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Dossier : 2006-3493(IT)G

ENTRE :

NICOLINO PENTA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 2 mai 2008, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

Donato Di Tullio

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu dont l'avis porte le numéro 32596 et est en date du 26 août 2005 est rejeté, avec frais, selon les motifs du jugements ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2008.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 


 

 

 

 

Référence : 2008TCC286

Date : 20080515

Dossier : 2006-3493(IT)G

ENTRE :

NICOLINO PENTA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie sous le régime de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (« Loi ») ayant trait à la responsabilité des administrateurs d’une société qui a fait défaut d’effectuer ou de verser les retenues d’impôt sur le revenu d'un bénéficiaire. Selon cet article de la Loi, les administrateurs de la société sont tenus solidairement responsables avec la société du paiement de ces sommes, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

 

[2]     Dans la présente affaire, la société 2740907 Canada Inc. a omis de remettre au Receveur général du Canada les sommes retenues selon les exigences de la Loi sur les salaires de ses employés. L’appelant était l’administrateur principal de la société.

 

[3]     L’appelant a relaté que la société  a commencé à agir en 1995 et a cessé de faire affaire en 1996. Elle agissait à titre de sous‑traitant d'une société, le Groupe Arsona, dont elle a obtenu deux contrats importants. Le Groupe Arsona a fait faillite en 1996, ce qui, selon l’appelant, explique le non versement des sommes retenues sur les paies des employés. Le Groupe Arsona devait à la société au moment de la faillite une somme de 65 000 $. Selon l’appelant, la société comptait sur cette somme pour faire les remises de retenues d’impôt à la source.

 

[4]     Le frère de l’appelant, monsieur Antonio Penta, a expliqué que c’était lui qui s’occupait de la tenue des livres de la société. Il a admis que les formulaires T4 avaient été émis aux employés mais que les copies de ces formulaires n'avaient jamais été envoyés à l'Agence du revenu du Canada (« ARC ») et qu’aucune somme d’argent n'avait jamais été remise à l’ARC.

 

[5]     Monsieur Denis Paulin, l'agent du ministre du Revenu national (« Ministre ») a expliqué que le 19 novembre 1996, il y a eu une première vérification qui a été faite par un agent du Ministre. Il a été impossible à ce dernier de voir les livres de la société. Il a alors procédé à une cotisation arbitraire de celle‑ci pour l'année 1995.

 

[6]     C’est monsieur Paulin qui a fait la deuxième vérification en date du 10 décembre 1997. Il ne lui a pas été possible non plus de voir les livres bien qu'il se soit rendu sur place et ait parlé à monsieur Antonio Penta.

 

[7]     Cependant, le vérificateur a réussi à retracer le nom de quelques employés de la société. Ces employés, dans leur déclaration de revenu pour l'année 1995 et quelques uns pour l'année 1996, avaient inclus les T4 de leur employeur, la société. C'est sur cette base réelle que la société a alors été cotisée.

 

[8]     Madame Madeleine Castello, vérificatrice de comptes en fiducie, a relaté que le 2 février 2005, une lettre de l'ARC a été envoyée à l'appelant l'informant du projet de cotisation en vertu de l'article 227.1. Le troisième paragraphe de cette lettre se lit ainsi :

 

Le paragraphe 227.1(3) de la « Loi de l'impôt sur le revenu du Canada » libère l'administrateur de cette responsabilité lorsqu'il a agit avec le soin, la diligence et la compétence d'une personne raisonnablement prudente dans de telles circonstances. Si vous croyez que vous n'êtes pas solidairement responsable et que nous ne devrions pas établir de cotisation, veuillez faire parvenir à notre bureau, dans les 30 jours, les raisons et les documents qui, selon vous, démontrent que vous n'êtes pas responsable.

 

[9]     Le 3 mars 2005, madame Castello a une conversation téléphonique avec l'appelant qui lui demande un délai supplémentaire. Elle fixe la date au 15 mars. Elle n'a jamais rien reçu par la suite.

 

[10]    Le 26 août 2005, elle a établi la cotisation de l'appelant.

 

[11]    Le représentant de l'appelant a fait valoir comme moyen de défense la diligence raisonnable de l’appelant. N'eût été de la faillite de l'entrepreneur général, l'appelant aurait vu à ce que la société paye les retenues à la source.

 

[12]    L’avocat de l’intimée fait valoir qu’au contraire, il n’y a aucun indice de diligence raisonnable pour prévenir le manquement de remettre les sommes déduites au titre de l’impôt des salariés de la société.

 

Analyse et conclusion

 

[13]    Le paragraphe 227.1(3) se lit comme suit :

 

(3)        Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

 

[14]    La diligence requise de la part d'un administrateur en vertu de cette disposition est celle de l'administrateur qui met en place les balises nécessaires pour prévenir le défaut de verser les sommes retenues sur les salaires.

 

[15]    Je suis d’avis que la preuve a révélé une absence totale de soin de la part de l’administrateur à l’égard des obligations de la société relativement aux retenues à la source. La société n'a jamais envoyé à l’ARC les copies des T4, émis à ses employés, sur lesquels T4 paraissaient les déductions à la source. La société n'a jamais communiqué avec l'ARC pour expliquer le défaut de remettre les retenues d’impôt à la source. Au cours de son année et demie d’opération, elle n’a pas remis un seul sou sur ces sommes d’argent retenues au nom du ministre. Il n’y a pas de preuve que l’appelant ait donné des instructions à cet égard à son frère qui tenait les livres. La preuve a révélé que l’appelant était au courant de cet état des choses et qu’il attendait à la fin de l’exécution des contrats pour faire ces remises.

 

[16]    Je cite la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Jean Ruffo c. M.R.N., 2000 DTC, p. 6317, paragraphes 4 à 7 :

 

4          En outre, au 15 juillet 1992, l'appelant espérait, par exemple, toucher une somme de $200,000 suite à une entente verbale de coopération avec la compagnie Homard Gidney Lobsters Ltd. Or, le seul moyen de redressement apparaissant aux livres de la compagnie, si ce montant était versé à ce moment, ce qui ne fut pas le cas, consistait à payer les retards accumulés, sans qu'aucune mesure ne soit prise pour assurer le paiement des déductions courantes et prévenir un manquement futur à cette obligation. De fait, aucune remise n'a été faite selon ce plan de redressement et les omissions de prélever ont perduré dans les mois qui suivirent alors que l'entreprise choisissait de payer ses autres créanciers.

 

5          Comme le disait le juge Vinelott en rapport avec l'obligation du dirigeant d'une compagnie d'effectuer les prélèvements et les remises ci‑haut mentionnées:

 

Les administrateurs d'une société devraient conduire les affaires de celle-ci de telle manière qu'elle puisse satisfaire à ces obligations à l'échéance et ce non seulement parce que ces sommes ne sont pas gagnées par la société dans le cadre de ses activités commerciales, qu'elle est en droit de considérer comme son fonds de roulement ..., mais, chose plus importante, parce que les administrateurs ne devraient pas financer les activités courantes de la société avec les sommes que cette dernière doit verser à Sa Majesté.

 

6          L'obligation de l'appelant en tant qu'administrateur était de prévenir et d'empêcher l'omission de payer les sommes dues et non de la commettre ou de la perpétuer comme il l'a fait à compter de mars 1992 dans l'espoir qu'en fin de compte l'entreprise renouerait avec la rentabilité ou qu'il y aurait assez d'argent, même en cas de liquidation, pour payer tous les créanciers.

 

7          Alors qu'un administrateur peut, au terme du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, se dégager de sa responsabilité personnelle pour les déductions impayées en démontrant qu'il a agi avec diligence, l'appelant n'a pas, dans les circonstances, fait preuve de la diligence requise.

 

[17]    L'obligation de l'appelant, en tant qu'administrateur, était de prévenir et d'empêcher l'omission de payer les sommes dues et non de la commettre ou de la perpétuer, comme il l'a fait au cours de tout l’exercice de la Société dans l'espoir qu'en fin de compte l'entreprise aurait assez d'argent pour remettre les sommes retenues sur les salaires des employés de la Société.

 

[18]    Il ne s'agit pas ici du cas d'une entreprise qui s’est toujours soucié de son obligation en vertu de la Loi, de remettre au Ministre les sommes qu’elle a déduites du total du salaire de ses employés en son nom et qui, soudainement, ne peut plus se conformer à ces obligations à cause de la faillite d'une source principale de revenu.

 

[19]    Ici, l’appelant, en tant qu’administrateur de la Société, n’a rien fait pour prévenir le manquement. Il n’a pas donné instruction de verser au fur et à mesure les sommes retenues et d’envoyer une copie des T4 au Ministre. L’appelant n’a jamais manifesté le comportement de l'administrateur diligent au sens de la Loi, c’est-à-dire celui qui s'efforce de prévenir les manquements à la Loi.

 

[20]    L’appel doit en conséquence, être rejeté avec frais.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2008.

 

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008TCC286

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-3493(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              NICOLINO PENTA c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 2 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 15 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

Donato Di Tullio

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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