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Dossier : 2006‑1045(EI)

ENTRE :

BLAJ HOSPITALITY INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

BLAJ Hospitality Inc. (2006‑1046(CPP)),

de Lucy Dane (2006‑1048(CPP)),

et de Barry Dane (2006‑1050(CPP)),

le 17 janvier 2008, à Moncton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

George Jorgensen

Avocat de l’intimé :

MAndrew Miller

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel formé contre les cotisations établies en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi pour les années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli, et les cotisations sont renvoyées au ministre, pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformes aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 20jour d’août 2008.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d’octobre 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

Dossier : 2006‑1046(CPP)

ENTRE :

BLAJ HOSPITALITY INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

BLAJ Hospitality Inc. (2006‑1045(EI)),

de Lucy Dane (2006‑1048(CPP)),

et de Barry Dane (2006‑1050(CPP)),

le 17 janvier 2008, à Moncton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

George Jorgensen

Avocat de l’intimé :

MAndrew Miller

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel formé contre les cotisations établies en vertu du Régime de pensions du Canada pour les années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli en partie, et les cotisations sont renvoyées au ministre, pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformes aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 20jour d’août 2008.

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d’octobre 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

Dossier : 2006‑1048(CPP)

ENTRE :

LUCY DANE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

BLAJ Hospitality Inc. (2006‑1045(EI)) et (2006‑1046(CPP))

et de Barry Dane (2006‑1050(CPP)),

le 17 janvier 2008, à Moncton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

George Jorgensen

Avocat de l’intimé :

MAndrew Miller

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel formé contre les cotisations établies en vertu du Régime de pensions du Canada pour les années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli en partie, et les cotisations sont renvoyées au ministre, pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformes aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 20jour d’août 2008.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d’octobre 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

Dossier : 2006‑1050(CPP)

ENTRE :

BARRY DANE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

BLAJ Hospitality Inc. (2006‑1045(EI)) et (2006‑1046(CPP))

et de Lucy Dane (2006‑1048(CPP)),

le 17 janvier 2008, à Moncton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

George Jorgensen

Avocat de l’intimé :

MAndrew Miller

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel formé contre les cotisations établies en vertu du Régime de pensions du Canada pour les années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli en partie, et les cotisations sont renvoyées au ministre, pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformes aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 20jour d’août 2008.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d’octobre 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

 

Référence : 2008CCI398

Date : 20080820

Dossiers :  2006‑1045(EI)

2006‑1046(CPP)

2006‑1048(CPP)

2006‑1050(CPP)

ENTRE :

BLAJ HOSPITALITY INC.,

BARRY DANE,

LUCY DANE,

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              Les quatre appels ont été instruits sur preuve commune. L’appelante BLAJ Hospitality Inc. (« BLAJ ») a reçu un avis de cotisation par lequel on lui demandait de payer des primes additionnelles d’assurance‑emploi et des cotisations additionnelles au RPC au titre de pourboires et gratifications qu’elle avait payés à certains de ses employés appelés « serveurs », et au titre de gains accrus ouvrant droit à pension, et de gains accrus, réalisés par Barry et Lucy Dane durant les périodes visées par l’appel, à savoir les années d’imposition 2003 et 2004. Pour 2003 seulement, les gains accrus ouvrant droit à pension et les gains accrus réalisés par Barry et Lucy Dane englobaient des sommes que chacun d’eux avait reçues à titre de pourboires, et, pour 2004 seulement, les gains accrus ouvrant droit à pension et les gains accrus réalisés par Barry et Lucy Dane englobaient des sommes que chacun avait reçues à titre de pourboires ainsi que des sommes additionnelles représentant les avantages sociaux qui consistaient dans le loyer avantageux et les repas dont ils bénéficiaient grâce à BLAJ. La question du montant des pourboires et du montant des cotisations au RPC à l’origine de la cotisation établie à l’égard de BLAJ pour les pourboires en question n’a pas été soulevée par BLAJ dans l’avis d’appel.

 

[2]              Le ministre du Revenu national (le « M.R.N. ») a admis dans ses actes de procédure qu’il avait commis une erreur dans sa cotisation à l’égard de BLAJ pour les gains accrus de Barry et Lucy Dane, en ce sens qu’il ne s’agissait pas d’une rémunération assurable, et les primes d’assurance‑emploi attribuables à ces gains accrus n’avaient donc pas à être retenues et versées, puisque M. et Mme Dane n’occupaient pas un emploi assurable auprès de BLAJ. La cotisation devrait refléter cette admission.

 

[3]              Barry et Lucy Dane ont reçu un avis de cotisation par lequel on leur demandait de payer des cotisations additionnelles au Régime de pensions du Canada sur la valeur des avantages susmentionnés, à savoir le loyer avantageux et les repas (ci‑après « les avantages sociaux »), pour l’année d’imposition 2004, et sur les sommes qu’ils ont reçues à titre de pourboires en 2003 et 2004.

 

[4]              BLAJ est une société dont les activités consistent à héberger des clients dans une auberge patrimoniale appelée l’Auberge Marshlands (l’« Auberge ») et à exploiter un restaurant haut de gamme. Barry et Lucy Dane sont les seuls actionnaires de BLAJ. Des serveurs étaient évidemment embauchés pour assurer le service dans le restaurant. BLAJ employait aussi une hôtesse et du personnel travaillant dans la cuisine (le « personnel de cuisine »). Tous ces employés étaient rémunérés selon un taux horaire fixé d’après le niveau d’expérience de chacun d’eux.

 

[5]              Tous les pourboires et gratifications en cause sont laissés par les clients du restaurant, à leur gré. Ils sont soit versés en numéraire, sur la table, soit ajoutés à la somme facturée pour le repas et payée par carte de crédit ou de débit, soit portés sur la facture de la chambre si le client séjourne à l’Auberge. BLAJ se sert du progiciel de gestion hôtelière Five Star Lite pour comptabiliser ses recettes et aussi pour les ventiler en sommes attribuables aux repas, aux chambres, au bar, aux taxes, aux commissions sur carte de crédit et aux pourboires, avec indication aussi du nom du serveur. Chaque addition remise aux clients du restaurant indique qui est le serveur. Seuls les pourboires payés par carte de débit ou de crédit figurent sur le progiciel. Les pourboires en numéraire sont remis directement aux serveurs. Toutes les recettes sont déposées au compte bancaire de BLAJ, mais un rapport imprimé chaque jour indique les pourboires que chaque serveur a reçus durant son quart de travail, car ils ne sont pas considérés comme des recettes par BLAJ.

 

[6]              Lorsque M. et Mme Dane ont acheté l’entreprise, les employés avaient déjà consenti à un système selon lequel le personnel de cuisine recevait 30 p. 100 des pourboires quotidiens totaux. M. et Mme Dane ont continué d’appliquer le même système. À la fin de la journée, l’hôtesse recevait le rapport quotidien imprimé, à partir duquel elle répartissait les pourboires du jour selon des pourcentages de 70 p. 100 et 30 p. 100, pour répartir ensuite la portion de 70 p. 100 parmi les serveurs en fonction des sommes indiquées sur les additions. C’est l’hôtesse qui distribuait les 70 p. 100 aux serveurs à la fin de la journée, ou le lendemain au plus tard, en se servant de la somme mise à sa disposition par BLAJ. Les 30 p. 100 restants étaient accumulés, puis distribués au personnel de cuisine, également par l’hôtesse, à une date ultérieure. Parfois Barry Dane agissait en tant qu’hôte.

 

[7]              Le système en vigueur chez BLAJ a été confirmé par Gina Pratt, une hôtesse travaillant pour BLAJ. Un rapport de fin de poste a été déposé comme preuve pour montrer comment le système fonctionne et comment il conserve la trace des pourboires. La commission sur carte de crédit est déduite des pourboires totaux et le reste est alors divisé à raison de 70 p. 100 et 30 p. 100, les 70 p. 100 étant ensuite répartis selon le pourcentage des pourboires revenant à chaque serveur. Les 30 p. 100 sont conservés dans une boîte à l’intention du personnel de cuisine, tandis que la part revenant aux serveurs est glissée dans l’enveloppe destinée à chacun d’eux. Mme Pratt n’a pu dire cependant si le système avait été employé au cours des deux années d’imposition visées par l’appel, puisqu’elle ne travaille pour BLAJ que depuis 2005.

 

[8]              Il convient de noter que seul le pourcentage de 70 p. 100 était visé par l’avis de cotisation, et que la cotisation établie ne repose que sur les opérations constatées par carte de débit ou de crédit.

 

Avantages sociaux (loyer avantageux et repas) pour l’année d’imposition 2004

 

[9]              BLAJ est également propriétaire d’une maison de deux étages située près de l’Auberge, et qui est utilisée comme logement par Barry et Lucy Dane et leurs deux enfants. La maison comporte une cuisine, un salon, une salle à manger, une salle de récréation, quatre chambres et trois salles de bain, dont une seule est fonctionnelle. Chaque étage est d’environ 1 200 pieds carrés, et les membres de la famille Dane n’occupent que le deuxième étage, utilisant seulement trois des chambres, ainsi que la salle de bain fonctionnelle. Selon M. et Mme Dane, la maison sert principalement d’endroit où dormir. Ils prennent tous leurs repas à l’Auberge, et la famille passe à l’Auberge le plus clair de son temps.

 

[10]         La maison a besoin de réparations, et seul l’extérieur a été peint. Le rez‑de‑chaussée sert de lieu d’entreposage pour l’Auberge. BLAJ payait tous les frais se rapportant à la maison, mais M. et Mme Dane payaient un loyer de 500 $ par mois. Les dépenses réelles de chauffage de la maison étaient de 4 578 $ par année, pour une moyenne de 381 $ par mois, et les dépenses d’électricité étaient de 827 $ par année, pour une moyenne de 69 $ par mois, la moyenne totale des dépenses de chauffage et d’électricité se chiffrant à 450 $ par mois. Le ministre a établi à 1 000 $ par mois la valeur des frais de logement, en attribuant 600 $ par mois au loyer effectif, 300 $ par mois au chauffage et 100 $ par mois à l’électricité, étant donné que la famille avait l’usage exclusif de la maison. Le loyer était imposé selon une valeur de 6 000 $ pour chacun des appelants, moins la somme que payait effectivement chacun d’eux.

 

[11]         S’agissant des repas, ils étaient tous pris à l’Auberge, à l’exception des collations, et des fruits qui étaient conservés dans la maison louée, ainsi que des repas rapides occasionnels qui étaient achetés par les membres de la famille Dane. Tous les autres repas étaient payés par BLAJ. On estime que M. et Mme Dane dépensaient environ 50 à 60 $ par semaine pour l’alimentation. Les repas pris à l’Auberge étaient parfois préparés par le personnel et parfois par les membres de la famille. C’est le personnel qui s’occupait de la vaisselle et du nettoyage. En 2004, les enfants ont participé à de nombreuses activités, et ils prenaient alors leurs repas ailleurs. Le ministre a établi à 16 800 $ par année, ou à 8 400 $ pour chacun des appelants, l’avantage reçu par M. et Mme Dane au titre des repas. Le coût par repas a été estimé par le vérificateur sur la base du coût moyen d’un repas pris dans un restaurant, déduction faite du coût du service. Le calcul a donné les chiffres suivants : 1,50 $ pour le petit déjeuner, 3 $ pour le déjeuner et 7,50 $ pour le dîner, par personne, soit un total de 12 $ par jour par personne; cette somme a été multipliée par quatre, puis le produit obtenu a été multiplié par 350 jours, ce qui donnait la somme annuelle pour la famille. Le chiffre du coût moyen d’alimentation par année pour une famille de quatre personnes, établi par Statistique Canada, n’a pas été employé par le vérificateur.

 

[12]         Les points soulevés dans les présents appels sont les suivants : BLAJ était‑elle tenue de déduire et de verser des cotisations au RPC et des cotisations d’assurance‑emploi pour les pourboires et gratifications de ses serveurs, dont Barry et Lucy Dane, et pour le loyer avantageux et les repas dont BLAJ faisait bénéficier Barry et Lucy Dane à titre d’avantages sociaux? Autrement dit, les points à décider sont les suivants : les pourboires et gratifications, le loyer avantageux et les repas doivent‑ils être considérés comme un revenu d’emploi et comme partie intégrante de la rémunération totale versée par BLAJ à ses serveurs et à Barry et Lucy Dane, et devraient‑ils par conséquent être pris en compte dans le calcul de leur rémunération assurable et de leurs cotisations au RPC? Dans les appels interjetés par Barry et Lucy Dane, le point soulevé concerne uniquement la valeur imposable du loyer et des repas que leur assurait BLAJ, et d’après laquelle étaient calculées les cotisations au RPC additionnelles.

 

[13]         Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance‑emploi sont les suivantes :

 

2.(1) […]

 

« rémunération assurable » Le total de la rémunération d’un assuré, déterminé conformément à la partie IV, provenant de tout emploi assurable.

 

67. Sous réserve de l’article 70, toute personne exerçant un emploi assurable verse, par voie de retenue effectuée au titre du paragraphe 82(1), une cotisation correspondant au produit de sa rémunération assurable par le taux fixé en vertu des articles 66 ou 66.3, selon le cas.

 

68. Sous réserve des articles 69 et 70, la cotisation patronale qu’un employeur est tenu de verser correspond à 1,4 fois la cotisation ouvrière de ses employés qu’il est tenu de retenir au titre du paragraphe 82(1).

 

82. (1) L’employeur qui paie une rétribution à une personne exerçant à son service un emploi assurable est tenu de retenir sur cette rétribution, au titre de la cotisation ouvrière payable par cet assuré en vertu de l’article 67 pour toute période à l’égard de laquelle cette rétribution est payée, un montant déterminé conformément à une mesure d’ordre réglementaire et de le verser au receveur général avec la cotisation patronale correspondante payable en vertu de l’article 68, au moment et de la manière prévus par règlement

 

[14]         Les dispositions applicables du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « RRAPC ») sont les suivantes :

 

2. (1) Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l’ensemble des montants suivants :

 

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi;

 

b) le montant de tout pourboire que l’assuré doit déclarer à l’employeur aux termes de la législation provinciale.

 

4. (1) Sous réserve des paragraphes (2), (3), (3.1) et (5), l’employeur doit verser au receveur général les cotisations ouvrières et les cotisations patronales payables aux termes de la Loi et du présent règlement au plus tard le 15e jour du mois qui suit celui au cours duquel il a versé à l’assuré une rémunération assurable à l’égard de laquelle des cotisations devaient être retenues ou payées aux termes de la Loi et du présent règlement.

 

[15]         Les dispositions applicables du Régime de pensions du Canada sont les suivantes :

 

8. (1) Tout employé occupant chez un employeur un emploi ouvrant droit à pension verse, par retenue prévue par la présente loi sur la rémunération que lui paie cet employeur au titre de cet emploi, pour l’année au cours de laquelle cette rémunération lui est payée, une cotisation d’employé égale au produit obtenu par la multiplication du taux de cotisation des employés pour l’année par le plus petit des montants suivants : […]

 

9. (1) Tout employeur doit, à l’égard de chaque personne employée par lui dans un emploi ouvrant droit à pension, payer pour l’année au cours de laquelle est payée à l’employé la rémunération au titre d’un emploi ouvrant droit à pension, une cotisation d’employeur d’un montant égal au produit obtenu par la multiplication du taux de cotisation des employeurs pour l’année par le plus petit des montants suivants :

 

a) les traitement et salaire cotisables de l’employé pour l’année, versés par l’employeur, moins tel montant, au titre de l’exemption de base de l’employé pour l’année ou à valoir sur cette exemption, qui est prescrit;

 

b) le maximum des gains cotisables de l’employé pour l’année, moins le montant, s’il en est, qui est déterminé de la manière prescrite comme étant les traitement et salaire de l’employé, sur lesquels une cotisation a été versée par l’employeur pour l’année à l’égard de l’employé en vertu d’un régime provincial de pensions.

 

12. (1) Le montant des traitement et salaire cotisables d’une personne pour une année est le revenu qu’elle retire pour l’année d’un emploi ouvrant droit à pension, calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu (compte non tenu du paragraphe 7(8) de cette loi), plus les déductions pour l’année, faites en calculant ce revenu autrement que selon les dispositions de l’alinéa 8(1)c) de cette loi, mais ne comprend aucun revenu de cette nature reçu par cette personne : […]

 

21. (1) Tout employeur payant une rémunération à un employé à son service, à une date quelconque, dans un emploi ouvrant droit à pension est tenu d’en déduire, à titre de cotisation de l’employé ou au titre de la cotisation pour l’année au cours de laquelle la rémunération au titre de l’emploi ouvrant droit à pension est payée à cet employé, le montant déterminé conformément à des règles prescrites; l’employeur remet au receveur général, à la date prescrite, ce montant ainsi que le montant qui est prescrit à l’égard de la cotisation qu’il est tenu de verser selon la présente loi. De plus, lorsque l’employeur est une personne prescrite à la date prescrite, le montant est versé au compte du receveur général dans une institution financière (au sens du paragraphe 190(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, compte non tenu des alinéas d) et e) de la définition de cette expression).

[Non souligné dans l’original.]

 

[16]         Dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. P.G.(Can.), [1986] 1 R.C.S. 678, la Cour suprême du Canada, examinant la signification de l’expression « rémunération assurable », avait jugé que le mot « rémunération » était assez large pour englober les gratifications payées par les clients, puis distribuées par l’employeur à ses employés. Le point soulevé dans cet arrêt était de savoir si les pourboires laissés par les clients lors de banquets et distribués par l’hôtel à ses employés conformément aux dispositions de la convention collective étaient une rémunération assurable au sens du règlement applicable. L’alinéa 3(1)a) du Règlement sur l’assurance‑chômage (perception des cotisations), en vigueur à la date de l’arrêt, donnait une signification autre à l’expression « rémunération assurable », à savoir la suivante :

 

3. (1) Le montant qui sert à déterminer la rémunération assurable d’un assuré est le montant de la rétribution, qu’elle soit entièrement ou partiellement versée en espèces, qui lui est payée par son employeur pour une période de paie, et comprend

 

a) toute somme que lui paie son employeur au titre, au lieu ou en règlement

 

(i)   d’un boni, d’une gratification, d’une augmentation de rémunération avec effet rétroactif, d’une participation aux bénéfices, du paiement d’heures supplémentaires accumulées ou d’une sentence arbitrale […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]         Selon le juge Laforest, s’exprimant pour les juges majoritaires, le mot « rémunération » devait englober davantage que le seul salaire fixe attaché à l’emploi et comprenait les gratifications. Il est intéressant de noter que trois juges avaient exprimé leur désaccord dans l’arrêt Canadien Pacifique au motif que les pourboires étaient payés par les clients et non par l’employeur. Selon eux, l’obligation de l’employeur de déduire les cotisations portait uniquement sur les sommes effectivement payées par l’employeur et non sur ce que les employés recevaient d’une autre source.

 

[18]         Il est intéressant également de relever que l’Agence du revenu du Canada, dans une interprétation technique datée du 18 avril 2006, expose certaines de ses vues sur l’obligation de l’employeur de faire des prélèvements sur les pourboires. L’interprétation renferme ce qui suit :

 

[traduction]

Lorsque les pourboires sont sous l’autorité de l’employeur, les exigences du paragraphe 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu sont respectées. La question essentielle est de savoir si l’employeur était ou non en position de veiller à la répartition des pourboires. Les pourboires sous l’autorité de l’employeur comprennent les pourboires que l’employeur verse ou qui transitent dans les livres de l’employeur avant que l’employé ne les reçoive. Certains exemples de pourboires sous l’autorité de l’employeur sont les suivants :

 

-       les frais de service obligatoires ajoutés à l’addition du client pour qu’elle englobe les gratifications;

-       le pourcentage ajouté à l’addition totale, par exemple dans le cas des banquets ou des mariages, pour qu’elle englobe les pourboires revenant aux serveurs et à l’équipe tout entière (le chef, le cuisinier, les préposés à la plonge, les directeurs de banquets, etc.);

-       les pourboires partagés entre les membres du personnel selon une entente qui est prévue dans le contrat de travail et qui indique la manière dont l’employeur répartira les pourboires;

-       les pourboires devant être partagés selon les conditions d’emploi fixées par l’employeur;

-       les pourboires qui sont inscrits sur les bordereaux de cartes de crédit et que l’employeur inclut dans son revenu et redistribue aux employés concernés sous forme de rémunération.

 

[19]         Un examen de la jurisprudence confirme l’opinion de l’Agence du revenu du Canada pour qui les pourboires payés par l’employeur sont une rémunération assurable, mais la jurisprudence n’appuie pas l’opinion selon laquelle les pourboires dont l’employeur conserve la trace constituent une rémunération assurable. L’arrêt Canadien Pacifique a été suivi dans la décision S&F Philip Holdings Ltd. (exerçant ses activités sous le nom Sooke Harbour) c. Canada, [2003] A.C.I. n° 344 (QL). Dans cette affaire, qui présente quelque ressemblance avec la présente affaire, le personnel du restaurant avait établi un système selon lequel tous les pourboires étaient mis en commun pour être distribués, en fonction de certains pourcentages, à tous les employés formant l’équipe de la restauration. L’hôtel retenait dix pour cent du montant total des pourboires pour amortir les frais de transaction sur carte de crédit et distribuait les quatre‑vingt‑dix pour cent restants aux employés toutes les deux semaines, en complément de leur rémunération normale. Le juge Rowe est arrivé à la conclusion suivante, au paragraphe 22 :

 

[…] Dans les appels en l’espèce, Harbour House a émis des chèques aux travailleurs pour des montants individuels représentant leur partie appropriée de l’ensemble des pourboires laissés par les clients. Le paiement était de nature pécuniaire et était entièrement lié au contexte de l’emploi. Même si l’entente était moins officielle que celle de l’affaire Canadien Pacifique, précitée, cela ne signifie pas qu’elle est moins importante puisqu’il est clair qu’elle régissait la situation entre les employés et Harbour House, l’employeur, relativement à un aspect important de leur emploi. […]

 

[20]         Dans un jugement plus récent de la Cour, rendu par M. le juge Hershfield, Lake City Casinos Ltd. c. M.R.N., [2006] A.C.I. n° 175 (QL), confirmé par la Cour d’appel fédérale, 2007 CAF 100, la Cour est arrivée à une conclusion autre. Dans cette affaire, les pourboires du casino étaient mis en commun et distribués en accord avec des procédures rigoureusement appliquées en matière de pourboires, qu’avait établies la British Columbia Lotteries Corporation. L’employeur (le casino) conservait donc des relevés indiquant le pourcentage des pourboires qui revenait à chaque employé. Les pourboires étaient mis de côté, puis payés en numéraire aux employés par le casino; le casino n’émettait pas de chèques aux employés comme c’était le cas dans les affaires Canadien Pacifique et S&F Philip Holdings.

 

[21]         Après une analyse détaillée de la jurisprudence et des textes applicables, le juge Hershfield a conclu que le casino lui‑même ne versait pas les pourboires aux employés et que les pourboires n’étaient donc pas une rémunération assurable. L’importante distinction était que les employés recevaient leurs pourboires en numéraire et non sous la forme de chèques émis par le casino. Le juge Hershfield faisait aussi observer que le casino n’avait pas participé directement à l’établissement de la politique touchant les pourboires et que, même si le casino obligeait les employés à répartir les pourboires équitablement en accord avec la politique, cela ne signifiait pas qu’il « payait » les pourboires aux employés; les pourboires n’étaient jamais amalgamés avec les biens du casino. L’enregistrement méticuleux des sommes en cause, dont celui de l’argent des pourboires, et l’approbation signée par l’employeur pour la répartition des pourboires ne donnaient pas à entendre que l’employeur intervenait ou qu’il exerçait un pouvoir sur l’argent des pourboires.

 

[22]         Le juge Hershfield a aussi rejeté explicitement l’argument selon lequel les pourboires sont une rémunération assurable lorsque l’employeur dispose de l’information nécessaire pour les calculer. Il s’est exprimé ainsi (au paragraphe 39) :

 

Le fait que ce processus fournit au casino les renseignements nécessaires pour lui permettre de calculer le montant des retenues et des cotisations en vertu des dispositions applicables n’est pas pertinent, non plus. Dans les décisions qui ont été mentionnées, il a été signalé que les dispositions en question ne pouvaient facilement s’appliquer aux personnes qui ne possèdent pas les renseignements nécessaires pour s’y conformer et qu’il s’agissait là d’un motif permettant de ne pas imposer une responsabilité en vertu de ces dispositions dans ces cas‑là, mais cela ne donne pas nécessairement à entendre que les personnes possédant les renseignements nécessaires devraient être assujetties à ces dispositions. Le fait que des décisions préconisant une interprétation littérale des dispositions en question étaient peut‑être fondées sur ce motif, dans une certaine mesure, ne veut pas nécessairement dire que ce motif doit s’appliquer aux cas où l’employeur n’a jamais, en fait, payé les montants auxquels les travailleurs avaient droit au titre des pourboires. L’imputation d’une responsabilité du fait de la connaissance constituerait un prolongement extraordinaire des principes reconnus dans des décisions telles que Canadien Pacifique et Sooke Harbour.

 

[23]         Finalement, le juge Hershfield a rejeté aussi un argument d’intérêt public avancé par la Couronne, celui selon lequel un sens étendu devrait être attribué au mot « payé ». Il vaut la peine de reproduire intégralement son analyse.

 

55 Il faut tenir compte de deux aspects contextuels en ce qui concerne les dispositions ici en cause. En premier lieu, les dispositions relatives à l’AE font expressément mention des pourboires. En second lieu, les dispositions du RPC font mention d’une méthode permettant d’inclure les pourboires dans les gains ouvrant droit à pension d’un employé.

 

56 L’alinéa 2(1)b) du RRA exige l’inclusion des pourboires dans la « rémunération assurable » lorsque l’employé doit les déclarer à son employeur dans le cadre des conditions de son emploi. Conformément à l’article premier du DORS/98‑10, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1998, le paragraphe 2(1) du RRA a été modifié comme suit :

 

2. (1) Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l’ensemble des montants suivants :

 

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi;

b) le montant de tout pourboire que l’assuré doit déclarer à l’employeur aux termes de la législation provinciale.

 

57 Selon moi, le législateur a délégué la compétence sur le mécanisme d’aide sociale aux fins de l’AE à l’égard des travailleurs qui reçoivent des pourboires qui ne sont pas versés par l’employeur. Ce n’est pas là une idée en l’air. Un résumé de l’étude d’impact de la réglementation, qui ne faisait pas partie du DORS/98‑10 par lequel le RRA était modifié en vue d’inclure l’alinéa 2(1)b) mais qui était joint au Règlement, prévoyait ce qui suit :

 

Le Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations mentionne, entre autres, la définition de la rémunération assurable utilisée par les employeurs pour les fins de déterminer les cotisations d’assurance‑emploi des employés et des employeurs. Selon la modification au paragraphe 2(1) du règlement, les pourboires qu’un employé est requis de déclarer à son employeur en vertu d’une législation provinciale seront prévus à la définition de « rémunération assurable ». Des cotisations d’assurance‑emploi seront donc exigées à l’égard du montant des pourboires déclarés en vertu d’une législation provinciale. À la suite de cette modification, le montant utilisé afin de déterminer les prestations de chômage sera majoré du montant des pourboires déclarés, donnant ainsi à l’employé la possibilité d’obtenir, dans l’éventualité d’une perte d’emploi, des prestations de chômage plus élevées.

 

58 Le RRA a ensuite été modifié en vue de tenir compte du nouveau système établi au Québec, lequel exigeait que les pourboires directement reçus soient déclarés aux employeurs.

 

59 L’alinéa 2(1)b) du RRA ne s’applique pas aux présents appels étant donné qu’en Colombie‑Britannique, le législateur provincial n’exige pas que les pourboires soient déclarés à l’employeur. Selon moi, il n’appartient pas à la présente cour d’imposer un mécanisme d’aide sociale plus étendu aux fins de l’AE lorsque la province a en fait refusé l’invitation du législateur fédéral à le faire.

 

60 Quant au RPC, les employés peuvent choisir de verser une cotisation au titre du RPC sur le montant des pourboires gagnés dans le cadre d’un emploi ouvrant droit à pension à l’égard desquels il est jugé qu’ils ne sont pas assujettis à une retenue à la source.

 

61 C’est le paragraphe 13(3) du RPC qui permet ce choix. Encore une fois, cela indique que le législateur fédéral a prévu qu’il se pouvait que les pourboires gagnés dans le cadre d’un emploi échappent à la protection qu’offre la loi; le législateur a donc prévu, en pareil cas, un mécanisme permettant d’assurer aux travailleurs des prestations appropriées. Même s’il s’agit d’un accès plus coûteux aux prestations, en ce sens que le travailleur paie la cotisation de l’employeur, cela constitue néanmoins, dans un sens contextuel, une raison de reconnaître que le législateur fédéral a tenu compte de la question et que le libellé des dispositions en question le satisfait. Il est loisible au législateur fédéral d’étendre ce type de disposition à l’AE sans l’intervention de la présente cour.

 

62 Par conséquent, je rejette l’argument de l’intimé voulant qu’un sens étendu soit attribué au mot « payé », de façon à inclure le montant des pourboires qui sont ici en cause dans la rémunération assurable ou dans les gains ouvrant droit à pension.

 

[24]         Comme je l’ai dit plus haut, la décision du juge Hershfield a été confirmée par la Cour d’appel fédérale. Dans un arrêt très bref, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi, aux paragraphes 2 et 3 :

 

Pour obtenir gain de cause, il incombait à l’appelante d’établir que les pourboires étaient versés par l’employeur dans le sens large attribué à ce terme par la Cour suprême du Canada dans Canadien Pacifique Ltée c. Canada, [1986] 1 R.C.S. 678. À cette fin, il fallait démontrer que l’employeur avait eu les pourboires en sa possession et les avait ensuite remis aux employés.

 

Compte tenu de l’exposé conjoint des faits, il était loisible au juge de la Cour de l’impôt de statuer que les pourboires avaient été effectivement distribués par les employés eux‑mêmes et non par l’employeur.

 

[25]         En l’espèce, la preuve révèle que BLAJ n’intervenait nullement dans le système de gestion des pourboires qu’elle avait institué durant les années d’imposition en cause. Le système avait été accepté par les serveurs avant que l’entreprise ne change de propriétaire, et il avait été conservé. BLAJ mettait son logiciel à disposition pour l’enregistrement de chaque opération, et elle disposait donc d’une indication des sommes que chaque serveur recevait à titre de pourboires payés par carte de crédit ou de débit. L’entente, ou le système en vigueur, permettait à BLAJ de recouvrer la commission de 2 p. 100 qu’elle payait pour les opérations faites par carte de crédit. À la fin de la journée, l’hôtesse, qui était une employée, ou parfois Barry Dane, qui en sa qualité d’employé agissait en tant qu’hôte, faisait la balance par rapport aux totaux des cartes de débit et de crédit. L’hôtesse prélevait une somme égale au total des pourboires payés par carte de débit ou de crédit, calculait la somme payable à chaque serveur et remettait à chacun d’eux, en numéraire, la somme requise le jour même où les pourboires étaient laissés par les clients, ou le lendemain au plus tard.

 

[26]         La procédure susmentionnée diffère de celle qui est exposée dans les hypothèses de fait du ministre, où il affirme que BLAJ suivait, dans un état quotidien des recettes, les pourboires versés sur carte de crédit à chacun des serveurs, et que les pourboires étaient payés aux serveurs et au personnel de cuisine « périodiquement » par les appelants. Selon la preuve, l’état quotidien des recettes de BLAJ indiquait les pourboires bruts de chaque serveur, mais l’hôtesse calculait à la main les pourboires nets pour établir la somme revenant à chacun des serveurs. Les pourboires nets effectifs reçus par les serveurs ne figuraient pas dans les relevés de BLAJ. (Voir la pièce A‑1.)

 

[27]         Je suis donc d’avis que, eu égard aux circonstances susmentionnées, qui, je crois, correspondent à la procédure qui était suivie dans les faits, les pourboires nets ne venaient jamais en la possession de BLAJ, et BLAJ ne les remettait ou ne les payait en réalité jamais à ses serveurs (les employés). C’était à l’hôtesse (une employée) qu’il revenait de distribuer effectivement les pourboires nets, conformément au système en vigueur, un système accepté par tous les employés. Je reconnais aussi que les pourboires nets étaient distribués en numéraire par l’hôtesse à la fin de chaque journée. Les circonstances de la présente affaire ne donnent nullement à penser que BLAJ était en position d’exercer un contrôle sur la distribution des pourboires selon ce qu’indique l’interprétation technique donnée par l’Agence du revenu du Canada. Ici, les pourboires étaient payés aux serveurs, et pour leur avantage, et ils ne devenaient jamais en fait la propriété de BLAJ, ni n’étaient distribués aux serveurs en tant que rémunération.

 

[28]         À l’époque de l’arrêt Canadien Pacifique (précité) de la Cour suprême du Canada, l’expression « rémunération assurable » avait un sens différent de celui qu’elle a aujourd’hui, comme je l’ai indiqué plus haut. (Voir le paragraphe 16 des présents motifs). M. le juge Hershfield faisait observer dans la décision Lake City Casinos que le Québec était la seule province qui exigeait que les gratifications soient déclarées aux employeurs. Voir le paragraphe 58 de ses motifs, reproduit au paragraphe 23 ci‑dessus. Ce raisonnement est, à mon avis, applicable ici, puisque le Nouveau‑Brunswick n’a aucune loi exigeant que les gratifications soient déclarées aux employeurs, et l’alinéa 2(1)b) du RRAPC ne trouve donc pas application dans les présents appels.

 

[29]         Je suis donc d’avis que BLAJ n’a pas l’obligation de déduire et de verser de cotisations au RPC et de primes d’assurance‑emploi pour les pourboires et gratifications reçus par ses serveurs, ni l’obligation de déduire et de verser de cotisations au RPC pour les pourboires et gratifications payés à Barry et Lucy Dane au cours des deux années d’imposition visées par l’appel. BLAJ est cependant tenue de déduire les cotisations au RPC pour les avantages sociaux (loyer avantageux et repas) dont elle a fait bénéficier Barry et Lucy Dane durant l’année 2004, et de les déduire en fonction de la valeur calculée dans les présents motifs. Je suis également d’avis que Barry et Lucy Dane n’ont pas à payer de cotisations additionnelles au RPC pour les sommes qu’ils ont reçues à titre de pourboires en 2003 et 2004. Il reste donc à déterminer la valeur des avantages sociaux (loyer avantageux et repas) dont BLAJ a fait bénéficier M. et Mme Dane en 2004.

 

LOYER

 

[30]        M. et Mme Dane payaient 500 $ de loyer mensuel en 2004. L’Agence du revenu du Canada a établi que le loyer s’élevait à 1 000 $ par mois. Le coût du mazout et de l’électricité était en moyenne de 450 $ par mois, et le vérificateur l’a établi à 400 $ par mois en moyenne. Il a ajouté 600 $ à ce chiffre et s’est fondé sur sa propre expérience pour établir la valeur de l’avantage locatif. Il n’y a pas de formule établie pour l’évaluation d’un tel avantage, mais un examen de la jurisprudence sur le sujet donne à penser qu’un abattement peut être appliqué pour tenir compte du fait que le locataire n’a pas la jouissance paisible du bien. Cet abattement pourra varier, allant de 20 à 75 p. 100, et il est calculé selon les circonstances de chaque cas.

 

[31]        Les appelants ont fait valoir que le loyer qu’ils payaient (500 $ par mois) était juste et raisonnable au vu des lieux occupés, étant donné que leur intimité était restreinte et qu’ils subissaient beaucoup d’inconvénients. Je dirais par ailleurs qu’il était commode, du point de vue du propriétaire, d’avoir la famille Dane près de l’Auberge 24 heures par jour, même si ce propriétaire devait offrir les installations culinaires et l’usage de son bureau, outre une pièce devant servir à l’un des appelants durant le poste de nuit.

 

[32]        Les appelants et leurs deux enfants occupent trois des quatre chambres et utilisent l’une des trois salles de bain, au deuxième étage de la maison. Ils partagent la maison avec BLAJ, qui utilise le rez‑de‑chaussée pour de l’entreposage. Par ailleurs, BLAJ autorise les appelants et leurs deux enfants à utiliser la cuisine et la salle à manger, ainsi que d’autres pièces de l’Auberge, comme endroits servant par exemple à regarder la télévision et à faire des devoirs, et l’un des appelants a même la possibilité de dormir à l’Auberge afin de pouvoir accueillir d’éventuels clients durant la nuit. Il en résulte bien entendu une situation inusitée, mais c’est une situation choisie par les appelants, puisqu’elle semble répondre à leurs besoins familiaux et aux impératifs de leurs activités professionnelles.

 

[33]        La maison, utilisée pour dormir, et l’Auberge, utilisée pour les repas et les activités quotidiennes, font chacune partie d’une habitation servant à des fins locatives, et l’avantage locatif devrait être considéré sous cet angle. Dans ces conditions, je ne crois pas que la valeur imposable de 1 000 $ par mois au titre de l’avantage locatif soit déraisonnable, étant donné que le coût effectif du chauffage et de l’électricité était en moyenne de 450 $ par mois, même si la famille Dane et BLAJ en profitaient toutes les deux. On pourrait en dire autant des coûts correspondants supportés par l’Auberge. La preuve n’indiquait pas le montant des taxes foncières, celui de l’assurance ni les autres frais connexes, et elle n’indiquait pas non plus le loyer moyen payé par une famille de quatre personnes dans la région de Sackville. Je crois toutefois que l’on doit prendre en compte le fait que l’arrangement dont il s’agit ici n’est pas un arrangement qui autorise la jouissance paisible que l’on peut espérer d’une habitation, et je réduirai donc le loyer de 20 p. 100, de telle sorte que l’avantage locatif est de 800 $ par mois, soit 9 600 $ par année, c’est‑à‑dire de 4 800 $ pour chacun des appelants.

 

REPAS

 

[34]        S’agissant du calcul de la valeur des repas, je crois qu’il s’agit là également d’un exercice difficile compte tenu du nombre de facteurs et de modes de vie qu’il convient d’examiner. La preuve utilisée par le vérificateur est fondée sur le coût des repas servis à l’Auberge et fournis par BLAJ, mais je ne crois pas que cette méthode permette véritablement de calculer la valeur de cet avantage pour une famille de quatre personnes. Certes, la nourriture pourra parfois être préparée par le personnel de l’Auberge, et la vaisselle sera faite également par le personnel de l’Auberge, mais le coût de la nourriture dans l’exploitation d’un restaurant est sans doute différent du coût correspondant pour une famille moyenne. Par ailleurs, je ne crois pas non plus acceptable l’argument des appelants selon lequel aucune somme ne devrait être imposable pour les repas, au motif que les aliments consommés étaient des restes qui auraient été jetés, ou au motif qu’il s’agissait d’aliments qui n’auraient pas pu être servis aux clients pour cause d’erreurs. À mon avis, la meilleure preuve aurait été de produire des chiffres correspondant à ce qu’il en coûtait en moyenne au Canada, en 2004, pour nourrir une famille de quatre personnes, selon Statistique Canada.

 

[35]        Au vu des circonstances ci‑dessus, et compte tenu de la preuve entendue sur le sujet, je fixe arbitrairement à 300 $ par semaine la valeur de l’avantage que représentent les repas, moins la somme de 50 $ par semaine que les appelants ont eux‑mêmes dépensée pour les fruits et autres aliments, ce qui donne 250 $ par semaine, soit un avantage total de 12 500 $ pour 50 semaines, ou 6 250 $ pour chacun des appelants. Les avantages totaux sur lesquels doivent être établies les cotisations au RPC de chacun des appelants pour l’année 2004 sont de 11 050 $.

 

[36]        Les appels sont accueillis en partie, et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformes aux présents motifs.

 

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 20jour d’août 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d’octobre 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI398

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006‑1045(EI), 2006‑1046(CPP),

                                                          2006‑1048(CPP), 2006‑1050(CPP)

 

INTITULÉS :                                     BLAJ Hospitality Inc. et M.R.N.

                                                          Lucy Dane et M.R.N.

                                                          Barry Dane et M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Moncton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

George Jorgensen

Avocat de l’intimé :

MAndrew Miller

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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