

1465

68

 

N

L'élément consigné est complet en lui‑même.

19.

Déposition de Paul Girolami

vol. 1, 9 juillet 2002

162, 164

 

 

163

O

 

L'ajout complète l'élément consigné.

 

20.

Déposition de Paul Girolami

vol. 2, 10 juillet 2002

9-10

 

 

 

8

 

O

 

 

 

Nuance ou explique la raison pour laquelle sir Paul considère comme importante la modification du groupe de commercialisation.

10, 12

 

 

11

O

 

Complète la réponse de sir Paul.

21.

IRS Déclaration de M. Girolami

65

 

 

63-64

 

N

Inutile; l'élément consigné est complet en lui‑même.

 

 

 

66

O

 

Ajoute un contexte au paragraphe 67 en ciblant le point à l'étude.

22.

Déposition de John Coombe

17

 

 

lignes 21-15

16

 

O

 

 

Nuance ou explique la réponse concernant la propriété intellectuelle à Singapour.

20, 21

 

lignes 1-15

22

 

O

 

 

Inclut une question de suivi concernant les augmentations de prix.

33

 

lignes 21-25

32

O

 

Continuation de la question.

23.

Déposition de Michael S. Stone

92, 93

 

ligne 9

ligne 16

91

94

O

 

 

O

 

Nuance ou explique en incluant la période visée.

 

Suivi/question qui clarifie.

24.

Charles B. Newcomb

19, 21

 

par. 20

 

 

 

N

 

L'élément consigné est complet en lui‑même.

 

25.

Michael S. Stone

46, 47

 

par. 44-45

 

O

 

Ajoute un contexte en ciblant les contrats examinés.

26.

David J.R. Farrant

59, 60

 

 

par. 53-58

 

O

 

 

 

Nuance la réponse au paragraphe 59 en indiquant les raisons pour lesquelles Singapour a été choisie, mis à part les avantages fiscaux.

Hugh McCo.

John D. E.

15

 

 

par. 10

 

 

 

 

N

 

N'ajoute rien à l'élément consigné.

 

Nelson

26-43

 

par. 18-23,

 

 

 

 

N

Explication de différentes méthodes d'établissement du prix de transfert; ne clarifie pas ou n'explique pas l'élément consigné.

44-47

 

O

 

Clarifie les éléments consignés en ciblant les hypothèses sur lesquelles les calculs étaient fondés.


ANNEXE II

 

[TRADUCTION]

LISTE DES TÉMOINS

(selon l'ordre de comparution)

 

TÉMOINS DE L'APPELANTE

 

1.       Bernard Majoie – ancien président de Fournier, société pharmaceutique française qui a conclu un contrat de licence et un contrat de fourniture aux fins de la vente du Raniplex, un produit à base de ranitidine. Il a témoigné au sujet de la relation de Fournier en sa qualité de codistributeur des produits Glaxo.

 

2.       Michael McTeague – travaillait pour Glaxo Canada de 1987 à 1999. Il avait été embauché à titre de directeur des services juridiques, et il avait été promu au poste de chef du contentieux et ensuite au poste de directeur des ressources humaines.

 

3.       Jacques Lapointe – ancien directeur général et président de l'appelante au cours de la période visée par les appels.

 

4.       Jose Colledefors – directeur juridique de Glaxo Spain.

 

5.       Clive Rogers – directeur des achats de la société pour Glaxochem Limited au Royaume‑Uni, le secteur de production primaire du groupe de sociétés Glaxo World, pendant la période allant de 1988 à 1994.

 

6.       Chris Baker – travaillait au sein de la division des services centraux de production de Glaxochem Limited au Royaume‑Uni. Il a témoigné au sujet des normes de fabrication de Glaxo et des bonnes pratiques de fabrication.

 

7.       Jose Maria Seijas – employé de Faes, l'un des détenteurs de licence espagnols (codistributeurs); a décrit la relation existant entre Faes et Glaxo.

 

8.       Graham Fisk – comptable qui travaillait pour Glaxo Holdings P.L.C. de 1986 à 1994. Il a témoigné au sujet des arrangements commerciaux au sein de Glaxo World et avec des tiers, des résultats financiers de Glaxo World et des filiales, et de la relation avec Glaxo World ainsi qu'avec des tiers et des sociétés affiliées.

 

9.       Paul Meade – travaillait à Glaxo Canada de 1989 à 1991 à titre de directeur des produits pour le Zantac, et ensuite au sein de la division de la commercialisation internationale de Glaxo World au Royaume‑Uni pendant trois ans et demi; il a ensuite travaillé pour Glaxo Inc. aux États‑Unis. Il travaillait dans le domaine de la commercialisation. Il a témoigné au sujet de la stratégie de commercialisation de Glaxo World et de l'aide à la commercialisation que Glaxo World fournissait à Glaxo Canada.

 

10.     Angela Palmer – conseillère en matière de litiges concernant les brevets chez Glaxo World. Elle a été citée afin de produire un rapport rédigé par son superviseur, Graham Brereton, à l'égard d'inspections d'Uquifa (Espagne) effectuées par la FDA.

 

11.     James Cuttle – travaillait pour Upjohn Canada à titre de directeur des produits pour Kenral au cours des années visées par les appels. Il a témoigné au sujet du rôle de Kenral, qui vendait la forme « ultragénérique » du Zantac au Canada.

 

12.     Ian Keith Winterborn – scientifique désigné par l'appelante.

 

13.     Stefan Ziegele – travaillait chez IMS, société d'études de marché qui recueille des données sur l'industrie pharmaceutique. Il a présenté un rapport de produit portant sur les ventes internationales du Zantac.

 

14.     Gregory Bell – expert dans le domaine de l'industrie pharmaceutique et de l'établissement des prix de transfert.

 

15.     John Gregory Ballentine – témoin expert en matière d'établissement des prix de transfert.

 

16.     William Ment – expert dans le domaine des bonnes pratiques de fabrication (les « BPF ») se spécialisant dans la chimie (par opposition à la fabrication). Il a témoigné au sujet des activités de fabrication et des BPF en laboratoire.

 

17.     Tomas Barrera – ingénieur-conseil en environnement comptant plus de 20 années d'expérience et travaillant comme directeur général de Covitecma, en Espagne. Il a été cité à titre d'expert pour témoigner au sujet de l'évacuation des eaux usées et des déchets dangereux. Il a témoigné au sujet de la question de savoir si Uquifa, un fabricant espagnol de ranitidine générique, satisfaisait aux normes de Glaxo et aux normes réglementaires locales applicables en ce qui concerne l'évacuation des eaux usées, la gestion des déchets dangereux et les émissions dans l'atmosphère.

 

TÉMOINS DE L'INTIMÉE

 

1.       Douglas Welsh – comptable et expert en évaluation d'entreprises travaillant pour Clark Valuation Services. Il a résumé les données financières de Glaxo et il a examiné les bénéfices de diverses entités de Glaxo World réalisés sur la vente de ranitidine à l'échelle locale et mondiale.

 

2.       Lorne Davis – pharmacologue pour le formulaire de la Saskatchewan. Il a été reconnu à titre d'expert dans le domaine de la bioéquivalence et de la biodisponibilité. Il a témoigné au sujet de la façon dont il est conclu que certains produits sont interchangeables pour les besoins du formulaire.

 

3.       Gordon Fahner – vice‑président aux finances chez Apotex Inc., fabricant de produits pharmaceutiques génériques.

 

4.       Bernard Sherman – président d'Apotex Inc.

 

5.       Daniel Youtoff – comptable agréé chez Price Waterhouse Coopers (« PWC »). Au cours des années visées par les appels, PWC effectuait la vérification de Novopharm, et le témoin établissait les vérifications annuelles, les états financiers annuels et les déclarations de revenus de Novopharm.

 

6.       Tamas Szederkenyi – Directeur principal de la recherche analytique et du développement à Novopharm.

 

7.       Sultan Ghani – fonctionnaire à la Direction générale de la protection de la santé. Il a été reconnu à titre d'expert dans le domaine de l'industrie pharmaceutique au Canada, du processus d'approbation des médicaments, du contrôle de la qualité et des BPF dans l'industrie pharmaceutique au Canada. Il a témoigné au sujet des présentations de drogue déposées auprès de Santé Canada aux fins de l'obtention de l'approbation relative à la commercialisation des formulations de chlorhydrate de ranitidine au Canada.

 

8.       Jack Mintz – il a été reconnu à titre d'expert en matière d'établissement des prix de transfert, mais non expressément pour l'industrie pharmaceutique.

 

9.       Leslie Benet – il a été reconnu à titre d'expert en sciences pharmaceutiques, en pharmacologie, en bioéquivalence et en équivalence chimique, et pour d'autres aspects scientifiques de questions se rattachant aux médicaments. Il a témoigné au sujet de la raison pour laquelle l'inspection relative aux BPF n'est pas nécessairement un indicateur de bonne qualité.

 

10.     Murray Puhacz – vice-président des activités liées à la qualité de Novopharm au cours des années visées par les appels.

 

11.     Luciano Calenti – président d'ACIC Fine Chemicals Inc.

 

12.     Charles King III – il a été reconnu à titre d'expert dans le domaine de la commercialisation pharmaceutique. Il a témoigné au sujet des efforts de commercialisation de Glaxo Canada ainsi qu'au sujet de la question de savoir jusqu'à quel point il s'agissait d'initiatives de Glaxo Canada par opposition aux initiatives de Glaxo World. Il a également témoigné que l'accent de Glaxo Canada, sur le plan de la commercialisation, différait énormément de celui des autres filiales ou des détenteurs de licence qui vendaient de la ranitidine.

 

13.     Sheryl Dore – chef d'équipe à la Division de la qualité pour médicaments génériques, Bureau des sciences pharmaceutiques, à Santé Canada. Elle a participé à l'examen des présentations de drogue relatives au chlorhydrate de ranitidine d'Apotex.

 

14.     Eric Ormsby – biostatisticien à Santé Canada, qui a été cité pour témoigner au sujet de l'examen des données relatives à la bioéquivalence et à la biodisponibilité que les fabricants s'occupant de la forme posologique fournissent à Santé Canada dans leurs présentations aux fins de la commercialisation de leurs formes posologiques au Canada.

 

15.     Tom Burkimsher – vérificateur à l'Agence du revenu du Canada.

 

16.     Raymond Willis – administrateur fiscal à Glaxo Canada au cours de la vérification, de 1994 à 1995. La Couronne l'a contre‑interrogé en vertu de l'article 146 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

 

17.     John Hems – directeur des affaires réglementaires chez Apotex Inc.

 

18.     Bohdan Woloschuk – ancien employé de Glaxo Canada et l'une des personnes désignées par Glaxo Canada lors de la communication préalable. Il était responsable de la commercialisation du Zantac et il administrait également le contrat de Kenral.

 


ANNEXE III

 

[TRADUCTION]

 

 

 

 

GGL signifie Glaxo Group Ltd.

 

Les flèches indiquent qui est propriétaire. Il ne devrait pas y avoir de flèche entre Glaxo Pharmaceuticals (Pte) Limited et Glaxochem (Pte) Ltd. Les trois flèches allant de Glaxochem (Pte) Ltd. à trois autres sociétés devraient être dans le sens contraire : Glaxochem (Pte) Ltd. appartenait à ces trois sociétés.

 


 

ANNEXE IV

 

[TRADUCTION]

 

GLOSSAIRE DE TERMES

 

Terme

Abréviation

Brève définition

 

Biodisponibilité et bioéquivalence

 

La biodisponibilité s'entend de la mesure dans laquelle une substance médicamenteuse pénètre dans le courant sanguin, et la vitesse à laquelle elle le fait, pour produire ses effets sur le patient.

 

La bioéquivalence s'entend de la biodisponibilité comparative des produits pharmaceutiques génériques avec le produit de marque. La bioéquivalence est le principal fondement permettant de déterminer la substitution en vertu des régimes provinciaux d'assurance-médicaments (formulaires).

 

Bonnes pratiques de fabrication

BPF

Système de politiques, de pratiques, de procédures et de documentation des activités et opérations, établi et mis en oeuvre par les sociétés pharmaceutiques, en vue de faire en sorte que les IPA ou les formes posologiques qu'elles produisent aient la qualité, la concentration, l'identité et la pureté qu'ils sont censés posséder ou qu'on leur attribue. Cela comprend la gestion de la qualité, la formation et les compétences du personnel, l'hygiène et l'entretien des bâtiments et des installations, la conception, le nettoyage et l'entretien du matériel de production et des instruments d'analyse, le contrôle des constituants et des contenants de produits et des dispositifs de fermeture (etc.)

 

Direction générale de la protection de la santé

DGPS

Division de Santé Canada, ministère fédéral responsable au Canada (au cours de la période visée par les appels) de l'examen et des recommandations aux fins de l'approbation d'une présentation de drogue nouvelle.

 

Distribution

 

Organisation de la distribution physique des produits pharmaceutiques aux grossistes, aux pharmacies et aux hôpitaux.

 

Équivalence chimique

 

Terme utilisé dans les lignes directrices de la DGPS concernant les exigences relatives aux nouveaux produits pharmaceutiques génériques. Les critères visant à assurer l'« équivalence chimique » étaient ceux qui étaient élaborés pour déceler les impuretés « connexes », compte tenu de la synthèse et des processus décrits dans la fiche maîtresse de médicament du fournisseur.

 

Fabricant de produits génériques

 

Société qui vend des copies de produits pharmaceutiques brevetés et de produits pharmaceutiques de marque aux termes d'une licence obligatoire ou après l'expiration du brevet, sous un nom descriptif général au lieu du nom de marque initial.

 

Fiche maîtresse de médicament

FMM

Document contenant des renseignements confidentiels au sujet des processus de fabrication de l'IPA. Le fabricant d'une forme posologique générique ou d'un produit générique fini fournit des renseignements sur l'IPA dans la FMM. La FMM est normalement soumise à la DGPS par quelqu'un d'autre que celui qui parraine le produit pharmaceutique.

 

Food and Drug Administration (États‑Unis)

FDA

Agence fédérale américaine responsable de la réglementation des aliments, des produits pharmaceutiques, des appareils médicaux, des produits cosmétiques, des suppléments nutritionnels et de l'hygiène radiologique.

 

Hygiène, sécurité et environnement

HSE

Normes réglementant les limites d'évacuation des eaux usées, les émissions dans l'atmosphère et la gestion des déchets dangereux ainsi que l'hygiène et la sécurité des employés dans l'installation.

 

Ingrédient pharmaceutique actif

IPA

Substance médicamenteuse contenue dans un produit pharmaceutique.

 

Présentation aux médecins

 

Processus par lequel les représentants des sociétés pharmaceutiques interagissent avec les médecins et décrivent les propriétés thérapeutiques d'un produit pharmaceutique.

 

Ultragénérique

 

Un produit « ultragénérique » est un produit qui est fabriqué par la société pharmaceutique initiale qui possédait le nom déposé, mais qui est vendu dans le segment du marché générique à des prix génériques.

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI324

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      98-712(IT)G

 

INTITULÉ :                                       GLAXOSMITHKLINE INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 27 et 28 février, les 1er, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 20, 21, 22, 23, 27, 28, 29 et 30 mars, les 3, 4, 5, 6, 11, 12, 24, 25, 26 et 27 avril, les 1er, 2, 3, 4, 15, 16, 17, 18, 29, 30 et 31 mai, les 1er, 5, 6, 7, 12 et 13 juin et les 17, 18 et 19 juillet 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 30 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Pierre Barsalou,

Sébastien Rheault,

Eleni Kouros,

McShane Jones et

Ben Tomlin

Avocates de l'intimée :

Mes Naomi Goldstein,

Myra Yuzak et

Karen Janke

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

Noms :       

 

Pierre Barsalou,

Sébastien Rheault,

Eleni Kouros,

McShane Jones et

Ben Tomlin

 

Cabinet :

Barsalou Lawson

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada

 

 



[1]           Voir le paragraphe 9 ci‑dessous. Ces appels ont été désignés comme étant les appels sur « le prix de transfert ». Normalement, l'expression « prix de transfert » s'entend du prix demandé pour des biens ou services par une entité telle qu'une société dans un pays à une entité liée dans un autre pays. Lorsqu'elle est utilisée dans le contexte d'un litige fiscal, l'expression « établissement du prix de transfert » dénote habituellement l'opinion du fisc selon laquelle le prix de transfert a été fixé à un prix trop élevé ou trop faible, de façon que des bénéfices soient transférés d'un ressort à imposition élevée à un ressort à faible imposition.

 

Les paragraphes 69(2) et (3) ont été abrogés pour les années d'imposition postérieures à l'année 1997.

 

[2]           Sauf indication contraire, tous les montants mentionnés dans les présents motifs sont en dollars canadiens. Les transactions conclues par l'appelante et Adechsa, le prix payé pour chaque transaction et le prix le plus élevé payé par les fabricants de produits génériques au moment pertinent sont indiqués à l'annexe A de la réponse modifiée de l'intimée à l'avis d'appel modifié.

 

[3]           Dans les présents motifs, l'expression « Glaxo World » ou le mot « World » se rapportent à l'une ou l'autre des sociétés dirigées, directement ou indirectement, par Glaxo Holdings PLC ou à des filiales de Glaxo Holdings PLC, ce qui comprend par exemple Glaxo Group Limited, Adechsa S.A., Glaxo Canada, Glaxochem (Pte) Ltd. et Glaxochem Ltd. Voir l'organigramme d'entreprise de Glaxo World à l'annexe III des présents motifs.

 

[4]           Jusqu'à l'année 1990 inclusivement, la ranitidine était produite à Singapour par Glaxochem (Pte) Ltd. En 1991, il y a eu une réorganisation d'entreprise et Glaxo Pharmaceuticals (Pte) a commencé à produire la ranitidine.

 

[5]           Si les bénéfices tirés des ventes dépassaient 4 p. 100, l'impôt était calculé sur les bénéfices réels.

 

[6]           a) Le fait qu'un contribuable réalise autant de bénéfices que possible et qu'il déploie des efforts légitimes pour payer le moins d'impôt possible sur les bénéfices n'a rien d'incorrect ou d'inadmissible, et je ne tire aucune conclusion défavorable lorsqu'un contribuable agit ainsi.

 

            b) Dans la mesure où la chose importe, je suppose qu'en employant le mot [TRADUCTION] « groupe », M. Halpern parle de Glaxo Group Ltd. par opposition au groupe de sociétés Glaxo.

 

[7]           Des contrats antérieurs ont été produits en preuve, mais ils n'ont aucune incidence dans les présents appels.

 

[8]           Les expressions « équivalence chimique », « biodisponibilité » et « bioéquivalence » sont définies dans le glossaire, annexe IV.

 

[9]           Divers témoins ont désigné sir Paul Girolami comme étant le « président », le « directeur général » et le « grand patron » de Glaxo Group.

 

[10]          Glaxo Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1988] 1 C.F. 422, à la page 432.

[11]          Voir le paragraphe 63 ci‑dessous qui concerne la définition de la « méthode du prix de revente » donnée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (l'« OCDE »).

 

[12]          Prix de transfert et entreprises multinationales : Rapport du Comité des Affaires Fiscales de l'O.C.D.E. (Paris, Organisation de coopération et de développement économiques, 1979) (les « Principes de l'OCDE »). Les Principes de l'OCDE ont été mis à jour en 1995 (les « Principes de 1995 »), mais en ce qui concerne les propositions générales à prendre en considération en l'espèce, on peut omettre de tenir compte des différences entre les éditions.

 

[13]          SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. Canada, 2002 CAF 229, [2002] A.C.F. no 837 (QL), 291 N.R. 113.

 

[14]          Aucune des deux parties ne s'est fondée sur cette méthode et il n'en est pas tenu compte dans les présents motifs.

 

[15]          Principes de l'OCDE, paragraphe 48.

 

[16]          Ibid., paragraphe 63.

 

[17]          Ibid., paragraphe 65.

 

[18]          Ibid., paragraphe 56.

 

[19]          Principes de 1995, paragraphe 3.26.

 

[20]          Principes de l'OCDE, paragraphe 12.

 

[21]          [2001] 2 R.C.S. 1046.

 

[22]          no T‑1370‑74, 26 février 1975, 76 D.T.C. 6194 (C.F. 1re inst.), confirmé par 76 D.T.C. 6195 (C.A.F.) (« Koffler Stores »).

 

[23]          no 83‑456, 9 mai 1985, 85 D.T.C. 378 (C.C.I.) (« GSW Appliances »).

 

[24]          Précité.

 

[25]          92 T.C. 525, 1989 U.S. Tax Court.

 

[26]          Principes de 1995, paragraphe 13, page P‑4.

 

[27]          Ibid., paragraphes 1.31 et 1.32.

 

[28]          Glaxo Canada achetait de la ranitidine granulée d'Adechsa. Apotex et Novopharm achetaient de la ranitidine non granulée de leurs fournisseurs. Le coût de granulation d'un kilogramme de ranitidine est décrit dans la pièce R‑0105. On demandait à Glaxochem Ltd 10 £ le kilogramme pour procéder à la granulation. Selon M. Winterborn, Adechsa demandait 1 629 $ le kilogramme pour de la ranitidine non granulée et 1 652 $ pour de la ranitidine granulée. Monsieur Winterborn a déclaré que le processus de granulation n'était pas une exigence du processus de fabrication, mais qu'il s'agissait d'un processus créé par Glaxo Group. Pour les besoins des présents appels, je conclus que la ranitidine granulée valait 25 $ le kilogramme de plus que la ranitidine non granulée.

 

[29]          Il y a trois types fondamentaux de contamination : accidentelle, connexe et croisée. Les contaminants accidentels proviennent de sources externes et comprennent des choses telles que de la poussière et des insectes. Monsieur Ment a parlé d'un cas de contamination accidentelle qui s'est produit il n'y a pas très longtemps lorsque des écailles de peinture et de métal corrodé étaient tombées dans les cuves ouvertes d'un fabricant d'excipient. Les contaminations croisées proviennent habituellement d'autres IPA ou de matières premières qui sont fabriqués ou utilisés dans une installation à production diversifiée. Les contaminants connexes proviennent du processus de fabrication lui‑même; ils peuvent être connus, si leur structure a été établie, ou inconnus, si leur structure n'a pas encore été établie.

 

[30]          Le témoignage de M. Ment sur ce point était fort technique. Monsieur Ment a déclaré qu'il se pouvait que les contaminants passent inaperçus dans les essais :

 

(1)        s'ils n'étaient pas présents à des niveaux suffisants;

 

(2)        si du personnel de laboratoire inexpérimenté ou surmené n'assurait pas le suivi de la façon appropriée lorsque des résultats inhabituels ou atypiques étaient obtenus;

 

(3)        s'ils passaient par la colonne d'un chromatographe en phase liquide à haute résolution (un instrument analytique sensible souvent appelé simplement CLHR) dans le volume mort. (Le volume mort contient des diluants qui ne sont pas retenus dans la colonne et ceux qui sortent de la colonne à la suite d'une injection antérieure. L'analyste n'en tient fondamentalement pas compte.);

 

(4)        s'ils sont élués avec d'autres composés prévus (ce qui veut dire qu'ils sont sortis de la colonne du CLHR en même temps que ces composés) et que, ce faisant, ils se sont cachés derrière le pic du composé prévu dans le chromatogramme.

 

[31]          Rien ne montre que la pénicilline ait été fabriquée dans l'installation d'un fabricant qui fournissait de la ranitidine aux fabricants de produits génériques au cours des années visées par les appels.

 

[32]          Les BPF réduisent autant que cela est possible le risque de contamination, mais les risques ne peuvent pas être éliminés complètement. Les deux parties ont donné des exemples de retraits de produits et de problèmes de fabrication chez Glaxo et dans les installations des fabricants de produits génériques. Cette preuve ne vient en aide à aucune des deux parties.

 

[33]          Uquifa était un fabricant en Espagne qui fournissait de la ranitidine aux fabricants de produits génériques. Lek, Medichem, Delmar et Maprimed étaient d'autres fabricants de produits génériques que la DGPS avait approuvés comme fournisseurs de ranitidine.

 

[34]          Glaxo ne fabriquait pas ses propres excipients. La norme de produit de Glaxo Group qui a été signée le 10 septembre 1990 mentionne l'Avicel PH102 comme seul excipient approuvé aux fins de son utilisation dans des comprimés de chlorhydrate de ranitidine de 150 mg enrobés d'une pellicule soluble. Avicel est une marque de commerce déposée de FMC Corporation, une société sans lien de dépendance fabriquant divers produits chimiques.

 

[35]          Cette stratégie a déjà été examinée aux paragraphes 79 à 92 des présents motifs, et ne sera pas examinée de nouveau.

 

[36]          Principes de l'OCDE, paragraphe 49.

 

[37]          Principes de 1995, paragraphe 1.30

 

[38]          Principes de l'OCDE, paragraphe 51.

 

[39]          Principes de 1995, paragraphe 1.20.

 

[40]          Principes de l'OCDE, paragraphe 49.

 

[41]          Les coûts réels de fabrication secondaire sont connus pour Fournier, le codistributeur français, et le montant demandé à Glaxo Austria afin de procéder à la fabrication secondaire pour Gebro, le codistributeur autrichien, est également connu. Le coût, dans le cas de Fournier, se rapproche de l'estimation, mais il n'en va pas de même dans le cas de Gebro – le coût est presque le double. En ce qui concerne l'Allemagne et l'Italie, où la fabrication secondaire était effectuée par des filiales de Glaxo, M. Ballentine a initialement utilisé des estimations, mais il a par la suite corrigé les chiffres pour le codistributeur en Allemagne. Le prix moyen demandé à Fournier pour la fabrication secondaire était de 184,14 $ le kilogramme, par opposition à la moyenne de 233,80 $ utilisée par M. Ballentine. Gebro demandait également à Glaxo Austria un montant de 513,39 $ ou de 586,81 $ (en fonction de la taille de l'emballage) pour la fabrication secondaire, soit un prix beaucoup plus élevé que la moyenne de 233,80 $ utilisée par M. Ballentine.

 

[42]          41 B.L.R. (3d) 74, 2004 D.T.C. 6224 (C.S.J. Ont.) (Ford), infirmée en partie pour d'autres motifs par (2006), 70 O.R. (3d) 81.

 

[43]          D'après la figure 6 du rapport de M. Ballentine, il semble que le rapport entre les travaux de recherche et de développement de l'appelante et ses ventes soit de près de 10 p. 100.

[44]          [1990] 3 R.C.S. 1020, page 1052 (McClurg).

 

[45]          Ibid., page 1074.

 

[46]          L'avocat de l'appelante a renvoyé en particulier aux décisions rendues dans les affaires Smith c. La Reine, no A‑204‑86, 21 juillet 1993, 93 D.T.C. 5351, à la page 5356 (C.A.F.), et Jones c. La Reine, no A‑185‑95, 11 décembre 1995, 96 D.T.C. 6015 (C.A.F.).

 

[47]          Ibid.

 

[48]          [1991] 1 C.F. 585, à la page 594, 90 D.T.C. 6681, à la page 6684 (C.A.F.) (Neuman).

 

[49]          Smith, page 11.

 

[50]          [1998] 1 R.C.S. 770.

 

[51]          [1988] 2 C.F. 356 (C.A.F.), confirmé par [1990] 3 R.C.S. 1020.

 

[52]           Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Odynsky, no T‑2669‑97, 18 août 1999, [1999] A.C.F. n° 1389 (QL) (C.F. 1re inst.).

 

[53]           2002 CFPI 542.

 

[54]           Ibid., paragraphe 1.

 

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