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Dossier : 2007-561(GST)G

ENTRE :

SERGE TRAJKOVICH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), les 1er et 2 mai 2008.

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me David B. Hamilton

Avocate de l’intimée :

Me Suzanne M. Bruce

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, qui porte le numéro A106415 et dont l’avis est daté du 14 octobre 2005, pour la période allant du 1er décembre 2001 au 7 août 2002 est accueilli, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique) ce 11e jour de juillet 2008.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’août 2008.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI402

Date : 20080711

Dossier : 2007-561(GST)G

ENTRE :

SERGE TRAJKOVICH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A.    Faits

 

[1]     Le 19 juin 2000, une société nommée 4225317 Manitoba Limited (la « société ») a été constituée sous le régime des lois de la province du Manitoba.

 

[2]     La société exploitait une entreprise sous le nom d’Image Colour 2000.

 

[3]     La société était active dans l’industrie de l’imprimerie commerciale, principalement dans l’impression de matériel de promotion et dans la fabrication de plaques et de films utilisés par les imprimeurs. La société est devenue membre du groupe de sociétés Imaginex.

 

[4]     Vers le 19 juin 2000, l’appelant, Marvin Kass et Emilio Mazzona ont été élus administrateurs de la société.

 

[5]     Vers le 5 juillet 2001, Marvin Kass a cessé d’être administrateur de la société.

 

[6]     Vers le 1er novembre 2001, Emilio Mazzona a cessé d’être administrateur de la société.

 

[7]     Vers le 10 mai 2002, l’appelant, parce qu’il était l’unique actionnaire de la société, s’est élu unique administrateur de la société pour l’année suivante.

 

[8]     Les parties conviennent que l’appelant était administrateur de la société durant toutes les périodes pertinentes.

 

[9]     La société était un inscrit pour l’application de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

[10]    Le ministre du Revenu national (le « ministre ») soutient que la société n’a pas versé 51 313,41 $ de TPS au receveur général pour la période allant du 1er décembre 2001 au 7 août 2002.

 

[11]    Vers le 7 août 2002, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a ordonné que la société soit mise sous séquestre.

 

[12]    Vers le 20 décembre 2002, le séquestre a fait une déclaration de faillite au nom de la société.

 

[13]    Vers le 7 septembre 2004, le ministre a déposé auprès du séquestre une preuve de réclamation de 51 313,41 $ en tant que créancier ordinaire.

 

[14]    Le 14 octobre 2005, le ministre a établi un avis de cotisation à l’intention de l’appelante pour 51 313,41 $ de TPS. La TPS en cause représente la TPS non versée due par la société pour les périodes suivantes :

 

Période de déclaration

TPS nette

Intérêt

Pénalité

Total

Du 1er décembre 2001 au 28 février 2002

19 219,58 $

316,59 $

794,88 $

20 331,05 $

Du 1er mars 2002 au 31 mai 2002

21 521,19 $

244,75 $

616,91 $

22 382,85 $

Du 1er juin 2002 au 7 août 2002

8 441,08 $

45,00 $

113,43 $

8 599,51 $

Total

49 181,85 $

606,34 $

1 525,22 $

51 313,41 $

 

 

B.      Question en litige

 

[15]    La question est de savoir si l’appelant est responsable, en application du paragraphe 323(1) de la Loi, du défaut de la société de verser 51 313,41 $ de TPS.

 

C.      Analyse et décision

 

[16]    L’article 323 de la Loi est rédigé en ces termes :

 

323 (1) – Responsabilité des administrateursLes administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

(2) – RestrictionsL’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

 

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

 

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

 

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

 

(3) – DiligenceL’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

(4) – CotisationLe ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l’avis de cotisation applicable.

 

(5) – Prescription – L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

(6) – Montant recouvrableDans le cas du défaut d’exécution visé à l’alinéa (2)a), la somme à recouvrer d’un administrateur est celle qui demeure impayée après l’exécution.

 

(7) – Privilège – L’administrateur qui verse une somme, au titre de la responsabilité d’une personne morale, qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite a droit au privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n’avait pas été versée. En cas d’enregistrement d’un certificat relatif à cette somme, le ministre est autorisé à céder le certificat à l’administrateur jusqu’à concurrence de son versement.

 

(8) – Répétition – L’administrateur qui a satisfait à la réclamation peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la réclamation.

 

[17]    L’avocat de l’appelant a reconnu que ce dernier était un administrateur de la société durant la période pertinente. Cependant, l’avocat de l’appelant soutient que ce dernier avait dans les faits été empêché d’exercer les activités ordinaires d’un administrateur.

 

[18]    Pour appuyer ses dires, l’avocat de l’appelant a affirmé qu’à cause d’un refinancement du groupe de sociétés Imaginex, il était devenu impossible pour l’appelant de contrôler les finances de la société.

 

[19]    Les arguments de l’avocat de l’appelant peuvent être résumés de la façon suivante :

 

 

(1)              Après le refinancement mené par la Banque Laurentienne du Canada, par RoyNat et par la Banque du développement du Canada (« BDC »), l’appelant n’avait plus le pouvoir de forcer la société à verser la TPS.

 

(2)              L’appelant n’était administrateur de la société que sur papier. RoyNat et BDC avaient nommé Richard Parkinson, un comptable agréé, comme directeur financier de la société. Toutes les décisions quant au remboursement des dettes d’exploitation de la société étaient prises par RoyNat, BDC et M. Parkinson.

 

(Note : L’examen de la convention préparée par la Banque Laurentienne du Canada (voir pièce A-1, onglet 3) et de la convention préparée par RoyNat Capital (voir pièce A-1, onglet 5, pages 3 et 4) démontre que les conventions limitaient grandement la marge de manœuvre de la société et de ses dirigeants.)

 

(3)              Dans une lettre datée du 7 janvier 2002, la Banque Laurentienne du Canada a expliqué qu’elle allait consentir un nouveau prêt à terme de 40 000 $ pour couvrir les dépenses de l’avocat de la Banque et les frais de surveillance (M. Bob Cumming) (voir pièce A-1, onglet 6). (Note : Richard Parkinson avait signé cette lettre en tant que directeur financier d’Imaginex Incorporated.)

 

(4)              Le 14 février 2002, Richard Parkinson a expressément demandé à l’appelant de ne pas se mêler des finances du groupe de sociétés Imaginex. M. Parkinson a rédigé la note suivante :

 

[TRADUCTION]

 

« Je promets de ne pas me MÊLER des finances »

 

Signé :              « S. Trajkovich »

 

Date :               14 février 2002

 

(voir pièce A-1, onglet 7)

 

La preuve a montré que l’appelant avait signé la note et que M. Parkison l’avait affichée au mur se trouvant derrière sa chaise.

 

(5)              L’appelant n’avait pas le pouvoir de faire des chèques au nom de la société avec sa seule signature.

 

(6)              Tous les chèques ayant servi à rembourser les dettes de la société ont été émis soit par Richard Parkinson, le directeur financier de la société, soit par Gary Hill, un comptable agréé employé par la société, ou encore par les deux.

 

(7)              Les nouveaux investisseurs, RoyNat, BDC et Richard Parkinson, contrôlaient environ 65 % des actions avec droit de vote de la société.

 

(8)              L’appelant a été rétrogradé à un poste de vendeur. Les nouvelles tâches de l’appelant étaient décrites comme [TRADUCTION] « ventes directes, Mississauga, et ventes indirectes, Toronto et Winnipeg ».

 

(9)              L’appelant n’avait plus d’autorité ou de contrôle à l’égard des dettes de la société. Pour appuyer son allégation voulant que l’appelant n’était plus responsable des dettes et qu’il ne s’en occupait plus, son avocat a mentionné un courriel que Gary Hill, un comptable agréé de Toronto, avait envoyé à Marilyn McClay, de Winnipeg, le 17 mai 2002. Le courriel de M. Hill était rédigé de la sorte :

 

[TRADUCTION]

 

Objet : Re : TPS

 

TPS – C’est assez.

 

À savoir,

 

A) Actuellement, nous allons couvrir le chèque de 6 500 $ fait à Vision qui a déjà été envoyé, mais ne faites pas d’autres paiements au nom d’Image Color.

 

B) Plan – à moins que la position de trésorerie ne s’améliore, s’il vous plaît, ne faites pas d’autres versements de TPS avant au moins la mi‑août.

 

– veuillez produire les déclarations de TPS dans les délais prescrits, mais notez dans les déclarations que nous rattraperons le retard…

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(10)         Note – Cette directive de Gary Hill de ne pas verser la TPS pour la société n’avait pas été communiquée à l’appelant avant le 5 juillet 2002, lorsqu’il a reçu un courriel de Marilyn McClay (voir pièce A-1, onglet 25).

 

(11)         Dans sa plaidoirie, l’avocat de l’appelant a affirmé que ce dernier avait été [TRADUCTION] « exclu » de la gestion de la société.

 

[20]    Au soutien de son allégation selon laquelle l’appelant avait été exclu de la gestion de la société et qu’il n’était donc pas responsable du non-versement de la TPS par la société, l’avocat de l’appelant a fait référence aux décisions judiciaires suivantes :

 

Mosier v. The Queen, [2001] G.S.T.C. 124;

DiLorenzo v. The Queen, [2001] G.S.T.C. 67;

Worrell v. The Queen, 98 DTC 1783.

 

[21]    Dans Worrell v. The Queen, mon collègue le juge McArthur s’est penché sur la responsabilité du contribuable au titre de l’article 323 de la Loi. Le juge McArthur s’est ainsi exprimé au paragraphe [10] :

 

[10]      Le principal argument invoqué voulait que les appelants, en tant qu’administrateurs d’Abel, n’aient pas eu la liberté de choix de diriger la société et d’empêcher le défaut de versement. En deuxième lieu, la plus grande partie du montant de TPS dû par Abel pour lequel le ministre du Revenu national (le « ministre ») tient les administrateurs responsables n’a jamais été perçue par Abel; les administrateurs n’ont jamais eu le pouvoir de le faire et ces sommes n’ont jamais été placées en fiducie. Les appelants font valoir qu’il n’est pas correct qu’on les tienne responsables du fait d’autrui pour ces montants.

 

[22]    Les paragraphes [16], [17] et [22] de la décision du juge McArthur sont ainsi rédigés :

 

[16]      Les faits étayent la conclusion voulant que, pendant la période s’étalant du 18 octobre 1993 à la faillite du 28 avril 1994, c’était la banque, et non les administrateurs, qui contrôlait les finances d’Abel. Cette restriction quant à la liberté de choix suffit à dégager les appelants de la responsabilité personnelle tant à l’égard des cotisations établies pour retenues salariales que pour les cotisations de la TPS. Les appelants n’ont pas eu la liberté de choix de diriger la société et d’empêcher les manquements en ce qui concerne les versements, tant en ce qui a trait aux cotisations établies pour les retenues salariales qu’aux cotisations de TPS.

 

[17]      Dans l’affaire Soper (précitée), la Cour d’appel fédérale s’est récemment penchée sur la nature de la défense basée sur la diligence raisonnable. Une condition préalable nécessaire à l’imposition de la responsabilité personnelle veut que les administrateurs aient la liberté de choix nécessaire de sorte que la société puisse agir librement par le truchement de son conseil d’administration. Dans l’affaire Champeval (précitée), dans des circonstances semblables à celles des appelants, le juge en chef Couture de la C.C.I. a constaté que, lorsque le défaut de la société résultait de facteurs indépendants de la volonté de l’administrateur, l’administrateur était dégagé de toute responsabilité personnelle. L'arrêt McMartin (précité) est une autre affaire où la banque a dicté quels chèques devraient être honorés et quels ne devraient pas l’être. Le juge Bell, a tranché en faveur de l’appelant.

 

[22]      Les appelants n’ont pas eu la liberté de choix d’empêcher le défaut de paiement en ce qui a trait tant aux cotisations d’impôt sur le revenu que de TPS.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[23]    Le ministre a interjeté appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans Worrell devant la Cour d’appel fédérale.

 

[24]    La Cour d’appel fédérale a ensuite confirmé la décision du juge McArthur dans une décision publiée sous l’intitulé The Attorney General of Canada v. Lynda McKinnon, Ronald LaPointe and Brad Worrell, 2000 DTC 6593.

 

[25]    Dans la décision rendue par la Cour d’appel fédérale, le juge Rothstein s’est exprimé de la façon suivante dans ses motifs concordants :

 

[…]      Je tiens cependant à souligner que le moyen de défense de la diligence raisonnable est étroitement lié aux faits du cas d'espèce, c'est‑à‑dire qu'il faut toujours comparer ce qu'ont fait les administrateurs dans un cas donné pour prévenir le défaut, à ce qu'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. Je conviens avec le juge Evans que la diligence raisonnable a été établie en l'espèce au regard des faits de la cause. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Dans la même décision, le juge Evans s’est ainsi exprimé au paragraphe [77] des motifs qu’il a rédigés pour la majorité (p. 6604 de la version anglaise) :

 

Étant donné les restrictions que leur imposait le contrôle de fait exercé par la banque sur les finances de la compagnie, je conclus des faits de la cause que les administrateurs ont exercé, pour prévenir les défauts de versement, le même degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. […]

         

[26]    L’avocat de l’appelant a aussi fait référence à la décision du juge Bowman (alors juge en chef adjoint) dans Mosier v. The Queen. Cette affaire portait aussi sur un contribuable qui avait fait l’objet d’une cotisation relativement aux obligations fiscales d’une société dont il était administrateur. Le juge Bowman s’est ainsi exprimé :

 

[32]      Un des faits saillants de cette affaire est que la banque contrôlait rigoureusement les finances de la société. En plus de prendre autant d'argent reçu par la société qu'elle le voulait, elle avait le pouvoir absolu d'opposer son veto au paiement de tous les chèques qui étaient émis. L'appelant a établi avec l'ADRC qu'un paiement de 2 400 $ par semaine serait versé pour payer les arriérés de taxes. À une occasion, il a persuadé la banque de laisser passer un chèque plus important à l'ADRC en menaçant d'abandonner toute l'affaire si elle n'y consentait pas. La banque ne voulait pas qu'il quitte son poste, car sa chance d'être remboursée augmentait s'il assurait la reprise des affaires de la société ou, ce qui était encore mieux, s'il l'achetait - une perspective toujours présente qui n'a pas abouti avant que TRS déclare faillite. À l'exception de ce léger relâchement, l'appelant était incapable d'assurer le remboursement à l'ADRC. Il a dû faire preuve de délicatesse pour parer aux attaques qui lui venaient de toutes parts - de la banque, des fournisseurs, des autres créanciers, du syndicat et des employés. S'il ne réussissait pas, la société ne se relèverait pas et tout le monde serait perdant, y compris l'ADRC et les 600 employés.

 

[33]      On doit se demander ce qu'il aurait pu faire d'autre. La réponse : absolument rien. Cette affaire me rappelle de bien des façons l'affaire Holmes c. R., C.C.I., no 1999-2182(IT)I, 19 avril 2000 ([2000] 3 C.T.C. 2235), dans le cadre de laquelle les administrateurs n'étaient pas en mesure d'assurer le remboursement de l' l'ADRC car les finances de la société étaient entièrement contrôlées par son fournisseur.

 

[…]

 

Je considère comme avéré que M. et Mme Holmes n'auraient vraisemblablement rien pu faire pour éviter la faillite. Ils me semblent être des gens convenables et honnêtes qui ont fait de leur mieux pour s'assurer que la société s'acquitte de ses obligations, mais les circonstances économiques leur ont rendu la tâche impossible.

 

[34]      Cette approche que j'ai suivie dans d'autres affaires est, à mon avis, compatible avec la série d'affaires de la Cour d'appel fédérale qui ont invariablement modifié les normes rigoureuses appliquées par cette cour. Les affaires de la Cour d'appel fédérale que je mentionne sont La Reine c. Corsano (précitée), Worrell c. La Reine (C.A.), [2001] 2 C.F. 203 ([2000] G.S.T.C. 91), Smith c. La Reine, C.A.F. no A-154-00, 26 mars 2001 (2001 DTC 5226), Cameron c. La Reine, C.A.F., no A‑763‑99, 19 juin 2001 (2001 DTC 5405) et Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407).

 

[35]      Il m'est inutile de citer ces affaires. Elles soutiennent la proposition visant à établir qu'en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise, les administrateurs ont seulement l'obligation d'agir de façon raisonnable. Ils ne demandent pas l'impossible. Je n'ai donc aucune hésitation à adopter cette approche.

 

[…]

 

[39]      Pour toutes les raisons précédentes, et nonobstant la présentation toujours détaillée et adroite de la position de la Couronne par Me Bornstein, le présent appel est admis avec dépens, et la cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise est annulée.

 

[27]    L’avocate de l’intimée a soutenu que les décisions Worrell et Mosier que l’appelant avait invoquées pouvaient être distinguées des faits de la présente affaire. La question de [TRADUCTION] « distinguer les décisions » me rappelle un commentaire formulé par le juge Evans dans The Attorney General of Canada v. McKinnon, LaPointe and Worrell, 2000 DTC 6593. Les paragraphes [23] et [24] de la décision du juge Evans sont ainsi rédigés :

 

[23]      En l'absence d'un cadre d'analyse méthodique, ces causes se distinguent facilement les unes des autres par leurs faits, bien que ces faits, y compris ceux qui nous intéressent en l'espèce, présentent un même profil général. Inévitablement, mais sans qu'elles en fassent expressément état, certaines décisions donnent une interprétation relativement stricte du paragraphe 227.1(3), alors que d'autres, dont celle portée en appel en l'espèce, adoptent une vue plus favorable pour les administrateurs.

 

[24]      N'empêche que parmi cette multitude de cas d'espèce, on peut dégager certains principes généraux sur l'article 227.1, en particulier de l'arrêt de notre Cour Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. (C.A.F.). En premier lieu, le juge Robertson, J.C.A., prononçant le jugement de la majorité, y met le paragraphe 227.1(3) en contexte et en explique le sens comme suit (au paragraphe [11]) : […]

 

[28]    Je crois que le juge Rothstein et le juge Evans ont appliqué correctement le critère d’application de l’article 323 de la Loi dans les motifs de leurs jugements dans McKinnon, Lapointe and Worrell.

 

[29]    À la lumière de la preuve qui m’a été présentée, je conclus que l’appelant n’aurait raisonnablement rien pu faire pour empêcher la société de ne pas verser la TPS.

 

[30]    Je conclus aussi que l’appelant a agi avec la même diligence que ne l’aurait fait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Il est donc protégé par la défense fondée sur la diligence raisonnable prévue à l’article 323 de la Loi.

 

[31]    L’appel est accueilli avec dépens.

 

 


Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique) ce 11e jour de juillet 2008.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’août 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 


RÉFÉRENCE :

2008CCI402

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2007-561(GST)G

 

INTITULÉ :

Serge Trajkovich et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 1er et 2 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me David B. Hamilton

Avocate de l’intimée :

Me Suzanne M. Bruce

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

Me David B. Hamilton

 

Cabinet :

David Bruce Hamilton, Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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