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Dossier : 2004-4044(IT)G

ENTRE :

 

VILLE DE QUÉBEC,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 8 novembre 2006, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Nathalie Grenier

 

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

____________________________________________________________________

JUGEMENT MODIFIÉ

  L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 est accueilli avec dépens en faveur de l'appelante et j'annule les cotisations émises à l'égard de l'appelante. Les paiements faits par l'appelante afin que cesse le calcul des intérêts devront lui être remboursés, le tout avec intérêts. La décision du ministre du Revenu national est annulée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de novembre 2007.

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


 

 

 

 

Référence : 2007CCI329

Date : 20071109

Dossier : 2004-4044(IT)G

ENTRE :

VILLE DE QUÉBEC,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

 

Le juge Tardif

 

[1]  Il s’agit d’un appel des cotisations établies selon la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et la Loi sur l’assurance-emploi pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Aux termes de la cotisation, l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence ») réclame à l’appelante les montants que celle-ci aurait dû déduire et retenir à titre d’impôt sur le salaire et ou la compensation de ses employés victimes d'accidents du travail ou de maladie professionnelle mais qu’elle n’aurait pas remis au Receveur général du Canada.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE :

 

[2]  La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle compétence pour statuer sur les cotisations du ministre aux termes desquelles il réclame des montants qui auraient dû être déduits et retenus du salaire ou de la compensation des employés victime d'accidents du travail et qui n’ont pas été remis au  Receveur général du Canada par l’appelante?

 

[3]  Dans l’affirmative, la méthode utilisée par l’appelante pour effectuer ses retenues à la source sur les sommes qu’elle avance à ses employés victimes d’accidents du travail ou de maladie professionnelle et qui sont ensuite remboursées par la C.S.S.T. est-elle conforme à la Loi, de sorte que l'appelante puisse continuer de procéder ainsi à l'avenir?

 

[4]  L’appelante a-t-elle le droit de conserver les sommes faisant l’objet de retenues à la source, étant donné qu'elle les a conservées parce qu'elle estimait les avoir retenues en trop? La nature de ces sommes soulève une certaine confusion.

 

 

LES FAITS 

 

[5]  Les parties ont présenté à la Cour une entente partielle sur les faits qui résume bien le présent litige. Ces faits sont les suivants :

 

1.  L'appelante est l'employeur de milliers d'employés, dont la majorité voient leurs conditions de travail régies par diverses conventions collectives;

 

2.  Durant les années 1980 et au cours des années visées par l'appel, l'appelante avait convenu de verser aux employés qui étaient empêchés de travailler pour motif d'accidents de travail ou de maladie professionnelle, leur paie nette habituelle;

 

3.  Avant 1986, l'appelante faisait face à une forte augmentation de la progression du nombre de journées durant lesquelles ses employés étaient absents pour motifs d'accident de travail ou de maladie professionnelle;

 

4.  Parce que la portion de la rémunération versée aux employés qui était ultimement recouvrée de la Commission de la santé et sécurité au travail, n'étant pas en fin de compte incluse dans le revenu imposable, les employés pouvaient récupérer suite à la production de leur déclaration de revenu, une portion intéressante des déductions à la source faites cumulativement durant l'année, soit celles faites à l'égard de certaines périodes de paie où ils recevaient des montants dont la majeure partie étaient ultimement récupérée de la C.S.S.T.

 

Adoption d'une nouvelle politique par l'appelante

 

5.  En 1986, de façon à mettre fin à l'état de fait qui faisait que toutes choses étant égales, un employé qui recevait sa rémunération nette habituelle durant une période où il ne travaillait pas (après avoir produit une déclaration de revenu), recevait du revenu après impôt supérieur à la rémunération qu'il aurait reçu s'il avait effectué ses heures normales de travail durant la même période, l'appelante adopta une nouvelle façon de faire.

 

6.  (a) Cette nouvelle façon de faire consistait à réduire rétroactivement par le biais d'un T-4 ou d'un T-4 modifié le montant cumulatif de la rémunération versée à l'employé pour tenir compte de l'avance de l'indemnité de remplacement du revenu versée par la Ville à l'employé et qui avait été récupéré de la CSST par l'appelante, de même que les montants cumulatifs des déductions à la source qui avaient été faites de façon à n'y laisser que les montants qui représentaient :

 

  • la portion de la rémunération décrite comme « top up » ou montant complémentaire;

 

  • la rémunération versée pour les jours et heures qui ont vraiment été travaillés versée et congés de maladie et autres congés payés;

 

  • une note signalant que le montant versé par la ville et récupéré par la ville n'est pas inclus à la case 14 du feuillet T4 de la CSST.

 

(b) Après la mise en oeuvre de cette nouvelle méthode à partir de l'année 1986, le travailleur qui aurait examiné ses bulletins de paie aurait constaté une divergence quant à l'évolution des montants cumulatifs au cours de l'année où il était absent de son travail. Il aurait constaté une diminution du cumulatif sur l'un de ses derniers bulletins de paie de l'année :

 

(c) De façon à récupérer un montant égal au total des montants déduits et remis au cours de l'année à l'égard des sommes versées aux employés visés par la façon de faire décrite aux sous-paragraphes ci‑dessus, l'appelante soustrayait du montant qu'elle remettait pour les dernières périodes de paie, un montant égal au total des montants reçus où attendus de la CSST.

 

7.  L'objectif visé par l'appelante était de récupérer les montants qu'elle considérait versées en trop au receveur général du Canada et normalement, son système informatisé de registre de paie lui permettait d'émettre des feuillets T4 et des formulaires T4 sommaires, qui correspondaient aux données apparaissant dans les cases faisant état du montant cumulatif apparaissant sur le dernier bulletin de paie;

 

8.  Ces redressements à la baisse étaient effectués peu avant la fin de l'année, si l'appelante savait que la C.S.S.T. lui avait remboursé ou allait lui rembourser la portion des sommes versées dont la C.S.S.T. était ultimement responsable;

 

9.  Dans les cas où l'incertitude sur cet aspect persistait après le 31 décembre ou à tout le moins, après la période où les feuillets T‑4 devaient être remplis et envoyés, l'appelante émettait au moment où la C.S.S.T. signalait qu'elle allait rembourser à l'appelante, des montants équivalents à un montant autre que le « top up », un feuillet T‑4, où les montants de la rémunération (case 14) sont réduits des montants dont la CSST est ultimement responsable et où est aussi retranchée la portion de montants des déductions effectuées imputables à ces derniers.

 

10.  Dans certaines situations où des employés s'absentaient pour raison de maladie et étaient rémunérés en vertu des dispositions de la convention collective concernant les congés de maladie, mais alléguaient que la maladie était une maladie professionnelle; tant que l'incertitude sur cette question persistait, l'employé était rémunéré comme s'il était en congé de maladie et les bulletins de paie et les feuillets T‑4 étaient complétés sur le fondement que les déductions à la source étaient appropriées;

 

11.  Dans les cas où la période d'incertitude couvrait plus qu'une année, les feuillets T‑4 modifiés étaient préparés pour les années précédant la fin de l'incertitude et un feuillet T‑4 pour l'année où l'incertitude était disparue, reprenait les montants apparaissant à titre de cumulatif sur le dernier bulletin de paie pour l'année.

 

12.  Le T‑4 ainsi modifié, une modification correspondante au sommaire T‑4 était faite et l'appelante récupérait du fisc fédéral les montants correspondant à la modification;

 

13.  Les autorités fiscales fédérales acceptaient dans les circonstances de rembourser ces montants;

 

Changement de politique du fisc en réaction à l'arrêt Fraser

 

14.  Aucun changement pertinent ou concernant le litige opposant l'appelante et l'intimée n'a été effectué à la Loi de l'impôt du revenue en 1999 ou en 2000.

 

15.  Cependant, à la suite du rejet de la Cour d'appel fédérale de l'appel logé par l'intimée à l'encontre de la décision de la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Fraser, impliquant un employé de la ville de Cornwall en Ontario, le Guide de l'employeur pour les années 2000 et suivantes a été modifié indiquant essentiellement que ce n'est que dans les cas l'employeur indique dans le registre, au moment du versement que la portion correspond à une avance du montant de l'indemnité d'une commission des accidents du travail (telle que la C.S.S.T.), que l'employeur n'aura pas à faire les déductions et les remises à l'égard des montants ainsi identifiés; (produire jugement dans Fraser et Guide de l'employeur). La dite politique, contestée par l'appelante stipule qu'aucune déduction à la source ne soit faite à l'égard de ce montant, telle que plaidée au paragraphe 19 de l'avis d'appel. Selon cette politique l'employeur ne peut récupérer le montant des déductions qu'il a remises ni omettre de faire remise des montants dont il a fait la déduction.

 

16.  Or, l'appelante indique la mention « absence accident du travail » dans ses registres de paie à côté des montants d'indemnité de remplacement du revenu qu'elle verse à se travailleurs avant que la CSST ne se soit prononcée.

 

17.  Au moment où la Ville verse ces montants à l'employé, la CSST n'a pas encore déboursé elle‑même la somme;

 

18.  La nouvelle politique ne permettait plus aux employeurs de modifier les relevés T‑4 ou d'y inscrire un montant cumulatif autre que ceux apparaissant sur les bulletins de paie;

 

19.  Des démarches ont été effectuées auprès des autorités fiscales du Québec pour déterminer si leur(s) politique(s) avait-elle aussi été modifiée mais leur réponse fut négative;

 

20.  M. Sauvageau, la personne responsable du service de paie de l'appelante a pris connaissance du changement de politique avant le début de l'an 2000, tant à l'égard des contributions et retenues pour de l'assurance‑emploi, qu'à l'égard des déductions à la source pour l'impôt sur le revenu fédéral;

 

21.  La nouvelle politique a été communiquée à l'appelante avant le début de l'année 2000, mais l'appelante n'a en rien modifié sa façon de faire. La personne consultée aux services juridiques de l'appelante était Me Blouin;

 

22.  Aucun contact n'a été effectué de la part de l'appelante ou de ses représentants auprès des autorités fiscales fédérales pour déterminer quelle était la cause des changements de politique;

 

23.  Selon les lois en vigueur, l'indemnité de remplacement du revenu versée par la CSST n'est pas imposable et ne constitue pas de la rémunération assurable aux fins de l'assurance emploi;

 

24.  Au cours de chacune des années visées par l'appel des déductions et remises étaient faites à l'égard des employés sans distinction entre ceux qui prétendaient avoir droit aux indemnités prévues par la C.S.S.T., ceux à qui tous reconnaissaient ce droit et ceux qui effectuaient leur semaine de travail normalement;

 

25.  Pour l'année 2000, au début de l'année 2001 à l'égard du sommaire T‑4, l'appelante considérait qu'une somme approximative de 69 000 $ devait être remboursée à titre d'excédent versé au cours de l'année 2000;

 

26.  Le 31 mai 2001, M. Sauvageau a écrit au Centre fiscal de Jonquière pour obtenir le paiement de l'excédent en question, expliquant que le système informatique de l'appelante n'effectuait pas d'ajustement négatif. En effet aucun redressement négatif n'avait pu être fait sur les cumulatifs (produire lettre);

 

27.  Pour les périodes de paie comprises dans l'année 2001, le problème ne s'est pas répété;

 

28.  M. Sauvageau a été durant l'été 2001 avisé par Mme Tremblay que ces ajustements à la baisse du montant de la rémunération ne pouvaient être faits, vu la nouvelle politique et ceci n'a nullement surpris M. Sauvageau;

 

29.  Éventuellement, M. Jacques Côté, vérificateur, a contacté M. Sauvageau. Des représentations ont été faites par l'appelante aux autorités fiscales canadiennes, fondées essentiellement sur l'équité et le texte des conventions collectives applicables.

 

30.  Me Régent Blouin a écrit le 5 novembre 2002 pour faire part aux autorités fiscales de la position de l'appelante et d'indiquer les motifs pour lesquels la cotisation ne serait pas bien fondée; (mettre lettre)

 

31.  Si le fait que l'employé est absent pour motif d'accident de travail ne fait pas l'objet de dispute, le bulletin de paie indique que le travailleur était en accident de travail par l'utilisation de la mention « absence accident du travail »;

 

32.  Le registre de paie visant M. Ruel est un relevé typique d'une personne à l'égard de laquelle il n'y avait pas d'incertitude quant au fait qu'elle était victime d'un accident de travail;

 

33.  M. Sauvageau estime que la grande majorité des ajustements ont été faits au moyen d'une diminution des montants cumulatifs de la rémunération versée et des déductions à la source correspondantes et qu'environ 5 % des ajustements ont été effectués par l'émission de feuillets T4 modifiés.

 

Le 8 novembre 2006

[...]

[Souligné dans l'original.]

 

 

LES PRÉTENTIONS DE L’APPELANTE

 

[6]  L’appelante soutient fermement que les sommes ainsi avancées à ses employés qui déclarent être victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne constituent pas une rémunération, mais plutôt des avances sur lesquelles elle effectue des retenues à la source dans le seul but d’éviter le cumul des intérêts.

 

[7]  Le fondement de ses prétentions qu'il ne s'agit pas de rémunération est que l’employé visé par les retenues n’a pas travaillé pendant la période visée par la retenue. L'appelante n'a pas de choix puisqu'elle est obligée de procéder ainsi soit par la Loi ou par la convention collective, le but étant que l'employé victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne soit jamais privé de ses revenus. Il s'agit ainsi de soutenir ses employés pour éviter qu’ils passent plusieurs semaines sans salaire. Cette façon de faire n'existe d'ailleurs pas que chez l'appelante mais, en principe, existe chez tous les employeurs.

 

[8]  L'appelante soutient que la procédure décrite par l’Agence dans son Guide des employeurs crée une distinction injuste entre un employé actif et un employé blessé; l'appelante plaide qu'une telle situation n'est certainement pas conforme à l’intention du législateur, et cela en vertu des principes édictés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt C.U.Q. c. Corporation Notre‑Dame de Bon‑Secours et al., [1994] 3 R.C.S. 3.

 

[9]  Le fait qu’un employé victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle ait un net avantage en raison de sa blessure ou de sa maladie a pour effet d'encourager certains employés à tout faire pour retarder leur retour au travail, causant ainsi un préjudice fort important à l’appelante.

 

[10]  L’appelante conteste également la façon de faire de l’Agence au motif que pour être considéré comme une avance, le montant doit satisfaire à deux exigences : premièrement, aucune retenue à la source ne doit être effectuée sur ce montant constituant une avance et deuxièmement, l’employeur doit inscrire dans ses registres qu’il s’agit d’une « avance ». En d'autres termes, l'appelante prétend que seule la nature du paiement devrait être prise en compte; ainsi, le paiement devrait être analysé selon ce qu'il est vraiment et non selon ce qui est inscrit aux registres.

 

[11]  En raison de la méthode retenue par l’Agence, les montants en question sont imposables; or, en réalité, il s'agit là de montants non imposables puisqu'il ne s'agit pas d'un revenu d'emploi; il s'agit plutôt d'une compensation découlant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

 

[12]  L'appelante, qui a plus de 5 000 employés, a expliqué que des montants considérables sont en jeu. Étant donné les problèmes causés par une certaine incertitude, l'appelante a mis en place un système permettant, d'une part, la cohérence, mais aussi et surtout, d'autre part, une absence relative d'abus.

 

[13]  L'appelante a expliqué qu'à la suite de la décision dans l’affaire Fraser, l’Agence avait, à compter de l'an 2000, modifié la méthode de traiter les « avances ». L'intimée a refusé de modifier sa position à la suite d'une autre décision, soit l’affaire Cité de la santé de Laval c. M.R.N., 2004 CAF 119, bien que cette décision modifie en profondeur la question de la nature des avances.

 

[14]  L'appelante soutient, finalement, qu’aucune disposition de la Loi ne l’empêche de faire comme elle le fait, c'est‑à‑dire d'établir les comptes à la fin de l'année, et ainsi d'établir des comptes qui correspondent à la réalité et non pas à des hypothèses.

 

 

LES PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉE

 

[15]  L’intimée soutient que les retenues à la source que doit faire l’employeur doivent être calculées selon la Loi et les règlements pertinents. Ces retenues sont fonction de la rémunération versée durant chaque période de paie et des crédits d’impôt personnels de l’employé pour l’année, grâce auxquels on calcule la « rémunération brute conceptuelle ».

 

[16]  En d'autres termes, l'intimée soutient que les retenues doivent être effectuées exactement comme s'il n'y avait pas d'accident ou de maladie. Elle soutient qu'aux fins du paragraphe 117(2) de la Loi, cette « rémunération brute conceptuelle » devient le montant imposable pour l’année et que l’employeur ne peut tenir compte d’une éventuelle déduction à laquelle le travailleur aurait droit aux fins du sous-alinéa 110(1)f)(ii) de la Loi (déduction pour montant reçu de la C.S.S.T.) pour réduire ce montant imposable.

 

[17]  L’intimée est d’avis que lorsque l’appelante retenait les montants en litige de la rémunération de ses employés et les remettait au Receveur général du Canada, il ne lui était pas loisible lors de la préparation des relevés T‑4 et sommaires T‑4 de reprendre ces montants en les décrivant comme des « trop-versés », puisqu’en vertu du paragraphe 227(9.4) de la Loi, ces montants étaient payés à titre d’impôt pour le compte de l’employé. En conséquence, l'employé pourrait réclamer les montants à la fin de l'année; le fait qu'il soit malade ou blessé lui donne donc un avantage par rapport à ceux qui ont travaillé durant toute l'année. En d'autres termes, une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle pourrait récupérer, à la fin de l'année, les montants retenus alors qu'elle ne travaillait pas; les retenues en question ne faisaient donc pas partie de la rémunération versée en raison du travail.

 

[18]  L'intimée soutient que l’appelante devait connaître la politique du ministre à l’égard des retenues à la source et que cette pratique est conforme à la Loi et aux règlements validés par la jurisprudence; l'intimée ajoute que même si l'appelante n’était pas au courant, c’est tout de même la Loi qui détermine ses droits et ses obligations en cette matière.

 

[19]  L'intimée affirme que, dans la mesure où, à l’approche de la fin de l’année, l’appelante aurait réduit les montants de ses retenues parce qu'elle estimait avoir remis trop de retenues au cours de l’année, elle n’était nullement autorisée à ne pas remettre au fisc tous les montants retenus.

 

 

ANALYSE

 

La Cour canadienne de l’impôt a-t-elle compétence dans le présent appel?

 

[20]  Il importe d'abord de déterminer si la Cour canadienne de l’impôt a compétence pour décider du présent litige.

 

[21]  Les avis de ratification du ministre en date du 19 août 2004 prévoient ce qui suit :

À la page 2 :

 

Vos cotisations pour défaut de remettre les montants de 5 878,03 $ pour 2000 et de 4 229,90 $ pour 2001, déduits ou retenus en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ont été établies en vertu des paragraphes 227(9.4) et 227(10.1) de la Loi.

 

À la page 4 :

 

Vos cotisations pour défaut de remettre les montants de 50 726,33 $ pour 2000, et de 64 993,49 $ pour 2001, déduits ou retenus en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ont été établies en vertu des paragraphes 227(9.4) et 227(10.1) de la Loi.

 

 

[22]  Selon la preuve soumise, les cotisations à l'origine du présent appel proviennent d’un défaut de l’appelante de remettre au Receveur général du Canada des montants que celle-ci aurait retenus du salaire de ses employés.

 

[23]  L'intimée s'appuie sur la décision du juge Garon (tel était son titre à l’époque) dans l’affaire Ville d’Outremont c. Canada, no 92‑683(IT)G, [1995] A.C.I. no 1438 (QL) et soutient devant la Cour que de telles cotisations ne pouvaient pas être établies par le ministre. Elle conclut que la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait pas se prononcer sur un appel d’une telle cotisation. Le juge Garon s'exprimait ainsi aux pages 21 à 23 :

 

Ce dossier comporte une autre difficulté. Cette difficulté porte sur le point que le ministre du Revenu national n'avait pas, selon moi, le pouvoir d'émettre les cotisations dont appel.

Le pouvoir de cotiser est donné par le paragraphe 227(10.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui se lisait ainsi à l'époque pertinente :

(10.1) Le ministre peut cotiser

a) toute personne pour un montant payable par elle en vertu du paragraphe (9), (9.2), (9.3) et (9.4);

b) toute personne non résidante pour un montant payable par elle en vertu de la partie XIII;

dans l'un et l'autre cas, s'il lui envoie un avis de cotisation, les articles 150 et 167 (à l'exception des paragraphes 164(1.1) à (1.3)) ainsi que la section J de la partie I s'appliquent, avec les adaptations nécessaires.

Le paragraphe 227(9.4) énonce que « la personne qui ne remet pas, de la manière et dans le délai prévus à la présente loi ou à un règlement d'application, un montant déduit ou retenu d'un paiement fait à une autre personne conformément à la présent loi ou à un règlement d'application doit payer, à titre d'impôt en vertu de la présente loi au nom de cette autre personne, le montant ainsi déduit ou retenu. »

Le paragraphe 227(9) prévoit l'imposition d'une pénalité dans le cas d'un manquement de remettre les montants retenus à la source de la manière et dans le délai prévus. Dans le cas d'un tel manquement, le paragraphe 227(9.2) décrète le paiement d'intérêts sur les montants déduits mais non remis.

Dans le présent cas, il est clair que les dispositions des paragraphes (9), (9.2) et (9.4) ne s'appliquent pas à l'appelante car cette dernière n'a pas manqué à son obligation de remettre dans les délais prescrits au receveur général les montants retenus ou déduits sur la rémunération des employés en question.

Le paragraphe 227(10.1) est la seule disposition de la Partie XV de la Loi de l'impôt sur le revenu qui donne au ministre du Revenu national le pouvoir de cotiser à l'égard de l'obligation de remettre de la manière et dans le délai prévus les montants retenus et déduits sur la rémunération des employés. Dans ces circonstances, le recours approprié de l'intimée pourrait être exercé par une action ordinaire intentée à la Cour fédérale du Canada visant au remboursement des argents dus à l'intimée.

Le tribunal a jugé bon dans le cas actuel d'ordonner la réouverture d'audience comme il n'avait pas eu l'avantage d'entendre les parties sur les deux points qu'il avait l'intention de retenir, à savoir 1er que la question en jeu dans ce litige soulève l'application de la Partie I du Règlement de l'impôt sur le revenu et est régie en particulier par l'article 102 de ce Règlement et 2e l'absence du pouvoir du ministre du Revenu national de cotiser l'appelante eu égard aux circonstances du présent litige.

À la lettre du 31 août 1995, émanant de la greffière adjointe de cette Cour, confirmant la réouverture d'audience, était inclus un projet des motifs de jugement qui traitait de l'application de la Partie I du Règlement de l'impôt sur le revenu aux faits de cette cause. Ce projet de motifs de jugement était virtuellement identique à la partie des présents motifs qui précède la discussion de la question relative au pouvoir du ministre du Revenu national de cotiser l'appelante à l'égard des montants retenus et déduits sur la rémunération des employés en question. Cette dernière question était soulevée et traitée brièvement dans cette lettre du 31 août 1995 dont je viens de faire mention.

À la suite du délibéré qui a suivi cette réouverture d'audience, j'ai reconsidéré les observations mises de l'avant par les avocats lors de leurs plaidoiries supplémentaires et j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de modifier mon approche aux questions soulevées dans ces appels.

Je suis donc d'avis, sur le fond, que l'intimée a droit au paiement notamment des montants représentant l'élément impôt de ces cotisations. L'élément « intérêt » de ces deux cotisations et l'élément « pénalité » de la cotisation du 3 août 1990 établis, selon le ministre du Revenu national, aux termes des paragraphes 227(9) et 227(9.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne sont pas valides vu que l'appelante n'a pas manqué à son obligation de remettre les montants déduits de la manière et dans le délai prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu. Toutefois, les cotisations elles-mêmes sont entachées de nullité au motif que le ministre du Revenu national n'avait pas le pouvoir de les émettre. Les appels sont admis et les cotisations sont annulées.

[Je souligne.]

 

[24]  Ma compréhension de cet extrait du jugement est que les appels découlant de telles cotisations devaient être accueillis au seul motif que le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir de telles cotisations et non pas que la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence.

 

[25]  Il est néanmoins important de souligner que la présente affaire est fort différente de l’affaire Ville d’Outremont, précitée. Dans l’affaire Ville d’Outremont, le litige découlait du fait que l’appelante n’avait pas fait défaut de remettre les sommes déduites ou retenues alors que dans le présent appel, le ministre reproche à l’appelante de ne pas avoir remis les montants que celle-ci aurait déduits ou retenus sur le salaire de ses employés.

 

[26]  En l'espèce, les cotisations ont été validement établies en vertu des paragraphes 227(9.4) et (10.1) de la Loi, ce qui évidemment distingue notre affaire de l'affaire Ville d'Outremont. Pour ces raisons, je conclus que la Cour a pleinement compétence pour disposer du présent appel.

 

[27]  Quant à l'autre question en litige, qui porte sur la validité de la méthode utilisée par l’appelante pour effectuer ses retenues à la source, la jurisprudence étant quelque peu contradictoire, il sera nécessaire d'analyser la question des retenues à la source lorsque l’employeur verse non pas un salaire mais un équivalent à un employé victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il faut donc se pencher sur la notion d'une avance.

 

 

L’obligation légale d’effectuer les retenues à la source

 

[28]  Premièrement, il est clair que l’obligation d’effectuer les retenues à la source découle de la Loi et du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »). La disposition pertinente de la Loi se lit comme suit :

 

PAIEMENT DE L’IMPÔT

 

ARTICLE 153 : Retenue.

(1) Toute personne qui verse au cours d'une année d'imposition l'un des montants suivants :

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération, à l'exception des sommes visées au paragraphe 212(5.1);

[…]

doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires et doit, au moment fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l'année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3. Toutefois, lorsque la personne est visée par règlement à ce moment, la somme est versée au compte du receveur général dans une institution financière désignée.

[Je souligne.]

 

[29]  Cette disposition réfère au Règlement et les dispositions pertinentes sont les suivantes :

 

DÉDUCTIONS ET VERSEMENTS

 

101. Toute personne qui effectue un paiement mentionné au paragraphe 153(1) de la Loi dans une année d'imposition doit déduire ou retenir de ce paiement et verser au Receveur général le montant, si montant il y a, déterminé selon les règles prescrites dans la présente partie.

 

PAIEMENTS PÉRIODIQUES

 

102. (1) Sauf dispositions contraires de la présente partie, le montant à déduire ou à retenir par un employeur

 

a) de tout paiement de rémunération (dans le présent paragraphe, appelé le « paiement ») versé à un employé dans son année d'imposition lorsqu'il se présente au travail à un établissement de l'employeur situé dans une province, au Canada au-delà des limites d'une province ou à l'extérieur du Canada, et

 

b) pour toute période de paie pendant laquelle l'employeur verse le paiement

 

est déterminé pour chaque paiement conformément aux règles suivantes :

 

c) un montant représentant la rémunération conceptuelle pour l'année à l'égard des sommes suivantes :

 

(i) un paiement versé à l'employé,

 

(ii) les pourboires éventuels, visés à l'alinéa a.1) de la définition de « rémunération » au paragraphe 100(1),

 

est réputé être égal au produit suivant :

 

A × B

où :

A   représente le montant qui est réputé, pour l'application du présent alinéa, être le point moyen du palier de rémunération applicable pour la période de paie, selon l'annexe I, où se situe le total des sommes suivantes :

(A) le paiement visé au sous-alinéa (i), effectué pendant la période de paie,

(B) les pourboires visés au sous-alinéa (ii), déclarés par l'employé pour la période de paie,

B   le nombre maximum de périodes de paie pour l'année;

d) si l'employé ne réside pas au Canada à la date du paiement, aucun crédit d'impôt personnel n'est admis pour l'application du présent paragraphe et, si l'employé réside au Canada à la date du paiement, ses crédits d'impôt personnels pour l'année correspondent, s'ils sont compris dans un palier de montants prévu à l'article 2 de l'annexe I, au point milieu de ce palier;

e) un montant (appelé « impôt conceptuel pour l'année » au présent paragraphe) est calculé pour cet employé comme suit :

(i) l'impôt payable pour l'année est calculé comme s'il était établi selon le paragraphe 117(2) de la Loi et rajusté annuellement conformément à l'article 117.1 de la Loi, sur le montant qui est déterminé selon l'alinéa c) comme s'il représentait son montant imposable pour l'année,

et il en est déduit le total des montants suivants :

(ii) le produit obtenu lorsque le montant déterminé selon l'alinéa d) est multiplié par le taux de base pour l'année,

(iii) le produit obtenu lorsque sont multipliés :

(A) le produit de la multiplication du montant déterminé selon l'alinéa c) par le taux de cotisation de l'employé pour l'année payable aux termes de la Loi sur l'assurance‑emploi, jusqu'à concurrence du montant maximum des cotisations payables par l'employé pour l'année aux termes de cette loi,

(B) le taux de base pour l'année,

(iv) le produit obtenu lorsque sont multipliés :

(A) la différence entre le montant déterminé selon l'alinéa c) et le montant déterminé pour l'année en vertu de l'article 20 du Régime de pensions du Canada, multipliée par le taux de cotisation de l'employé pour l'année prévu par le Régime de pensions du Canada ou un régime provincial de pensions au sens du paragraphe 3(1) de cette loi, jusqu'à concurrence du montant maximum des cotisations payables par l'employé pour l'année selon le régime,

(B) le taux de base pour l'année;

f) le montant calculé selon l'alinéa e) est augmenté, s'il y a lieu, de l'impôt tel qu'il est prévu au paragraphe 120(1) de la Loi;

g) lorsque la rémunération conceptuelle pour l'année est un revenu gagné dans la province de Québec, le montant calculé selon l'alinéa e) est réduit d'un montant correspondant au total des montants suivants :

(i) le montant qui est réputé payé en vertu du paragraphe 120(2) de la Loi comme s'il n'y avait aucune autre source de revenu ou de perte pour l'année,

(ii) le montant de la majoration appliquée au montant visé au sous‑alinéa (i) en vertu de l'article 27 de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement secondaire et de santé;

h) [Abrogé, DORS/92-667, art. 1]

i) le montant à déduire ou à retenir est calculé comme suit :

(i) le montant d'impôt conceptuel pour l'année est divisé par le nombre maximum de périodes de paie pour l'année relativement à la période de paie en cause,

(ii) le montant déterminé selon le sous-alinéa (i) est arrondi au plus proche multiple de cinq cents ou, si le montant est équidistant de deux multiples, au multiple le plus élevé.

(2) Lorsqu'un employé a exercé un choix en vertu du paragraphe 107(2) et qu'il ne l'a pas révoqué, le montant à déduire ou à retenir par l'employeur de tout paiement de rémunération (dans le présent paragraphe, appelé le « paiement ») qui est

a) un paiement à l'égard de commissions ou un paiement mixte à l'égard de commissions et d'un traitement ou de commissions et d'un salaire, ou

b) un paiement à l'égard de traitement ou salaire lorsque l'employé est rémunéré selon un paiement mixte à l'égard de commissions et de salaire,

versé à cet employé dans son année d'imposition lorsqu'il se présente au travail à un établissement de l'employeur dans une province, au Canada au-delà des limites d'une province ou à l'extérieur du Canada, est déterminé pour chaque paiement conformément aux règles suivantes :

c) le montant du revenu imposable annuel estimé de cet employé est déterminé selon la formule suivante :

A – B

A   représente le montant de la rémunération totale de cet employé pour l'année comme il l'a inscrit sur la formule visée au paragraphe 107(2),

B  le montant des dépenses de l'employé pour l'année comme il l'a inscrit sur cette formule;

d) l'employé qui ne réside pas au Canada à la date du paiement n'a droit à aucun crédit d'impôt personnel aux termes du présent paragraphe et les crédits d'impôt personnels pour l'année de l'employé qui réside au Canada à la date du paiement correspondent au montant total de la demande pour l'année, tel qu'il l'a inscrit sur la déclaration visée au paragraphe 107(1);

e) un montant (appelé « impôt conceptuel pour l'année » au présent paragraphe) est calculé pour l'employé selon la formule suivante :

C - [(D + E + F) × G] + H – I

où :

C   représente le montant de l'impôt payable pour l'année, calculé comme s'il était établi selon le paragraphe 117(2) de la Loi et rajusté annuellement conformément à l'article 117.1 de la Loi, sur le montant déterminé selon l'alinéa c), comme si ce montant représentait son montant imposable pour l'année,

D   le montant déterminé selon l'alinéa d),

E   le produit de la multiplication du montant correspondant à l'élément A de la formule figurant à l'alinéa c) par le taux de cotisation de l'employé pour l'année payable aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, jusqu'à concurrence du montant maximum des cotisations payables par l'employé pour l'année aux termes de cette loi,

F   la différence entre le montant correspondant à l'élément A de la formule figurant à l'alinéa c) et le montant pour l'année déterminé selon l'article 20 du Régime de pensions du Canada, multipliée par le taux de cotisation de l'employé pour l'année payable aux termes de cette loi ou d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de la même loi, jusqu'à concurrence du montant maximum des cotisations payables par l'employé pour l'année aux termes de ce régime,

G   le taux de base pour l'année,

H   l'impôt prévu au paragraphe 120(1) de la Loi, s'il y a lieu,

I   si la rémunération totale pour l'année est un revenu gagné dans la province de Québec, le montant égal au total des montants suivants :

(i) la somme qui serait réputée payée aux termes du paragraphe 120(2) de la Loi à l'égard de l'employé si son impôt conceptuel pour l'année était calculé sans égard aux éléments H, I et J de la présente formule et si cet impôt représentait son impôt à payer pour l'année aux termes de la partie I de la Loi, comme s'il n'y avait aucune autre source de revenu ni autre perte pour l'année,

(ii) le montant de la majoration appliquée au montant visé au sous‑alinéa (i) aux termes de l'article 27 de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces;

f) le taux conceptuel d'impôt de l'employé pour une année est obtenu par la division du montant déterminé à l'alinéa e) par le montant correspondant à l'élément A de la formule figurant à l'alinéa c) qui s'applique à l'employé et est exprimé en une fraction décimale arrêtée à la deuxième décimale, les résultats ayant au moins cinq en troisième décimale étant arrondis à la deuxième décimale supérieure;

g) le montant à déduire ou à retenir à l'égard de tout paiement versé à cet employé est déterminé par la multiplication du paiement par la fraction décimale appropriée déterminée selon l'alinéa f).

h) [Abrogé, DORS/2001-221, art. 2]

(3) [Abrogé, DORS/89-508, art. 2]

(4) [Abrogé, DORS/81-471, art. 3]

(5) Nonobstant les paragraphes (1) et (2), l'employeur ne peut déduire ni retenir dans l'année aucun montant sur un paiement de rémunération qu'il verse à un employé au titre de commissions gagnées par lui au cours de l'année précédente, s'il a déjà inscrit ces commissions dans une déclaration de renseignements à titre de rémunération de l'employé pour cette année.

(6) [Abrogé, DORS/83-349, art. 2]

 

[30]  En vertu de ces dispositions, l’employeur est tenu d'effectuer des retenues à la source sur le salaire qu’il verse à ses employés et ce, tout au long de l’année, en se basant sur le concept de la « rémunération brute conceptuelle ».

 

[31]  Comme ces dispositions peuvent sembler complexes, l'Agence a créé un guide, dans le but évident de les rendre plus accessibles par une vulgarisation; ce guide intitulé Guide de l’employeur – Renseignements de base sur les retenues sur la paie 2000‑2001 (pièce I‑1) a été préparé pour permettre au contribuable de se conformer plus facilement aux prescriptions de la Loi.

 

[32]  Un tel guide n’a pas force de loi; il présente essentiellement la position de l’Agence sur une façon de faire conforme à la Loi pour les retenues à la source.

 

[33]  Ainsi, le non‑respect du guide ne génère aucune sanction si le contribuable peut établir que la méthode qu’il a utilisée pour effectuer ses retenues à la source est conforme aux dispositions de la Loi et du Règlement. D'ailleurs, cette appréciation est conforme à l'enseignement de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Banque Nationale du Canada c. Canada, 2003 CAF 242.

 

[34]  En l'espèce, la méthode utilisée par l’appelante pour effectuer ses retenues à la source est‑elle conforme à la Loi et au Règlement?

 

 

La méthode suivie par l’appelante

 

[35]  Monsieur Claude Sauvageau, le responsable du dossier de l'appelante a témoigné. Maintenant à la retraite, à sa période active il était préposé à la section de la paie de la ville de Québec. Monsieur Sauvegeau a d'abord expliqué quelle était la méthode suivie par l’appelante avant 1986; il a ensuite indiqué que cette pratique avait créé des problèmes à l’appelante, d'où elle a ensuite adopté une nouvelle méthode pour éviter les abus.

 

[36]  Il a insisté pour affirmer que cette nouvelle méthode avait été acceptée par l’Agence de 1986 à 2000. Il y a lieu de reproduire un extrait du témoignage de monsieur Sauvageau :

 

Q.  O.K. Pouvez-vous nous indiquer de quelle façon la Ville procédait et pourquoi, tout d’un coup, on a changé la méthode en 1986?

 

R.  O.K. C’est qu’au fil des ans, on peut dire, entre 80 et 86, le bureau médical et les ressources humaines ont constaté une augmentation effarante de leurs statistiques en accident du travail. C’est sûr qu’on ne dira pas que les employés, là, abusaient du système mais on sait qu’il y avait un incitatif qui n’était pas vraiment, là, alléchant pour l’employé, après deux semaines, revenir travailler automatiquement parce qu’il savait que, la première année même, on avait des appels à l’effet que : « En principe, je devrais pas retirer l’impôt mais comment ça je retire de l’impôt? » « Mais, vous avez eu une absence en accident et vous récupérez l’impôt qu’en principe vous n’auriez pas dû. » C’est bête à dire mais c’est un peu ça qui s’appliquait. Donc, on a considéré que le taux d’accident était exagérément élevé et puis, en fonction des analyses qui ont été faites, la Ville a pris des ententes avec les syndicats pour inclure dans la convention collective que dorénavant, les montants gagnés durant la période en accident seraient soustraits des gains de l’employé pour éviter qu’il y ait un retour d’impôt lors d’absence en accident du travail.

 

[…]

 

 

[37]  La façon de faire de l’appelante était d'ailleurs conforme aux dispositions de la convention collective, présentée dans la pièce A‑2, qui prévoit ce qui suit aux pages 27 et 28 :

 

ARTICLE 16 – MALADIES ET ACCIDENTS IMPUTABLES AU TRAVAIL

 

16.01  Dans le cas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’employée ou employé régulier reçoit le salaire net régulier qu’elle ou qu’il aurait touché si elle ou il était demeuré au travail et ce, jusqu’au premier jour du mois suivant une période de six (6) mois, alors qu’elle ou qu’il devient admissible à une prestation d’invalidité en vertu du régime de rentes des employées et employés de la Ville de Québec. Quant au reste, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’applique.

 

16.02  Dans le cas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’employée ou l’employé auxiliaire reçoit son salaire net régulier jusqu’à concurrence de trois (3) semaines, sans toutefois dépasser la date normale de sa mise à pied établie conformément à l’article 8. Quant au reste, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’applique.

 

16.03  a)  Dans le cas d’absence pour accident du travail ou pour maladie professionnelle, l’employée ou l’employé reçoit de l’employeur une indemnité dont le montant, augmenté des indemnités de remplacement de revenu autrement payables, est tel que le revenu net de l’employée ou de l’employé, au cours de l’année civile, est égal au salaire net régulier qu’elle ou qu’il aurait reçu si elle ou il était au travail.

 

b)  Le salaire net régulier s’entend du salaire régulier de l’employée ou de l’employé selon sa titularisation s’il s’agit d’une employée ou d’un employé régulier ou selon le taux de veille de l’absence, s’il s’agit d’une employée ou d’un employé auxiliaire, le tout diminué de la sommes des prélèvements faits aux fins de l’impôt, aux fins des régimes publics et de son régime supplémentaire de rentes.

 

c)  Le revenu net de l’employée ou de l’employé s’entend de la somme, pour l’année, des indemnités de remplacement de revenu payables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, de son salaire et de son indemnité diminuée des contributions perçues aux fins du régime supplémentaire de rentes de la Ville et des prélèvements qui auraient dû être effectuées aux fins de l’impôt et des régimes publics sur un montant de salaire annuel égal au total de son salaire et de son indemnité.

 

d)  Pour fins de commodité administrative, les paiements effectués par l’employeur, à compter du début de l’invalidité, sont régis par les dispositions suivantes :

 

 

1.  L’employée ou employé reçoit à chaque période de paie :

 

i.  un montant représentant l’indemnité de remplacement de revenu payable en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles que l’employeur lui verse pour le compte de la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec;

 

ii)  un montant net égal à la différence entre son salaire net régulier pour la période et les indemnités de remplacement de revenu payables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en acompte sur l’indemnité à laquelle il a droit.

 

 

2.  Au plus tard le 28 février de chaque année, l’employeur détermine le montant de l’indemnité auquel l’employée ou employé régulier a droit pour l’année précédente, procède aux ajustements appropriés et inscrit aux feuillets T4 et Relevé 1 les montants qui en résultent. Chaque employée et employé reçoit un état des ajustements effectués par l’employeur et copie est transmise au syndicat.

 

[…]

 

 

[38]  Ainsi, lorsqu’un employé de l’appelante subissait un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’appelante devait tout mettre en oeuvre pour que le revenu de l’employé ne soit pas réduit.

 

[39]  En attendant la décision de la C.S.S.T., l’appelante versait ce qu’elle considérait être une avance à l’employé, en plus de la différence entre son salaire net et l’indemnité devant être versée par la C.S.S.T.

 

[40]  En vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c. A‑3.001 (la LATMP), tout travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle a le droit de recevoir de la C.S.S.T. une indemnité de remplacement du revenu égale à 90 % de son salaire net. Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

 

 

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

 

45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.

 

[…]

 

 

62. Aux fins des articles 59 à 61, le salaire net du travailleur est égal à son salaire brut moins les retenues à la source qui sont faites habituellement par son employeur en vertu de:

 

1° la Loi sur les impôts (L.R.Q., chapitre I‑3) et la Loi de l'impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), chapitre 1, 5e supplément);

 

2° la Loi sur l'assurance‑emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23);

 

3° la Loi sur le régime de rentes du Québec (L.R.Q., chapitre R‑9);

 

[…]

 

63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :

 

1° l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts et de la Loi de l'impôt sur le revenu;

 

2° la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23);

 

3° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec;

 

[…]

 

 

[41]  Malgré ces dispositions, l’employeur demeure responsable des retenues à la source faites du salaire d'un employé. La Loi prévoit que le paiement reçu de la C.S.S.T. n'est pas imposable, afin d'éviter que la C.S.S.T. n'ait à faire des retenues à la source. Les retenues à la source sont donc effectuées par l’employeur, même si l’employé ne travaille pas.

 

[42]  Une telle façon de faire donne un avantage considérable à un employé qui ne travaille pas comparativement à un employé qui effectue sa semaine de travail normale en raison de la déduction prévue au sous‑alinéa 110(1)f)ii) de la Loi, qui prévoit que :

 

ARTICLE 110 : Déductions

1) Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

f) toute prestation d'assistance sociale payée après examen des ressources, des besoins ou du revenu et incluse en application de la division 56(1)a)(i)(A) ou de l'alinéa 56(1)u) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou toute somme dans la mesure où elle a été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, représentant, selon le cas :

 

[...]

 

(ii) une indemnité reçue aux termes d'une loi fédérale ou provinciale sur les accidents du travail pour blessure, invalidité ou décès, à l'exception d'une indemnité qu'une personne reçoit à titre d'employeur ou d'ancien employeur de la personne pour laquelle une indemnité pour blessure, invalidité ou décès a été payée;

 

[...]

 

[43]  L’employé peut aussi recevoir un remboursement de l’impôt perçu sur son salaire égal à l’indemnité reçue de la C.S.S.T.; cela a donc pour effet de lui donner un avantage comparativement à un employé qui travaille, puisque ses revenus sont supérieurs à ceux de ses collègues qui ont continué à travailler. En d'autres termes, une personne malade ou blessée qui reçoit des prestations de la C.S.S.T. a un revenu plus élevé puisqu'elle peut récupérer une partie des retenues effectuées par l'employeur, alors qu'un employé qui travaille ne le peut pas.

 

[44]  Cela est évidemment absurde; je ne crois pas agir en législateur en ne souscrivant pas à la directive de l'intimée. Dans les faits, le problème provient de la nature de la prestation versée au travailleur victime d'accidents du travail ou de maladie professionnelle d'où je ne crois pas nécessaire de rejeter ou d'écarter totalement la méthode prescrite par l'Agence.

 

[45]  La méthode prévue dans le Guide de l’employeur – Renseignements de base sur les retenues sur la paie 2000-2001 prévoit ce qui suit :

 

À la page 36 :

 

Nouvelle politique – Exigences en matière de déclaration

 

Pour 2000 et les années suivantes, un employeur qui continue à verser une rémunération à un employé avant ou après qu’une décision d’une commission des accidents du travail soit rendue, ne peut plus réduire ses gains rétroactivement pour l’année courante ou modifier ceux de son feuillet T4 d’une année passée et les désigner comme des indemnités pour accidents du travail. Ainsi, l’employé doit déclarer, dans l’année où elle lui est versée, la rémunération reçue avant ou après la décision d’une commission des accidents du travail.

 

[…]

 

Aux pages 38 et 39 :

 

Comment traiter les paiements effectués par une commission des accidents du travail dans différentes circonstances

 

Employeur qui continue à verser le salaire habituel

 

Exemple

 

Jean se blesse au travail le 10 juillet 2000. Il continue à toucher son salaire normal jusqu’au 6 février 2002, date à laquelle une commission des accidents du travail accepte sa demande. Son employeur est remboursé par la commission des accidents du travail en question.

 

Traitement

 

  • § Toutes les sommes versées à titre de salaire en 2000, 2001 et 2002 doivent être déclarées sur un feuillet T4 pour chacune de ces années. Les cotisations au RPC et à l’AE et l’impôt sur le revenu retenus doivent y être indiqués. Jean doit soumettre les feuillets T4 avec sa déclaration de revenus pour l’année visée.

 

  • § En 2002, année où l’indemnité est accordée, l’employeur n’a pas le droit de modifier le montant de la case 14, « Revenus d’emploi », du feuillet T4 ou de réduire les cotisations au RPC et à l’AE et l’impôt sur le revenu retenus en 2000, 2001 et 2002.

 

  • § Au moment de remplir le feuillet T4 pour l’année 2002, l’employeur doit inscrire dans la section « Autres renseignements », le code 77 et le montant total des indemnités versées par une commission des accidents du travail pour ces trois années.

 

  • § Lorsque Jean produira sa déclaration de revenus pour 2002, il demandera une déduction pour ce montant à titre d’autres dépenses d’emploi (remboursement de traitement ou de salaire).

 

  • § Si un montant n’est pas utilisé et que Jean ne reçoit pas d’autres genres de revenus en 2002, le montant non utilisé peut être considéré comme une perte autre qu’en capital. Ce montant peut être soustrait du revenu de toutes provenances de Jean des trois années précédentes. Tout montant non utilisé peut être reporté sur les sept années suivantes, pour réduire le revenu de ces années-là.

 

Employeur qui verse une avance égale à l’indemnité prévue par une commission des accidents du travail et un montant en plus de cette avance

 

Exemple

 

Marie se blesse le 2 avril 2000 et s’absente du travail jusqu’au 6 juin 2001. Son contrat de travail stipule que son employeur doit lui verser un montant équivalant à son salaire net. Cela consiste en une avance d’un montant égal à l’indemnité à laquelle Marie peut s’attendre d’une commission des accidents du travail et à un montant versé en plus de cette avance.

 

Traitement

 

  • § Le montant de l’avance que Marie a reçu n’est pas considéré comme un revenu d’emploi. Par conséquent, son employeur n’a pas à retenir des cotisations au RPC et à l’AE ni de l’impôt sur ce montant.

 

  • § Le montant que l’employeur verse en plus de l’avance, en attendant une décision d’une commission des accidents du travail, est considéré comme un revenu d’emploi dans l’année où il est versé. Ce montant est assujetti aux retenues de cotisations au RPC et à l’AE et à l’impôt sur le revenu.

 

  • § En 2001, lorsque la décision est rendue, l’employeur de Marie doit réduire l’avance consentie d’un montant égal au montant que Marie a reçu d’une commission des accidents du travail, de la façon suivante :

 

  • - Si les deux montants sont identiques, l’employeur n’inscrira aucun montant dans la section « Autres renseignements » du feuillet T4.

 

  • - Si le montant de l’avance excède celui de l’indemnité accordée, la différence est alors considérée comme un revenu d’emploi et l’employeur de Marie doit déclarer ce montant ainsi que les cotisations du RPC et à l’AE et l’impôt sur le revenu retenus sur un feuillet T4. Aucune inscription n’est requise dans la section « Autres renseignements ».

 

  • - Si, après que la commission des accidents du travail a accepté la demande d’indemnité, l’employeur continue à verser à Marie un montant en plus de l’indemnité versée par cette commission, ce montant est considéré comme un montant complémentaire et est assujetti aux retenues de cotisations au RPC et à l’impôt sur le revenu, mais pas aux cotisations à l’AE.

 

  • - Si la demande d’indemnité est refusée, l’avance non remboursée devient un revenu d’emploi pour l’année du refus. Si Marie ne rembourse pas l’avance, son employeur doit en déclarer le montant sur un feuillet T4, ainsi que les cotisations au RPC et à l’AE et à l’impôt sur le revenu retenus. Si Marie rembourse l’avance, son employeur ne doit pas en déclarer le montant sur un feuillet T4.

 

 

[46]  À ce que je comprenne, le texte prévoit deux situations, celle où l’employeur continue de verser le salaire habituel à son employé et celle où l’employeur effectue plutôt des avances.

 

[47]  De plus, il s'avère que l’Agence n’accepte plus les rajustements rétroactifs depuis l’arrêt Fraser c. Canada, no 95‑1251(IT)I, [1996] A.C.I. no 367 (QL), décision dont il sera question plus longuement un peu plus loin.

 

[48]  En l'espèce, les paiements n'ont pas été traités comme des avances, étant donné que l'Agence ne l'accepte que si deux conditions soit satisfaites, soit :

 

a)  l'employeur n'a pas effectué de retenues à la source sur le paiement;

 

b)  l'employeur a écrit le mot « avance » dans ses registres.

 

[49]  Selon l'intimée, le paiement fait par l'appelante ne constituait pas une avance puisque, d'une part, elle aurait effectué des retenues à la source sur les montants et, d'autre part, ses registres indiquaient « ABSENCE ACCIDENT DE TRAVAIL » (pièce A‑1) et non « avance ».

 

[50]  Le litige découle essentiellement de la procédure et de la forme de la compensation versée aux personnes victimes d'accident ou de maladie qui ont droit à des prestations de la C.S.S.T.

 

[51]  L'appelante ne peut initialement déterminer de façon formelle la nature du dossier, puisque la C.S.S.T. et les diverses instances supérieures ont une compétence exclusive pour ce faire.

 

[52]  Jusqu'à ce que la C.S.S.T. prenne une décision au sujet de la demande du travailleur blessé ou malade, l'employeur doit assumer des obligations envers le travailleur; il doit lui verser une compensation qui pourrait s'avérer remboursable par la C.S.S.T.

 

[53]  Durant la période d'attente, l'appelante devait traiter les dossiers avec circonspection et grande prudence. Or l'Agence, par sa pratique administrative ou par ses directives qui occultent la réalité de la nature du paiement, voudrait que l'employeur ait recours à une façon de faire qui présente des difficultés quant à la nature du montant, mais aussi et surtout quant au travailleur.

 

[54]  Étant donné que l'Agence semble préoccupée par une interprétation superficielle d'une décision, je crois utile de retourner aux fondements de l'interprétation de l'intimée. À cet égard, la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Cité de la Santé de Laval c. M.R.N., 2004 CAF 119, m'apparaît incontournable.

 

[55]  Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale avait à décider si la rémunération reçue par deux infirmières durant un retrait préventif était assurable. Pour ce faire, les juges ont analysé l’objet des régimes d’indemnisation et ont affirmé ce qui suit :

 

30 La LSST met en place un régime collectif public d'indemnisation des personnes qui, à cause de leur grossesse ou de l'allaitement, sont soit dans l'impossibilité de fournir leur prestation habituelle de travail, soit à titre préventif relevées de leurs obligations de fournir quelque prestation de travail que ce soit. Elle accorde donc des droits importants à ces personnes. D'abord, elle maintient leur lien d'emploi et, conséquemment, l'assurabilité qui se rattache à cet emploi. Ensuite, elle les dispense en tout ou en partie de fournir une prestation de travail. Enfin, elle leur verse une indemnité de remplacement du revenu que l'employeur ne serait pas tenu légalement de verser en l'absence d'une prestation de travail. Le coût relatif au paiement des indemnités est assumé par l'ensemble des employeurs : voir l'article 45 de la LSST.

 

31 Au delà de ces régimes publics, et afin d'éviter que des salariés se prévalant du régime ne soient pénalisés par d'inévitables délais administratifs, une réalité pratique s'est implantée : au terme de négociations, l'employeur assume, dans bien des cas, en vertu des conventions collectives de travail, des obligations intérimaires de paiement des indemnités de remplacement du revenu dues par les régimes publics. Cela a eu pour effet d'engendrer de la confusion et d'obscurcir, voie même à l'occasion d'oblitérer, les buts et les objectifs recherchés par ces régimes publics d'indemnisation. J'en prendrai à témoin deux exemples. Mais d'ores et déjà, il m'apparaît clair que ces conventions collectives, et les obligations qui en découlent, n'ont ni pour but, ni pour effet d'altérer la nature et l'universalité des régimes publics et collectifs d'assurance et d'indemnité de remplacement du revenu en cas de retrait préventif de la personne enceinte.

 

32 Le débat en l'espèce est un premier exemple de cette confusion résultant du fait que l'employeur, comme il s'y était engagé par la Convention, a déboursé les sommes dues par la CSST. Par exemple, lors du témoignage de Mme Lachambre, une des préoccupations du juge était de savoir si le chèque que cette dernière avait reçu émanait de la CSST ou de l'employeur : Dossier de la demanderesse, pages 502-503. En contre‑interrogatoire et en ré-interrogatoire, les questions ont aussi cherché à établir s'il s'agissait de chèques de paie habituels, s'il y avait une mention sur ces chèques que les montants venaient de la CSST, si l'employée recevait un relevé de la CSST, si ce relevé était remis en même temps que les chèques, si les chèques distinguaient entre les montants venant de l'employeur à titre de rémunération et ceux imputables à la CSST à titre d'indemnité : ibidem, pages 504-505. De fait, le témoin a confirmé que les chèques identifiaient les montants venant de l'employeur pour les journées travaillées et ceux qui étaient ou seraient versés par la CSST pour les périodes de retrait préventif.

 

33 Dans l'affaire Procureur général du Canada c. Quinlan, A‑1206‑92, 28 février 1994 (C.A.F.), le débat a également porté, en bonne partie, sur le fait que les chèques, qui comprenaient des paiements d'assurance-salaire, avaient été émis par l'employeur conformément à la convention collective. Je reviendrai plus loin sur cette décision.

 

34 Toutes ces démarches jumelées à celles qui entourent l'interprétation des conventions collectives (s'agit-il d'un prêt, la convention collective prévoit-elle un mécanisme de remboursement, l'employeur s'est-il engagé à faire les paiements, etc.) tendent à reléguer sinon aux oubliettes, du moins à l'arrière plan, la nature du régime collectif, celle des montants versés ainsi que, comme le disait la juge Lamarre Proulx dans Régie Intermunicipale de Traitement de l'eau potable, Saint‑Romuald/Saint-Jean c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no. 744, au paragraphe 19, le but et l'objet des paiements.

 

35 Or, ces quatre éléments, qui se situent au coeur même de la résolution du litige par leur quintessence et leur importance, m'amènent à conclure que les montants en litige, dans la présente affaire, ne constituaient pas de la rémunération assurable au sens de la Loi.

 

36 Tout d'abord, le régime collectif mis en place par la LSST est, au plan juridique, un régime législatif d'assurance qui vise l'indemnisation de la personne enceinte, qui ne fait pas partie du contrat de travail intervenu entre la demanderesse et ses employées et qui, tel que déjà mentionné, est financé par les contributions des employeurs : voir par analogie la catégorisation en ces termes que la Cour suprême du Canada fait des régimes d'indemnisation des accidents du travail dans Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749, au paragraphe 294. Ce régime se distingue donc, par son caractère universel et public, des régimes privés d'assurance ou des régimes particuliers d'assurance que l'on retrouve chez des employeurs et qui, dans certains cas, font de l'employeur l'assureur : voir l'arrêt Université Laval, précité; Procureur général du Canada c. Banque nationale du Canada, 2003 CAF 242. La LSST indique clairement, à mon humble avis, que la CSST agit comme un tiers-assureur à l'égard des employées enceintes qui se prévalent du droit de retrait préventif du travail.

 

37 Deuxièmement, pour qu'un revenu provenant d'un employeur puisse constituer une rémunération, il doit avoir été payé dans le cadre d'un contrat de travail ou d'emploi : voir Wong v. M.N.R., 12 C.C.E.L. (2d) 257; M.R.N. c. Visan, [1983] 1 C.F. 820 (C.A.F.); Biron c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1998] A.C.I. no 76. Les montants ici versés par la CSST n'ont pas été payés dans le cadre d'un contrat de travail entre les employées et la CSST.

 

38 En outre, les sommes émanant de la CSST sont juridiquement qualifiées par la LSST « d'indemnité de remplacement du revenu ». Elles ne sont pas de la nature d'une rémunération. Elles ne correspondaient pas à des services. Pour paraphraser le juge Urie s'exprimant au nom de cette Cour dans Visan, précité, à la page 829, elles se situaient à l'opposé des paiements de ce genre car elles visaient à indemniser les employées, en partie, de la perte des paiements qui auraient été faits pour des services qu'elles auraient rendus si elles n'en avaient pas été empêchées par leur grossesse : voir aussi Brière c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1998] A.C.I. n111.

 

39 Enfin, et je n'insisterai pas longuement sur le sujet puisque je l'ai déjà amplement couvert, le but et l'objet des paiements prévus par la LSST, et faits par la CSST, sont d'indemniser une employée enceinte pour une perte de revenu qu'elle aurait autrement encourue, perte qui, en l'absence d'une indemnité de remplacement du revenu, aurait résulté en un manque à gagner.

 

 

[56]  À partir des principes énoncés dans cet arrêt, je conclus que les sommes payées par l’employeur en l'espèce ne constituent pas une rémunération, mais essentiellement des avances.

 

[57]  Le litige a trait essentiellement aux cas particuliers des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle; ainsi, il n’y a pas eu de prestation de service à l’employeur par les employés de la ville de Québec pendant que ceux‑ci étaient en congé pour cause d'accident du travail.

 

[58]  Les compensations versées aux employés ayant cessé leur travail habituel pour cause d'accident du travail ou maladie professionnelle n'ont strictement rien à voir avec la quantité ou la qualité de leur travail; il s'agit essentiellement d'une mesure de soutien économique ne répondant en rien à la définition d'une rémunération ou d'un salaire payé en contrepartie d'un travail.

 

[59]  Les parties en cette matière doivent agir de façon pratique, transparente et cohérente de manière à ce que les droits et obligations de chacun soient respectés de façon habituelle. En d'autres termes, les caprices de l'une ou l'autre des parties n'ont pas leur raison d'être, notamment si l'une des parties a des exigences lourdes de conséquences pour l'autre.

 

[60]  En l'espèce, l'appelante doit composer avec l'incertitude quant à la décision de la C.S.S.T., et également composer avec des abus possibles de la part de certains travailleurs. Afin de réduire les conséquences, et préférablement d'éviter les abus, elle a mise en place une façon de faire qui ne nuit en rien aux droits de l'intimée tout en permettant une transparence quant au respect de ses obligations.

 

[61]  La politique administrative ou les directives de l'Agence n'ont aucun fondement justifié ou raisonnable. Pour déterminer si les paiements faits par la ville de Québec à ses employés ont été des avances, seule la nature du paiement doit être prise en considération; les énoncés d’une politique administrative n'ont rien à voir avec la nature des montants versés aux travailleurs en cause.

 

[62]  L'existence de registres indiquant que la raison de l'avance est « absence accident de travail » m'apparaît suffisante et tout à fait acceptable.

 

[63]  La décision Fraser qui, aux dires de l'intimée, a été à l'origine d'une nouvelle façon de faire et de nouvelles directives n'a pas, avec égards pour l'opinion contraire, la portée englobante que l'intimée lui attribue.

 

[64]  En effet, à la suite de cette décision, l’Agence aurait décidé de modifier sa position et de ne plus accepter les rajustements rétroactifs des retenues à la source. Les faits de cette affaire sont semblables aux nôtres, tel qu'il appert aux paragraphes 6 à 9 de la décision :

 

Les faits de l'espèce ne sont pas contestés. L'appelant était au service de la ville de Cornwall pendant l'année d'imposition 1992. Par suite d'une blessure au dos, l'appelant est devenu admissible à une indemnité de la Commission des accidents du travail (la « CAT ») pour la période allant de juin à décembre 1992. D'après la convention collective régissant l'emploi de l'appelant, si un travailleur se blesse et qu'il touche ou est en mesure de toucher une indemnité à titre de victime d'un accident du travail, l'employeur « lui versera la totalité de son salaire net et devra lui garantir tous les avantages prévus dans la convention collective jusqu'à ce que l'employé reprenne les fonctions normales de son poste ».

 

Du 13 juin au 26 décembre 1992, l'employeur a versé à l'appelant son salaire régulier, moins les retenues d'impôt s'y rapportant. Le montant versé par la CAT a été remis directement à l'employeur, qui a rajusté en conséquence le revenu brut de l'appelant et les retenues d'impôt à la source. À la suite de ces rajustements, un montant de 5 235,72 $ représentant le surplus d'impôt retenu et remis a été remboursé à l'employeur par le receveur général.

 

Il y a donc eu un écart entre le montant d'impôt qui a été réellement retenu et remis au receveur général et le total de ces montants indiqués sur les talons de chèque de paye de l'appelant. D'après ces talons, le montant d'impôt retenu et remis au cours de l'année d'imposition 1992 a été de 12 637,35 $. Par contre, d'après le feuillet T‑4 de l'appelant, le montant rajusté des retenues d'impôt a été de 7 401,63 $.

 

L'appelant a reçu un remboursement de 4 898,83 $ (4 733,79 $ auquel s'ajoutent des intérêts s'élevant à 165,04 $) au moment de la nouvelle cotisation établie le 2 novembre 1993 à l'égard de sa déclaration de revenus pour 1992. D'après la cotisation subséquente établie le 11 avril 1994 à l'égard de la déclaration de revenus de l'appelant pour 1992, l'intimée a déterminé que le remboursement en question aurait dû être nul.

 

[Je souligne.]

 

 

[65]  Dans cette affaire, la méthode utilisée par l’employeur de monsieur Fraser pour effectuer ses retenues à la source a manifestement été à l’origine du litige.

 

[66]  L’employeur, la ville de Cornwall, a soutenu qu’elle avait demandé un remboursement des sommes qu’elle avait déjà envoyées au Receveur général du Canada, étant donné que les sommes versées à son employé étaient des avances de montants que ce dernier allait recevoir du régime d’indemnisation. Ces sommes n’étant pas imposables, l’employeur n’avait pas à faire de retenues à la source sur ces montants. Dans cette affaire, l’employeur n’avait aucunement indiqué sur les talons de paie de l’employé que ces sommes représentaient des avances; il n’avait que continué à verser le salaire habituel.

 

[67]  De son côté, la juge Lamarre Proulx a accordé une importance déterminante à la convention collective lors de son analyse dans l'affaire Fraser, précitée. Elle indique, au paragraphe 14 :

 

14 Selon l'entente conclue entre l'employeur et ses employés, l'employeur doit traiter l'employé victime d'un accident de travail comme s'il travaillait toujours. L'employeur est tenu de verser le salaire régulier et d'accorder tous les avantages prévus dans la convention à l'employé victime d'un accident du travail lorsque ce dernier est absent du travail. Les montants versés par l'employeur pendant l'absence de l'employé ne représentent pas des avances au titre des indemnités devant être versées par la CAT. Si tel était le cas, j'estime que la convention collective aurait dû l'indiquer clairement. Ainsi, l'employeur, soit la ville de Cornwall, n'aurait pas dû recevoir un remboursement de 5 235,72 $ du receveur général, étant donné que ce montant ne représentait pas un trop perçu d'impôt retenu et remis.

 

 

[68]  En s'appuyant sur la convention collective, elle concluait que les montants n’étaient pas des avances; l’employeur devait donc faire les retenues à la source prévues par le règlement et remettre ces montants au Receveur général.

 

[69]  Avec égards pour cette décision, je crois cependant que les termes d'une convention collective ne peuvent pas changer la nature d'un paiement. Ainsi, le fait qu'une convention collective indiquerait qu'une rémunération est assurable ne serait pas déterminant, ce ne serait qu'un élément parmi beaucoup d'autres.

 

[70]  Ce sont tous les faits et la façon dont le travail est exécuté qui déterminent s'il est assurable. En l'espèce, encore là, ce sont les faits qui doivent être pris en considération pour déterminer la nature des paiements qui étaient faits par l’employeur et pour décider s'ils étaient des avances.

 

[71]  Cette approche est d'ailleurs tout à fait conforme à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Cité de la santé de Laval, précitée, où il est clairement indiqué que l’interprétation des conventions collectives ne doit pas contrer l’analyse de la nature véritable d’un paiement :

 

34 Toutes ces démarches jumelées à celles qui entourent l'interprétation des conventions collectives (s'agit‑il d'un prêt, la convention collective prévoit-elle un mécanisme de remboursement, l'employeur s'est-il engagé à faire les paiements, etc.) tendent à reléguer sinon aux oubliettes, du moins à l'arrière plan, la nature du régime collectif, celle des montants versés ainsi que, comme le disait la juge Lamarre Proulx dans Régie Intermunicipale de Traitement de l'eau potable, Saint‑Romuald/Saint-Jean c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 744, au paragraphe 19, le but et l'objet des paiements.

 

[Je souligne.]

 

 

[72]  En l'espèce, je ne crois pas que l’affaire Fraser soit pertinente. En l'espèce, la preuve, dont le fardeau reposait sur l'appelante, a établi d'une manière déterminante qu'elle avait agi d'une manière fort acceptable eu égard aux faits particuliers et aux contraintes avec lesquelles elle devait composer. Il ne saurait être question de négligence, d'indifférence ou d'incurie.

 

[73]  Dans sa façon de faire, l'appelante respectait les droits de chacun, notamment quant à la nature des retenues. En conséquence, je conclus qu'elle avait le droit d’être remboursée des sommes versées en trop au Receveur général du Canada ou, en l'espèce, de conserver les sommes déduites. L’employé se trouve ainsi dans une situation où il a reçu 100 % de son salaire net. Il n’est aucunement désavantagé par de telles conclusions.

 

[74]  Pour toutes ces raisons, je conclus que l’appelante n’avait pas à remettre au Receveur général du Canada les sommes qu’elle aurait déduites en trop, étant donné qu'il s'agit là essentiellement d'avances. Il s’agit de montants qu’elle n’avait pas à retenir du salaire de ses employés.

 

 

CONCLUSION

 

[75]  Pour toutes ces raisons, je conclus que l'appelante n'a pas à remettre au Receveur général du Canada ces sommes déduites en trop. J'accueille donc cet appel et annule les cotisations émises à l'égard de l'appelante. Les paiements faits par l'appelante afin que cesse le calcul des intérêts devront lui être remboursés, le tout avec intérêts.

 

[76]  L’appel est accueilli avec dépens en faveur de l'appelante.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de novembre 2007.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :  2007CCI329

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :  2004-4044(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  Ville de Québec et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 8 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

PAR :  L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :  le 9 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Nathalie Grenier

 

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

  Pour l'appelante :

  Nom :  Me Nathalie Grenier

    Étude :  Giasson et associés

  Ville :  Québec (QC)

 

  Pour l’intimée :  John H. Sims, c.r.

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa, Canada

 

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