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Dossier : 2005-85(IT)I

ENTRE :

VAN DUMONT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

 

Appel entendu le 1er décembre 2005 à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Nadine Taylor Pickering

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

 

Le présent appel, interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, relativement à l’année d’imposition 2001, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2005.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice                                               


 

 

Référence : 2005CCI790

Date : 20051221

Dossier : 2005-85(IT)I

ENTRE :

VAN DUMONT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

L’honorable juge Sheridan

 

[1]     L’appelant, Van Dumont, est un Indien inscrit qui se consacre à la pêche sur la côte de la Colombie-Britannique. Il interjette appel à l’encontre de la cotisation établie par le ministre du Revenu national, dans le cadre de l’année d’imposition 2001. La cotisation qui lui avait été attribuée a été mise en suspens, en attendant la détermination de la Cour dans l’affaire Benoit c. Canada[1]. Par la voie d’un avis daté du 29 juillet 2004, le ministre a confirmé la cotisation qu’il avait établie le 2 décembre 2002, sur le fondement des hypothèses de fait qui suivent :

 

[TRADUCTION]

 

a)         l’appelant est un Indien inscrit qui réside à l’extérieur de la réserve;

 

b)                  en 2001, l’appelant était un pêcheur, de profession, qui travaillait sur le navire appelé Dream Weaver;

 

c)         l’appelant menait des opérations de pêche, dans le but de réaliser des revenus dans le cadre de la pêche commerciale;

 

d)         les opérations de pêche que menait l’appelant avaient lieu à l’extérieur de la réserve;

 

e)         l’appelant a réalisé, en tant que travailleur autonome, un revenu s’élevant à 27 176 $ au cours de l’année d’imposition 2001;

 

f)          l’appelant a engagé des dépenses de pêche s’élevant à 13 370 $ en 2001;

 

g)         les prestations d’assurance‑emploi (AE) que l’appelant a reçues au cours de l’année d’imposition 2001 se fondent sur les opérations de pêche que mène l’appelant.

 

[2]     L’appelant s’est représenté lui‑même à l’audience. La Cour l’a informé de la tenue de l’audience et du fait qu’il était chargé de démontrer l’inexactitude des hypothèses de fait sur le fondement desquelles le ministre avait établi la nouvelle cotisation. Dans sa réponse, l’appelant a affirmé qu’il n’était pas en désaccord avec les hypothèses avancées par le ministre et que son désaccord à l’égard de la cotisation se fonde uniquement sur son interprétation du Traité no 8 et de certaines dispositions de la Proclamation royale de 1763. Selon l’appelant, ces documents privent le gouvernement fédéral de toute autorité d’imposer le revenu qu’il a réalisé en 2001 ou au cours de toute autre année. Il affirme, de plus, que la province de la Colombie-Britannique et toutes les eaux côtières du Canada constituent des terres appartenant aux Indiens. L’argument que l’appelant fait valoir semble mettre en question la constitutionnalité de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, l’appelant a omis de donner le préavis prescrit[2]; par conséquent, la question de savoir si le revenu qu’il a réalisé en 2001 est exempté d’impôt a été examinée en vertu de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que du paragraphe 87(1) de la Loi sur les Indiens, c.‑à‑d. les dispositions sur lesquelles le ministre s’était fondé pour établir la nouvelle cotisation.

 

[3]     Selon l’intimée, le revenu que l’appelant avait réalisé en 2001 a été cotisé avec exactitude, en effet :

 

a)       le Traité no 8 ne dispense pas le revenu de l’appelant d’être assujetti à l’imposition;

 

b)      le revenu que l’appelant a réalisé en 2001 ne consiste pas en « biens meubles d'un Indien […] situés […] sur une réserve » de manière à être exempté d’imposition en vertu de l’article 87 de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

La question portant sur le Traité no 8

 

[4]     Si l'on se penche sur la question qui porte sur le Traité no 8 soulevée dans l’arrêt Benoit c. Canada[3], la Cour d’appel fédérale a statué que les signataires autochtones du Traité no 8 n’ont pas signé ce traité sur le fondement que les Commissaires aux traités leur avaient promis qu’ils seraient exonérés d’imposition. L’appelant a donné pour seule réponse, au sujet de l’arrêt Benoit, qu’il était en désaccord avec la détermination, puis il exhortait la Cour à rejeter cette décision.  Comme cela a été expliqué à l’appelant pendant l’audience, la Cour canadienne de l’impôt est assujettie aux déterminations de la Cour d’appel fédérale; par conséquent, son argument voulant que le Traité n8 exonère son revenu d’imposition est sans fondement.

 

Exonération législative : article 81 de la Loi de l’impôt sur le revenu 

 

[5]     L’appelant a réalisé son revenu de 2001 à l’extérieur de la réserve, en s’adonnant à la pêche sur le littoral de la Colombie-Britannique. Le revenu en question pourrait être exonéré d’imposition en vertu de l’alinéa 81(1)a)[4] si l’appelant est en mesure de démontrer avoir réalisé ce revenu dans des circonstances qui en font des « biens meubles d'un Indien situés […] sur une réserve », aux termes du paragraphe 87(1)[5].

 

[6]     Aux fins de cette détermination, la Cour doit tenir compte de tous les éléments de preuve à la lumière du critère des « facteurs de rattachement » établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Williams c. Canada[6], perfectionné ultérieurement par l’honorable juge d’appel Linden dans l’arrêt Southwind c. Canada[7] :

 

1.       l’endroit où se déroulent les opérations;

 

2.       l’endroit où se trouvent les clients (débiteurs) de l’entreprise;

 

3.       l’endroit où l'on prend les décisions opérationnelles;

 

4.                 le type d’entreprise et la nature du travail;

 

5.       l’endroit où sont effectués les paiements;

 

6.       la mesure dans laquelle l'entreprise participe au commerce général;

 

7.                 l’endroit où se trouve le lieu d’affaires de l’entreprise et l’endroit où se trouvent les livres et registres;

 

8.                 le lieu de résidence du propriétaire de l’entreprise.

 

[7]     L’appelant admet les hypothèses de fait avancées par le ministre dans sa réponse à l’avis d’appel. Au cours de sa déposition et de son contre‑interrogatoire, l’appelant a produit des renseignements supplémentaires concernant la nature des opérations qui produisent son revenu. À la lumière du critère des facteurs de rattachement, je statue ainsi : l’appelant réside et travaille [traduction] « à l’extérieur de la réserve » sur le Dream Weaver, un bateau de pêche ancré à Vancouver. Il part à la pêche, à une distance située entre quatre et dix milles du littoral de la Colombie‑Britannique, entre Vancouver et Prince Rupert. Il n’a pas déposé d’éléments de preuve démontrant qu’il s’agit d’une terre de réserve. Il vend sa prise à [traduction] « quiconque désire l’acheter » mais principalement à des « bateaux de transport » se trouvant au littoral. Il prend, sur le Dream Weaver, les décisions touchant à son entreprise et mène, sur ce bateau, ses opérations commerciales avec la société Arrow Trading, qui est la société avec qui il fait généralement affaire. L’appelant a expliqué que Arrow Trading appartient à un homme japonais appelé M. Moon. Son bureau se trouve à Vancouver; ses livres et registres se trouvent à Vancouver ou à Prince Rupert. Le commerce de la pêche relève des collectivités indiennes et non indiennes. Il n’y a pas de preuve démontrant l’endroit où se trouvent ses livres et registres.

 

[8]     L’ensemble de la preuve démontre que le revenu de l’appelant ne constitue pas un bien meuble situé sur une réserve, de manière à être exonéré d’impôt en vertu de l’article 87 de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Conformément, l’appel est rejeté.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2005.

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de janvier 2006.

 

 

 

Ingrid Miranda, traductrice



[1] [2003] A.C.F. no 923 (C.A.F.). (Demande d'autorisation de pourvoi rejetée, [2003] S.C.C. A. No. 387 (C.S.C.).

[2] Article 57 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[3] Benoit c. Canada [2003] A.C.F. no 923 au paragraphe 116.

 

[4] Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[5] Loi sur les Indiens.

 

[6] [1992] 1 R.C.S. 877 (C.S.C.).

 

[7] C.A.F., no A‑760‑95, le 14 janvier 1998 ([1998] 1 C.T.C. 265).

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