Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

97-3264(IT)G

 

ENTRE :

 

PETER M. BROWN,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelant :              Me Craig C. Sturrock

                                                Me David R. Davies

 

Avocats de l'intimée :                Me D. Graham Reynolds

Me Lisa Macdonell

 

 

ORDONNANCE QUANT AUX FRAIS

 

Attendu que les motifs du jugement et le jugement relativement aux appels de l’appelant quant aux cotisations d’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 ont été exposés par cette cour, respectivement le 15 novembre 2001 et le 13 mars 2002;

 

et attendu que les frais et dépens de ces appels devaient être adjugés après présentation d’observations par les parties;

 

et lesdites observations ayant été examinées;

          il est ordonné que les frais et dépens de ces appels soient adjugés à l’intimée, sous réserve toutefois que :

 

a)      les dépens adjugés à l’intimée ne comprennent pas les honoraires de MM. Rosen et Lam pour des services fournis à l’intimée lors d’appels préalables à la date des motifs du jugement;

 

b)     l’intimée se voit adjuger les honoraires de M. Rosen pour des services rendus postérieurement à la date des motifs du jugement;

 

c)     les frais et dépens adjugés à l’intimée englobent les honoraires de deux avocats.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 22e jour d'avril 2002.

 

 

Gerald P. Rip

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce  2e jour de janvier 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

97-3264(IT)G

 

ENTRE :

 

PETER M. BROWN,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE QUANT AUX FRAIS

 

[1]     À la conclusion des motifs du jugement que j’ai rendus dans les appels de Peter M. Brown relativement aux cotisations d’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, datés du 15 novembre 2001, et à la conclusion du jugement daté du 13 mars 2002, j’ai demandé aux avocats des parties de présenter des observations sur les dépens. Les avocats ont donc envoyé leurs observations écrites.

 

[2]     Ces appels consistaient principalement à déterminer si l’appelant pouvait à juste titre déduire sa part de pertes d’entreprise suposées provenant d’une société de personnes ainsi que des frais d’intérêt relativement à l’acquisition des parts de la société de personnes. Dans une large mesure, la perte d’entreprise provenait du fait que la société de personnes revendiquait une allocation à l’égard du coût en capital de biens de la catégorie 12, des logiciels. Il a fallu envisager au moins huit questions avant de pouvoir trancher sur l’enjeu fondamental du litige : a) la société de personnes a-t-elle fait l’acquisition de logiciels? et, dans l’affirmative, b) les biens ont-ils été acquis aux fins de tirer un revenu d’une entreprise? c) la société de personnes exploitait-elle l’entreprise avec une attente raisonnable de profit? d) la société de personnes et le fournisseur des logiciels avaient-ils un lien de dépendance? et, dans la négative, e) quelle était la juste valeur marchande des logiciels? f) ce que j’ai appelé dans mes motifs le billet d’acquisition constituait-il un passif éventuel? g) l’appelant était-il réputé être un commanditaire et, dans l’affirmative, quelle était sa fraction à risques (alinéa 96(2.4)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu)? et h) les logiciels étaient-ils « prêts à être mis en service » à la fin de 1993 (parag. 13(25) et (27) de la Loi)[1]?.

 

[3]     Ces appels ont été entendus pendant un total de 16 jours répartis sur une année et dans quatre villes : Vancouver, Winnipeg, Toronto et Ottawa.

 

[4]     Chaque partie est d’avis qu’elle a eu gain de cause dans les appels.

 

[5]     Les passages pertinents de l’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (« Règles ») relativement à l’adjudication des dépens sont libellés comme suit :

 

(1)     Sous réserve des dispositions de la Loi, la Cour a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance, pour en déterminer la somme, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les supporter.

 

(2)     Des dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

 

(3)   En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :

 

a)     du résultat de l'instance;

 

b)    des sommes en cause;

 

c)     de l'importance des questions en litige;

 

d) de toute offre de règlement présentée par écrit;

 

e)     de la charge de travail;

 

f)     de la complexité des questions en litige;

 

g)     de la conduite d'une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l'instance;

[. . . . .]

 

j)     de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.

[. . . . .]

 

(5)   Nonobstant toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut, à sa discrétion :

 

a) adjuger ou refuser d'adjuger les dépens à l'égard d'une question ou d'une partie de l'instance particulière;

 

[. . . . .]

 

[6]     L’appelant a eu gain de cause relativement aux questions a), b), c) et h). Quant à l’intimée, elle a eu gain de cause dans les questions d), e), f) et g). Il n’existe aucun doute dans mon esprit qu’à toutes fins pratiques, l’intimée l’a emporté sur l’appelant. Les questions pour lesquelles l’intimée a eu gain de cause l’emportent sur celles où l’appelant a eu gain de cause.

 

[7]     Le procès lui-même s’est divisé à parts à peu près égales entre le témoignage d’experts et celui de non-experts. Ce dernier visait à savoir, notamment, si la société de personnes exploitait une entreprise et, dans l’affirmative, si elle le faisait avec une attente raisonnable de profit, si les parties n’avaient pas de lien de dépendance et si certains endettements représentaient un passif éventuel ou non. Une grande partie du témoignage des non-experts concernait l’attente raisonnable de profit. Le témoignage d’experts concernait l’évaluation des logiciels à la fin de 1993.

 

[8]     Dans ses observations relativement aux frais et dépens, l’avocat de l’appelant soutient que son client avait eu gain de cause pour toutes les questions pertinentes, sauf l’évaluation, où le succès était divisé. Les questions du passif éventuel et du montant « à risques » deviennent vaines si la cour détermine la valeur. L’avocat suggère donc que les parties assument leurs propres dépens quant aux honoraires et frais d’experts.

 

[9]     Dans ses observations, l’avocate de l’intimée signale que celle-ci avait présenté, le 25 mars 1999, une offre de règlement par écrit fondée sur le coût des logiciels, soit 3,3 millions de dollars américains ou 4 389 000 $C. Ce montant, d’après l’avocate, « représentait essentiellement la fraction de 40 % versée au comptant pour l’achat des logiciels ». Cette offre de règlement avait été présentée avant la préparation et la déposition des rapports d’expertise à la Cour. De l’avis de l’avocate, on aurait ainsi évité un procès et « les frais énormes que représente le recours à des témoins experts ».

 

[10]    L’appelant a rejeté l’offre de règlement présentée par l’intimée, d’après l’avocat de celle-ci, parce que « l’offre ne mentionnait pas la déduction de l’intérêt couru sur le billet et, même si la juste valeur marchande suggérée des logiciels était légèrement plus élevée que celle établie par la Cour, en laissant le revenu tiré de la société de personnes dans le revenu de l’appelant et en refusant les frais d’intérêt, le résultat de cette offre aurait été un peu plus défavorable que le résultat décrété par cette cour ».

 

[11]    L’appelant a rejeté l’offre de règlement de l’intimée le 11 juin 1999, après l’échange des rapports d’expertise.

 

[12]    L’appelant a également présenté une offre de règlement le 8 janvier 2000 : « que si la Couronne permettait une déduction complète comme celle qui avait été demandée pour les années d’imposition 1993 et 1994, l’appelant inclurait, au taux d'imposition des gains en capital (qui était alors de 75 %), la somme de 8 000 $US par unité en deux étapes, en 2001 et en 2003. Ce résultat, conjugué à la dévaluation continue du dollar canadien par rapport au dollar américain […] aurait produit une inclusion de revenu pour l'appelant, relativement à l’année d’imposition 2000, d’un montant supérieur à celui demandé à l’origine relativement au billet. » Les différences entre les deux propositions, d’après l’avocat de l’appelant, c’est que l’intérêt sur les impôts en souffrance de 1993 et 1994, qui aurait été payable d’après l’offre de règlement de l’intimée, ne l'aurait pas été selon l’offre de l’appelant ». L’avocate de l’intimée soutient notamment que si l’offre de l’appelant avait été acceptée, l’appelant aurait bénéficié d’un report d’impôt de huit ans au lieu de dix sur une partie du montant en cause, ce qui ne représente pas « une concession digne de ce nom ». L’intimée a rejeté l’offre de règlement.

 

[13]    Le 8 janvier 2000, j’avais déjà entendu la plus grande partie des témoignages de non-experts. Des rapports d’évaluation avaient évidemment été préparés et déposés et des frais avaient été engagés.

 

[14]    Le paragraphe 147(1) des Règles me confère entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à un appel. Dans l’exercice de cette discrétion, je peux tenir compte de toute offre de règlement présentée par écrit (parag. 147(3)). Les deux parties ont présenté des offres de règlement par écrit. L’offre de l’appelant dépendait de l’occurrence d’événements survenus au moins plusieurs années après les années visées par l’appel : il n’est pas étonnant que l’intimée l’ait rejetée. De même, il n’était pas déraisonnable pour l’appelant de rejeter l’offre de règlement de l’intimée, puisqu’elle omettait un élément essentiel du litige, celui de l’intérêt. Je conviens avec l’avocat de l’appelant qu’une des raisons de tenir compte d’une offre de règlement présentée par écrit dans l’adjudication des frais et dépens est de décourager le rejet déraisonnable d’une telle offre. Je ne tiens pas compte du fait que les offres de règlement ont été rejetées.

 

[15]    Dans mes motifs du jugement, je n’ai pas déterminé la valeur des logiciels au 31 décembre 1993, puisqu’à la date de ces motifs, je pensais qu’il ne serait pas nécessaire de le faire au vu de mes autres constatations. Dans mon examen du témoignage d’experts et la conclusion que j’en ai tirée, j’ai établi certaines balises en vue de déterminer une évaluation future. J’ai déclaré que, si les parties avaient besoin d’une évaluation, les balises contenues dans mes motifs serviraient à déterminer cette évaluation.

 

[16]    Les parties ont demandé une évaluation. J’ai demandé à l’évaluateur de l’intimée, M. Rosen, de préparer une évaluation fondée sur mes motifs. M. Rosen a réclamé des précisions et j’ai indiqué la façon d’établir l’évaluation . Ayant suivi mes recommandations et utilisé d’autres renseignements recueillis pendant des téléconférences avec les avocats et avec moi, M. Rosen a fixé la valeur des logiciels au 31 décembre 1993 à 4 129 000 $ et, après l’examen par les avocats, j’ai statué en conséquence. L’intimée se voit adjuger les frais et dépens de M. Rosen pour la prestation de ces services.

 

[17]    L’objectif des rapports d’évaluation est d’aider un juge d’instance à déterminer une juste valeur. Un évaluateur ne doit pas promouvoir la position de son client. Un interrogatoire et un contre-interrogatoire sérieux de l’auteur du rapport d’évaluation permettent de mettre en évidence les points forts et faibles du rapport; l’emphase et le pathos conjurés, le juge peut alors apprécier la qualité de l’évaluation et lui donner le poids qu’elle mérite. En fin de compte, je n’ai pas accordé plus de poids au rapport de MM. Wise et Michelin qu’à celui de M. Rosen. Chaque rapport est entaché de graves faiblesses, mais, conjugués aux témoignages, interrogatoires et contre-interrogatoires de leurs auteurs, ces rapports m’ont pourtant aidé à élaborer les balises à la base de l’évaluation.

 

[18]    En l’espèce, j’ai adopté et rejeté certains des principes et conclusions de MM. Wise, Michelin et Rosen. Malheureusement, l’évaluation de M. Rosen reposait essentiellement sur un rapport technique préparé par M. Lam. Le rapport de ce dernier m’a été utile à plusieurs égards, mais il s’est trompé en présumant que le logiciel avait été rédigé en langage C alors qu’il l’avait été en langage d’assemblage. Or, cette erreur a faussé les coûts de développement des logiciels, avec des répercussions négatives sur l’évaluation d’origine de M. Rosen. Ce dernier a également évalué des jeux individuels au lieu d’un ensemble de jeux. Par conséquent, je suis d’avis que l’appelant ne devrait pas avoir à régler les frais liés aux rapports préparés par MM. Rosen et Lam pour l’instruction de ces appels.

 

[19]    Les dépens sont adjugés à l’intimée. Chaque partie a demandé les honoraires de deux avocats. Je conviens que ces appels justifiaient le recours à deux avocats. Puisqu’elle a obtenu gain de cause, l’intimée a le droit de demander les frais et dépens de deux avocats. L’intimée se voit également adjuger les frais de M. Rosen après le 15 novembre 2001, date de mes motifs du jugement.

 

[20]    Après le dépôt des observations à la Cour, l’un des avocats de l’appelant a informé la Cour qu’il avait appris que plusieurs autres appels « ayant trait à un investissement dans une société de personnes de la catégorie 12 connue sous l’appellation de Basic Software sont tenus en suspens », de même que plusieurs autres oppositions liées au même sujet. Il a estimé que le nombre d’appels et d’oppositions pourrait dépasser les 3 000. Il a suggéré que, puisque les présents pourvois sont les premiers appels à être entendus par une cour relativement à des questions liées à des sociétés de personnes de la catégorie 12, ces appels devraient être considérés comme des causes types et la Couronne devrait assumer tous les frais. Je ne puis en convenir. Ce n’était pas une cause type. Le simple fait qu’une disposition de la Loi soit considérée par la Cour pour la première fois et que cela puisse avoir des répercussions pour d’autres contribuables ne confère pas à cet appel les caractéristiques d’une cause type. L’appel normal en matière d’impôt sur le revenu – ce qu’était cet appel – n’est pas une question d’ordre public (voir l’affaire Lachine General Hospital Corp. c. P.G. du Québec)[2] ni ne concerne des principes constitutionnels et l’intérêt public (comme dans l'affaire Singh c. Canada (Procureur général) (1re inst.)[3]. Il s’agit tout simplement d’un différend entre un contribuable et la Couronne, à savoir si le montant d’impôt établi était correct. Le principal objet de ces appels était de régler un litige entre les parties, pas nécessairement de trancher une question de droit[4]. Le fait que la décision d’une cour relativement à un appel en matière d’impôt puisse aider à régler d’autres cotisations et à réduire les frais de la Couronne ne constitue pas un motif suffisant pour obliger la Couronne à prendre en charge les frais et dépens de l’appel.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 22e jour d'avril 2002.

 

 

Gerald J. Rip

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce  3e jour de janvier 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 



[1] En raison de mes conclusions sur ces questions, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de considérer une autre question soulevée lors de l’argumentation, à savoir si le prix d’achat des logiciels était raisonnable en l’occurrence : art.67.

[2] (1996), 142 D.L.R. (4e) 659 (C.A.).

[3] [1999] 4 C.F. 583.

[4] Cf. Vriend v. Alberta (1996) 141 D.L.R. (4th) 44 (Alta. C.A.) par Hunt, J.A. para. 29.

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