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Dossier : 2007-4676(IT)I

ENTRE :

MARGIT P. SCHWARTZ,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 22 juillet 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Lawrence Pasternak, C.A.

 

Avocate de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est rejeté sans frais, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’août 2008.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2008.

 

Christian Laroche, juriste-traducteur


 

 

 

Référence : 2008CCI432

Date : 20080808

Dossier : 2007-4676(IT)I

ENTRE :

MARGIT P. SCHWARTZ,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante interjette appel d’une nouvelle cotisation par laquelle a été refusée la déduction d’une perte d’entreprise de 37 500 $ qu’elle avait demandée, ce montant ayant été versé à un promoteur immobilier pour un lot, en 1993. L’appelante voulait revendre le lot en faisant un bénéfice une fois que le promoteur immobilier aurait obtenu l’autorisation municipale nécessaire et achevé d’aménager le lot. L’appelante envisageait également de demander au promoteur immobilier de construire une maison sur le lot et de vendre ensuite la propriété. Selon l’entente qu’ils avaient conclue, le promoteur immobilier devait transférer le titre en 1994 ou dès qu’il aurait obtenu l’autorisation municipale nécessaire afin de commencer les travaux d’aménagement. Toutefois, les mois se sont transformés en années et, malgré les assurances du promoteur immobilier, l’autorisation municipale requise n’a jamais été obtenue. À un moment donné au cours de cette période, à l’insu de l’appelante, le promoteur immobilier a renoncé au projet et il a revendu la parcelle de terre au complet. L’appelante s’est donc retrouvée sans le titre afférent au lot qu’elle avait acheté. Les efforts qu’elle a déployés pour recouvrer le montant de 37 500 $ du promoteur immobilier se sont avérés infructueux et, en 2004, l’appelante a déduit ce montant à titre de perte d’entreprise. Sa demande était fondée sur ce qu’en acquérant le lot pour qu’il soit aménagé et revendu, elle s’était lancée dans une affaire de caractère commercial.

 

[2]     La position prise par le ministre est en premier lieu que la preuve ne permet pas de conclure que l’appelante s’était lancée dans une affaire de caractère commercial. L’intimée soutient en outre que, même si l’appelante s’était engagée dans une telle entreprise en 1993, au moment où elle a déduit la perte, en 2004, il n’y avait plus d’affaire de ce genre, et ce, depuis un certain temps. Tout en reconnaissant qu’il convenait de s’apitoyer sur le sort de l’appelante, l’avocate de l’intimée a affirmé que le montant de 37 500 $ était une mise de fonds et qu’en tant que tel, il était visé par l’exclusion générale prévue à l’alinéa 18(1)a) :

 

18. (1) Exceptions d’ordre général – Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a) Restriction générale – Les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

[3]     L’avocate de l’intimée a également rappelé à la Cour que, contrairement aux pertes d’entreprise, les pertes en capital peuvent être reportées sur des années ultérieures pour une période indéfinie et qu’en établissant une nouvelle cotisation en vue d’admettre la perte en capital, le ministre avait fait de son mieux compte tenu de la mauvaise situation dans laquelle l’appelante se trouvait.

 

[4]     L’appelante a été la seule personne à témoigner. Son témoignage était sincère. Le comportement peu scrupuleux du promoteur immobilier a sans aucun doute occasionné des difficultés à l’appelante, sur le plan financier et émotionnel, au cours de la dernière décennie. Toutefois, pour avoir gain de cause, l’appelante était tenue de prouver que ses actions à l’égard de l’acquisition du lot constituaient une affaire de caractère commercial.

 

[5]     L’expression « une affaire de caractère commercial » est incluse dans la définition du mot « entreprise », à l’article 248 de la Loi de l’impôt sur le revenu, mais elle n’est pas expressément définie dans la loi. Par conséquent, son sens a évolué dans la jurisprudence : le critère pertinent est énoncé dans l’arrêt Irrigation Industries Ltd. v. Minister of National Revenue[1] :

 

[traduction]

 

30     Le seul critère qui a été appliqué en l’espèce consistait à savoir si l’appelante avait conclu l’opération dans l’intention de disposer des actions en faisant un bénéfice dès qu’il serait raisonnablement possible de le faire. Ce critère est‑il suffisant lorsqu’il s’agit de décider si cette opération constitue une affaire de caractère commercial? Je ne crois pas qu’isolément ce critère soit suffisant. Je souscris à l’avis que le juge Rowlatt a exprimé sur ce point dans la décision Leeming v. Jones, précitée, à la page 284. Cette affaire portait sur la question de l’imposabilité de bénéfices tirés de l’achat et de la vente de deux plantations de caoutchouc dans la presqu’île de Malaka. Les commissaires ont initialement conclu à l’existence d’une affaire de caractère commercial parce que la propriété en question avait été acquise dans le seul but d’en disposer en faisant un bénéfice. Le juge Rowlatt a renvoyé l’affaire aux commissaires en énonçant ses motifs comme suit :

 

Selon moi, il est tout à fait clair que les commissaires doivent décider s’il y a ici une affaire de caractère commercial. Or, ce qu’ils ont conclu, ils l’ont dit en ces termes (que je résume) : La propriété avait été acquise dans le seul but de la revendre en faisant un bénéfice, et sans aucune intention de la conserver à des fins d’investissement. Cela décrit ce qu’un homme fait s’il achète un tableau qui voit à bon prix chez Christie parce qu’il sait que dans un mois, il le vendra de nouveau chez Christie. Cela ne constitue pas un commerce. Cela ne permet pas de conclure qu’un commerce ou que quelque chose d’autre est exploité. Les commissaires doivent dire, d’une façon ou d’une autre, s’il s’agissait – je ne parlerai pas de l’exploitation d’un commerce, mais s’il s’agissait de spéculation ou d’une affaire de caractère commercial. Je n’indiquerai pas ce que cela devrait être, mais je recommande aux commissaires de tenir compte de ce qui s’est passé, lorsqu’il s’est agi d’organiser l’opération spéculative, de laisser vieillir le bien et d’en disposer, et une fois tous ces facteurs examinés, de dire si, à leur avis, il s’agissait d’une affaire de caractère commercial.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]     La preuve que l’appelante a soumise au sujet de « ce qui s’est passé, lorsqu’il s’est agi d’organiser l’opération spéculative, de laisser vieillir le bien et d’en disposer » ne me convainc pas que ses actions, à l’égard de l’acquisition du lot, étaient celles d’une personne qui est engagée dans une affaire de caractère commercial. Je souscris à l’argument de M. Pasternak lorsqu’il dit que le simple fait que l’appelante avait conclu une seule opération n’empêche pas en soi de conclure qu’elle était engagée dans une affaire de caractère commercial. Toutefois, s’il est en outre tenu compte des autres circonstances se rapportant à la façon dont l’appelante s’est occupée de la propriété, ce fait milite à l’encontre de la position de l’appelante : bien qu’elle ait affirmé avoir l’esprit d’entreprise, l’appelante a volontiers admis qu’elle n’avait pas d’expérience en matière immobilière et qu’elle n’avait jamais travaillé dans ce domaine. L’intérêt qu’elle a manifesté lorsqu’il s’est agi d’acheter le lot pour le revendre a pris naissance entièrement par hasard lors d’une réunion mondaine, lorsqu’un ami mutuel, un agent immobilier qui travaillait avec le promoteur immobilier, l’a informée de la possibilité de prendre part à [traduction] « une affaire en or ». Si ce n’avait été de cette rencontre, l’appelante ne se serait probablement jamais aventurée dans une telle entreprise. Je reconnais que l’appelante a visité la propriété avec le promoteur immobilier et qu’elle a en fin de compte choisi une parcelle d’angle; toutefois, je doute qu’elle l’ait fait afin d’évaluer d’une façon réfléchie la viabilité de toute revente rapide qu’elle allait effectuer. Lors du contre‑interrogatoire, l’appelante n’a pas pu expliquer avec précision ce qu’il aurait fallu faire pour aménager le bien‑fonds en vue de le revendre; elle n’avait pas non plus de projet précis, à savoir si elle allait construire une habitation sur le lot avant de le revendre; de fait, elle n’avait pas la moindre idée du temps qu’il faudrait peut‑être au promoteur immobilier pour construire une maison sur le lot au cas où il obtiendrait la permission d’aller de l’avant. Le fait que l’appelante n’a rien fait par suite de l’omission du promoteur immobilier d’obtenir l’autorisation municipale nécessaire et qu’elle n’a rien fait en vue de s’assurer que le titre lui était transféré en temps opportun n’est pas conforme aux actions d’une personne qui s’occupe de l’acquisition et de la revente de biens‑fonds pour réaliser rapidement un bénéfice. Je retiens l’explication que l’appelante a donnée, à savoir que les retards qui avaient été accusés l’avaient empêchée d’aménager elle‑même le lot ou de l’annoncer pour la revente, mais rien ne montre qu’elle a envisagé de prendre de telles mesures. L’appelante n’a pris aucune mesure, si ce n’est qu’elle s’informait de temps en temps des progrès accomplis afin de pousser le promoteur immobilier à mener l’affaire à bonne fin, de façon qu’elle puisse donner suite à ses projets. Le dernier élément, à savoir la façon dont l’appelante a disposé de la propriété, ne s’applique pas aux faits qui nous occupent, étant donné que les agissements du promoteur immobilier, dans l’intervalle, ont privé l’appelante de cette possibilité.

 

[7]     Comme l’avocate de l’intimée, je comprends bien la situation malencontreuse à laquelle l’appelante fait face. Toutefois, il faut trancher l’affaire eu égard à la preuve; pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que l’appelante a été engagée dans une affaire de caractère commercial. Dans ces conditions, le ministre a eu raison de conclure que la perte subie par l’appelante était imputable au capital. L’appel est rejeté.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’août 2008.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2008.

 

Christian Laroche, juriste-traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI432

 

DOSSIER DE LA COUR :                 2007-4676(IT)I

 

INTITULÉ :                                       MARGIT SCHWARTZ c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Lawrence Pasternak, C.A.

 

Avocate de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] [1962] C.T.C. 215 (C.S.C.).

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