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Dossier : 2005-329(IT)G

ENTRE :

MOHSEN BOUALLEG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

Appel entendu le 5 octobre 2007, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Stéphane Harvey

Avocat de l'intimée :

Me Jean Lavigne

__________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 est accueilli, avec dépens en faveur de l'intimée et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les revenus non déclarés et ajoutés selon la méthode de l’avoir net doivent être réduits de 7 000 $ pour chacune des années d’imposition 2001 et 2002; quant à l’année d’imposition 2000, les revenus non déclarés et ajoutés sont confirmés comme étant bien fondés.

 

Les pénalités sont justifiées, mais devront toutefois faire l'objet de nouveaux calculs en fonction des nouveaux montants des revenus non déclarés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mai 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2008CCI215

Date : 20080507

Dossier : 2005-329(IT)G

ENTRE :

 

 

MOHSEN BOUALLEG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]     Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 2000, 2001 et 2002 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Les cotisations ont été établies par la méthode de l'avoir net.

 

[2]     Les questions en litige sont les suivantes :

 

a)  Les revenus de l'appelant pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 doivent-ils être augmentés de 11 330,57 $ (14 330,57 $ - 3 000,00$), de 35 435,73 $ et de 33 247,21 $ respectivement au titre de revenus non déclarés calculés selon l’avoir net?

 

b)  Les pénalités imposées à l'appelant pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont-elles justifiées dans les circonstances?

 

[3]     Pour établir et ratifier les cotisations et les pénalités relatives aux années d'imposition 2000, 2001 et 2002, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)   L’appelant opérait à tout moment pertinent, en société et à part égale avec un tiers, une entreprise de taxis composée de trois (3) voitures;

 

b)   L’appelant déclarait peu de revenus totaux durant les années d’imposition 2000 (13 346,00 $), 2001 (15 384,00 $) et 2002 (12 929,00 $);

 

c)   La conjointe de l’appelant déclarait elle-même peu de revenus durant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, essentiellement des revenus d’emploi à temps partiel;

 

d)   Les contrôles internes dans l’entreprise opérée à tout moment pertinent par l’appelant étaient déficients;

 

e)   L’appelant s’impliquait peu dans l’administration de l’entreprise;

 

f)    L’appelant avait néanmoins connaissance des recettes générées ainsi que des dépenses encourues en rapport avec les trois (3) voitures de taxi opérées par l’entreprise;

 

g)   L’appelant ne déclarait pas dans le calcul de son revenu personnel les pourboires reçus ayant une valeur de 3 500,00 $ par année durant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002;

 

h)   L’appelant a reçu de sa belle-mère un don de 3 000,00 $ durant l’année d’imposition 2000 qu’il a affecté à l’achat de sa participation dans l’entreprise;

 

i)    Les revenus déclarés par l’appelant durant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 ne justifiaient pas les actifs détenus par lui à tout moment pertinent;

 

j)    Les revenus de l’appelant ne justifiaient pas non plus son coût de vie durant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002;

 

k)   La vérification dont l’appelant a fait l’objet a été faite au moyen de la méthode de vérification indirecte du calcul de l’écart par avoir net (avoir net), vu l’absence de pièces justificatives suffisantes, durant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Voir comme si au long récité :

 

-     Annexe « A » : « Calcul de l’écart par avoir net – Pour fins d’impôt » (re; années d’imposition 2000, 2001 et 2002);

 

l)    Les écarts ainsi obtenus entre les revenus totaux antérieurs déclarés par l’appelant pour chacune des trois (3) années d’imposition 2000, 2001 et 2002 et les revenus totaux révisés en rapport avec ces mêmes trois (3) années d’imposition, à savoir 14 330,57 $ (2000), 35 435,73 $ (2001) et 33 247,21 $ (2002) desquels, aux termes de la vérification, ont été soustraites des dépenses d’amortissement supplémentaires, à savoir 1 950,00 $ (14 330,57 $ - 1 950,00 $ = 12 381,00 $), 1 670,00 $ (35 435,73 $ - 1 670,00 $ = 33 766,00 $) et 1 272,00 $ (33 247,00 $ - 1 272,00 $ = 31 975,00 $) respectivement, ont été validés par une analyse des dépôts aux comptes bancaires de l’appelant et de sa conjointe et par une confirmation de tiers des revenus gagnés par l’appelant. Voir comme si au long récité les Annexes « B » à « J » :

 

-     Annexe « B » : « Bilan personnel au 31 décembre » de l’appelant (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « C » :        « Bilan d’entreprise / Année financière de l’entreprise au 31 décembre » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « D » : « Caisse Populaire et Banques » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « E » :        « Liste des comptes à recevoir » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « F » : « Sommaire des immobilisations » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « G » :        « Placements » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « H » : « Liste des comptes à payer » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « I » :         « Emprunts et Hypothèques » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

-     Annexe « J » : « Rapport du Vérificateur » (re; années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002);

 

 

[4]     Les faits sont relativement simples à résumer. L'appelant et sa conjointe ont témoigné. L'appelant a expliqué avoir travaillé à Québec durant plusieurs années comme chauffeur de taxi.

 

[5]     En 1999, il a pris un congé de plusieurs mois et a quitté le pays; il est alors retourné dans son pays d'origine, en Tunisie, pour y visiter ses parents et amis.

 

[6]     Il a affirmé qu’à son retour à Québec, en janvier 2000, il ne possédait strictement rien, aucun actif, si ce n'est un montant de 3 000 $, don de ses parents.

 

[7]     L'appelant et sa conjointe ont affirmé vivre très modestement dans un petit appartement. À son retour à Québec, l’appelant a repris son travail de chauffeur de taxi.

 

[8]     En mars de la même année, un propriétaire de près d'une vingtaine de permis de taxi, un certain Salim Chouari, lui proposait de faire l'acquisition de deux taxis et des permis requis pour les exploiter à Québec.

 

[9]     Les documents déposés comme pièce I‑1 (contrat de vente signé devant MFecteau le 10 novembre 2000, cartable I-1, onglet 24, pages 2020 et 2020-1) démontrent plutôt que l'acquisition s'est faite le 10 novembre 2000 pour un prix de vente de 82 084,69 $. Les parties ont alors convenu qu’elles seraient associées à parts égales pour l'exploitation des deux taxis.

 

[10]    Pour financer l'acquisition, monsieur Chouari a présenté à l’appelant à une institution financière qui, en échange de la garantie de monsieur Chouari, a avancé à l’appelant l'argent requis pour permettre la transaction.

 

[11]    Un peu plus tard, soit le 28 novembre 2000, son associé lui a proposé de faire l'acquisition d'un troisième permis et d’un troisième taxi.

 

[12]    Toutes les dépenses liées à l’exploitation des trois véhicules et les remboursements des emprunts étaient faits par l'associé de l'appelant à partir des sommes qui lui étaient remises par la conjointe de ce dernier.

 

[13]    La participation et le travail de l'appelant dans la société de personnes consistait essentiellement à agir comme chauffeur. Il effectuait son travail de la même façon que les autres chauffeurs. À la fin de son quart de travail, il remettait à sa conjointe un sommaire indiquant le kilométrage au début et à la fin de son travail.

 

[14]    Il retenait 40 % des recettes à titre de rémunération; il retenait également ses dépenses à savoir principalement le coût de l'essence.

 

[15]    Cette façon de faire était identique pour tous les chauffeurs. Le compte rendu était accompagné de la distance parcourue pour qu'une vérification sommaire puisse être faite par sa conjointe afin de vérifier si les recettes correspondaient à un minimum de 1 $ par kilomètre parcouru.

 

[16]    L'appelant a expliqué que sa participation à l'entreprise se limitait à agir comme chauffeur. Sa conjointe et lui s'occupaient de préparer un compte rendu sommaire qu’ils remettaient à son associé, Salim Chouari, avec l’argent.

 

[17]    Il ne posait pas de question et ne demandait aucun compte rendu quant au remboursement de l'emprunt contracté pour l'acquisition des véhicules et des permis de taxi. Il ne vérifiait pas si ces paiements étaient faits ou non, il ne s'informait pas et il tenait pour acquis que tout se déroulait correctement. En d'autres termes, l'appelant s'enrichissait sans savoir exactement à quel rythme.

 

[18]    Responsable de la gestion très sommaire, la conjointe de l'appelant effectuait des vérifications pour s'assurer que le compte rendu était raisonnable. Lorsqu'il y avait un montant en espèces d'une certaine importance, un dépôt bancaire était effectué lequel faisait l’objet d’un transfert à l’endroit de Salim Chouari.

 

[19]    Le travail de comptabilité et de gestion de l'appelant se limitait à cette opération. L’appelant ne complétait aucun registre comptable d'une part et, d'autre part, sa conjointe et lui n'avaient accès à aucun registre, si registre il y avait, relatif à la gestion des activités commerciales de la société par Salim Chouari.

 

[20]    En plus d'avoir un rôle très passif dans la gestion de la société dont il était membre, l’appelant n'était informé de rien et, ce qui est encore plus étrange, il ne questionnait rien et ne demandait aucun compte rendu.

 

[21]    Une fois transféré, l’argent était administré par Salim Chouari, qui s'occupait de faire effectuer les nombreuses réparations; les véhicules étaient généralement âgés et nécessitaient de nombreuses et importantes réparations.

 

[22]    À ce sujet, l’appelant a spécifié qu'il ne voyait pas le détail des factures et l'importance des montants déboursés par son associé; Salim Chouari était, en outre, propriétaire de l'atelier de réparation qui effectuait toutes les réparations. De plus, l'appelant a indiqué que la majorité des dépenses étaient payées en argent comptant, sans pièces justificatives. Tout se faisait en comptant, y compris le salaire du mécanicien.

 

[23]    Salim Chouari voyait à tout, il ne rendait aucun compte à l'appelant, qui a d'ailleurs mentionné qu’il n'en demandait pas.

 

[24]    L’appelant a cependant fait plusieurs aveux significatifs. Tout d’abord, concernant les pourboires, il a reconnu les avoir déclarés lorsqu'il a commencé à travailler comme chauffeur de taxi.

 

[25]    À la suite de son association avec Salim Chouari, le comptable de la nouvelle société, choisi par monsieur Chouari, est également devenu son comptable pour sa déclaration de revenus personnelle; ce comptable lui aurait dit qu'il n'avait pas à ajouter le montant de ses pourboires à ses revenus.

 

[26]    Il a dès lors cessé de déclarer ses pourboires, qui représentaient généralement 10 % des recettes totales, soit de 350 $ à 400 $ par mois ou plus ou moins 5 000 $ par année.

 

[27]    L'appelant a reconnu n'avoir pas déclaré les pourboires pour les années en litige, justifiant ainsi en partie le bien‑fondé des nouvelles cotisations établies selon la méthode de l'avoir net.

 

[28]    Deuxièmement, Salim Chouari lui a remis à trois occasions des montants représentant les profits tirés de l'exploitation des trois taxis, soit un montant en argent de 800 $ et deux autres montants de plus ou moins 500 $, donc un total de plus ou moins 1 800 $, montants qu'il a reconnu n'avoir pas déclarés dans ses déclarations de revenus pour les années en litige. Ces montants lui furent payés en argent comptant sans explication aucune; encore là, il faisait confiance aveuglément à son associé Chouari.

 

[29]    Finalement, l'appelant a aussi tacitement admis que les paiements effectués par son associé pour le remboursement des prêts obtenus lors de l’acquisition des véhicules et des permis en son nom constituaient également des revenus non déclarés. L’examen de la preuve documentaire fait ressortir un certain nombre d’éléments justifiant encore là le bien‑fondé des cotisations, tout au moins de façon partielle.

 

[30]    Lors de la vente du 10 novembre 2000, le prix d’achat se chiffrait comme suit :

 

 

Apport initial des associés

 

 

Versement à É. Martel

Versement à É. Canuel

Prêt Caisse populaire

Desjardins Sillery

Prix d'achat total :

 

 

 

9 750,00 $

14 000,00 $

 

58 334,69 $

82 084,69 $

 

 

Mise de fonds initiale de M. Boualeg :

Mise de fonds initiale de M. Chouari :

                                         Total :

 

3 000 $

3 000 $

6 000 $

 

 

Prix d'achat total :

Prêt Caisse populaire Desjardins Sillery pris en charge :

Mise de fonds des associés :

Provenance inexpliquée :

 

 

82 084,69 $

 

-58 334,69 $

- 6 000,00 $

17 750,00 $

 

 

 

 

[31]    Acceptant la proposition de monsieur Salim Chouari, l’appelant et lui firent également l'acquisition d'un troisième véhicule, ne donnant rien comme acompte pour l'acquisition de cette troisième voiture et du permis requis pour l'exploiter. De fait, il y a deux autres transactions dont le sommaire se décrit comme suit (pièce I‑1, onglet 24, pages 2020-3, 2020-3 et 2020-4) :

 

Transactions du 28 novembre 2000 et du 27 février 2001 :

 

Acquisition du 28 novembre 2000 :

Disposition du 27 février 2001 :

 

Profit

 

-50 000,00 $

53 000,00 $

 

  3 000,00 $

 

 

Acquisition du 27 février 2001 :

Emprunt à la Caisse populaire Desjardins Sillery (02/02/2001)

 

Différence

 

-73 000,00 $

 

64 500,00 $

 

-  8 500,00 $

 

 

[32]    Les transactions dont font état les divers contrats mettent en lumière des éléments d’actif ni expliqué, ni justifié. Il y a d’abord, un montant de 17 750 $, soit 8 875 $ pour l’appelant.

 

[33]    Deuxièmement, les transactions du 28 novembre 2000 et du 27 février 2001 démontrent que les associés ont fait un emprunt de 64 500 $ pour faire une acquisition qui coûtait 73 000 $. Ils devaient ainsi avoir 8 500 $, dont évidemment le profit de 3 000 $ réalisé lors de la transaction du 28 novembre 2000.

 

[34]    Les remboursements dus par les deux associés, soit l'appelant et Salim Chouari, étaient faits à même les revenus d'exploitation; les données disponibles permettent de conclure que des remboursements importants ont été faits, réduisant ainsi le capital dû et contribuant ainsi à enrichir le patrimoine des associés, dont l’appelant.

 

[35]    À ces données s'ajoute également le fait que les permis, dont la valeur a manifestement augmenté au fil des ans ont aussi contribué à l'enrichissement du patrimoine de l'appelant.

 

[36]    Il s'agit là d'éléments importants, au sujet desquels la preuve n'a pas permis de tirer des conclusions découlant de calculs précis, puisque la juste valeur marchande de ces permis doit être établie d’une manière particulière.

 

[37]    Dans les circonstances, je ne peux pas faire abstraction de ces aspects, qui ont un effet sur les cotisations.

 

[38]    Malgré ces faits et les revenus fort modestes déclarés par l'appelant, la vérificatrice a relevé un certain nombre d'acquisitions qui portent à croire que l’appelant disposait de revenus manifestement plus importants que ceux déclarés.

 

 

2000

2001

2002

Revenus ajoutés ayant servi de fondements pour les nouvelles cotisations

11 330,57 $

35 435,73 $

33 247,21 $

Montants admis comme n’ayant pas été déclarés

Surplus distribués

(600) $

(600) $

(600) $

Pourboires

(5 000 $)

(5 000 $)

(5 000 $)

Paiements en capital

(961 $)

(11 515 $)

(11 147 $)

Total admis

(6 561 $)

(17 115 $)

(16 747 $)

Écart entre la cotisation du ministre et un estimé du montant que devrait normalement acquitter l'appelant

4 920 $

15 961 $

15 079 $

 

[39]    L'appelant a agi d'une manière fort imprudente en faisant autant confiance à un individu qu'il ne connaissait pas; il a de plus indiqué qu'il n'avait fait aucune enquête pour connaître les qualités ou défauts de l'individu avec lequel il avait décidé de s'associer.

 

[40]    Certes, l'appelant n'avait pas grand‑chose à perdre, étant donné sa situation financière. Cela n'est toutefois pas suffisant pour excuser son indifférence à l'endroit de la gestion de la société dont il faisait partie; il s’agissait d’un comportement qui peut être qualifié d’aveuglement volontaire.

 

[41]    D'ailleurs, la façon de faire de Salim Chouari aurait dû le rendre méfiant, voire suspicieux (paiements comptants, conseils que les pourboires n’ont pas à être déclarés). Une vigilance minimale était de mise, puisque sa responsabilité fiscale était directement mise en cause par la gestion de la société.

 

[42]    L’appelant était quelque peu naïf, mais je doute qu’il ait été aussi indifférent et qu'il se soit tenu autant à l'écart des affaires de la société qu’il l'a indiqué. Il aurait pu faire témoigner monsieur Chouari pour confirmer certaines de ses explications.

 

[43]    Il a choisi de n'en rien faire, si ce n’est une tentative infructueuse. Les règles permettent d’avoir recours à des mesures coercitives lorsqu’une personne refuse de collaborer; l’appelant ne peut, dans les circonstances, tirer un avantage de ses tentatives peu convaincantes de faire témoigner monsieur Chouari.

 

[44]    À la lumière de la preuve, le recours à la méthode de l'avoir net était définitivement approprié. D'ailleurs, cette façon de faire a été validée par les explications de l'appelant lui-même.

 

[45]    L'appelant a admis trois différents éléments de revenus qui devaient être déclarés et qui ne l'ont pas été : les pourboires et les remises de son associé  deux volets où les admissions sont non équivoques; quant aux remboursements du capital des prêts dont il était co‑emprunteur, l'appelant n'a ni nié ni contesté l'évidence, l’enrichissement provenant de la proportion des paiements imputée au capital des emprunts est donc incontestable.

 

[46]    Il semble que la vérificatrice ait tenu compte de l’augmentation de la valeur des permis au fil du temps.

 

[47]    Il s'agit là certes d'un enrichissement, mais il devra être ajouté au revenu lors de la disposition du bien, et non lors d'un exercice essentiellement théorique. L’appelant a présenté un dossier incomplet; il aurait pu faire valoir certains arguments pouvant avoir des effets intéressants. Il n’en a rien fait, sous prétexte de l’impossibilité; il conteste le bien-fondé des cotisations, mais admet formellement ne pas avoir déclaré des revenus fort importants.

 

[48]    Ces montants admis non déclarés correspondent-ils  aux revenus ajoutés selon la méthode de l'avoir net? Peut-être pas exactement. Par contre, il n'y a aucun élément ni preuve qui justifie d’écarter totalement les résultats obtenus selon la méthode de l'avoir net pour établir les nouvelles cotisations dont il est fait appel.

 

[49]    Faire droit aux arguments et admissions de l’appelant et disposer de son appel à partir de ces seuls éléments aurait pour effet de récompenser la négligence, la naïveté et une sorte d'incurie nourrie par une indifférence ou même une complicité tacite inacceptable.

 

[50]    Le procureur de l'appelant a soutenu qu'il n'avait pas existé de réelle société de personnes entre l'appelant et monsieur Salim Chouari. Cette prétention est tout à fait irrecevable et n'explique ni ne justifie l'absence de comptabilité. Si l'appelant a été négligeant, imprudent, voire naïf, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.

 

[51]    Cet argument est tout à fait injustifié. En effet, l'existence d'une société ne peut être niée ou contestée du seul fait que l'un des associés est indifférent quant à la façon et à la manière de faire de son associé.

 

[52]    Lorsqu'on décide d'exploiter une entreprise sous quelque forme juridique que ce soit, cela suppose qu'on possède les qualités nécessaires pour se conformer à toutes les règles du jeu, notamment sur le plan fiscal. Si ces qualités ou aptitudes ne sont pas présentes, il est essentiel de faire le nécessaire pour les obtenir de l'extérieur.

 

[53]    La naïveté, l'indifférence délibérée et l'absence d'initiatives pour participer à la gestion d'une société ne sont pas des éléments pertinents pour conclure à l'inexistence d'une société.

 

[54]    Une société qui ne respecte pas les règles normales de fonctionnement ou qui bafoue les droits de l'un des associés peut facilement être dissoute à la demande de l'associé victime d'un comportement abusif.

 

[55]    En l'espèce, par ignorance, par naïveté ou par indifférence, l'appelant a tacitement accepté la façon cavalière de faire de son associé. Il ne peut donc tirer avantage de sa propre négligence et de sa propre incurie en affirmant qu'il n'a pas à subir les conséquences de la mauvaise gestion de son associé.

 

[56]    L’appelant n'a strictement rien fait ou initié pour forcer monsieur Chouari à lui donner des comptes rendus ou pour obtenir une reddition des comptes si ce n'est qu'à partir du moment où il a fait l'objet de nouvelles cotisations.

 

[57]    À partir de la preuve soumise, j'évalue les revenus non déclarés de l'appelant de la manière suivante. D'une manière arbitraire, j'en conviens, mais malheureusement faute de formule fiable pour en déterminer le montant approprié, je réduis de 7 000 $ les revenus attribués à l’appelant pour chacune des années d’imposition 2001 et 2002; quant à l’année d’imposition 2000, je confirme le bien-fondé des ajouts au revenu de l’appelant.

 

Pénalité

 

[58]    Il n’y a aucun doute que l’appelant a été négligent et insouciant. Une bonne partie de ses griefs ont sans doute découlé de sa grande naïveté, d’ailleurs probablement exagérée afin de bien lui servir lors de son appel.

 

[59]    Je suis convaincu que l’appelant comprend beaucoup plus de choses qu’il ne veut le laisser croire, et ce, bien qu’il ait affirmé et répété que sa conjointe s’occupait entièrement de tout ce qui touchait la gestion des recettes.

 

[60]    Pour ce qui est des pourboires non déclarés, l’appelant a affirmé les avoir déclarés jusqu’à ce que le comptable de l’entreprise, devenu également son comptable, lui indique qu’il n’avait pas à les déclarer. Il s’agit là d’une explication fort suspecte. De plus, il aurait fallu, eu égard à la controverse, qu’il pousse l’enquête un peu plus loin pour obtenir des réponses justes quant au traitement des pourboires.

 

[61]    Entre eux, les chauffeurs de taxi se parlent et communiquent, et doivent de toute évidence parler de cette question fort importante, qui représente d'ailleurs une part significative de leurs revenus disponibles.

 

[62]    En effet, l'appelant a expliqué que la façon habituelle de rémunérer un chauffeur de taxi était en lui versant 40 % des recettes brutes. Or, si les pourboires représentent 10 % du chiffre d'affaires, cela correspond à 25 % du revenu que touchent les chauffeurs de taxi.

 

[63]    En conséquence, il s'agit là d'une composante déterminante du revenu d'un chauffeur de taxi. Il est tout à fait déraisonnable de penser qu'une personne intelligente comme l'appelant ait pu vraiment penser qu'il n'avait pas à déclarer ces revenus. Les explications ou excuses soumises par l’appelant ne sont pas valables et n’excusent en rien le fait d'avoir omis de déclarer des revenus importants.

 

[64]    L’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire équivalant à une négligence grossière et à une faute lourde, au point que les pénalités pour cet aspect du dossier étaient tout à fait justifiées. Il en est également ainsi pour ce qui est des surplus de 800 $, de 500 $ et de 500 $ que son associé lui a remis en argent comptant. Encore là, l’appelant devait savoir qu’il s’agissait de revenus qu’il devait déclarer.

 

[65]    Finalement, l’aspect le plus important des montants ajoutés aux revenus selon la méthode de l’avoir net découle des paiements en remboursement des emprunts effectués pour l’acquisition des trois taxis et des permis.

 

[66]    Dans ce cas, l’enrichissement découle évidemment des versements en capital. Il en est de même pour d’autres débours, dont les honoraires des professionnels appelés à préparer les contrats et les procédures de transfert de permis. Plusieurs de ces dépenses pouvaient être possiblement imputables au revenu de la société. L'absence de toute comptabilité n'a pas permis de vérifier et d'analyser quoi que ce soit.

 

[67]    Il a été dit que des initiatives prises auprès de l’associé de l'appelant n'avaient donné aucun résultat. Il aurait été peut-être alors nécessaire de procéder par subpoena duces tecum voire même par ordonnance pour obtenir un mandat d’amener.

 

[68]    Lorsqu’il est question de pénalités, la différence entre les montants déclarés et les revenus établis pour la cotisation constitue un élément fort important, sinon déterminant, pour justifier la pertinence des pénalités ou pour réfuter les explications ayant pour but de faire la preuve de l’absence de négligence ou de faute lourde.

 

[69]    En l’espèce, les différences sont très importantes; il est tout à fait déraisonnable de croire que l’appelant ne se rendait pas compte de son enrichissement découlant des paiements ayant pour effet de réduire le montant du capital de la dette.

 

[70]    Les pénalités pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 sont bien fondées. Cependant, puisque j’ai conclu que les revenus ajoutés devront être réduits de 7 000 $ pour chacune des années d’imposition 2001 et 2002, les pénalités devront faire l’objet d’une révision pour tenir compte de ce changement.

 

[71]    Pour toutes ces raisons, l’appel est accueilli, avec dépens à l’intimée, et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les revenus non déclarés pour les années en litige se chiffrent comme suit :

 

Année 2000 – revenus non déclarés ajoutés confirmés

Année 2001 – revenus non déclarés ajoutés réduits de 7 000 $

Année 2002 – revenus non déclarés ajoutés réduits de 7 000 $

 

[72]    Quant aux pénalités, elles sont justifiées, mais devront être modifiées selon les revenus non déclarés corrigés. Le tout avec dépens en faveur de l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mai 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI215

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-329(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Mohsen Boualleg et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 5 octobre 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Stéphane Harvey

 

Avocat de l'intimée :

Me Jean Lavigne

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

                   Nom :                             Me Stéphane Harvey

                   Cabinet :                         Barakatt Harvey

                   Ville :                              Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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