Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 28

Date : 20090113

Dossiers : 2006-3505(GST)I

2007-836(IT)G

 

ENTRE :

DOUGLAS L. BROWN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

Pour l'appelant : L'appelant lui‑même

Avocat de l'intimée : Me Justin Kutyan

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario), le 20 août 2008.)

 

Le juge Bowie

 

[1]     L'appelant a interjeté les présents appels à l'égard de cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001, et en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour le non‑versement de montants de taxe sur les produits et services (la « TPS ») pour cette période de quatre ans. Toutes les cotisations comprenaient bien entendu des intérêts, et des pénalités pour faute lourde ont aussi été imposées.

 

[2]     L'entreprise de l'appelant consistait à réserver de l'hébergement pour des personnes travaillant dans l'industrie du tourisme, d'abord dans des centres de villégiature, puis sur des navires de croisière. Selon la preuve, il s'agissait d'un créneau que l'appelant a commencé à exploiter dans les années 1990. D'après les revenus de l'appelant depuis ce temps‑là, ce créneau semble lui avoir été très profitable. Au début, l'appelant organisait lui‑même les voyages de ses clients, puis il a engagé jusqu'à trois personnes qui travaillaient de chez elles et qui communiquaient par téléphone, et il a fait appel à un franchisé à Montréal. Je n'ai pas l'intention de décrire le fonctionnement de l'entreprise dans le détail : cela n'est pas nécessaire.

 

[3]     Les sommes en cause dans les nouvelles cotisations sont très importantes. Dans ses déclarations de revenus pour les quatre années en cause, l'appelant a déclaré des revenus d'entreprise de 3 086 $ pour 1998 et de 4 673 $ pour 1999, puis des pertes nettes de 6 630 $ pour 2000 et de 5 953 $ pour 2001. Dans les cotisations qui sont maintenant en litige, les revenus d'entreprise de l'appelant ont été augmentés pour les quatre années en cause, et la déduction de dépenses considérables a été refusée. Les revenus non déclarés dont font état les cotisations pour ces quatre années étaient d'environ 45 316 $, 34 122 $, 72 300 $ et 101 300 $. Les dépenses dont la déduction a été refusée pour les quatre années en cause s'élevaient à 12 822 $, à 17 100 $, à 20 600 $ et à 10 700 $. Les revenus nets non déclarés pour ces années s'élèvent donc à 58 000 $, à 51 000 $, à 93 000 $ et à 112 000 $, pour un total de 314 000 $. Ces chiffres ont été quelque peu arrondis, mais ils révèlent l'ampleur des erreurs et des omissions.

 

[4]     L'appelant a été poursuivi et a plaidé coupable à deux chefs d'accusation d'évasion fiscale : le premier quant à l'impôt sur le revenu, et le deuxième quant à la TPS. Il a aussi payé des amendes totalisant 100 000 $ quant à ces chefs d'accusation. En l'espèce, l'appelant n'a pas nié avoir omis de déclarer certains revenus de son entreprise. Les cotisations pour 1998 et 1999 ont été établies après la fin de la période de nouvelle cotisation habituelle, mais il est incontestable que les déclarations de l'appelant comportaient des inexactitudes importantes qui avaient été faites sciemment ou par négligence, ce qui justifiait que le ministre établisse des cotisations même si les années d'imposition étaient frappées de prescription. L'appelant lui‑même a démontré la justesse de cette position en ne niant pas avoir omis de déclarer des revenus.

 

[5]     Pour 1998 et 1999, le fardeau de la preuve a donc été transféré à l'appelant, et pour 2000 et 2001, l'appelant avait dès le départ le fardeau de démontrer que les cotisations n'étaient pas correctes. Je crois qu'il est juste de dire que l'appelant n'a présenté aucune preuve pertinente qui lui aurait permis de se décharger de son fardeau quant à l'une ou l'autre des cotisations. En fait, l'appelant s'est limité à faire quelques critiques à l'encontre des cotisations. Par exemple, les onglets 5, 6 et 7 de la pièce R‑1A comprennent une facture de 11 371,18 $ et deux factures provenant d'Interline Discount Travel, la première, de 1 200 $, pour la période allant du 28 mars au 9 avril 1999 et la deuxième, de 1 200 $, pour les 16 et 17 septembre 1999. L'appelant, dans son témoignage et lors de son contre‑interrogatoire de l'agente des appels qui avait examiné les nouvelles cotisations initiales et avait établi les nouvelles cotisations ultérieures, a soutenu que ces dépenses n'avaient pas été déduites lors du calcul des revenus qu'il avait omis de déclarer. Dans les deux cas, il a tout à fait tort.

 

[6]     La première facture, pour 11 371 $, se rapportait à la location d'ordinateurs utilisés par l'entreprise de l'appelant, ou, plus exactement, cette facture portait sur la vente d'ordinateurs qui étaient loués pour servir à l'entreprise de l'appelant. La facture a été établie par celui qui avait vendu les ordinateurs à New Corp. Leasing, de qui l'appelant les louait. Il semble que l'appelant ait reçu une copie de cette facture quand, comme l'indique la facture, les ordinateurs ont été livrés directement à l'appelant, qui les louait de l'acheteur. Il est clair que l'appelant n'a pas déboursé le prix d'achat des ordinateurs, ce qu'a fait New Corp. Leasing; il a plutôt payé le prix de location de ces ordinateurs durant les quatre années en cause, et il a eu droit à des déductions pour ces frais de location dans les nouvelles cotisations.

 

[7]     Il semble, selon la preuve, que les deux factures provenant d'Interline Discount Travel provenaient en fait d'une des personnes que l'appelant avait engagées pour l'aider à exploiter son entreprise et qui recevaient et traitaient les demandes de réservations. Cette personne, comme les autres personnes engagées par l'appelant, recevait ce que l'appelant qualifiait de salaire, mais les sommes lui étaient versées comme s'il s'agissait d'honoraires payés à un entrepreneur indépendant. Sans entrer dans les nuances entre le statut d'employé et celui d'entrepreneur indépendant, il est très clair que l'appelant versait des sommes brutes à ces personnes, sans faire de retenues pour l'impôt sur le revenu, pour les cotisations de l'assurance‑emploi ou pour les cotisations au Régime de pensions du Canada, et qu'il ne percevait ni ne versait la TPS. Il est clair que lorsque le ministre a calculé les revenus de l'appelant pour établir les cotisations et les nouvelles cotisations, l'appelant a eu droit à des déductions pour les deux factures en question et pour les autres factures provenant de ces personnes, peu importe que ces personnes soient qualifiées d'employés, d'assistants ou d'autre chose encore. Je suis entièrement convaincu que les critiques de l'appelant par rapport aux trois factures ne sont pas fondées.

 

[8]     L'appelant a aussi critiqué la façon dont le ministre avait traité les dépenses que l'appelant avait voulu déduire pour ce qu'il avait qualifié de croisières d'information, qu'il avait faites en compagnie de son épouse. Selon ce que j'ai compris, les croisières d'information sont des croisières que des personnes comme l'appelant – qui vendent des forfaits de croisières – font afin de pouvoir ensuite les décrire de façon suffisamment élogieuse à ceux à qui ils veulent vendre des forfaits de croisières. Je crois que l'appelant a profité de prix spéciaux lorsqu'il a participé aux croisières d'information, mais il lui en coûtait quand même quelque chose. L'appelant a voulu déduire ces sommes dans le calcul de ses revenus, et le ministre ne s'est jamais opposé à ce qu'il déduise les frais liés à sa propre participation à ces croisières. Le point litigieux était plutôt la déduction des frais liés à la participation de l'épouse de l'appelant à ces croisières; celle‑ci, ne participant aucunement à l'entreprise de son époux, était seulement là pour l'accompagner.

 

[9]     L'appelant a fourni l'explication suivante quant à savoir pourquoi il aurait dû pouvoir déduire l'ensemble des frais liés aux croisières d'information : pour une même croisière, le coût de la croisière pour deux personnes occupant une même chambre est inférieur au double du coût de la croisière pour une seule personne occupant une chambre à elle seule. Je peux probablement prendre connaissance d'office du fait que le coût de la croisière pour une seule personne dépasse la moitié du coût de la croisière pour deux personnes occupant une même chambre. Ce dont je ne peux pas prendre connaissance d'office, c'est la différence entre ces deux coûts. Aucune preuve à ce sujet n'a été présentée, et je ne sais pas combien l'appelant aurait dû débourser pour faire seul les croisières qu'il a faites en compagnie de son épouse.

 

[10]    Quoique la preuve semble avoir montré que l'appelant a seulement pu déduire 60 % des frais déboursés pour les croisières d'information, si j'ai bien compris Mme Shah, les billets de croisière avaient été réservés et payés au moyen d'une carte American Express. Ces déductions ont été permises même si aucun reçu n'a été présenté et auraient pu comprendre tous les frais liés aux croisières : la preuve ne permet pas d'en être certain. Cela dit, je ne crois pas que l'appelant aurait dû avoir droit à des déductions plus importantes que celles qui ont été permises à l'égard des frais de croisière. Selon la jurisprudence, qui a abondamment traité du sujet, la réponse est claire : lorsque des conjoints font une croisière qui est une activité d'affaires pour un seul d'entre eux, la différence entre le coût de la croisière pour les deux et le coût de la croisière pour une seule personne est un avantage imposable. Par analogie, le droit à une déduction qu'a un contribuable qui exploite une entreprise individuelle doit sûrement être limité de la même façon.

 

[11]    L'appelant s'est aussi opposé à la façon dont le ministre avait traité sa demande de déduction pour des frais d'automobile, mais je crois que l'appelant a tout à fait tort à ce sujet. À mon avis, l'appelant n'a pas du tout réussi à expliquer pourquoi il avait déclaré que le pourcentage d'utilisation de l'automobile aux fins de l'entreprise s'élevait à 90 % alors qu'il n'avait pas tenu de carnet de route. Dans ses déclarations pour les années en cause, il y avait une section pour les frais d'automobile où des lignes étaient prévues pour indiquer la distance totale parcourue durant l'année et la distance parcourue aux fins de l'entreprise; c'est à partir de ces deux chiffres qu'est calculé le pourcentage d'utilisation aux fins de l'entreprise. Dans ses déclarations, l'appelant a indiqué qu'il avait parcouru 100 kilomètres chaque année; il a indiqué que l'utilisation aux fins de l'entreprise avait été de 100 kilomètres pour une des années en cause, et qu'elle avait été de 90 kilomètres pour chacune des trois autres années. Je crois qu'il est tout à fait évident que ni l'utilisation de l'automobile aux fins de l'entreprise ni l'utilisation totale de l'automobile n'ont été indiquées correctement dans les déclarations de revenus. Je crois que cela est attribuable au fait que la personne ayant préparé les formulaires de déclaration de l'appelant a probablement voulu indiquer que les pourcentages d'utilisation aux fins de l'entreprise étaient de 100 % et de 90 %. Cette erreur me laisse toutefois ignorant de l'utilisation réelle de l'automobile durant les années en cause. On m'a demandé de croire sur parole que l'utilisation de l'automobile aux fins de l'entreprise était de 90 %, ce qui me semble très peu probable, même si l'appelant a témoigné que son épouse possédait sa propre automobile. En l'absence de preuve convaincante de la part de l'appelant, je ne suis pas convaincu qu'il aurait dû avoir droit à une déduction pour frais d'automobile plus importante que celle qui lui a été accordée.

 

[12]    Madame Shah a longuement témoigné quant à la manière dont, pendant le processus d'opposition, elle a examiné les nouvelles cotisations qui avaient été établies à l'égard de l'appelant au départ. Il est très clair que Mme Shah a reçu des renseignements d'un certain M. Posner, un comptable qui représentait l'appelant dans le processus d'opposition, et son témoignage montre qu'elle s'est beaucoup fiée à ce que M. Posner lui a communiqué quant aux dépenses.

 

[13]    L'appelant a présenté quatre tableaux décrivant ses dépenses pour les années en cause. Il a dit avoir préparé ces tableaux au moyen des reçus originaux qu'il avait entre les mains à ce moment‑là, et qu'il a affirmé avoir plus tard perdus lors d'un déménagement. Compte tenu du fait que l'appelant a manifestement omis de déclarer des revenus et exagéré ses dépenses, compte tenu de son plaidoyer de culpabilité à des chefs d'accusation d'évasion fiscale quant à des sommes importantes, et compte tenu de l'absence de preuves pour étayer le contenu des tableaux de dépenses – les pièces A‑1, A‑2, A‑3 et A‑4 – je prêterai foi aux éléments de preuve présentés par Mme Shah plutôt qu'à ceux présentés par l'appelant quant aux dépenses de l'entreprise qui ont été établies. En fait, j'ai l'impression que Mme Shah a donné le bénéfice du doute à l'appelant pour plusieurs questions relatives au calcul de ses dépenses d'entreprise.

 

[14]    Pour ce qui est des cotisations de TPS, l'attitude adoptée par l'appelant à l'égard de la TPS au cours des premières années d'existence de celle‑ci, après que cette taxe a été ajoutée au paysage fiscal canadien au début des années 1990, a été de ne pas en tenir compte. Le 11 novembre 2002, après s'être entretenu avec une personne de Calgary, que l'appelant a, je crois, décrite comme un fonctionnaire fédéral, l'appelant a décidé de produire des déclarations de TPS pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001. L'appelant a produit ces déclarations en se fondant sur les ventes brutes de l'entreprise, ventes qu'il avait auparavant sous‑estimées, sous‑estimant ainsi l'assiette de la TPS. Je crois que l'appelant n'était pas au courant des différences entre le traitement des ventes au Canada et des ventes à l'étranger aux fins de la TPS. Il a ainsi surestimé l'assiette fiscale en y incluant toutes les ventes par ailleurs sous‑estimées. L'appelant a indéniablement exagéré son droit à des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI »). Je crois qu'il serait juste de dire que l'appelant a sous‑estimé son droit à certains CTI et qu'il a exagéré son droit à un grand nombre d'autres CTI. Les erreurs les plus importantes quant aux CTI ont été faites quant aux sommes payées à titre de salaires (c'est ainsi que l'appelant les a qualifiées) ou d'honoraires aux personnes qui travaillaient pour l'entreprise. Comme aucune TPS n'avait été perçue ou versée quant à ces sommes, elles ne pouvaient pas donner droit à des CTI.

 

[15]    Madame Madsen, l'agente des appels qui a examiné les cotisations de TPS, a livré un témoignage long et détaillé quant à la façon dont ces cotisations avaient été établies, et quant à la manière dont elle les avait examinées. Son témoignage a clairement révélé qu'elle avait donné le bénéfice du doute à l'appelant à plusieurs égards. Par exemple, dans les cotisations de TPS, les forfaits vendus à des non‑résidents n'étaient évidemment pas assujettis à la TPS, et le répartiteur avait fait une distinction entre les ventes effectuées au Canada et à l'étranger. Monsieur Posner, le comptable qui représentait l'appelant, semble avoir préparé une liste des clients canadiens et étrangers de l'appelant. Madame Madsen semble avoir accepté cette liste sans réserve, et s'en être servie pour calculer que les ventes faites au Canada représentaient environ 66 % des ventes totales de l'entreprise. Le répartiteur avait utilisé un pourcentage moins élevé, à savoir 53,4 %, pour représenter les ventes faites au Canada. Compte tenu de la preuve, je suis d'avis que ce dernier pourcentage est un peu faible, et qu'il donne donc le bénéfice du doute à l'appelant.

 

[16]    Pour ce qui est des CTI, il est clair qu'en ce qui concerne l'établissement des cotisations de TPS, le répartiteur et Mme Madsen se sont assurés de ne pas accorder de CTI pour les paiements d'assurance et les autres fournitures qui n'étaient pas assujetties à la TPS, mais ils se sont assurés d'accorder des CTI pour les fournitures sur lesquelles la TPS aurait dû être payée. Ils ont agi de la sorte même si aucune preuve n'avait été présentée au ministre, c'est du moins ce que j'ai compris, pour démontrer que ces CTI avaient réellement été versés. Encore une fois, il semble que l'on ait donné le bénéfice du doute à l'appelant quand est venu le temps de calculer les CTI auxquels il avait droit.

 

[17]    L'autre élément contesté par l'appelant est l'imposition des pénalités en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Il s'est vu imposer des pénalités pour production tardive en vertu de l'article 280 de la loi, et aussi des pénalités pour faute lourde. Les cotisations d'impôt sur le revenu incluaient également des pénalités pour faute lourde. La jurisprudence a abondamment traité des pénalités pour faute lourde, notamment quant à savoir ce qui constitue une faute lourde. La Cour d'appel a qualifié la faute lourde de faute substantielle, ou a tenu des propos en ce sens. Les critères dont il faut tenir compte dans l'imposition de pénalités pour faute lourde incluent notamment les antécédents, l'intelligence et le sens général des affaires du contribuable, l'importance des sommes en cause, la mesure dans laquelle les sommes non déclarées sont attribuables à une erreur ou à quelque chose de plus grave, et l'attention que le contribuable accordait à la divulgation. En l'espèce, je ne pense pas qu'on puisse dire que l'imposition des pénalités pour faute lourde ait découlé d'une décision difficile à prendre. L'appelant détient un diplôme d'études secondaires. Il n'a aucune formation en comptabilité, et il n'a pas fait d'études postsecondaires, mais il est un homme intelligent et il a suffisamment le sens des affaires pour avoir fondé et exploité une entreprise qui semble avoir beaucoup de succès, et dont il a tiré des revenus très importants.

 

[18]    L'ampleur des revenus non déclarés et des dépenses exagérées par l'appelant est pour le moins importante. Je crois qu'il serait difficile de prétendre que le fait de déclarer des pertes d'entreprise de 6 000 $ alors que l'entreprise avait en fait réalisé des bénéfices de 112 000 $ constitue une simple erreur. C'est ce genre d'écart que l'on a pu voir pour les années 2000 et 2001. Pour 1998 et 1999, les revenus véritables, calculés dans les cotisations, étaient d'environ 50 000 $ et 60 000 $, et les revenus déclarés par l'appelant étaient d'environ 4 000 $ à 5 000 $ : déjà, le rapport pour ces années était d'environ 1 $ déclaré pour chaque tranche de bénéfices de 10 $. En l'occurrence, on ne peut pas prétendre que ces écarts découlaient d'une simple erreur ou d'une mauvaise tenue des livres.

 

[19]    À la lumière de toute la preuve, je suis convaincu que pour les quatre années en cause (bien entendu, aucune preuve n'a été présentée quant à d'autres années), l'appelant a délibérément sous‑estimé les bénéfices de l'entreprise, et ce, de façon plus importante d'année en année. L'application de l'impôt sur le revenu et de la TPS repose en grande partie sur l'autodéclaration. Si les pénalités prévues dans le régime fiscal sont si sévères à l'encontre des personnes qui omettent de déclarer des revenus délibérément, ou même dans des circonstances équivalant à faute lourde, c'est qu'un système fondé sur l'autodéclaration doit comprendre de la discipline. Les cas où une vérification met au jour une situation d'évasion fiscale aussi importante que celle de l'appelant sont donc très sérieux.

 

[20]    Par ailleurs, pour ce qui est des pénalités pour faute lourde imposées à l'appelant en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelant a lui‑même clairement affirmé au début de son témoignage qu'il n'avait jamais porté attention aux revenus et aux dépenses indiqués dans les déclarations pour les quatre années en cause lorsqu'il les signait. L'appelant a dit qu'il conservait ses dossiers, préparait des tableaux de ventilation à partir de ses dossiers et qu'il donnait les tableaux à une spécialiste en déclarations de revenus, qui se servait des documents qu'elle recevait de l'appelant pour préparer les déclarations de revenus de ce dernier. La spécialiste n'a pas témoigné, mais, si l'on se fie à la version des faits de l'appelant, il reste que l'appelant était quand même tenu d'examiner ses déclarations de revenus avant de les signer et de les produire auprès du ministre. La déclaration que le contribuable fait lorsqu'il signe sa déclaration de revenus est ainsi rédigée :

 

J'atteste que les renseignements donnés dans cette déclaration et dans tous les documents annexés sont exacts, complets et révèlent la totalité de mes revenus [...]

 

Le fait de signer une déclaration de revenus et de faire, par le fait même, la déclaration précitée sans même vérifier le contenu de la déclaration – ce qu'a fait l'appelant, si j'ai bien compris son témoignage – constitue, à lui seul, une faute lourde qui justifie l'imposition des pénalités.

 

[21]    Pour ce qui est des déclarations de TPS, je suis d'avis que l'appelant y a faussement déclaré les ventes de son entreprise de façon délibérée. Je suis convaincu que l'appelant savait que les revenus bruts qu'il avait déclarés étaient inférieurs aux véritables revenus bruts de l'entreprise. Il se peut que les demandes de CTI de l'appelant quant aux sommes considérables qu'il avait versées aux personnes qui travaillaient pour l'entreprise soient davantage attribuables à son ignorance plutôt qu'à une volonté d'évasion fiscale, mais je crois, selon la prépondérance des probabilités, que la deuxième hypothèse soit la bonne, car l'appelant devait savoir qu'il n'avait ni perçu ni versé la TPS sur les sommes payées à ces personnes. Je peux donc difficilement croire que l'appelant pensait avoir droit à des CTI pour ces sommes‑là. Même si j'admets l'affirmation de l'appelant voulant qu'il ne comprenait pas le fonctionnement de la loi, ce qui est probablement le cas, il est évident que l'appelant aurait dû demander conseil à quelqu'un qui comprenait la loi et qu'il aurait aussi dû produire des déclarations de TPS régulièrement et y inscrire correctement les ventes de l'entreprise et les montants de TPS payés.

 

[22]    Pour ces motifs, les appels interjetés pour 1998, 1999, 2000 et 2001 sont rejetés. Les appels interjetés quant à la TPS en vertu de la Loi sur la taxe d'accise sont aussi rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de janvier 2009.

 

 

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mai 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 28

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2006-3505(GST)I et 2007-836(IT)I

 

INTITULÉ :

Douglas L. Brown et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 août 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge E. A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 août 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Justin Kutyan

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

s/o

 

Cabinet :

s/o

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.