Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-4318(EI)

ENTRE :

CAROLE ROBILLARD,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 avril 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

 

Me Madeleine Leduc

Avocate de l'intimé :

Me Sarom Bahk

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi (la « Loi ») est accueilli au motif que madame Carole Robillard exerçait un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi lorsqu’elle était au service de l’Agence de Vente Dan‑Mar (ADM) inc. pour la période allant du 7 décembre 2005 au 14 décembre 2006, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2008.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2008 CCI 326

Date : 20080616

Dossier : 2007-4318(EI)

ENTRE :

CAROLE ROBILLARD,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Dans la présente affaire, il s’agit de déterminer si le travail de l’appelante satisfaisait aux exigences d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») lorsqu’elle était au service de l’Agence de Vente Dan‑Mar (ADM) inc. (le « payeur ») pour la période allant du 7 décembre 2005 au 14 décembre 2006 (la « période pertinente »).

 

[2]              Pour rendre sa décision, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déterminé que l’appelante n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, en s’appuyant sur les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 7 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

a)                 le payeur a été constitué en société le 28 février 1989;

 

b)                M. Donald Cloutier était l’unique actionnaire du payeur;

 

c)                 le payeur exploite une entreprise à titre d’agent manufacturier dans les grands magasins mais principalement dans les pharmacies;

 

d)                le principal mandat du payeur consiste à représenter les produits de différents manufacturiers, ses clients, dans des pharmacies;

 

e)                 le payeur faisait la vente de produits pharmaceutique comme des produits naturels, des prothèses, des nettoyant dentaire et produits antibactériens mais ne vendait aucun médicament;

 

f)                  pour faire la promotion et la vente des produits des manufacturiers, le payeur embauche des représentants‑vendeurs qu’il considère des travailleurs autonomes;

 

g)                 l’appelante a été embauchée à titre de représentante du payeur en novembre 2003;

 

h)                 le payeur lui aurait remis une copie du contrat qu’il fait signer à tous ses représentants, mais l’appelante ne l’aurait jamais signé ni remis au payeur;

 

i)                   l’appelante devait faire la promotion et la vente de 4 lignes de produits auprès des pharmacies dans un territoire désigné par le payeur;

 

j)                   initialement, l’appelante a reçu de la formation concernant les produits à promouvoir directement des compagnies fabriquant ces produits; elle n’était pas rémunérée pour ce temps de formation;

 

k)                 l’appelante a débuté son travail avec une liste de clients fournie par le payeur mais elle avait la possibilité d’accroître la liste des clients et d’agrandir son territoire (avec la permission du payeur);

 

l)                   l’appelante travaillait uniquement sur la route et un peu chez elle; elle ne se présentait jamais à la place d’affaires du payeur;

 

m)              l’appelante n’avait aucun horaire de travail à respecter et le payeur ne comptabilisait pas ses heures de travail;

 

n)                 l’appelante établissait elle-même ses rendez-vous avec les différentes pharmacies et contactait directement les fournisseurs pour obtenir, entre autres, des échantillons de leurs produits;

 

o)                le payeur fournissait à l’appelante des cartes d’affaires qu’elle pouvait laisser aux pharmacies et des bons de commandes qu’elle devait compléter à chaque fois qu’elle faisait une vente;

 

p)                l’appelante devait remettre les bons de commandes et préparer un rapport de vente hebdomadaire au payeur;

 

q)                l’appelante préparait ses rapports sur son ordinateur personnel à la maison et les faisait parvenir par courriel informatique au payeur;

 

r)                  l’appelante était rémunérée sur une base de commissions; au début, elle recevait un montant fixe de commissions que le payeur considérait comme une avance et, durant la période en litige, elle était toujours rémunérée à commissions (5% de ses ventes) mais uniquement sur les ventes qu’elle effectuait;

 

s)                 l’appelante et le payeur ne pouvaient modifier le prix des produits qu’ils vendaient;

 

t)                   l’appelante n’avait aucun quota de vente à atteindre;

 

u)                 l’appelante devait occasionnellement se déplacer pour suivre des cours de formation et elle devait assumer tous les frais encourus;

 

v)                 dans le cadre de son travail, l’appelante fournissait un bureau dans sa maison, équipement informatique, son fax, son téléphone, sa papeterie et son automobile dont elle devait en assumer tous les coûts;

 

w)               le payeur ne fournissait aucun local ni aucun équipement à l’appelante;

 

x)                 le payeur n’offrait pas d’avantages sociaux à l’appelante;

 

y)                 l’appelante n’était pas couverte par la CSST;

 

z)                 durant la période en litige, le payeur n’a jamais préparé de rapport d’évaluation du travail de l’appelante;

 

aa)             l’appelante consacrait tout son temps et ses efforts à accroître ses revenus et elle avait la possibilité de travailler pour d’autres payeurs;

 

bb)           dans le cadre de son travail pour le payeur, l’appelante encourait des chances de profits et des risques de pertes en fonction du temps qu’elle voulait bien consacrer à son travail.

 

[3]              Seul monsieur Donald Cloutier (le seul actionnaire, administrateur et dirigeant du payeur) a témoigné à l’appui de la position de l’intimé. Par ailleurs, l’appelante a témoigné à l’appui de sa position.

 

[4]              L’intimé a remis les décisions suivantes à la Cour : Produits Star Appetizing Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 217, 2006 CCI 201; Grimard c. Canada, [2007] A.C.I. no 559, 2007 CCI 755; et 9041‑6868 Québec inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.F. no 1720, 2005 CAF 334.

 

[5]              Il ressort du témoignage crédible de l’appelante que :

 

                            i)               elle n’avait pas signé de contrat avec le payeur, ce dernier ne lui ayant jamais remis de contrat à signer;

 

                          ii)               de novembre 2003 au 31 décembre 2004, elle n’avait pas été rémunérée à commission. Elle a déclaré que pour les six premiers mois de cette période, elle avait reçu du payeur une rémunération fixe de 1 000 $ aux deux semaines pour trois jours de travail par semaine. Elle a ajouté que pour le reste de cette période, elle avait reçu du payeur une rémunération fixe de 1 500 $ aux deux semaines pour quatre jours de travail. L’appelante a expliqué qu’à partir du 1er janvier 2005, le payeur lui avait imposé un nouveau mode de rémunération. À cet égard, elle a déclaré qu’à partir du 1er janvier 2005, elle n’avait été rémunérée qu’à commission, sans plus. Elle a ajouté que le payeur l’avait forcée à partir du 1er janvier 2005, à devenir un inscrit auprès des autorités fiscales aux fins de la TPS et de la TVQ. Elle a précisé que la TPS et la TVQ avaient été perçues du payeur à l’égard des commissions qu’elle avait reçues de ce dernier et que les taxes ainsi perçues avaient été remises aux fiscs;

 

                        iii)               elle avait dû assumer pendant la période pertinente tous les frais et dépenses liés à la vente;

 

                        iv)               pendant la période pertinente, le payeur ne lui avait imposé aucun quota de vente; toutefois, elle a déclaré que le payeur avait exigé d’elle des explications lorsqu’elle avait moins de ventes;

 

                          v)               elle n’avait pas été libre de vendre d’autres produits que ceux du payeur pendant la période pertinente;

 

                        vi)               à aucun moment pendant la période pertinente, n’était-elle devenue propriétaire des marchandises vendues. Elle a précisé qu’elle n’avait jamais fixé le prix de vente des marchandises vendues pendant cette période, pas plus qu’elle n’avait facturé les clients du payeur;

 

                      vii)               elle n’aurait pu pendant la période pertinente embaucher ses propres vendeurs sans l’assentiment ou l’intervention du payeur;

 

                    viii)               elle avait dû respecter un horaire de travail pendant la période pertinente. Elle a expliqué qu’elle devait travailler du lundi au vendredi, et ce, de 9 heures à 17 heures. Elle a aussi déclaré qu’elle devait informer le payeur de ses absences  et obtenir sa permission à l’égard du moment où elle pouvait prendre des vacances. Elle a ajouté que le payeur vérifiait souvent son emploi du temps;

 

                        ix)               elle devait desservir uniquement les clients du payeur pendant la période pertinente. À cet égard, elle a expliqué que le payeur attribuait à chacun des représentants un territoire exclusif et remettait à chacun d’eux une liste de clients qu’ils devaient desservir sur le territoire exclusif qui leur avait été attribué. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait recruter de nouveaux clients sur le territoire qui lui avait été attribué qu’avec l’assentiment du payeur et pourvu que ces nouveaux clients soient des pharmacies;

 

                          x)               pendant la période pertinente, le payeur avait exigé d’elle un rapport journalier à l’égard des clients du payeur qu’elle avait visités. Le payeur exigeait de l’appelante qu’elle lui remette un rapport hebdomadaire des ventes effectuées pendant la semaine. Elle a expliqué que le payeur avait préparé en son nom, à partir de ces rapports hebdomadaires, des factures (pièce I-1) établissant ses commissions gagnées, auxquelles il ajoutait le montant de la TPS et de la TVQ;

 

                        xi)               elle n’avait jamais travaillé dans les locaux du payeur pendant la période pertinente. Elle a précisé que le payeur la convoquait à l’occasion dans un hôtel, et ce, pour qu’elle lui rende des comptes sur ses activités;

 

                      xii)               elle devait se déplacer à ses frais pour assister aux réunions mensuelles qui étaient tenues le plus souvent chez les fournisseurs du payeur. Elle recevait alors du payeur ou des fournisseurs une formation sur les produits à vendre et à l’occasion une formation sur les techniques de vente. L’appelante a reconnu qu’elle n’était pas rémunérée pour ce temps de formation, en précisant toutefois que le dîner était payé par le payeur lors de ces réunions mensuelles;

 

                    xiii)               elle n’avait reçu aucun avantage social du payeur;

 

                   xiv)               le payeur ne lui avait fourni aucun local ou équipement.

 

[6]              Il ressort aussi de la preuve que l’appelante avait toujours inscrit la rémunération tirée de son travail comme un revenu d’entreprise dans ses déclarations de revenus. À cet égard, l’appelante a expliqué qu’elle ne faisait pas de distinction (en raison de son ignorance en fiscalité) entre un revenu d’entreprise et un revenu d’emploi puisque dans les deux cas, elle avait le droit de déduire ses dépenses engagées dans le but de gagner ses commissions. Elle a déclaré à cet égard que c’est son comptable qui avait décidé de son propre chef d’inscrire la rémunération de son travail comme un revenu d’entreprise, cette décision n’ayant jamais fait l’objet de discussion entre eux. Elle a ajouté qu’elle se contentait de remettre annuellement à son comptable un état des revenus de commission qu’elle avait encaissés et les pièces justificatives à l’égard des dépenses engagées pendant cette même année pour gagner ses commissions.

 

[7]              Par ailleurs, monsieur Cloutier a témoigné que :

 

                            i)               généralement, il faisait signer à tous les représentants du payeur un contrat type (pièce I-6). Il a déclaré qu’il ne pouvait expliquer pourquoi le payeur et l’appelante n’avaient pas signé le contrat type;

 

                          ii)               l’appelante devait desservir la clientèle du payeur sur le territoire qu’il lui avait attribué. Il a précisé que l’appelante était libre de vendre d’autres produits que ceux du payeur, pourvu que ces produits ne fassent pas concurrence à ceux du payeur et pourvu que les ventes de l’appelante ne souffrent pas de cette activité. Il a aussi déclaré que les représentants pouvaient embaucher leurs propres vendeurs, et ce, sans l’assentiment du payeur;

 

                        iii)               le payeur ne fournissait aucun outil de travail aux représentants. Il a ajouté que les représentants devaient assumer personnellement les frais et dépenses liés à la vente;

 

                        iv)               le payeur n’imposait aucun quota de vente à ses représentants;

 

                          v)               les représentants étaient responsables de la planification de leur travail, décidaient du nombre d’heures de travail ainsi que des journées de travail et choisissaient les clients à rencontrer et la fréquence de ces rencontres. Il a ajouté que les représentants déterminaient le moment et la durée de leurs vacances;

 

                        vi)               les représentants ne fixaient pas le prix des marchandises vendues, pas plus que le payeur ne le faisait. Monsieur Cloutier a expliqué que c’était les fournisseurs du payeur qui fixaient le prix de vente des marchandises. Par ailleurs, il a reconnu que les représentants ne devenaient jamais propriétaires des marchandises vendues. Il a aussi précisé que les représentants ne facturaient jamais les clients du payeur;

 

                      vii)               le payeur n’exigeait pas de ses représentants qu’ils rendent des comptes sur leurs activités, pas plus qu’il n’évaluait ou sanctionnait ses représentants. Il a déclaré toutefois que les représentants devaient fournir hebdomadairement un rapport faisant état de leurs ventes durant la semaine en cause. Il a nié catégoriquement que le payeur ait exigé de l’appelante qu’elle fasse l’inventaire lors de la visite d’un client du payeur;

 

                    viii)               les réunions mensuelles de formation qui se tenaient la plupart du temps chez les fournisseurs du payeur avaient essentiellement pour objet de faire connaître les nouveaux produits des fournisseurs et leurs nouveaux plans de marketing. Monsieur Cloutier a expliqué que c’était la plupart du temps les fournisseurs du payeur qui conviaient les représentants à ces réunions;

 

                        ix)               pendant la période pertinente, l’appelante n’était rémunérée qu’à commission, sans plus. Il convient de souligner que monsieur Cloutier a difficilement admis qu’avant la période pertinente, l’appelante avait reçu une rémunération fixe et non une rémunération déterminée en fonction des ventes qu’elle avait réalisées. Je note aussi que monsieur Cloutier a difficilement reconnu qu’avant la période pertinente, le payeur n’avait jamais accordé des avances à l’appelante. Enfin, monsieur Cloutier a expliqué que le payeur avait décidé de changer le mode de rémunération de l’appelante car il n’était pas rentable de lui verser une rémunération fixe, c’est‑à‑dire une rémunération qui n’était pas fonction de ses ventes.

 

Analyse et conclusion

 

[8]              Quand les tribunaux ont à définir des notions de droit privé québécois aux fins de l'application d'une loi fédérale, telle la Loi, ils doivent se conformer à la règle d'interprétation à l'article 8.1 de la Loi d’interprétation. Pour déterminer la nature d'un contrat de travail québécois et le distinguer d'un contrat de service, il faut, tout au moins depuis le 1er juin 2001, se fonder sur les dispositions pertinentes du Code civil du Québec (« Code civil »). Ces règles sont incompatibles avec les règles énoncées dans des arrêts comme 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, et Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553. Contrairement à la situation en common law, les éléments constitutifs du contrat de travail ont été codifiés et les tribunaux n'ont plus, depuis l'entrée en vigueur de l'article 2085 et de l'article 2099 du Code civil, le 1er janvier 1994, la latitude qu'ont les tribunaux de common law de définir ce qui constitue un contrat de travail. S'il est nécessaire de s'appuyer sur des décisions jurisprudentielles pour déterminer s'il existait un contrat de travail, il faut choisir celles qui ont appliqué une approche conforme aux principes du droit civil.

 

[9]              Dans le Code civil, des chapitres distincts portent sur le « contrat de travail » (articles 2085 à 2097) et sur le « contrat d'entreprise ou de service » (articles 2098 à 2129).

 

[10]         L'article 2085 porte que le contrat de travail :

 

[...] est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

 

 

[11]         L'article 2098 porte que le contrat d'entreprise :

 

[...] est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

 

 

[12]         L'article 2099 suit, rédigé dans les termes suivants :

 

L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

 

 

[13]         On peut dire que ce qui distingue fondamentalement un contrat de service d'un contrat de travail est l'absence, dans le premier cas, d'un lien de subordination entre le prestataire de services et le client et la présence, dans le second cas, du droit de l'employeur de diriger et de contrôler l'employé. Il faut donc déterminer en l'espèce s'il y avait ou non un lien de subordination entre le payeur et l'appelante.

 

[14]         L'appelante a le fardeau de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, des faits en litige pour établir son droit à l'annulation de la décision du ministre. Elle doit prouver le contrat que les parties ont conclu et établir leur intention commune quant à la nature de ce contrat. S'il n'y a pas de preuve directe de cette intention comme en l’espèce, l'appelante peut avoir recours à des indices conformément au contrat qui avait été convenu et aux dispositions du Code civil qui le régissaient. L'appelante devra en l'espèce prouver l'existence d'un lien de subordination si elle veut établir l'existence d'un contrat de travail. Je tiens à souligner que si la preuve révèle à la fois des éléments d’autonomie et de subordination, il faut conclure à l’existence d’un contrat de travail puisque le contrat de service doit être exécuté sans lien de subordination.

 

[15]         Est-ce que l’appelante était libre de choisir « quand » et « où » travailler? Il s’agit de deux indices que l’on doit examiner lorsqu’il s’agit de déterminer, comme en l’espèce, l’existence ou non d’un lien de subordination entre le payeur et l’appelante. Bien que la réponse à cette question ne soit pas nécessairement décisive en soi, elle doit néanmoins faire l’objet d’une analyse. En l’espèce, l’appelante m’a convaincu que les faits énumérés dans la Réponse à l’avis d’appel liés au « quand » et au « où » du travail sur lesquels l’intimé s’est appuyé pour rendre sa décision étaient inexacts en ce que :

 

                            i)               l’appelante devait respecter un horaire de travail, informer le payeur de ses absences et obtenir de ce dernier la permission à l’égard du moment et de la durée de ses vacances;

 

                          ii)               elle devait desservir les clients du payeur sur le territoire exclusif qui lui avait été attribué. Il convient de souligner que l’allégation du ministre selon laquelle l’appelante travaillait uniquement de porte‑à‑porte et un peu chez elle et qu’elle ne se présentait jamais à l’établissement du payeur n’est, à mon avis, aucunement pertinente en l’espèce compte tenu de la nature du travail exercé par l’appelante. Je souligne que le fait que le payeur ne fournisse aucun local ni aucun équipement à l’appelante n’est pas plus pertinent, à mon avis, compte tenu de la nature du travail de l’appelante.

 

[16]         Je suis aussi d’avis que les faits suivants mis en preuve par l’appelante démontrent très clairement que le travail de l’appelante s’intégrait très largement aux activités du payeur. Non seulement les faits suivants sont individuellement des indices de subordination, mais ils constituent aussi, lorsque pris globalement, un indice de subordination que je qualifierais d’indice d’intégration dans l’entreprise :

 

                            i)               l’appelante ne travaillait que pour le payeur pendant la période pertinente;

 

                          ii)               la clientèle servie n’était pas celle de l’appelante, mais plutôt celle du payeur;

 

                        iii)               l’appelante ne pouvait pas négocier les modalités et les conditions des contrats de vente qui intervenaient avec les clients du payeur. L’appelante ne fixait pas les prix des produits à vendre et elle ne pouvait que vendre les produits du payeur;

 

                        iv)               l’appelante ne pouvait pas se faire remplacer ou encore embaucher ses propres vendeurs sans l’accord du payeur;

 

                          v)               en aucun temps l’appelante ne devenait jamais propriétaire des marchandises vendues, pas plus qu’elle facturait les clients du payeur. Par conséquent, elle n’était aucunement responsable des créances irrécouvrables;

 

                        vi)               le payeur fournissait à l’appelante des cartes professionnelles.

 

[17]         Certes, l’appelante devait assumer tous les frais et les dépenses liés à la vente. Certes, l’appelante n’était pas rémunérée pour le temps de formation. Certes, l’appelante n’avait aucun quota de vente à atteindre. Certes, l’appelante n’était rémunérée qu’à commission, sans plus. Même si ces faits sont habituellement des indices d’autonomie plutôt que de subordination, je suis d’avis qu’en soi, ils ne rendent pas probable l’existence d’un contrat de service, puisque la plupart des autres faits mis en preuve appuient l’existence d’un contrat de travail.

 

[18]         Pour ces motifs, l’appel est accueilli.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2008.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008 CCI 326

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4318(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CAROLE ROBILLARD ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 10 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 16 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

 

Me Madeleine Leduc

Avocate de l'intimé :

Me Sarom Bahk

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Madeleine Leduc

                 Cabinet :                           Avocate

                                                          Sainte-Thérèse, Québec

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.