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Dossier : 2008-681(IT)I

ENTRE :

JOSEPH L.J. THOMPSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu à Fredericton (Nouveau‑Brunswick), le 13 juin 2008.

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Kendrick Douglas

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’égard des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Edmunston (Nouveau‑Brunswick) ce 20e jour d’août 2008.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d’octobre 2008.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

Référence : 2008CCI392

Date : 20080820

Dossier : 2008-681(IT)I

ENTRE :

 

JOSEPH L.J. THOMPSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              Le présent appel a été interjeté à l’égard d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 de l’appelant. Pour ces trois années, l’appelant avait déclaré des revenus de profession libérale nets provenant de l’exercice s’élevant respectivement à 13 253 $, à 14 485 $ et à 16 310 $. Ces revenus et les dépenses correspondantes ne font pas l’objet du présent appel. Pour les trois années d’imposition en cause, l’appelant avait aussi déduit des pertes d’entreprise. Le ministre a refusé ces déductions au motif que l’appelant n’exploitait pas une entreprise, ou que, s’il en exploitait une, les dépenses qu’il avait déduites n’avaient pas été engagées en vue de tirer un revenu de l’entreprise, ou encore que ces dépenses n’étaient pas raisonnables.

 

          Les pertes d’entreprise que l’appelant a déduites sont les suivantes :

 

Année

Revenu brut d’entreprise

Dépenses

Perte nette

2003

315 $

8 289 $

(7 974 $)

2004

218 $

4 687 $

(4 469 $)

2005

283 $

5 603 $

(5 320 $)

 

          Les dépenses déduites par l’appelant pour chacune des années d’imposition en cause peuvent être ventilées de la sorte :

 

 

         2003

           2004

      2005

Revenu brut d’entreprise déclaré

315,71 $

218,13 $

283,90 $

 

 

 

 

Dépenses déduites dans la déclaration

 

 

 

Publicité

1 240,14 $

692,49 $

762,75 $

Taxes d’affaires

397,39 $

142,70 $

158,15 $

Livraisons, frais de transport

140,40 $

37,77 $

34,56 $

Carburant autre que pour véhicule à moteur

80,02 $

0,00 $

0,00 $

Repas et divertissement (50 %)

72,73 $

34,73 $

83,67 $

Dépenses relatives à un véhicule à moteur

1 767,09 $

757,82 $

1 152,66 $

Frais de bureau

103,38 $

35,86 $

26,81 $

Fournitures

944,88 $

1 014,33 $

1 094,19 $

Déplacements

1 978,52 $

1 151,18 $

1 384,49 $

Téléphone et services publics

236,42 $

44,95 $

239,27 $

Autres dépenses

66,00 $

32,43 $

16,43 $

Déduction pour amortissement d’un véhicule

1 263,33 $

743,35 $

651,72 $

Total des dépenses

8 290,30 $

4 687,61 $

5 604,70 $

 

 

 

 

Revenu net (perte nette) d’entreprise

(7 974,59 $)

(4 469,48 $)

(5 320,80 $)

 

[2]              La preuve montre aussi que l’appelant achetait les produits Quixtar pour son usage personnel, et que la plupart de ses clients étaient des membres de sa famille. L’appelant a pris sa retraite il y a plus de neuf ans après avoir fait carrière en éducation, en tant qu’enseignant et administrateur scolaire. Quelques mois avant de prendre sa retraite, l’appelant s’est enregistré comme propriétaire indépendant d’une entreprise Quixtar, et il s’est mis à exploiter cette entreprise à partir de son domicile. Il continuait aussi à travailler dans le domaine de l’éducation, en tant qu’animateur et consultant; ce travail constituait ses activités professionnelles. En août 2004, l’appelant s’est lancé dans le jardinage, et il a commencé à vendre des produits naturels en octobre 2005.

 

[3]              Selon l’appelant, Quixtar peut être décrite comme une entreprise faisant la vente de biens de consommation dont les profits dépendent du volume de ventes. Dans un questionnaire que l’appelant a rempli à l’occasion d’une vérification menée par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), il a expliqué que les activités de l’entreprise consistaient en la vente de produits d’entretien ménager et de soins personnels, de préparations multivitaminiques et de suppléments. L’appelant vendait les produits au prix coûtant, préférant – comme il l’a dit – générer son revenu grâce au volume de ventes plutôt que grâce à la marge de profit au détail. La preuve montre aussi que l’appelant achetait les produits Quixtar pour son usage personnel, et que la plupart de ses clients étaient des membres de sa famille. Il se servait d’Internet pour nouer des liens avec des gens qui auraient pu souhaiter fonder leur propre entreprise à domicile. Durant les trois années d’imposition en cause, et durant les années antérieures, l’appelant n’a jamais réussi à convaincre qui que ce soit de lancer sa propre entreprise Quixtar, mais il a toujours continué ses activités de recrutement, et il les poursuit encore aujourd’hui. En effet, le vérificateur a reconnu que l’appelant était allé rencontrer des gens, et qu’il avait passé du temps avec eux pour leur expliquer le fonctionnement de l’entreprise et les inciter à devenir eux mêmes propriétaires de leur propre entreprise. L’appelant tenait un journal de ses activités où il notait aussi le nombre de présentations qu’il avait faites auprès de recrues potentielles. Il n’a tout simplement jamais réussi à recruter de nouveaux propriétaires.

 

[4]              L’appelant a commencé ses activités de jardinage en 2004. Il cultive des betteraves, qu’il vend à un restaurant polonais, et des pommes de terre bleues qu’il vend à un seul client. L’entreprise de produits de santé naturels, qui n’a été exploitée que durant deux mois de l’année d’imposition 2005, consiste en la vente de produits de santé naturels à des pharmacies indépendantes et à d’autres magasins de produits de santé.

 

[5]              L’appelant a reconnu qu’il ne faisait pas de publicité, que ce soit dans les journaux, dans des bulletins d’information, dans les pages jaunes, dans d’autres publications, à la télévision ou à la radio. Il a souligné que la société Quixtar ne permettait pas aux propriétaires d’entreprise indépendants de faire de la publicité auprès du grand public; la croissance de leurs entreprises était plutôt assurée par l’établissement de contacts au moyen de rencontres en personne et d’entretiens téléphoniques, et de présentations fréquentes du plan d’affaires. L’appelant a reconnu que les dépenses de publicité relatives à Quixtar dont il avait demandé la déduction incluaient le coût de produits qu’il avait achetés pour les utiliser personnellement. Lorsque l’appelant a rempli le questionnaire mentionné précédemment, il a indiqué que les pertes qu’il avait subies étaient attribuables au fait qu’il vendait ses produits au prix coûtant plutôt qu’à leur prix de détail. Il avait aussi indiqué qu’il allait dorénavant vendre ses produits au prix de détail à ses nouveaux clients Quixtar, et augmenter le nombre de clients pour faire croître son entreprise de cette façon. L’appelant avait rempli ce questionnaire en mars 2007.

 

[6]              Un sommaire des revenus d’entreprise bruts de l’appelant pour la période allant de 1998 à 2005 montre un revenu total de 2 274 $, soit une moyenne annuelle de 284 $, et des dépenses totales de 48 318 $, soit une moyenne annuelle de 6 039 $. Les pertes d’entreprise nettes de l’appelant pour cette période s’élevaient à 46 044 $, soit une moyenne annuelle de 5 755 $.

 

[7]              Dans Stewart c. Canada., [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour suprême du Canada a adopté une nouvelle approche concernant l’application du critère de l’expectative raisonnable de profit. Les paragraphes 60 et 54 de cet arrêt résument bien la nouvelle approche.

 

[60]      En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l’activité en cause. Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin. Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. […]

 

[54]      Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]              Dans Raghavan v. R., [2007] 2 C.T.C. 232, la Cour d’appel fédérale a formulé la méthode à deux volets suivante, aux paragraphes 8 et 9 :

 

[8]        En premier lieu, le tribunal doit décider si le contribuable a, pour l’application de l’article 9 de la LIR, une source de revenu provenant d’une entreprise. L’objectif fondamental de ce volet de la méthode est de faire la distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles (paragraphe 50), en conformité avec la méthodologie prescrite par la Cour suprême, en particulier aux paragraphes 52 à 56 et 60.

 

[9]        En deuxième lieu, lorsque le tribunal a établi la source du revenu, il doit décider si le contribuable peut déduire, conformément au paragraphe 18(1), ses dépenses du revenu gagné de l’entreprise. Si c’est le cas, les dépenses seront déduites, mais seulement si elles sont « raisonnables » par application de l’article 67; voir le paragraphe 57. La Cour suprême a insisté (au paragraphe 60) sur le fait que :

 

La question de savoir s’il existe une entreprise est distincte de celle de la déductibilité des dépenses.

 

[9]              C’est donc l’appelant qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le principal objectif qu’il cherchait à atteindre en se livrant à ses activités était de réaliser un profit, et qu’il cherchait à le faire en agissant de façon sérieuse et professionnelle, tout comme aurait agi un homme d’affaires sérieux.

 

[10]         En l’espèce, la preuve montre que l’appelant a effectivement passé du temps à essayer de recruter des propriétaires indépendants d’entreprises Quixtar, ou, du moins, c’est ce que révèle le journal qu’il tenait quant à cette activité. Malheureusement, l’appelant n’a non seulement pas réussi à recruter qui que ce soit durant les trois années d’imposition en cause, mais il n’a jamais réussi à le faire depuis qu’il s’est joint à Quixtar en 1998. Toutefois, aucune explication n’est fournie quant aux causes des insuccès de l’appelant au fil des ans, ni à ce qu’il entend faire pour y remédier. La preuve ne permet pas de savoir quelle importance avait le recrutement de nouveaux propriétaires indépendants, mais je présume que l’appelant aurait profité des ventes que ces recrues auraient effectuées. Il semble que le recrutement joue un rôle important dans la structure de revenus de Quixtar, mais l’appelant n’a pas clarifié ce point, qui semble particulièrement important compte tenu du nombre d’années au cours desquelles l’appelant a tenté de recruter de nouveaux propriétaires.

 

[11]         De plus, il est troublant de voir que l’appelant vendait ses produits Quixtar au prix coûtant, éliminant ainsi toute chance de profit, et que lui et les membres de sa famille étaient ses seuls clients. En outre, l’appelant a demandé la déduction du coût de certains produits qu’il avait achetés pour son usage personnel en disant qu’ils avaient servi à faire de la promotion. La preuve est beaucoup trop faible pour permettre à la Cour de conclure que le principal objectif que l’appelant cherchait à atteindre en se livrant à ses activités Quixtar était de réaliser un profit.

 

[12]         À mon avis, l’appelant n’a pas non plus réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ses activités de jardinage, ainsi que les activités de vente de produits de santé naturels auxquelles il se livrait en 2005, avaient été menées de façon sérieuse et professionnelle avec l’intention de réaliser un profit. La preuve n’a non seulement pas permis de savoir à combien s’élevaient les revenus bruts tirés de chacune des activités en question pour 2004 et 2005, mais pour ce qui est du jardinage, elle n’a pas montré comment les activités étaient menées, quelle expérience l’appelant avait dans ce domaine, quelles étaient la superficie du jardin, la quantité et la qualité des produits qui étaient mis en vente, qui étaient les clients de l’appelant, quelles étaient les conditions du marché, ni si les produits vendus respectaient les normes gouvernementales relatives aux biens de consommation. La seule chose que la preuve montre, c’est que l’appelant cultivait des betteraves et des pommes de terre bleues, et qu’il avait un seul client pour chacun de ces produits. Aucun élément de preuve n’a été présenté sur le rapport entre les coûts de production et les ventes potentielles, ce qui fait qu’il est impossible de conclure que l’appelant cherchait véritablement à réaliser un profit ou qu’il menait ses activités de jardinage de façon sérieuse et professionnelle

 

[13]         La preuve concernant les ventes de produits de santé naturels aux pharmacies indépendantes et aux magasins de produits de santé est elle aussi insuffisante. Bien que cette activité n’ait commencé qu’en octobre 2005 et qu’elle ait été encore à ses débuts durant le reste de l’année d’imposition 2005, la preuve ne révèle pas l’existence d’un plan d’affaires ou de prévisions des ventes démontrant la rentabilité éventuelle de cette activité. L’appelant s’est contenté de dire à la Cour que les produits vendus étaient des produits de santé, et il n’a fourni aucune preuve au sujet de la manière dont il menait cette activité, de la source, des quantités, du coût et de la marge sur coût d’achat de ces produits, des stocks qu’il maintenait, du temps qu’il consacrait réellement à la vente des produits ou de ses prévisions à ce sujet, ni des ventes et profits réels et potentiels, du moins pour 2005. La preuve à ce sujet est tout simplement trop faible pour permettre à la Cour de conclure que cette activité a été menée de façon sérieuse et professionnelle en 2005.

 

[14]         L’appelant me semble être très honnête, avoir plusieurs passions et aimer ce qu’il fait; je trouve cela admirable. Les activités qu’il a décrites ont peut-être un aspect commercial, mais leur aspect personnel est nettement prédominant dans le cas de l’appelant, qui cherche à occuper ses temps libres, qui aime ce qu’il fait et qui se préoccupe peu des profits. À mon avis, les activités de l’appelant ne constituent pas une source de revenu au sens de l’article 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu. La preuve est trop faible pour me permettre de conclure que l’appelant menait ses activités dans le but de réaliser un profit.

 

[15]         L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Edmunston (Nouveau‑Brunswick) ce 20e jour d’août 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d’octobre 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008CCI392

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-681(IT)I

 

INTITULÉ :

Joseph L.J. Thompson et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Kendrick Douglas

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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