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Dossier : 2008-562(EI)

ENTRE :

JIN HUA HUANG,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JUN HUA ZHU,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 novembre 2008, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Shannon Walsh

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national le 5 décembre 2007 est modifiée pour faire état de la conclusion suivante :

 

-        Jin Hua Huang exerçait un emploi assurable pour Jun Hua Zhu du 1er avril 2007 au 31 août 2007.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 26e jour de janvier 2009.

 

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


 

 

 

 

Référence : 2009CCI35

Date : 20090126

Dossier : 2008-562(EI)

ENTRE :

JIN HUA HUANG,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JUN HUA ZHU,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelante a interjeté appel de la décision du 5 décembre 2007 par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’emploi exercé par l’appelante, Jin Hua Huang (« Mme Huang »), pour son époux, Jun Hua Zhu (« M. Zhu »), du 1er avril 2007 au 31 août 2007, n’était pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). Après avoir examiné l’ensemble des modalités de l’emploi, le ministre n’était pas convaincu que le contrat de travail conclu entre Mme Huang et M. Zhu aurait été à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu entre eux de lien de dépendance.

 

[2]     Une interprète judiciaire agréée, Jade Zhen, était présente à l’audience. Elle a aidé M. Zhu en interprétant du mandarin à l’anglais et de l’anglais au mandarin.

 

[3]     Dans son témoignage, Mme Huang a déclaré qu’elle était également connue sous le nom de Louise Huang et qu’elle travaillait comme ingénieure de projet pour la Municipality of Delta, en Colombie‑Britannique. Elle a obtenu une maîtrise dans ce domaine à l’Université de la Colombie‑Britannique et elle vit au Canada depuis huit ans. Mme Huang a renvoyé à un document – produit sous la cote A‑1 – dans lequel elle fait part de ses observations concernant certaines des hypothèses de fait énoncées au paragraphe 6 de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »). Mme Huang a reconnu que les hypothèses énoncées ci‑dessous étaient exactes :

 

[TRADUCTION]

 

A.        EXPOSÉ DES FAITS

 

1.                  Quant aux faits allégués dans l’avis d’appel, il admet ce qui suit :

 

a)                  l’appelante a fourni des services à Jun Hua Zhu (« Jun Zhu ») dans le cadre de l’entreprise de ce dernier;

 

b)                  l’appelante exerçait un emploi portant le titre d’aide de bureau et deux de ses fonctions consistaient à fournir des services de commercialisation ainsi que des services de réceptionniste;

          […]

 

6.                  Lorsqu’il a décidé que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable pour Jun Zhu pendant la période en cause, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         les faits admis au premier paragraphe, ci‑dessus;

 

                        Jun Hua Zhu (« Jun Zhu »), l’employeur

 

b)         l’entreprise de Jun Zhu (l’« entreprise ») visait les activités suivantes : services médicaux, acupuncture, herbes chinoises, réflexologie du pied, massage chinois et enseignement;

 

c)         Jun Zhu a reçu une formation en acupuncture en Chine et il a      émigré au Canada en 1999;

 

d)         Jun Zhu a exploité l’entreprise à titre d’entreprise individuelle;

 

e)         l’entreprise est exploitée depuis 2003;

 

f)          Jun Zhu a exploité l’entreprise sous la dénomination de Wen Integral Traditional Chinese Medical Clinic;

 

g)         l’entreprise est également connue sous la dénomination de Wen Acupuncture & TCM Clinic;

 

h)         Jun Zhu est le mari de l’appelante;

 

i)          Jun Zhu exploitait l’entreprise pendant toute l’année;

 

j)          pendant la période en cause, Jun Zhu a exploité l’entreprise dans des locaux situés au 30 – 1480, rue Foster, à White Rock (C.‑B.);

 

[…]

 

l)          les locaux de l’entreprise se trouvent à un kilomètre de la résidence principale;

 

m)        Jun Zhu veillait aux opérations quotidiennes de l’entreprise;

 

n)         Jun Zhu prenait les principales décisions opérationnelles visant l’entreprise;

 

o)         l’entreprise a réalisé les ventes mensuelles brutes suivantes d’avril 2007 à octobre 2007 :

 

Mois

Ventes mensuelles brutes

 

Avril 2007

 

  288,32 $

Mai 2007

 

1 137,93 $

Juin 2007

 

   487,44 $

Juillet 2007

 

   354,06 $

Août 2007

 

1 787,16 $

Ventes brutes totales pendant la période

 

 

 

4 054,91 $

Septembre 2007

 

3 766,18 $

Octobre 2007

 

3 814,04 $

 

                                    Jin Hua Huang, l’appelante

 

p)         l’appelante est également connue sous le nom de Louise Huang;

 

[…]

 

[4]     Dans son témoignage, Mme Huang a affirmé qu’elle n’avait pas travaillé pour M. Zhu avant décembre 2006 et qu’elle n’avait joué aucun rôle dans la recherche de locaux pour l’entreprise ni dans l’obtention du bail visant les locaux situés dans la municipalité de White Rock, contrairement aux hypothèses formulées par le ministre à l’alinéa 6l) de la réponse. Elle a précisé qu’elle avait visité ces locaux à une seule occasion avant de commencer à y travailler le 1er avril 2007, date de l’ouverture de la clinique d’acupuncture. Elle a nié les hypothèses du ministre énoncées à l’alinéa 6r) selon lesquelles elle avait coordonné les améliorations locatives effectuées dans les nouveaux locaux et avait assumé cette tâche parce qu’elle parlait l’anglais avec plus d’aisance que M. Zhu. Mme Huang a mentionné que l’entrepreneur engagé pour exécuter les travaux de rénovation et d’amélioration requis s’exprimait en mandarin et que M. Zhu avait probablement communiqué avec lui dans cette langue de sorte qu’il aurait été inutile pour elle de jouer un quelconque rôle à cet égard. De plus, elle n’avait pas une bonne connaissance du domaine de la construction. Elle a précisé qu’elle avait été embauchée par M. Zhu pour agir à titre de directrice commerciale afin de promouvoir la nouvelle entreprise au sein de la collectivité et de remplir les fonctions d’aide de bureau. M. Zhu n’avait aucun autre employé. Mme Huang travaillait au bureau de 9 h 30 à 17 h 30, du lundi au vendredi, et son salaire s’élevait à 2 300 $ par mois. Dans le cadre de ses fonctions, elle a notamment conçu divers produits de commercialisation, y compris un logo, une carte professionnelle (pièce A‑2) sur laquelle elle est identifiée comme Louise Huang, directrice commerciale, et une annonce pour les Pages jaunes. Elle fournissait en outre des renseignements aux chambres de commerce de Delta et de White Rock. Ces municipalités comptaient neuf ou dix autres entreprises offrant des services analogues à ceux fournis à la Zhu’s Wen Acupuncture & TCM Clinic (la « clinique »). Mme Huang a affirmé qu’elle communiquait personnellement avec les gens pour les informer des produits et des services offerts à la clinique. Elle a conçu un site Web et a élaboré des brochures et des annonces en vue de leur publication. Elle assistait à des manifestations collectives parrainées par la Business Improvement Association, où elle distribuait du matériel publicitaire relatif à la clinique. Elle faisait aussi du démarchage pour promouvoir l’entreprise. Mme Huang a reconnu que les ventes à la clinique au cours des quatre premiers mois de son emploi ne totalisaient que 4 054,91 $ tandis que sa rétribution pour la même période se chiffrait à 9 200 $. À son avis, cette situation était prévisible. En effet, il s’agissait d’une nouvelle entreprise et les besoins en matière de soins pendant les mois d’été sont moins grands puisqu’il fait chaud et que les gens sont actifs. Mme Huang a déclaré que M. Zhu avait enregistré son entreprise à un certain moment en 2003, mais qu’il avait travaillé à temps partiel comme professeur dans un collège et qu’il avait en outre rendu des services d’acupuncture à certaines cliniques depuis son accréditation comme acupuncteur en Colombie‑Britannique en 2001. Elle a répété qu’elle n’avait fourni aucun service à M. Zhu entre le 1er décembre 2006 et le 1er avril 2007, de sorte que rien ne justifiait qu’elle reçoive un paiement de sa part pour cette période. Elle a ajouté que, dans le cadre de son travail aux bureaux de White Rock, elle répondait au téléphone, fixait les rendez‑vous et accueillait les patients, mais que c’est M. Zhu qui percevait les honoraires pour les traitements et les paiements pour les produits. Quant aux chèques de paye qu’elle a reçus, Mme Huang a renvoyé au tableau présenté à l’alinéa 6kk). Elle a mentionné que la date du 4 mai 2007 figurant sur le chèque qu’elle a négocié le 6 juin 2007 était erronée et que c’est plutôt la date du 4 juin que M. Zhu aurait dû y inscrire. Elle a signalé qu’elle avait reçu un chèque de paye le 3 mai 2007, qu’elle a négocié le jour même, et qu’il aurait été illogique pour M. Zhu d’émettre un autre chèque de paye daté du lendemain puisqu’elle avait seulement commencé à travailler le 1er avril. Elle a admis que M. Zhu ne lui avait payé son salaire pour le mois de juillet que le 13 août, et elle a laissé entendre qu’il devait s’agir d’un oubli. La clinique détenait un compte bancaire, mais elle‑même n’avait aucun pouvoir de signature ni aucun investissement dans cette entreprise. Mme Huang a travaillé jusqu’au 31 août et elle a donné naissance à son enfant le 24 septembre. Selon son témoignage, le seul travail qu’elle a accompli pour M. Zhu après le 31 août a consisté à télécharger le site Web vers le serveur, ce qui a probablement nécessité une vingtaine de minutes environ. Pendant son emploi à la clinique, elle a terminé tout le travail de conception nécessaire à la construction du site Web, processus qu’elle avait entamé en juillet. Cependant, comme des photographies numériques de produits offerts à la clinique devaient être prises et insérées dans le site accompagnées de descriptions des avantages pour les patients, et comme elle avait d’autres tâches à accomplir, elle ne réussissait à travailler à la conception du site que de façon occasionnelle. Le processus d’édition exigeait beaucoup de temps et diverses révisions ont été entreprises avant de pouvoir diffuser le site au moyen de son téléchargement vers le serveur. Mme Huang avait conçu un site Web et exercé des activités promotionnelles dans le cadre de son emploi antérieur. Elle s’était familiarisée avec l’élaboration de brochures et de matériel semblable, et elle s’était servie de logiciels à ces fins. Après avoir quitté cet emploi, elle a cherché du travail comme aide de bureau tout en s’efforçant de trouver un poste dans son domaine à titre d’ingénieure. Lorsqu’elle a décidé de travailler pour M. Zhu, elle a accepté un salaire mensuel de 2 300 $, lequel se fondait sur un taux horaire d’environ 15 $. Selon elle, ce salaire était juste puisqu’elle n’avait besoin d’aucune formation en cours d’emploi compte tenu de son expérience en matière de commercialisation, y compris sa présence à des salons professionnels. Mme Huang avait élaboré un document intitulé [TRADUCTION] « Listes des tâches » (pièce A‑3) qu’elle avait l’intention de présenter au ministre, mais elle a jugé que c’était inutile une fois que ce dernier a reconnu qu’elle avait effectué du travail à la clinique. Mme Huang a affirmé qu’elle savait, le 1er avril 2007, que le travail à accomplir serait terminé dans moins de six mois, et qu’elle tenterait ensuite d’obtenir un emploi comme ingénieure. Elle a en effet occupé un poste à ce titre à la City of Chilliwack, puis à la Municipality of Delta. Lorsqu’elle a laissé son emploi pour M. Zhu, elle n’a pas été remplacée à la clinique. Elle estimait que cette situation était normale puisque les travaux de démarrage de l’entreprise étaient terminés et que les services d’une personne agissant comme réceptionniste/aide de bureau ne seraient pas nécessaires avant que le volume d’activités n’augmente. Selon Mme Huang, le travail qu’elle avait accompli pour M. Zhu était pour l’essentiel le même que celui qu’elle aurait exécuté pour un employeur avec lequel elle n’aurait pas eu de lien de dépendance.

 

[5]     Madame Huang a été contre‑interrogée par l’avocate de l’intimé. Elle a confirmé que la clinique était exploitée par son mari, M. Zhu, à titre d’entreprise individuelle. Elle se souvenait de son entretien téléphonique avec l’agente des décisions, Lisa Amundsen (« Mme Amundsen »), en septembre 2007, au cours duquel elle avait informé cette dernière que M. Zhu avait travaillé à temps partiel pour des cliniques d’acupuncture avant le 1er avril de cette même année. Mme Huang a reconnu une liasse de documents qu’elle a transmis par télécopieur à Heidi Thomson (« Mme Thomson »), agente des appels, le 23 novembre 2007, et qui comprenaient des exemples de matériel publicitaire et promotionnel ainsi que des extraits d’un bulletin d’information qu’elle avait élaborés pour la clinique. Mme Huang a mentionné qu’elle gagnait 40 000 $ par année dans le cadre de son emploi antérieur, lequel elle avait quitté à la fin de 2005 pour démarrer sa propre entreprise de traitement des eaux et des déchets, dont les activités consistaient à importer du matériel spécialisé des États‑Unis et à le vendre au Canada. Cette entreprise était analogue à celle exploitée par son ancien employeur, pour lequel elle avait travaillé pendant quatre ans. Mme Huang a affirmé que, lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte, elle a commencé à chercher un emploi près de leur maison familiale, mais elle a décidé de travailler pour son mari lorsque ce dernier a ouvert la clinique. Elle a transmis des doubles de ses chèques de paye (pièce R‑2) à Mme Thomson. Elle a répété son assertion selon laquelle le chèque daté du 4 mai 2007 aurait dû être daté du 4 juin, mais qu’elle ne s’était aperçue de l’erreur qu’au moment de déposer le chèque le 6 juin. Mme Huang a convenu qu’elle devait accomplir son travail à la clinique en personne et qu’elle n’était pas tenue de consigner ses heures. La connexion à Internet se trouvait dans leur résidence et elle y effectuait certains travaux pour la clinique. Mme Huang a ajouté qu’elle n’avait pas contribué au processus de recherche de locaux commerciaux pour la clinique et que c’est son mari qui avait écrit et reçu les courriels relatifs au bail. Elle a nié avoir informé l’agente des décisions qu’elle avait fourni des services à son mari en décembre dans le cadre d’une quelconque activité de l’entreprise. À son avis, M. Zhu écrit l’anglais mieux qu’elle de sorte qu’il était inutile pour elle d’intervenir dans ses relations avec le locateur au sujet des locaux visés. Au cours de sa conversation avec l’agente des décisions, elle a déclaré qu’elle avait accompagné M. Zhu à une occasion pour inspecter les locaux et que toute autre inférence tirée relativement à une participation de sa part devait découler d’un malentendu. Mme Huang a confirmé son assertion précédente voulant qu’elle n’ait reçu aucun paiement de M. Zhu ni avant le début de son emploi le 1er avril 2007, ni après le 31 août 2007. Elle avait tenté de trouver du travail comme ingénieure et elle voulait accumuler suffisamment d’heures, soit 600, pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi au titre d’un congé de maternité. En 2007, elle et M. Zhu avaient un fils âgé de neuf ans et, entre la fin des classes et leur retour à la maison, des amis prenaient soin de ce dernier. Mme Huang a reconnu que M. Zhu ne lui versait pas son salaire à un jour fixe de la semaine. Son salaire mensuel ne différait pas de plus de 500 $ – après les retenues salariales – de la somme qu’elle gagnait dans le cadre de son emploi antérieur, et elle était certaine qu’elle aurait pu effectuer du travail de bureau pour un autre employeur en contrepartie d’un salaire d’environ 2 000 $ par mois. Elle estimait que le travail qu’elle avait effectué au stade initial de l’entreprise était important pour la réussite de la clinique.

 

[6]     L’intervenant, M. Zhu, n’a pas procédé à un contre‑interrogatoire.

 

[7]     L’appelante a terminé la présentation de sa preuve.

 

[8]     Monsieur Zhu a témoigné en anglais. Les services de l’interprète n’avaient été retenus que pour le matin, mais M. Zhu a informé la Cour qu’il préférait poursuivre l’audience plutôt que de fixer une nouvelle date d’audience, ce qui lui aurait permis de bénéficier de la présence de l’interprète. M. Zhu a été informé qu’en cas de besoin, son épouse, Mme Huang, pourrait lui servir d’interprète de l’anglais au mandarin et du mandarin à l’anglais. M. Zhu a affirmé qu’il avait quitté la Chine pour venir au Canada en 1999. Il était un spécialiste qualifié en médicine interne en Chine, mais il n’avait pas de permis d’exercice de cette profession en Colombie‑Britannique. Il a étudié l’acupuncture et a été accrédité en 2001 par le College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia (le « College »), lequel a remplacé le College of Acupuncturists, constitué en 1996. Après avoir été accrédité à titre d’acupuncteur, M. Zhu a travaillé à temps partiel dans plusieurs cliniques d’acupuncture. En 2005, il a été victime d’un grave problème médical auquel il a presque succombé, et sa convalescence a duré près d’un an. Une fois rétabli, il a décidé de trouver des locaux pour ouvrir une clinique à White Rock et il a commencé des recherches dans diverses publications d’information jusqu’à ce qu’il découvre un endroit qui lui paraissait convenable. Il a entamé des négociations avec la Dre Finch, une dentiste, en vue d’obtenir un espace supplémentaire adjacent que cette dernière louait déjà du locateur. À son avis, il était très important de présenter une image de marque pour la nouvelle entreprise et il avait besoin d’une personne pouvant concevoir un site Web, élaborer du matériel promotionnel, se charger de la publicité et agir comme aide de bureau. À cette époque, Mme Huang cherchait un emploi et M. Zhu lui a proposé de travailler pour lui pour un salaire de 2 300 $ par mois, offre qu’elle a acceptée. M. Zhu a mentionné qu’il ne savait pas quelle serait la durée exacte de cet emploi. Il est par la suite apparu qu’il pouvait lui‑même accomplir l’ensemble du travail de bureau sans l’aide d’une autre personne. En ce qui concerne le bail, M. Zhu a affirmé qu’il s’était chargé de toutes les négociations en personne et il a renvoyé à une liasse de documents (pièce A‑4) consistant en des courriels échangés entre lui et la Dre Finch, laquelle acceptait de lui sous‑louer une partie de ses locaux pour les besoins de la clinique, ainsi qu’en des communications avec Vicky, représentante d’Ocean Park Enterprises Ltd. (« Ocean Park »), l’entité chargée de la gestion de White Rock Square, où se trouvaient les bureaux de la Dre Finch. Dans le cadre de ses échanges avec la Dre Finch et avec Vicky, M. Zhu utilisait le prénom « Davy » plutôt que Jun. M. Zhu a commencé à correspondre par courriel avec la Dre Finch le 4 janvier 2007 et il a précisé que Mme Huang n’avait pas participé au processus de sous‑location à bail. Il lisait et écrivait l’anglais mieux qu’il ne le parlait, en particulier dès 2007. Il a mentionné qu’avant le 1er avril 2007, il n’exerçait pas l’acupuncture à leur résidence familiale, mais qu’il avait utilisé leur adresse domiciliaire pour son inscription au College en 2004 lorsqu’il a payé ses droits d’adhésion et ses frais d’assurance annuels. Il a obtenu un diplôme de l’école de médecine en Chine en 1984 – à l’âge de 20 ans – et il a poursuivi ses études pour se spécialiser en médicine interne. Il s’efforce toujours de s’inscrire au tableau de la corporation professionnelle des médecins de la Colombie‑Britannique. Dans l’intervalle, il entend gagner sa vie en exerçant l’acupuncture et en offrant d’autres services et produits de santé connexes dans les locaux de 300 pieds carrés situés à White Rock. Selon son expérience, le nombre de patients d’une clinique est tributaire de multiples facteurs, comme le genre de bureaux utilisés et l’étendue de la publicité et de la promotion effectuées, mais aussi d’autres éléments, comme les conditions météorologiques. Après vérification, il a constaté que les honoraires exigés par les entreprises de commercialisation excédaient son budget, mais il savait qu’il allait avoir besoin des services d’un aide de bureau au cours des étapes de démarrage de sa nouvelle clinique. Il a ouvert au nom de celle‑ci un compte bancaire dont il était le seul signataire. Mme Huang a effectué quelques travaux concernant la conception du site Web à l’aide de l’ordinateur de la maison, mais elle y a essentiellement travaillé au bureau puisqu’il était inutile d’avoir une connexion à Internet tant que le site n’était pas prêt à être affiché sur le serveur. Le service Internet à leur domicile était établi au nom de la clinique. M. Zhu a affirmé qu’il avait employé Mme Huang en raison de ses compétences en matière de publicité et de promotion, de sa connaissance des méthodes administratives et de sa capacité à commercialiser les produits de santé offerts en vente aux patients. Quant à la question des travaux de construction effectués aux locaux de la clinique, M. Zhu a renvoyé au [TRADUCTION] « contrat de construction » du 6 mars 2007 (pièce A‑5), lequel est rédigé à la fois en mandarin et en anglais puisque l’entrepreneur était Chinois et qu’ils communiquaient en mandarin. M. Zhu a traduit le texte chinois en anglais. Compte tenu de son aisance dans les deux langues, il n’était pas nécessaire que Mme Huang joue un quelconque rôle à cette étape du processus de démarrage, et elle n’a commencé à fournir des services à la clinique qu’au moment de l’ouverture de celle‑ci le 1er avril 2007. M. Zhu a déclaré que son aisance à s’exprimer en anglais s’est sensiblement accrue depuis cette date; il peut communiquer avec ses patients et faire face à tous les aspects de l’exercice de sa profession dans cette langue.

 

[9]     Monsieur Zhu a été contre‑interrogé par l’avocate de l’intimé. Il a affirmé qu’il avait travaillé à temps partiel à partir de 2003 à titre de professeur dans une école de médecine chinoise. Il a reconnu qu’il avait parlé à Mme Amundsen, agente des décisions, mais il a nié lui avoir dit qu’il avait engagé Mme Huang en décembre 2006 pour l’aider dans sa nouvelle entreprise. M. Zhu a déclaré qu’il y avait sûrement eu un malentendu. En effet, Mme Huang n’aurait rien eu à faire à ce moment puisqu’il s’occupait de toutes les négociations relatives au bail et qu’il traitait directement avec l’entrepreneur. Une fois la clinique ouverte, il a assumé le contrôle de celle‑ci, et c’est lui qui a pris toutes les décisions opérationnelles. Il a reconnu le questionnaire (pièce R‑3) qu’il a rempli, signé le 28 octobre 2007, puis retourné à l’agente des appels, et dans lequel il faisait état des chiffres d’affaires bruts (page 8) de l’entreprise. Étaient jointes à ce questionnaire les feuilles de paye relatives à Mme Huang. Cette dernière a diffusé le site Web de la clinique en septembre à l’aide de l’ordinateur se trouvant à la résidence familiale. M. Zhu a admis qu’il n’avait pas d’expérience en ce qui touche l’établissement d’une entreprise et qu’il est ultérieurement parvenu à la conclusion qu’il aurait dû commencer à annoncer ses services avant l’ouverture de la clinique le 1er avril.

 

[10]    Madame Huang n’a pas contre‑interrogé le témoin.

 

[11]    L’intervenant, M. Zhu, a terminé la présentation de sa preuve.

 

[12]    Dans son témoignage, Mme Amundsen a affirmé qu’elle travaillait à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») depuis 1995 et qu’elle occupait le poste d’agente des décisions depuis cinq ans. Le 31 août 2007, au moment de rendre une décision relative au caractère assurable de l’emploi exercé par Mme Huang pour M. Zhu, Mme Amundsen a eu un long entretien téléphonique d’une trentaine de minutes avec Mme Huang. De l’avis de Mme Amundsen, Mme Huang s’exprimait avec aisance en anglais. Cette dernière l’aurait informée qu’elle avait commencé à travailler pour M. Zhu en décembre 2006 et qu’elle avait rencontré l’entrepreneur, même si elle et son mari n’avaient reçu les clés des locaux commerciaux que le 1er avril. Mme Amundsen se souvenait que Mme Huang avait en outre révélé qu’il lui avait été nécessaire de traiter avec l’entrepreneur parce que M. Zhu ne s’exprimait pas très bien en anglais. Mme Amundsen a déclaré que Mme Huang lui avait dit que le site Web de la clinique n’était pas encore diffusé et qu’elle allait terminer cette tâche, mais qu’elle ne serait pas payée par M. Zhu pour ce service. Mme Amundsen a ajouté que sa discussion avec Mme Huang lui avait donné la nette impression que M. Zhu recevait des patients dans un bureau situé dans leur résidence et qu’il travaillait également comme professeur. Après avoir consulté la base de données de l’ARC, Mme Amundsen a constaté que M. Zhu avait déclaré un revenu d’entreprise gagné à cette adresse domiciliaire et qu’une perte d’entreprise avait été déduite relativement à une certaine année d’imposition antérieure à 2007. Elle a déclaré que sa décision se fondait en grande partie sur la prémisse voulant que Mme Huang ait joué un rôle dans la recherche des locaux loués et dans la négociation du bail, mais qu’elle n’ait été rémunérée pour ses services qu’après le 1er avril 2007. Mme Amundsen se rappelait que Mme Huang avait précisé les tâches qu’elle avait accomplies en ce qui concerne les brochures, le bulletin d’information et les communications avec la chambre de commerce. Elle a affirmé qu’elle avait pris des notes sur son ordinateur pendant ses conversations téléphoniques avec Mme Huang et M. Zhu.

 

[13]    Madame Amundsen a été contre‑interrogée par Mme Huang et elle a répété qu’elle ne s’était pas méprise sur la nature de leur conversation.

 

[14]    Madame Amundsen a également été contre‑interrogée par M. Zhu. Elle a déclaré qu’elle avait examiné ses notes dactylographiées relatives à son entretien téléphonique avec M. Zhu à trois occasions avant de témoigner et qu’elle était d’avis que ce dernier comprenait l’objet et la signification des questions qu’elle lui avait posées et qu’il avait répondu en conséquence.

 

[15]    Dans son témoignage en contre‑preuve, M. Zhu a affirmé qu’il avait produit des déclarations de revenus faisant état du revenu qu’il avait gagné comme professeur dans un collège – à titre d’entrepreneur indépendant – et en offrant diverses autres formations. À cette fin, il avait utilisé leur adresse domiciliaire comme adresse pour son entreprise, mais aucune partie de ce revenu n’avait été tirée du traitement de patients.

 

[16]    Selon la thèse avancée par l’appelante, elle a accompli les travaux importants nécessaires pour permettre le démarrage de l’entreprise, et la durée de son emploi était raisonnable compte tenu de la situation. L’appelante affirme dans ses conclusions que le salaire d’environ 15 $ l’heure était raisonnable si on tient compte de son expérience antérieure touchant la commercialisation, la publicité, les salons professionnels et la conception de site Web ainsi que de sa connaissance des méthodes administratives. Même si elle voulait travailler suffisamment pour être admissible à des prestations d’assurance‑emploi au titre d’un congé de maternité, elle a soutenu qu’elle aurait pu le faire en travaillant pour un autre employeur dans l’attente d’obtenir un emploi permanent à titre d’ingénieure. Elle a allégué qu’il n’était pas inhabituel pour un employé d’utiliser son propre ordinateur pour le bénéfice d’un employeur et que le site Web avait été plus long que prévu à terminer parce qu’elle n’était pas en mesure d’y travailler de façon soutenue en raison des autres tâches qui lui incombaient, en particulier la commercialisation des activités de la clinique.

 

[17]    À titre d’intervenant, M. Zhu a affirmé qu’il ressortait sans équivoque de la preuve que Mme Huang ne lui avait pas offert de services commerciaux avant le 1er avril 2007 et qu’elle avait accompli le travail moyennant une rémunération raisonnable. Il a également avancé qu’un particulier a le droit de choisir un emploi en tenant compte d’aspects autres que la contrepartie pécuniaire. Il a ajouté que la preuve établissait qu’il n’avait aucune expérience préalable en ce qui concerne l’exploitation d’une entreprise et qu’il avait simplement commis une erreur lorsqu’il avait inscrit sur le chèque la date du 4 mai 2007 au lieu de la date exacte du 7 juin.

 

[18]    L’avocate de l’intimé a fait valoir que le témoignage de Mme Amundsen montrait clairement que Mme Huang avait discuté de la nature des services fournis à M. Zhu à titre bénévole, entre décembre 2006 et le 1er avril 2007, relativement au bail. L’avocate a affirmé qu’il n’aurait pas été raisonnable pour Mme Huang d’avoir accepté un emploi moins bien rémunéré auprès de M. Zhu, n’eût été le fait qu’elle était enceinte et qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour accumuler suffisamment d’heures pour satisfaire aux conditions d’admissibilité à une indemnité de congé de maternité fixées dans la Loi. L’avocate a invoqué certains éléments de preuve donnant à penser que Mme Huang n’avait pas été rémunérée de façon constante et qu’elle avait diffusé le site Web à un moment donné en septembre même si son dernier jour d’emploi était le 31 août. L’avocate estime, compte tenu de l’ensemble de la preuve, que Mme Huang n’avait pas accompli suffisamment de travail pour justifier le salaire payé pendant cette période de cinq mois, en particulier à la lumière du faible revenu que M. Zhu a tiré de l’exploitation de la clinique. Sur le fondement de la preuve, l’avocate a soutenu que la décision du ministre était justifiée compte tenu des critères énoncés dans la disposition pertinente de la Loi.

 

[19]    Les dispositions applicables de la Loi sont les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) ainsi que le paragraphe 5(3), lesquels sont ainsi libellés :

 

5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[…]

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

 

                 […]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[20]    Dans l’arrêt Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789, 2003 CAF 461, la Cour d’appel fédérale était saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision par laquelle un juge de la Cour canadienne de l’impôt avait confirmé la décision du ministre voulant que l’emploi de l’appelante pour un employeur avec lequel elle était liée n’ait pas été assurable. Monsieur le juge Malone, rédigeant les motifs de la Cour, s’est exprimé en ces termes aux paragraphes 7 et suivants :

 

[7]     Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.

 

[8]     Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] [...] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l’examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n’avait pas, après tout, toute l’information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l’a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j’ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n’ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.

 

[9]     Selon la demanderesse, il ne s’agit pas de savoir si le ministre disposait d’assez de renseignements pour rendre une décision, malgré le témoignage de Mme Quigley; il s’agissait plutôt de savoir, compte tenu de l’ensemble de la preuve, si la décision du ministre semblait toujours raisonnable. Au contraire, la demanderesse affirme que le juge a effectué un examen non pertinent en tentant de savoir si Mme Quigley était une « patronne » ou une « subalterne » chez Quigley Electric Ltd.

 

[10]     Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s’il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d’un facteur non pertinent.

 

[11]     Il n’y a pas eu mauvaise foi de la part du ministre en l’espèce.

 

[12]     Bien que les motifs de la décision soient longs, il est clair que le juge a analysé le témoignage de Jean Quigley à la lumière de l’alinéa 5(3)b), à savoir, notamment, si, compte tenu de l’ensemble de circonstances de l’emploi, notamment la rétribution versée, les modalités de l’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, l’employeur et l’employée auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Après avoir examiné d’autres décisions rendues par la Cour de l’impôt, le juge a rejeté toute idée que Mme Quigley puisse être qualifiée de « patronne » chez Quigley Electric Ltd., puis il a rejeté les exemples qu’elle a donnés pour tenter de démontrer que le traitement spécial dont elle jouissait au sein de la société était dû à la relation personnelle qu’elle entretenait avec l’actionnaire majoritaire et non pas à son contrat d’emploi.

 

[13]     Il a conclu en affirmant que les facteurs dont le ministre avait tenu compte, facteurs qu’il avait exposés précédemment dans ses motifs, étaient les facteurs pertinents dont il devait tenir compte pour sa propre décision. Cela, dans le contexte de la présente affaire, ne peut que signifier que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de l’ensemble de la preuve. Je ne vois aucune erreur de droit dans la présente analyse ou conclusion.

 

[14]     Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

[21]    Dans la décision Porter c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 266, 2005 CCI 364, Mme la juge Campbell s’est penchée sur les observations faites par M. le juge Archambault dans la décision Bélanger c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2005 CarswellNat 3971, 2005 CCI 36, et sur celles formulées par M. le juge Bowie dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 195, 2005 CCI 291. Dans ces deux décisions, les juges ont examiné la fonction qu’assume la Cour à la lumière de l’arrêt Légaré de la Cour d’appel fédérale, précité, et de décisions subséquentes de ce tribunal. Aux paragraphes 12 et 13 de ses motifs, la juge Campbell a tenu les propos suivants :

 

[12]     Le rôle de la Cour canadienne de l’impôt dans des instances relatives à l’assurance‑emploi, qui a été décrit dans les arrêts Légaré et Pérusse, a récemment été confirmé par le juge Létourneau dans l’arrêt Livreur Plus Inc. c. Canada, [2004] A.C.F. no 267, aux paragraphes 12, 13 et 14 :

 

[12]  Tel que déjà mentionné, le ministre suppose, au soutien de sa décision, l’existence d’un certain nombre de faits recueillis par voie d’enquête auprès des travailleurs et de l’entreprise qu’on estime être l’employeur. Ces faits sont présumés avérés. Il incombe à celui qui s’oppose à la décision du ministre de les réfuter.

 

[13]  Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt, saisi d’un appel de la décision du ministre, consiste à vérifier l’existence et l’exactitude de ces faits ainsi que l’appréciation que le ministre ou ses officiers en ont fait et, au terme de cet exercice, à décider, sous l’éclairage nouveau, si la décision du ministre paraît toujours raisonnable : Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878; Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310; Massignani c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 172; Bélanger c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 455. De fait, certains faits matériels invoqués par le ministre peuvent être réfutés ou leur appréciation peut ne pas résister à l’examen judiciaire de sorte que, à cause de leur importance, le caractère, en apparence, raisonnable de la décision du ministre s’en trouve anéanti ou sérieusement miné.

 

[14]  Dans l’exercice de ce rôle, le juge doit accorder une certaine déférence au ministre en ce qui a trait à l’appréciation initiale de ce dernier et il ne peut pas, purement et simplement, en l’absence de faits nouveaux ou d’une preuve que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés, substituer sa propre opinion à celle du ministre : Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, paragraphe 15.

 

[13]     En résumé, le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Elle doit accorder une certaine déférence au ministre dans le cadre de cet exercice.

 

[22]    J’aborde maintenant les faits visés dans le présent appel. Il ressort clairement des hypothèses énoncées dans la réponse et du témoignage de Mme Amundsen, agente des décisions, que la décision du ministre s’appuyait en grande partie sur les faits suivants :

 

1.    Avant le 1er avril 2007, M. Zhu exploitait son entreprise de services médicaux, d’acupuncture, d’herbes chinoises, de réflexologie du pied, de massage chinois et d’enseignement à partir de la résidence principale qu’il occupait avec Mme Huang. (Voir l’alinéa 6k) de la réponse.)

 

2.    L’appelante a été engagée en décembre 2006 pour trouver de nouveaux locaux commerciaux et obtenir un bail y afférent. (Voir l’alinéa 6q) de la réponse.)

 

3.    L’appelante a traité avec l’entrepreneur après la signature du bail afin de coordonner les améliorations locatives apportées aux nouveaux locaux commerciaux parce qu’elle s’exprimait plus aisément en anglais que M. Zhu. (Voir l’alinéa 6r) de la réponse.)

 

4.    L’appelante n’a reçu aucune rémunération de M. Zhu entre décembre 2006 et le 1er avril 2007 même si elle fournissait des services à l’entreprise de ce dernier. (Voir l’alinéa 6gg) de la réponse.)

 

5.    Monsieur Zhu n’a pas entièrement rémunéré l’appelante pour les services qu’elle a rendus à titre d’aide de bureau. (Voir l’alinéa 6ii) de la réponse.)

 

6.    L’appelante a été rémunérée un mois à l’avance pour le mois de mai 2007, mais elle n’a encaissé le chèque que le 6 juin 2007. (Voir l’alinéa 6ll) de la réponse.)

 

[23]    Je vais examiner les parties pertinentes de la preuve touchant les points énumérés ci‑dessus.

 

[24]    Selon son témoignage, Mme Amundsen, agente des décisions, aurait clairement compris, après avoir parlé au téléphone avec Mme Huang et subséquemment avec M. Zhu, que c’était Mme Huang qui avait trouvé les locaux de l’entreprise, négocié le bail et traité avec l’entrepreneur. Elle aurait en outre compris que M. Zhu exploitait son entreprise à partir de la résidence principale du couple, à Surrey. Elle a examiné les déclarations de revenus de M. Zhu, ce qui lui a permis de constater qu’il avait déclaré un revenu d’entreprise gagné à cette adresse ainsi que certaines dépenses qui avaient donné lieu à une perte.

 

[25]    Dans son témoignage, Mme Huang a affirmé qu’elle n’avait participé à aucune des négociations engagées avec la Dre Finch en vue de la sous‑location d’espace à M. Zhu et qu’elle n’avait pas communiqué avec la représentante du locateur, Ocean Park, à ce sujet. Elle a en outre mentionné qu’il n’y avait pas eu de communication entre elle et l’entrepreneur, lequel parlait le mandarin, que c’est M. Zhu qui avait négocié avec ce dernier et qu’il avait probablement réglé toutes les questions pertinentes dans cette langue. Dans son témoignage, M. Zhu a déclaré qu’il cherchait des locaux à White Rock et que, lorsqu’il avait trouvé un endroit approprié, il avait commencé à communiquer, principalement par courriels, avec la Dre Finch et la représentante d’Ocean Park, Vicky, à compter du 4 janvier 2007, afin d’obtenir un bail et l’autorisation d’effectuer des améliorations locatives. Le contrat (pièce A‑5) conclu avec Royal Globe Construction Ltd. au sujet des rénovations était daté du 6 mars 2007. Il est légitime de supposer que le sous‑bail des locaux de la Dre Finch doit avoir été signé, et l’approbation d’Ocean Park visant les travaux de construction obtenue avant cette date. La lecture des courriels révèle que M. Zhu était capable d’exprimer ses pensées de manière satisfaisante, même si la grammaire et la syntaxe sont celles d’une personne dont l’anglais est une langue seconde. Les documents écrits établis par Mme Huang et produits comme pièces, y compris la pièce A‑1, montrent que son aptitude à écrire en anglais n’était pas tellement supérieure à celle de M. Zhu. En revanche, elle parlait cette langue beaucoup mieux que lui à cette époque.

 

[26]    J’accepte la version des événements présentée par Mme Huang et M. Zhu en ce qui concerne cet aspect de l’instance. Il était illogique que Mme Huang ait été astreinte à trouver des locaux, à négocier le bail et à engager un entrepreneur pour effectuer les améliorations nécessaires alors que M. Zhu était mieux en mesure de s’occuper de ces tâches, en particulier à la lumière du fait qu’il n’y avait pas d’obstacle linguistique susceptible de l’empêcher d’atteindre son but. En tant qu’acupuncteur, il connaissait le genre d’espace dont il avait besoin pour pouvoir ouvrir sa clinique. J’accepte en outre les précisions données par M. Zhu voulant qu’il ait gagné un revenu à titre de professeur dans un collège et/ou par suite d’un travail à temps partiel dans des cliniques d’acupuncture avant 2007, et qu’il ait déclaré ce revenu comme un revenu d’entreprise en utilisant leur résidence principale comme adresse professionnelle puisqu’il s’agissait de l’adresse dont il s’était servi pour son inscription au College. J’ajoute foi à son témoignage voulant qu’il n’ait pas exercé d’activité à titre d’acupuncteur à son domicile, qu’il ait décidé d’ouvrir une clinique à White Rock et qu’il ait pris des mesures à cette fin à partir de décembre 2006. Je suis convaincu que Mme Huang n’a exécuté aucune tâche pour l’entreprise de M. Zhu avant l’ouverture de la clinique le 1er avril 2007.

 

[27]    Monsieur Zhu a choisi de témoigner en anglais plutôt que de reporter l’audition de l’appel à une date ultérieure, ce qui lui aurait permis d’obtenir les services d’un interprète parlant le mandarin. Même s’il s’adressait directement à moi à partir de la barre des témoins, il était extrêmement difficile de le comprendre. Nous étions tous les deux conscients de la situation, et j’ai pu l’observer avec attention. Les documents étaient bien classés, dans un ordre permettant de comprendre les points qu’il soulevait pendant son témoignage. De plus, l’avocate de l’intimé a aidé M. Zhu en le renvoyant à certaines pièces ou à des parties données de documents visant des dates, des lieux, et cetera. Selon mon appréciation de la preuve, il aurait été presque impossible pour Mme Amundsen, en se fondant uniquement sur sa conversation téléphonique du 31 août 2007 avec M. Zhu, d’avoir une compréhension claire et non équivoque des circonstances pertinentes de la situation d’emploi existant entre lui et Mme Huang. M. Zhu parlait très rapidement et il a à quelques occasions dû s’y reprendre à plusieurs fois pour organiser ses pensées de façon ordonnée et pouvoir les exprimer de vive voix. Il avait tendance à parler très vite et il était parfois difficile de bien saisir le sens de son témoignage. Il fallait alors prendre le temps de lui faire répéter ses paroles, segment par segment, pour s’assurer de leur signification. Son aptitude à parler l’anglais est bien meilleure en novembre 2008 que lorsqu’il s’est entretenu avec Mme Amundsen puisqu’il communique avec des patients en anglais de même qu’en mandarin depuis l’ouverture de sa clinique. Comme une grande partie des études médicales qu’il a poursuivies pendant toute sa carrière en Chine, et ultérieurement, étaient en anglais, il n’avait pas de difficulté à lire cette langue et il pouvait l’écrire suffisamment bien pour exprimer ses pensées concernant les questions commerciales et bancaires ou dans le cadre de ses opérations et de ses rapports habituels quotidiens avec des anglophones.

 

[28]    Je reconnais qu’il est rentable pour les agents des décisions et les agents des appels de procéder par voie d’entretiens téléphoniques. Cependant, lorsque leur interlocuteur n’est pas de langue maternelle anglaise et qu’il est évident qu’il éprouve des difficultés à discuter des questions relatives à son emploi, j’estimerais approprié qu’un agent de l’ARC qui parle et comprend cette langue particulière se charge lui‑même de l’entretien ou agisse comme interprète. Même pendant le témoignage de Mme Huang, il était nécessaire de l’interrompre et de lui demander de préciser certains points, surtout lorsqu’il était question d’une suite d’événements qui soulevaient plusieurs questions. Je signale que Mme Amundsen n’a pas présenté les notes dactylographiées qu’elle a prises au cours de ses conversations avec Mme Huang et M. Zhu, bien qu’elle ait mentionné, dans son témoignage, les avoir consultées à trois occasions différentes avant de témoigner. De plus, les états des résultats joints par M. Zhu aux déclarations de revenus qu’il a produites et dans lesquelles il a déclaré un revenu d’entreprise n’ont pu être examinés. Pourtant, Mme Amundsen a soutenu que ces documents avaient constitué un facteur important pour décider que M. Zhu avait exploité une entreprise d’acupuncture avant l’ouverture de la clinique à White Rock le 1er avril 2007 et que Mme Huang avait travaillé pour lui sans rétribution pendant cette période antérieure.

 

[29]    Je suis convaincu, à la lumière de la preuve, que M. Zhu a entièrement rétribué Mme Huang pour les services qu’elle lui a rendus. Ils ont tous deux affirmé, pendant leur témoignage, que le chèque du 4 mai 2007 portait une date erronée et qu’il aurait dû être daté du 4 juin 2007. Ce chèque a été négocié le 6 juin et la seule anomalie touchait le chèque de paye du mois de juillet, lequel n’a été émis que le 13 août et négocié cinq jours plus tard. En conséquence, Mme Huang n’a pas reçu une avance sur son salaire, et quatre des cinq chèques ont été émis en temps opportun et négociés par Mme Huang.

 

[30]    Intervenir ou ne pas intervenir, voilà la question qu’il faut trancher. Faut‑il maintenir la décision du ministre, laquelle est vêtue de probité présumée et protégée par la retenue judiciaire que lui doivent témoigner ceux siégeant en haut lieu, ou plutôt la déclarer propre à la démolition en raison des énormes dommages causés à ses étais et fondements pour ensuite procéder à nouveau à l’examen exigé par la loi?

 

[31]    Dans la décision Birkland, précitée, le juge Bowie présente un résumé de l’état de la jurisprudence et il tient les propos suivants à la fin du paragraphe 4 des motifs de son jugement :

 

[4]  […]  Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

 

[32]    De toute évidence, le ministre a commis une erreur lorsqu’il s’est fondé sur la prémisse que Mme Huang ait fourni à M. Zhu, entre décembre 2006 et le 1er avril 2007, divers services pour lesquels elle n’aurait pas été rémunérée, et lorsqu’il a supposé que M. Zhu avait exploité à leur résidence le même genre d’entreprise que celle qu’il a ultérieurement exploitée à la clinique de White Rock. Il est en outre manifeste que cette méprise constituait le plus important facteur à l’origine de la décision voulant que l’emploi de Mme Huang n’ait pas été assurable. La question accessoire de l’apparente avance sur salaire versée seulement un mois après le début de l’emploi a également joué un rôle dans cette décision, tout comme l’hypothèse selon laquelle Mme Huang n’avait pas été entièrement rétribuée pour ses services. Compte tenu de ces erreurs, la décision du ministre n’est plus raisonnable. Je dois intervenir et j’analyserai la preuve pour décider si l’appelante exerçait un emploi assurable pour M. Zhu pendant la période en cause. À cette fin, il est utile de reproduire à nouveau le texte de l’alinéa 5(3)b) :

 

5. (3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

[…]

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

Rétribution

 

[33]    L’appelante touchait un salaire de 2 300 $ par mois, lequel se fondait sur un taux approximatif de 15 $ l’heure, pour 40 heures par semaine et 4,3 semaines par mois. Compte tenu de l’expérience de Mme Huang touchant le travail de bureau et de sa capacité à créer un site Web, à mener une campagne de publicité et de commercialisation locale et à par ailleurs se charger de tous les autres aspects de la promotion d’une nouvelle entreprise dans une région où il y avait déjà de la concurrence, ce taux de rétribution était raisonnable. Elle n’a pas reçu de paye de vacances et il est probable que ni l’une ni l’autre des parties n’a abordé cet aspect de l’emploi, peut‑être parce que sa paie était versée sous forme de salaire mensuel.

 

Modalités d’emploi

 

[34]    Une partie du travail était accomplie ailleurs qu’au lieu de travail, notamment à la résidence de Mme Huang et de M. Zhu, où une connexion à Internet était établie au nom de la clinique. Mme Huang a fourni certains services aux bureaux de la clinique, comme répondre au téléphone, fixer des rendez‑vous et concevoir de la publicité en vue de sa parution dans diverses publications. D’autres tâches étaient effectuées ailleurs qu’au bureau, comme lorsque Mme Huang assistait à des rencontres pour promouvoir la clinique et se rendait à des centres pour personnes âgées, des librairies, des églises, des manifestations collectives, des clubs philanthropiques locaux ou des expositions estivales sur la plage afin de faire connaître l’existence de la clinique de M. Zhu au grand public. Comme l’a supposé le ministre, elle effectuait les opérations bancaires, elle servait d’interprète au besoin, elle a publié un bulletin d’information et elle faisait les courses. Ses heures de travail étaient compatibles avec celles requises par l’exploitation de la nouvelle clinique.

 

Durée

 

[35]    Même si aucune période précise n’avait été fixée au début de l’emploi de Mme Huang, il était évident qu’elle cesserait de travailler au plus tard en septembre puisqu’elle devait accoucher ce mois‑là. Il était en outre évident pour Mme Huang et pour M. Zhu qu’il serait inutile d’embaucher un employé permanent pour fournir les services particuliers de commercialisation, de publicité et de promotion nécessaires au démarrage de la clinique – même s’il s’agissait de tâches extrêmement importantes – et que le travail accompli par un aide de bureau serait tributaire du nombre de patients fréquentant la clinique. M. Zhu aurait pu choisir de retenir les services d’une agence de commercialisation et de publicité, mais il a écarté cette possibilité en raison des frais qui y étaient liés et parce qu’il aurait quand même fallu engager une personne comme aide de bureau pour l’établissement de sa nouvelle entreprise pendant une période indéfinie.

 

Nature et importance du travail accompli

 

[36]    Du point de vue de M. Zhu, lequel n’avait pas participé aux activités de démarrage de sa propre entreprise d’acupuncture et de médecine traditionnelle chinoise, il était important de se faire connaître dans la région de White Rock et aux alentours, surtout que neuf ou dix autres entreprises y offraient déjà des services analogues. Il ne possédait aucune expérience dans la conception et l’achat d’annonces dans des publications appropriées et il n’était alors pas en mesure de communiquer suffisamment bien en anglais avec les membres du grand public, les associations d’entreprises, les groupes d’aide sociale et les médias publicitaires pour s’occuper de sa propre promotion. Il savait que Mme Huang était capable de concevoir un site Web et qu’elle pouvait discuter des propriétés des diverses herbes et des autres produits qui seraient présentés sur ce site ou qui feraient l’objet d’annonces ou de bulletins d’information. L’aptitude à parler, à écrire et à comprendre le mandarin était essentielle pour remplir cette tâche. Mme Huang saurait comment présenter les produits dans la clinique et veiller au bon fonctionnement du bureau au cours des premiers mois d’exploitation. En fin de compte, il s’est révélé inutile pour M. Zhu d’engager un autre employé puisqu’il était en mesure de se charger du travail de bureau lui‑même, malgré le nombre croissant de ses patients. Le ministre a invoqué le fait (alinéa 6nn) de la réponse) que le revenu d’entreprise brut de la clinique avait augmenté après le départ de l’appelante en congé de maternité. Les chiffres pertinents figurent dans le tableau situé sous l’alinéa 6o) de la réponse et ils montrent que les ventes brutes pendant toute la période d’emploi de Mme Huang ne totalisaient que 4 054,91 $. Les ventes réalisées en septembre et en octobre s’élevaient à 3 766,18 $ et à 3 814,04 $, respectivement. La clinique est toujours en exploitation et on pourrait logiquement en inférer que les stratégies de commercialisation employées par Mme Huang ont été fructueuses. Il est dans l’ordre des choses qu’une nouvelle entreprise ou un nouveau cabinet professionnel débute lentement et, bien souvent, les frais d’exploitation excéderont les revenus pendant la première année ou davantage. Selon mon appréciation de la preuve, l’ensemble des travaux accomplis par Mme Huang était important à l’établissement de cette nouvelle clinique pour qu’elle puisse bénéficier d’une chance raisonnable de réussite.

 

[37]    J’ai pris en compte le fait que Mme Huang n’a diffusé le site Web de la clinique sur le serveur qu’au mois de septembre, après avoir cessé de travailler pour M. Zhu. Dans son témoignage, Mme Huang a affirmé avoir consacré approximativement de 20 à 30 minutes de son temps à cette dernière partie du processus, qu’elle a effectuée à partir de leur résidence à l’aide de la connexion à Internet établie au nom de la clinique. Elle n’a pas été payée pour cette tâche, mais celle‑ci faisait partie intégrante de son travail antérieur, pour lequel elle a été rémunérée au moyen de son salaire mensuel. Elle a mentionné que la conception du site Web avait été plus longue que prévu en raison des nombreuses autres tâches qui lui incombaient et du fait qu’elle devait prendre les photos numériques et rédiger des notes explicatives chaque fois qu’elle n’était pas occupée à autre chose.

 

[38]    Dans la décision Docherty c. Ministre du Revenu national, [2000] A.C.I. no 690, j’ai tenu les propos suivants au paragraphe 25 :

 

[25]      Le modèle à utiliser pour établir une comparaison avec les relations de travail entre parties sans lien de dépendance ne nécessite pas une concordance parfaite. Cette affirmation se trouve confirmée par le libellé de la loi, qui utilise les termes un « contrat de travail à peu près semblable ». Chaque fois que les parties sont liées entre elles au sens de la disposition législative pertinente, la relation de travail comportera nécessairement des particularités, surtout si le conjoint est le seul employé ou s’il fait partie d’un effectif restreint. Cependant, le but n’est pas d’empêcher les personnes qui satisfont aux critères établis de participer au régime national d’assurance‑emploi. Les en exclure sans raison valable est une mesure inéquitable, qui va à l’encontre de l’esprit de la loi.

 

[39]    Il est parfois utile, au moment de statuer sur les affaires de ce genre qui se fondent sur un ensemble de faits précis, de comparer ceux‑ci aux situations d’emploi ayant fait l’objet d’autres appels. Par exemple, en l’espèce, l’appelante n’a pas fourni de services en dehors de la période d’emploi, sous réserve de la diffusion du site Web sur le serveur. Dans la décision Hatami c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. no 268, 2007 CCI 428, M. le juge Miller a conclu que dans la situation d’emploi en cause l’appelante jouait le rôle d’une épouse qui aidait son mari à démarrer une entreprise en travaillant sporadiquement sans rémunération et en acceptant de ne pas encaisser des chèques jusqu’à ce que la situation financière de l’entreprise se soit améliorée. Le juge Miller était en outre préoccupé par la durée de l’emploi – deux mois –, surtout que l’emploi précédemment exercé par l’appelante pour son mari avait duré cinq mois et qu’elle était à chaque fois enceinte. Le juge Miller a également refusé d’accorder un poids quelconque aux feuilles de temps présentées par l’appelante dans cette affaire parce qu’il s’agissait d’une « façade » montée après coup.

 

[40]    Dans la décision Forget c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.I. no 575, 2003 CCI 733, la juge Campbell a estimé que l’appelante avait attendu pour recevoir sa paie que la société ait les moyens de la payer et qu’elle avait agi ainsi uniquement parce qu’elle était l’épouse de son employeur.

 

[41]    Dans la décision Samson c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 290, 2005 CCI 383, M. le juge Little était saisi d’une affaire dans le cadre de laquelle l’appelante avait effectué 135 dépôts bancaires, avait émis et signé un total de 623 chèques durant une période où elle ne figurait pas sur la feuille de paye du payeur et avait signé un certain nombre de factures. Selon le juge Little, ces tâches montraient sans équivoque qu’une personne qui n’aurait pas eu de lien de dépendance avec le payeur n’aurait pas exercé des activités « de cette importance et de cette nature ». Il a conclu que le ministre était justifié de décider que l’emploi de cette appelante n’était pas assurable.

 

[42]    Compte tenu de l’ensemble de la preuve et de l’application de la jurisprudence aux faits tels qu’ils sont établis dans les présents motifs, l’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée pour faire état de la conclusion suivante :

 

          Jin Hua Huang exerçait un emploi assurable pour Jun Hua Zhu du 1er avril 2007 au 31 août 2007.

 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 26e jour de janvier 2009.

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de mars 2009.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI35

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-562(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jin Hua Huang et Le ministre du Revenu national et Jun Hua Zhu

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Shannon Walsh

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui-même

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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