Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-134(IT)I

ENTRE :

KELLY CLANCY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Brent Jackson (2008‑141(IT)I), le 27 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

 

Dan White (le 27 août 2008 seulement; n’a pas comparu au prononcé du jugement oral, le 29 août 2008)

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

Me Amit Ummat

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 est rejeté.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2008.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d’octobre 2008.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

 

Dossier : 2008-141(IT)I

ENTRE :

BRENT JACKSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Kelly Clancy (2008‑134(IT)I), le 27 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

 

Dan White (le 27 août 2008 seulement; n’a pas comparu au prononcé du jugement oral le 29 août 2008)

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

Me Amit Ummat

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 est rejeté.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2008.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d’octobre 2008.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Référence : 2008CCI518

Date : 20080915

Dossiers : 2008-134(IT)I

2008-141(IT)I

 

ENTRE :

KELLY CLANCY,

BRENT JACKSON,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience le 29 août 2008, à Toronto (Ontario)

et modifiés par souci de clarté et de précision.)

 

Le juge Boyle

 

[1]              Le groupe de musiciens de M. Jackson a été baptisé du nom d’un organe masculin. M. Jackson en fait partie depuis un certain nombre d’années. Avant 2003, le groupe de M. Jackson se produisait localement, de façon occasionnelle, et les propriétaires des bars où il jouait payaient les quatre membres du groupe entre 50 $ et 100 $ chacun.  À l’époque, ces activités représentaient un passe‑temps ou un loisir pour M. Jackson, rien de plus. Il occupait, et occupe toujours, un bon emploi dans l’industrie aérospatiale.

 

[2]              Un autre passe‑temps auquel M. Jackson s’adonnait avant 2003 était de suivre des leçons de pilotage dans l’idée d’obtenir sa licence de pilote. Il connaissait quelqu’un qui prenait des photos aériennes. M. Jackson n’avait jamais dirigé d’entreprise, de quelque nature qu’elle soit. Il n’avait aucune expérience dans les domaines de l’industrie du voyage, de la photographie, de la conception des cartes de vœux, de la prestation des soins thérapeutiques, de la tenue des chenils ou de l’aménagement paysager.

 

[3]              En 2003 et en 2004, Mme Clancy a travaillé pour une importante banque canadienne à Toronto. Avant 2003, elle n’avait jamais dirigé d’entreprise, de quelque nature qu’elle soit. Pendant ses études, elle avait été employée à temps partiel dans un magasin d’aquariophilie.

 

[4]              Avant 2003, Mme Clancy n’avait jamais travaillé dans l’industrie du voyage, pas plus qu’elle ne nourrissait d’intérêt personnel ou professionnel pour la photographie, la conception des cartes de vœux, la prestation des soins thérapeutiques, l’aménagement paysager ou la tenue des chenils. Mme Clancy a déclaré que ce n’est qu’en 2003 qu’elle a fait ses tout premiers pas en photographie.

 

[5]              En 2003, ces deux contribuables ont adhéré au World Network Business Club (« WNBC »).

 

[6]              Les appels en matière d’impôt sur le revenu interjetés selon la procédure informelle par M. Jackson et Mme Clancy pour les années d’imposition 2003 et 2004 ont été entendus ensemble à Toronto. Les contribuables sont unis par les liens du mariage.

 

[7]              Dans les présents appels, les contribuables ont été représentés par M. Dan White. M. White se présente comme le président du WNBC, et aussi comme l’auteur d’un livre intitulé How to Pay Zero Taxes and Keep the Tax Department Happy! (Comment ne pas payer d’impôts sans contrarier le fisc!).

 

[8]              Bien que peu d’éléments de preuve aient été fournis concernant le WNBC, ses plans d’action ou ses méthodes, M. White a décrit cette organisation comme un fournisseur de stratégies éducatives visant à aider les contribuables à réduire les impôts qu’ils doivent payer, qui encourage ses clients à convertir leurs passe‑temps ou centres d’intérêt en entreprises, à faire le suivi de leurs dépenses, et à se prévaloir des déductions fiscales relatives aux pertes de démarrage.

 

[9]              Conformément à la méthode ou au plan préconisé par le WNBC, M. Jackson et Mme Clancy ont affirmé avoir démarré au moins six entreprises entre 2003 et 2004. La position principale de la Couronne est qu’aucune de ces activités ne constituait une entreprise. Par conséquent, les appelants n’ont subi aucune perte d’entreprise qu’ils auraient pu déduire de leur revenu d’emploi.

 

[10]         Dans les déclarations qu’ils ont remplies, M. Jackson et Mme Clancy ont indiqué que les entreprises étaient exploitées en tant qu’entreprises individuelles appartenant à l’un ou l’autre d’entre eux. Ils prétendent maintenant que toutes les entreprises étaient en fait des sociétés de personnes. On ne sait pas avec exactitude s’ils croient désormais que chaque entreprise était une société de personnes distincte, s’il n’y avait qu’une seule société de personnes qui exploitait toutes les entreprises, ou si, comme l’a soutenu M. White, il s’agissait d’une seule société de personnes qui exploitait une seule entreprise regroupant des divisions ou des départements différents chargés de la gestion des activités musicales, de l’agence de voyage, des visites guidées, de la photographie aérienne, des consultations en thérapie par aquariums d’eau salée, de la photographie de portrait et des cartes de vœux, structure somme toute assez similaire à celle d’un Wal‑Mart.

 

[11]         Lorsqu’il s’agit de trancher la question initiale et fondamentale de savoir si au moins une des activités de M. Jackson et de Mme Clancy constituait une entreprise, la distinction juridique que l’on peut faire entre les sociétés de personnes et les entreprises individuelles n’a aucune pertinence, dans la mesure où une société de personnes implique par définition la présence de plusieurs personnes exploitant ensemble une entreprise.

 

[12]         Dans les déclarations qu’elle a produites pour les années 2003 et 2004, Mme Clancy a déclaré n’avoir tiré absolument aucun revenu des activités de ses entreprises supposées, que ce soit pour les soins thérapeutiques, la photographie, l’agence de voyage ou les cartes de vœux. Les pertes qu’elle a déclaré avoir subies en conséquence de l’exploitation de ces entreprises étaient de l’ordre de 20 000 $. Toutes ces activités, à l’exception de la photographie, ont été interrompues depuis, sans avoir jamais généré quelque revenu que ce soit.

 

[13]         Dans les déclarations qu’il a produites pour les années 2003 et 2004, M. Jackson a déclaré un chiffre d’affaires brut de moins de 6 000 $ pour ses entreprises supposées de divertissement et de services aéronautiques. Les pertes qu’il a déclaré avoir subies en conséquence de l’exploitation de ces entreprises étaient de l’ordre de 43 000 $.

 

[14]         M. Jackson a depuis interrompu ses activités de photographie aérienne sans qu’elles aient jamais généré quelque revenu que ce soit. Le groupe de M. Jackson existe toujours. M. Jackson a admis que la majorité des revenus qu’il a déclarés venaient en fait des commissions versées par le WNBC et non de sa musique ou de ses autres entreprises.

 

[15]         En l’espèce, je dois d’abord décider si l’une ou la totalité des activités en cause constituaient des entreprises exploitées à des fins lucratives et de façon commerciale, ou s’il s’agissait d’activités menées à des fins personnelles, de l’ordre du passe‑temps. Il s’agit de l’approche qui a été prescrite par la Cour suprême en 2002 dans l’arrêt Stewart. Dans cet arrêt, la Cour suprême a souligné certains facteurs, indices de commercialité et caractéristiques commerciales, qui devraient être examinés.

 

[16]         En l’espèce, une question de droit connexe se pose : à quel moment les activités d’une personne menées en vue de démarrer une entreprise donnent‑elles naissance à une entreprise? Pour y répondre, il faut se fonder sur l’approche adoptée par la Cour dans des décisions antérieures, telles que Gartry de 1994 et Kaye de 1998, toutes deux rendues par notre ancien juge en chef.

 

[17]         Le groupe : M. Jackson était membre du groupe depuis déjà quelque temps avant 2003. Les quatre membres partageaient de façon égale les 200 $ à 400 $ qu’ils recevaient chaque fois qu’ils se produisaient. On peut qualifier de très faible le nombre de fois où ils se seraient produits chaque année.

 

[18]         En plus de se fier au bouche à oreille et à sa réputation, le groupe a également recours à la promotion directe auprès des bars locaux, à la plaque d’immatriculation personnalisée de la voiture de M. Jackson ainsi qu’à un cadre de plaque d’immatriculation sur lequel figure l’adresse du site Internet du groupe. Le site en question est d’ailleurs encore en construction et sera [traduction] « prêt sous peu ».

 

[19]         M. Jackson a déposé en preuve une carte de visite ainsi que des courriels et d’autres types de correspondance échangés avec des bars et des admirateurs pendant les années en cause.

 

[20]         En 2003, soit au moment où son passe‑temps est devenu une entreprise aux dires de M. Jackson, peu de choses ont changé dans le fonctionnement du groupe, mis à part la consignation d’une importante liste de dépenses qui y étaient prétendument associées. M. Jackson a décrit les activités auxquelles le groupe s’est adonné en 2003, en 2004 et pendant les années qui ont suivi jusqu’à ce jour. Son témoignage ne laissait pas entendre que le groupe s’était produit plus souvent, qu’il avait tenté de le faire, ou qu’il avait tenté de le faire avec plus de zèle ou de manière plus professionnelle à partir de 2003.

 

[21]         La liste des dépenses, sur laquelle je reviendrai, ne permet pas non plus de conclure que des démarches aient été entreprises avec davantage de diligence ou de professionnalisme.

 

[22]         Dans le courriel envoyé au club d’admirateurs du groupe à l’été 2003, on annonçait la tenue de deux spectacles. Le premier avait lieu pendant une fête à la ferme de la famille Clancy au cours de laquelle on a fait rôtir un porc. Le second spectacle mettait en scène plusieurs membres du groupe et un autre musicien qui allaient jouer ensemble sous un nom de groupe différent.

 

[23]         Même si je retenais pleinement l’intégralité de la preuve produite par les contribuables ici présents, il ne fait aucun doute que le groupe est toujours demeuré un passe‑temps.

 

[24]         La photographie aérienne : M. Jackson a commencé à prendre des leçons de pilotage avant 2003, par intérêt personnel. Il a déclaré en avoir trouvé le prix très élevé. Après être devenu membre du WNBC, il a décidé de recourir à une entreprise de photographie aérienne pour qu’elle l’aide à payer le coût élevé de ses leçons. Il n’a jamais vendu de photo, ni même pris un seul échantillon de photo aérienne avant d’interrompre les activités de sa supposée entreprise, interruption qui est survenue avant même qu’il ait obtenu sa licence de pilote.

 

[25]         Cette activité n’a jamais constitué une entreprise. Pour M. Jackson, obtenir sa licence de pilote n’a jamais représenté autre chose qu’une activité personnelle. Je suis loin d’être convaincu que M. Jackson ait jamais véritablement eu l’intention de mettre sur pied une entreprise de vente de photos aériennes.

 

[26]         Les chenils : Le relevé détaillé des dépenses et le témoignage de M. Jackson et de Mme Clancy visaient à montrer que la création d’un chenil faisait valablement partie de leurs projets commerciaux. Ce projet n’a jamais dépassé le stade de discussions entre les époux, qui tenaient des réunions dans des restaurants au sujet de la possibilité de se lancer dans l’exploitation d’un chenil. Ils ont passé le prix de ces repas en charges.

 

[27]         La Cour ne dispose d’aucune preuve montrant que M. Jackson et Mme Clancy aient même un jour eu un chien. Les repas qu’ils ont pris ensemble dans de nombreux restaurants mis à part, ils n’ont fait aucune démarche visant à se lancer dans l’exploitation d’un chenil. Une telle entreprise n’a jamais existé. Toute affirmation contraire constituerait une fausse déclaration grave.

 

[28]         Ces mêmes commentaires s’appliquent à l’entreprise d’aménagement paysager à laquelle la preuve fait référence.

 

[29]         Les services de conseils et de soins thérapeutiques axés sur les aquariums : À ce chapitre, les seules preuves de l’existence d’une quelconque activité reposent sur l’emploi à temps partiel que Mme Clancy occupait pendant ses études, sur l’aquarium d’eau de mer qui se trouve chez les contribuables, ainsi que sur la déclaration de Mme Clancy, qui a dit que les seules démarches qu’elles avait faites afin de promouvoir son entreprise avaient consisté à aller parler à des responsables de magasins spécialisés en aquariophilie afin de leur proposer ses services.

 

[30]         Mme Clancy a reconnu qu’il ne s’agissait que d’un concept d’entreprise. Aucune preuve n’a été produite afin de démontrer l’existence de l’aspect thérapeutique des aquariums, en dehors de l’affirmation de Mme Clancy selon laquelle l’eau salée des aquariums peut être utilisée pour des soins thérapeutiques.

 

[31]         L’aquarium que Mme Clancy a chez elle ne semblait même pas constituer un passe‑temps. Il s’agissait plutôt d’un objet qui faisait partie des meubles. Il ne s’agissait certainement pas d’une entreprise.

 

[32]         De plus, je ne crois pas qu’il ait jamais été véritablement question de convertir cette activité en entreprise. Les éléments de preuve, les activités et les investissements portés à la connaissance de la Cour ne suffisent même pas à créer une façade crédible qui laisserait croire que les contribuables tentaient de mettre sur pied une entreprise de conseils ou de soins thérapeutiques dans le domaine de l’aquariophilie.

 

[33]          Les cartes de vœux : Les prétentions de Mme Clancy selon lesquelles elle œuvrerait dans le domaine des cartes de vœux étaient soutenues par un album déposé en preuve, qui était rempli de photos de format quatre par six, lesquelles avaient été imprimées dans des magasins de vente de matériel photographique au détail. Pas une seule de ces cartes n’avait le format traditionnel des cartes pliantes, même si quelques unes affichaient du texte du côté imprimé. Presque toutes les photographies de bébés, de femmes enceintes, de la tour du CN, du lac Louise et du chat de la maison semblaient venir d’un album de photos familial typique.

 

[34]         Mme Clancy a déclaré à plusieurs reprises que, contrairement à ce qui était écrit dans l’avis d’appel, la promotion qu’elle faisait de son entreprise se limitait à essayer de susciter de l’intérêt par le bouche à oreille, en faisant circuler ses cartes auprès de ses amis et de sa famille. Au cours du contre‑interrogatoire, elle a reconnu qu’elle les faisait circuler auprès de ses amis et de sa famille en envoyant à ceux‑ci des cartes artisanales.

 

[35]         Là encore, ces activités sont largement insuffisantes pour s’apparenter à une entreprise. L’ensemble de la preuve des contribuables, telle qu’elle a été présentée, me conduit en effet à la conclusion qu’il n’y a jamais eu, ici non plus, d’intention honnête de lancer une entreprise à partir de cette activité.

 

[36]         L’agence de voyages et les visites guidées : En 2004, M. Jackson et Mme Clancy ont passé une semaine en famille en Irlande, et ils ont fait un voyage semblable à Londres une autre année. En Irlande, Mme Clancy a fait visiter Dublin à sa famille et à ses amis à partir d’un parcours d’une durée d’une journée qu’elle avait mis au point. Elle prétend qu’il s’agissait en pratique du test de lancement de son agence de voyages et de visites guidées. M. Jackson et Mme Clancy prétendent également que ces voyages les ont aidés à faire progresser leur entreprise de photographie, en leur permettant de se lancer dans le domaine des photos de voyage, mais aussi leur entreprise de musique ainsi que le groupe de M. Jackson, puisque ce dernier a découvert le bhodran pendant qu’il était en Irlande et qu’il a depuis intégré cet instrument aux spectacles de son groupe.

 

[37]         Les contribuables ont également déposé en preuve les albums de photos de ces voyages. Là encore, les albums ressemblent à n’importe quel album de photos de vacances en famille et album souvenir qu’on peut trouver dans toutes les maisons. Rien ne prouve que Mme Clancy ait parlé avec des hôteliers, qu’elle se soit informée auprès des agences de visites guidées commerciales déjà en place ou qu’elle ait entrepris des démarches semblables pendant qu’elle était à Dublin ou à Londres.

 

[38]         Le seul geste qu’elle ait posé dans ce domaine d’activité, mis à part le fait qu’elle a passé des vacances en famille typiques, a consisté à acheter une carte d’agent de voyage auprès d’une agence de voyage franchisée et membre de l’Association du transport aérien international après son voyage en Irlande. Cette carte lui permettait de toucher une commission sur les voyages qu’elle réserverait à titre d’agente de voyages. En réalité, elle n’a vendu aucun voyage et n’a touché aucune commission. Les éléments de preuve présentés pour démontrer qu’elle a essayé de vendre des voyages ou des visites guidées à qui que ce soit étaient minces ou inexistants. Elle n’a pas renouvelé sa carte après la date d’expiration. Il n’y a jamais eu d’agence de voyages ou de visites guidées, et je ne suis pas convaincu qu’il y ait eu véritable intention d’en lancer une. La carte d’agent de voyages acquise moyennant des frais semble n’avoir été qu’un artifice.

 

[39]         La photographie : À en croire Mme Clancy, ses efforts visant à travailler dans le domaine de la photographie ont été couronnés de succès, ses activités se sont avérées profitables, et elle les a poursuivies. En 2003 et en 2004, elle n’a tiré aucun revenu desdites activités. Selon ses propres dires, ce n’est qu’en 2003 qu’elle a fait ses tout premiers pas en photographie. Il n’était nulle part fait mention de l’existence d’un espace tenant lieu de studio dans la maison ou ailleurs, ni du transport de matériel chez des clients. Il n’était nulle part fait allusion à des appareils photographiques de qualité professionnelle ou à de l’équipement de photographie. En fait, il n’y avait que très peu de preuves, voire aucune, illustrant les efforts faits en vue d’obtenir des clients.

 

[40]         Les albums susmentionnés, remplis de photos de proches et de voyages en famille, ont également été présentés comme preuve de l’existence d’une entreprise de photographie. Aucun album ne ressemblait au portfolio classique d’un photographe.

 

[41]         Mme Clancy a déclaré que son entreprise de photographie était maintenant prospère et rentable, mais, quand on l’a interrogée sur son chiffre d’affaires des dernières années, elle n’a même pas été en mesure de donner une estimation de ses revenus ou de ses profits. Elle a mentionné avoir couvert trois mariages, mais elle n’a pas précisé si c’était pour le compte de membres de sa famille ou d’amis, ou encore si elle avait été rémunérée d’une quelconque manière.

 

[42]         La preuve déposée ne laisse pas entendre que les activités de Mme Clancy en matière de photographie aient représenté autre chose qu’une démarche personnelle ou un passe‑temps pendant les années en cause.

 

[43]         Le World Network Business Club : Que ce soit dans ses déclarations de revenus ou dans les autres documents qui ont été transmis au fisc, les activités de M. Jackson auprès du WNBC n’ont pas été décrites comme une entreprise. Les frais de 5 000 $ payés au WNBC ont été déclarés comme une charge de son entreprise. Cependant, dans son témoignage, M. Jackson a qualifié son rôle de champion satellite du WNBC à Oakville comme faisant partie de ses activités commerciales. Apparemment, il tenait des réunions locales afin de recruter de nouveaux membres pour le WNBC, qui lui versait des commissions en échange.

 

[44]         Lesdites commissions étaient significativement moindres que les frais que M. Jackson payait au WNBC. Elles constituaient également la majorité de ses revenus commerciaux bruts.

 

[45]         Les éléments de preuve relatifs aux activités de M. Jackson auprès du WNBC ne suffisent pas à le décharger du fardeau qu’il avait de prouver à la Cour que sa participation équivalait à l’exploitation d’une entreprise.

 

[46]         En fait, la preuve conduit la Cour à se demander si tout cela ne visait pas à créer l’apparence d’une certaine circulation de fonds, nouvel artifice visant à donner l’impression qu’il s’agissait d’activités commerciales générant des revenus.

 

[47]         Au sujet de l’ensemble des preuves concernant la nature des dépenses déduites, je me contenterai de dire que nombre des dépenses passées en charges étaient ridicules et scandaleusement excessives. M. Jackson et M. White ont reconnu que beaucoup de ces dépenses étaient en fait entièrement personnelles.

 

[48]         Parmi les dépenses qui ont été déclarées, en voici quelques unes des plus marquantes : une partie des laissez-passer hebdomadaires que Mme Clancy achète pour prendre les trains GO et ses tickets de métro pour se rendre au bureau, les réunions quotidiennes que Mme Clancy a eues au Starbucks en tête‑à‑tête avec elle‑même, des vidéos louées à un magasin Blockbuster en prévision de réunions de M. Jackson et de Mme Clancy à leur domicile, des articles d’épicerie achetés en prévision de réunions avec des membres de la famille, des cadeaux pour des membres de la famille, des vêtements, des rendez‑vous chez le coiffeur, des fleurs pour Mme Clancy, des réunions supposément tenues dans des succursales de la LCBO, du vin acheté à la bouteille sans aucune justification, des produits de toilette, des souvenirs d’Irlande, un pull en laine à 400 $ fait en Irlande et un sac à main acheté chez Harrods.

 

[49]         Trois ordinateurs domestiques ont été entièrement attribués aux entreprises. Les voyages en Irlande et en Angleterre ont été entièrement passés en charges. Une partie du coût des voitures de M. Jackson et de Mme Clancy l’a été également, et ce, malgré le fait que l’utilisation de voitures n’a même pas été mentionnée de façon indirecte dans les témoignages.

 

[50]         Toute la preuve des contribuables est viciée par la myriade de dépenses excessives, invraisemblables et déraisonnables qu’ils ont déduites. M. Jackson et Mme Clancy se sont montrés honteusement agressifs dans la façon dont ils ont déduit leurs dépenses, et scandaleusement désinvoltes dans la manière dont ils ont présenté les faits ayant entouré leurs activités. Ils n’ont pas simplement été leurrés par le WNBC. Ils ont déformé et enjolivé leurs histoires, ils les ont rationnalisées en les présentant comme possibles, et ils ont évité de répondre aux questions. Un tel manque de franchise laisse planer un doute sur toutes leurs demandes, comme la Cour l’a expliqué dans les décisions Les voitures Orly Inc., Chrabalowski et Zepotoczny.

 

[51]         Les contribuables ont tenté de rationnaliser les choses et de donner des explications en fonction de ce qui aurait pu se passer. Les mots [traduction] « aurait pu » ont été prononcés maintes et maintes fois par M. Jackson au cours de son témoignage, et par M. White dans son exposé. Par exemple, M. Jackson a expliqué avoir passé la note du fleuriste en charges en disant qu’il aurait pu envoyer des fleurs à sa femme comme cadeau de remerciement pour l’aide qu’elle avait apportée à la bonne marche de l’entreprise. Le caractère vraisemblable n’est pas le critère préliminaire auquel il faut satisfaire afin de voir son appel accueilli devant la Cour de l’impôt.

 

[52]         De plus, pratiquement tous les clients potentiels qui ont été abreuvés de vin, de repas et de cadeaux par M. Jackson et Mme Clancy étaient soit des membres de leur famille proche, soit M. Jackson et Mme Clancy eux‑mêmes. Il est vrai que, dans un sens strictement commercial, n’importe quelle personne qui n’est pas déjà cliente est un client potentiel. Toutefois, en l’absence de vrais clients ou de clients potentiels avec lesquels les contribuables n’ont aucun lien, il faut regarder la réalité en face et faire preuve de bon sens en reconnaissant qu’il ne s’agit vraisemblablement pas là de preuves convaincantes de l’existence d’activités commerciales au sens habituel.

 

[53]         De la même manière, quand on s’efforce de démontrer qu’une jeune entreprise a la capacité de devenir rentable, on ne va pas très loin en faisant valoir que les autres entreprises du même domaine d’activité sont prospères.

 

[54]         Ainsi, je conclus que M. Jackson et Mme Clancy n’ont pas exploité d’entreprise en 2003 et en 2004, et que leurs témoignages n’étaient pas très crédibles.

 

[55]         La méthode ou le plan prôné par le WNBC que M. Jackson et Mme Clancy ont suivi était peut‑être suffisamment crédible pour leur éviter d’être accusés de fraude fiscale, mais il impliquait certainement qu’ils se rendent coupables de fausses déclarations graves et de dénaturation des faits. Je ne suis pas convaincu que ces contribuables aient été de bonne foi lorsqu’ils ont voulu convertir leurs passe‑temps et autres centres d’intérêt déjà existants en entreprises.

 

[56]         Le livre de M. White et le WNBC n’ont pas aidé M. Jackson et Mme Clancy à ne pas payer d’impôts tout en évitant de contrarier le fisc, bien au contraire. Toutefois, M. Jackson et Mme Clancy n’ont pas été de simples victimes des plans du WNBC. Ils étaient des participants volontaires, enthousiastes et en pleine possession de leurs moyens quand il ont tenté, de façon assez peu subtile, de leurrer l’administration fiscale. Ils ont pris leurs propres décisions. Ils me sont apparus comme des Canadiens intelligents et instruits, qui se sont finalement révélés être les artisans de leurs propre malheur.

 

[57]         Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2008.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d’octobre 2008.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI518

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008-134(IT)I et 2008-141(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Kelly Clancy et Sa Majesté la Reine, Brent Jackson et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 août 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 septembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

 

Dan White

Avocats de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

Me Amit Ummat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                     

 

                       Cabinet :                     

 

             Pour l’intimée :                      John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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