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Dossier : 2006-3931(GST)I

ENTRE :

 

 

OAK RIDGES LUMBER CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), les 23 et 24 avril 2008.

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

John Sbrolla

Avocate de l’intimée :

Me Sharon Lee

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er février 1998 au 30 septembre 1998 et dont l’avis est daté du 6 octobre 2006 est rejeté.

 

Signé à Toronto (Ontario) ce 8e jour de mai 2008.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2008.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

Référence : 2008CCI259

Date : 20080508

Dossier : 2006-3931(GST)I

ENTRE :

 

OAK RIDGES LUMBER CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Le présent appel a été interjeté à l’égard d’une nouvelle cotisation établie en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») portant sur la taxe sur les produits et services (la « TPS ») pour la période allant du 1er février 1998 au 30 septembre 1998.

 

[2]     La nouvelle cotisation était complexe. Elle comportait une cotisation de TPS à l’égard de prétendus revenus non déclarés de 546 959 $, le refus de crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») et l’imposition de pénalités. Un seul de ces éléments fait l’objet du présent litige, soit le refus de CTI à l’égard de paiements faits par l’appelante à une société appelée Vacation Properties Development Corporation (« VPDC »).

 

[3]     La question que je dois trancher est très précise : l’appelante a-t-elle inclus la TPS dans les paiements qu’elle a faits à VDPC? Dans l’affirmative, la Couronne reconnaît que l’appelante a droit aux CTI dans la mesure où les paiements faits à VPDC comprenaient la TPS.

 

[4]     La situation est plus complexe que ne le laisse paraître l’énoncé de la question en litige présenté ci‑dessus. John Sbrolla est le président et l’unique actionnaire de l’appelante. Il est grossiste en poissons et en fruits de mer. Feu Paul Taylor, l’oncle de l’épouse de M. Sbrolla, avait convaincu ce dernier de participer à une entreprise de vente de bois au détail. L’entreprise avait pour objectif déclaré la vente de revêtements de sol en bois franc à Hong Kong. C’est à cette fin que M. Taylor avait fondé Bancroft Lumber and Wood Floor Products Limited (« Bancroft »).

 

[5]     Bancroft était partiellement financée par VPDC, une société appartenant à May Seto, l’épouse de David Seto. May Seto est issue d’une riche famille de Hong Kong. David Seto est maintenant en cavale, ayant abandonné femme et enfants. Un certain nombre de personnes, dont M. Sbrolla, ont été accusées et déclarées coupables de fraude et de blanchiment d’argent. Bien que je ne puisse pas en être certain, M. Sbrolla semble avoir joué un rôle relativement mineur dans cette affaire. M. Seto semble avoir été l’âme dirigeante de ces activités criminelles. M. Sbrolla n’a tiré que 32 000 $ de ce qui semble avoir été un stratagème de plusieurs millions de dollars impliquant le fait d’escroquer des vendeurs américains de bois franc, la fraude par tirage à découvert[1] et le blanchiment d’argent. M. Sbrolla s’est vu infliger une peine très légère.

 

[6]     Rien de tout cela n’est particulièrement pertinent relativement à la question en litige dans le présent appel, mais il est important d’expliquer le contexte dans lequel l’appelante a fait les paiements à VPDC. L’appelante avait acheté du bois de Bancroft, et il semblerait qu’elle ait payé de la TPS lors de l’achat et qu’elle ait ensuite demandé des CTI, lesquels lui ont été accordés.

 

[7]     VPDC avait avancé une somme à Bancroft et elle détenait un privilège à l’endroit des biens de cette dernière. Canadian Maple Hardwood Flooring était impliquée dans un litige l’opposant à Bancroft, et elle cherchait à obtenir une ordonnance de faillite à l’endroit de cette dernière. M. Sbrolla a témoigné que Paul Taylor lui avait dit de faire des paiements à VPDC pour du bois que Bancroft avait vendu à l’appelante. Cela a été fait durant une période de deux ou trois mois; soit les mois de mai, juin et juillet 1998.

 

[8]     Il semble que l’appelante n’a pas demandé les CTI pour tous les paiements qu’elle avait faits à VPDC. On m’a présenté divers calculs des sommes payées à VPDC par l’appelante, mais le total semble osciller entre 360 000 $ et 380 000 $. Certaines de ces sommes ont été payées en dollars américains.

 

[9]     Je reviens maintenant à la question principale : les paiements faits à VPDC incluaient-ils la TPS? Dans la lettre que M. Plummer, le répartiteur de l’appel, a envoyée, celui‑ci affirme que : [TRADUCTION] « Les crédits de taxe sur les intrants ne seront pas accordés à l’égard des paiements faits à Vacation Properties. Il n’a pas été prouvé que la TPS était incluse dans ces paiements. » Le paragraphe 169(4) de la LTA est ainsi rédigé :

 

Documents

 

(4)   L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

 

                    a)             il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

 

[10]    Le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) traite des pièces justificatives, et comprend la définition suivante :

 

« pièce justificative » Document qui contient les renseignements exigés à l'article 3, notamment : 

       

        a)   une facture;

        b)   un reçu;

        c)    un bordereau de carte de crédit;

        d)   une note de débit;

        e)    un livre ou registre de comptabilité;

        f)    une convention ou un contrat écrits;

g)   tout registre faisant partie d'un système de recherche documentaire informatisé ou électronique ou d'une banque de données;

h)   tout autre document signé ou délivré en bonne et due forme par un inscrit pour une fourniture qu'il a effectuée et à l'égard de laquelle il y a une taxe payée ou payable.

 

[11]    Je crois qu’il est juste de dire qu’aucun document de la sorte n’a été présenté à l’Agence du revenu du Canada ou à la Cour. L’exigence de présentation de pièces justificatives n’est ni déraisonnable, ni particulièrement lourde. Il s’agit d’ailleurs d’une exigence déjà prévue dans la LTA. L’observation suivante a été faite dans Helsi Construction Management Inc. v. R., [2001] G.S.T.C. 39 :

 

[11]      Les raisons principales du rejet étaient que les numéros d'inscription des fournisseurs n'étaient pas indiqués sur les factures. Il s'agit d'une condition prévue par l'article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants. Bien qu'il puisse être justifié, dans certains cas, de considérer les conditions techniques ou mécaniques comme indicatives plutôt qu'obligatoires (voir par exemple l'affaire Senger-Hammond c. R., C.C.I., no 96‑1117(IT)I, 6 décembre 1996 ([1997] 1 C.T.C. 2728), ce n'est pas le cas pour ce qui est des dispositions relatives à la TPS de la Loi sur la taxe d'accise.

 

[12]    Mis à part l’absence de pièces justificatives, je ne suis pas convaincu que la TPS a été incluse dans les paiements faits à VPDC. Même si je croyais l’histoire selon laquelle Paul Douglas aurait dit à M. Sbrolla de faire à VPDC les paiements qui auraient dû être faits à Bancroft, ce qu’aucun écrit n’est venu confirmer, je n’ai vu aucune facture de Bancroft correspondant aux paiements faits à VPDC. En outre, les paiements faits en mai et en juin comprenaient non seulement les paiements versés à VPDC, mais aussi des paiements versés à Bancroft. Ces faits sont incompatibles avec la théorie selon laquelle l’objectif était de contourner Bancroft pour éviter la poursuite intentée par Canadian Maple Hardwood Flooring.

 

[13]    De plus, la valeur des CTI demandés par l’appelante à l’égard des paiements faits à VPDC ne me semble pas claire. Les approximations concernant les paiements faits à VPDC pour lesquels des CTI sont demandés varient grandement, la somme de ces paiements se situant peut‑être entre 192 000 $ et 483 000 $. Par ailleurs, l’appelante n’a pas demandé de CTI à l’égard d’un grand nombre de paiements faits à VPDC.

 

[14]    Un certain nombre de talons de chèque relatifs aux paiements faits à VPDC ont été présentés en preuve. Les talons de chèque portent deux inscriptions : le montant du chèque, qui a été écrit de la main de M. Sbrolla, et la mention [TRADUCTION] « TPS » qui a été écrite d’une autre main, celle de l’aide‑comptable. La deuxième inscription est postérieure à la première; il s’agit seulement d’un calcul basé sur le 7/107e du montant du chèque. Cela ne prouve pas que la TPS a été incluse dans les paiements faits à VPDC.

 

[15]    Tout compte fait, je ne pense pas qu’il ait été démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les paiements faits à VPDC incluaient la TPS.

 

[16]    L’appel est rejeté.

 

Signé à Toronto (Ontario) ce 8e jour de mai 2008.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008CCI259

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2006-3931(GST)I

 

INTITULÉ :

Oak Ridges Lumber Corp. et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 23 et 24 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 8 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

John Sbrolla

Avocate de l’intimée :

Me Sharon Lee

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Représentant de l’appelante :

 

Nom :

 

Cabinet :

John Sbrolla

Oak Ridges Lumber Corp.

26, rue Closs Square

Aurora ON L4G 5H4

 

Avocat de l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Pour ceux qui se demandent ce qu’est la fraude par tirage à découvert, voici une description concise tirée de la décision du Conseil privé, Corporation Agencies, Limited v. Home Bank of Canada, [1927] A.C. 318, aux pages 320 et 321 :

 

[TRADUCTION]

 

Il existe au Canada une pratique, la « fraude par tirage à découvert », qui peut être décrite de la façon suivante : « La fraude par tirage à découvert désigne le fait d’obtenir de l’argent en tirant un chèque sans provision d’un compte bancaire et en le déposant auprès d’une autre banque – c’est‑à‑dire que la fraude par tirage à découvert est une façon d’utiliser de l’argent durant le temps que prend un chèque pour passer d’une banque ou d’une chambre de compensation à une autre banque, et parfois à de nombreuses autres banques. » M. Bowler, un témoin de la banque défenderesse, a ajouté que la fraude par tirage à découvert est une façon d’obtenir du crédit durant le temps qu’il faut pour qu’un chèque soit compensé par la banque où il a été déposé. Le chèque passe ainsi d’une banque à l’autre, le compte à la banque où le chèque a été déposé est crédité de la valeur du chèque, et le compte d’où le chèque est tiré est débité de ce même montant.

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