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Dossier : 2006-2653(IT)G

ENTRE :

 

IAN BAIRD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 6 et 7 novembre 2008 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Howard W. Winkler

Avocats de l’intimée :

Mes André Leblanc et Andrew Miller

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’égard des cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 de l’appelant sont rejetés avec dépens.

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 2e jour de février 2009.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2009CCI24

Date : 20090202

Dossier : 2006-2653(IT)G

ENTRE :

 

IAN BAIRD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]              Les présents appels portent sur des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 de l’appelant.

 

[2]              À la suite des cotisations en question, le ministre a établi de nouvelles cotisations dans lesquelles il a refusé à l’appelant la déduction de pertes d’entreprise s’élevant respectivement à 539 419 $ et à 559 338 $.

 

[3]              Le ministre a également établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 de l’appelant en lui refusant la déduction des pertes autres qu’en capital de 79 836 $ qu’il avait reportées des années d’imposition antérieures.

 

[4]              Les parties s’entendent pour dire que la seule question à trancher est celle de savoir si les pertes subies au cours des années d’imposition 2001 et 2002 par suite de la disposition des options d’achat d’actions de l’appelant dans BCE Emergis (« Emergis ») sont imputables au capital ou au revenu.

 

[5]              L’appelant a déduit ces pertes en tant que pertes autres qu’en capital subies dans le cadre d’une présumée entreprise de courtage en valeurs mobilières au cours des années d’imposition 2001 et 2002.

 

[6]              Dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2003, l’appelant a déduit la somme 79 836 $ en tant que pertes autres que des pertes en capital dont il affirmait avoir le droit d’effectuer le report prospectif.

 

La preuve

 

[7]              Ian Munroe Baird a déclaré qu’en l’an 2000, il avait 38 ans. Il est titulaire d’un baccalauréat en sciences biologiques et en gestion des affaires de l’université Memorial de Terre-Neuve. Avant la période en cause en l’espèce, il avait également fait des études à l’université de Western Ontario dans le domaine des relations avec les investisseurs. Il a aussi suivi un cours en gestion des ressources commerciales mais n’arrive pas à se souvenir des dates.

 

[8]              Selon lui, déjà à l’école élémentaire, en septième année, il avait commencé à s’intéresser aux affaires et à y œuvrer. Plus tard, il a accepté un poste de directeur administratif au Y.M.C.A. dans un centre d’aide aux entreprises. Le centre avait une équipe de consultants chargée de conseiller les entreprises étudiantes.

 

[9]              Un fonds de capital-risque a été constitué. Il visait les prêts consentis à des étudiants par des banques et par le gouvernement fédéral. En neuf ans, 160 entreprises ont été lancées.

 

[10]         Après avoir servi d’aide-de-camp pour le lieutenant-gouverneur de Terre‑Neuve pendant cinq ans, M. Baird a commencé à travailler pour les journaux de Thompsom et Southam. Il était éditeur et directeur général d’un journal de la côte ouest de Terre-Neuve qui comptait un effectif de 400 personnes. Il s’est ensuite rendu en Ontario pour diriger une entreprise technologique appelée Impact Media. Il a d’abord occupé le poste de vice-président à la prospection, puis celui de directeur général d’une autre de leurs entreprises.

 

[11]         Dans le cadre de ce travail, il était appelé à recevoir des renseignements provenant de sociétés cotées en bourse et de les diffuser sur le marché. Il avait accès à une grande quantité de renseignements.

 

[12]         Il est devenu vice-président et directeur général d’Emergis, puis vice‑président et directeur général de Total Net, un fournisseur de services Internet qui était à la fine pointe dans ce domaine au Canada. Il travaillait de très longues heures le jour, le soir et les week-ends pour cette entreprise. Lorsqu’il a quitté Emergis en 2000, l’effectif de cette entreprise était passé de quelques centaines à plusieurs milliers d’employés.

 

[13]         Il a expliqué que son épouse est physiothérapeute et triathlonienne. Elle est allée vivre en France et en Australie pour s’entraîner en vue des Jeux olympiques de 2000.

 

[14]         Lorsqu’il a quitté Emergis pour lancer son entreprise de courtage en valeurs mobilières, il a aidé son épouse avec son entraînement et il s’est occupé de coordonner ses apparitions dans les médias. Il était présent à toutes ses compétitions et [traduction] « l’épaulait », sans que, à ses dires, cela nuise à son entreprise. [traduction] « J’étais libre de rester dans mon bureau et d’y traiter mes affaires ». Jusqu’en 1999 (année où il a acquis le droit de lever ses options) il s’occupait peu de ses actions. Son père lui avait légué quelques actions et il en avait acheté quelques-unes par l’intermédiaire de firmes de courtage. Pendant sa jeunesse, il lisait les chroniques financières dans les journaux.

 

[15]         Lorsqu’il a quitté Emergis, il a acquis le droit de recevoir 62 000 options. Il a quitté cet emploi parce que sa charge de travail devenait trop lourde. Le capital social d’Emergis connaissait une croissance rapide. Il aurait été riche s’il avait levé ses options, mais, lorsqu’elles lui ont été attribuées, il ne les a pas vendues. [traduction] « J’avais la possibilité de conserver les titres, de faire des affaires et d’aider mon épouse; d’aller sur le marché et de spéculer sur les actions; je pouvais prendre mes actions,  aller sur le marché et emprunter de l’argent pour payer mes actions et les laisser devenir rentables ». Il a eu recours à un emprunt de 800 000 $ pour l’achat d’actions d’Emergis.

 

[16]         Il soutient qu’il avait l’intention de vendre ses actions à la première occasion favorable.

 

[17]         Les actions n’ont pas produit de dividendes. Il avait accès à une foule de renseignements dans l’industrie de la technologie et il croyait qu’il pourrait investir dans ce domaine, sans se limiter à Emergis. [traduction] « J’ai ainsi risqué beaucoup d’argent ».

 

[18]         En décembre 2000, il a levé les options et a pris la dette à sa charge. Jusqu’alors, il était financé par Emergis.

 

[19]         Entre février 2000 et décembre 2000, entre 90 et 95 pour 100 de son portefeuille était constitué d’actions d’Emergis. Il a établi des liens directs avec le marché en obtenant un compte de placements spécialisé (voir pièce R-1, onglets 40 et 41). Il bénéficiait [TRADUCTION] « de nombreuses possibilités d’observer le marché ». Il pouvait suivre l’évolution de ses actions tout en étant éclairé sur ce qu’il devait faire.

 

[20]         Il était au courant des cours vendeurs et des cours acheteurs. Il était abonné à des rapports d’analystes et recevait des renseignements sur le marché à terme. Il cherchait des occasions pour passer à l’action, principalement sur les marchés nord‑américains.

 

[21]         En février 2000, on a assisté à l’effondrement du prix des actions des sociétés liées aux nouvelles technologies et aux communications. Des valeurs technologiques comme celles d’Emergis dégringolaient, mais la société continuait à être rentable. Il croyait que la valeur des actions connaîtrait une nouvelle hausse. Il a décidé de tenir bon et d’attendre que les actions reprennent de la valeur avant de passer à l’action et pour réaliser un éventuel bénéfice.

 

[22]         Lorsqu’il a levé ses options en décembre 2000, il croyait que la valeur des actions d’Emergis augmenterait. Il refusait de baisser les bras.

 

[23]         Il a emprunté de l’argent pour acheter les actions et a attendu que leur prix se rétablisse pour pouvoir ainsi encaisser de l’argent.

 

[24]         Il a fait entre cinq et dix opérations sur valeurs en 2000. Le marché était très instable. On l’a renvoyé à la pièce R-1, onglet 13. Il s’agit de sa déclaration de revenus de 2000 dans laquelle il avait déclaré un gain en capital imposable de 39 173,28 $. Il a admis qu’il n’avait pas déclaré de revenus d’entreprise ou de pertes commerciales cette année-là.

 

[25]         Il s’en remettait à son expert-comptable. Il a ensuite affirmé qu’il ne savait plus s’il avait rencontré ou non son expert-comptable. Il pense avoir parlé à son expert-comptable des activités de son entreprise.

 

[26]         En 2001, il a vendu son premier bloc d’actions assorties d’une option. Il croulait sous les dettes. Il a été contraint de vendre la moitié des titres qu’il détenait dans Emergis pour pouvoir rembourser ses dettes. Price Waterhouse lui avait dit que son portefeuille n’était pas assez diversifié. Il a gardé quelques actions dans l’espoir que les cours remontent.

 

[27]         Il a acheté des actions de Dell et de Nortel et avait l’intention de profiter de la croissance de ces sociétés. Il a acheté des actions de Research in Motion pour les revendre aussitôt dès que leur valeur augmenterait un peu. Il était lourdement endetté. Il a admis qu’il n’avait effectué qu’entre cinq et dix opérations ou peut-être moins. Le nombre d’opérations sur valeurs qu’il prévoyait effectuer dépendait de sa capacité d’emprunt.

 

[28]         En 2001, après qu’il eut acquis ses actions, le marché était déprimé et il a commencé à se demander comment il réussirait à gagner sa vie. Il a mentionné à des gens qu’il se cherchait peut-être du travail.

 

[29]         On lui a offert un emploi chez Platform. Il travaillait à temps plein pour cette société, mais continuait à surveiller le cours de ses actions le soir.

 

[30]         On l’a renvoyé à la pièce R-1, onglet 46, en l’occurrence son résumé de revenus tirés de placement de 2001 de TD Waterhouse. Il a expliqué qu’il avait vendu une partie des actions qu’il détenait dans Emergis parce qu’il ne croyait plus que les conserver constituait une solution raisonnable. Il pouvait encore réaliser des profits à ce moment-là.

 

[31]         En 2002, il a vendu le reste de ses actions d’Emergis pour rembourser ses dettes.

 

[32]         En contre-interrogatoire, il a expliqué qu’au cours de la période en cause, il avait dirigé une firme d’experts-conseils, mais pas avant 2001. Dès qu’il a quitté Emergis, en février 2000 et jusqu’en avril 2001, il œuvrait dans le domaine des opérations sur valeurs mobilières. Il n’a commencé à négocier des valeurs qu’en février 2000 et il n’a pas exercé ce genre d’activités en 2003.

 

[33]         L’appelant a raconté qu’avant 2002, il avait touché un peu à la bourse par l’intermédiaire d’un courtier. Le 1er juillet 1999, il a ouvert un compte en tant que négociant direct. Il a admis qu’il aurait pu avoir un compte de placements en direct sans faire affaires comme négociant. Mais lorsqu’il a quitté Emergis, il a modifié le statut de son compte de placements en direct en celui de « compte sans droit de regard et sans intervention » mais il n’a pas été en mesure de préciser à quelle date ce changement avait eu lieu.

 

[34]         Il n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi la période comprise entre mai et octobre 2000 n’était pas mentionnée dans son résumé de portefeuille. Il a dit qu’on ne lui avait jamais posé de question au sujet de cette période.

 

[35]         Il a ouvert un compte à intérêts élevés mais, comme il n’avait aucun document au sujet de son compte à accès direct, il a dû tout faire par téléphone.

 

[36]         Il a admis que n’importe qui pouvait se brancher sur Internet et obtenir les renseignements contenus à la pièce R-1, onglet 40, mais il n’a pas été en mesure de dire si c’était également le cas en ce qui concerne les tableaux que l’on trouve à la pièce R-1, onglet 41. Il avait toutefois un compte de président qui lui permettait d’avoir accès à des renseignements que d’autres personnes ne pouvaient obtenir.

 

[37]         Il a été dispensé des frais afférents à la plateforme de son compte de placements, mais il ignore quand ce compte a été ouvert et n’était pas au courant des critères qui s’y appliquaient.

 

[38]         Il n’avait pas d’expérience particulière en négociation de valeurs avant 2001. Il a suivi un cours de l’Institut canadien des valeurs mobilières en février 2001 et a payé 415 $ pour assister à ce cours, qui était ouvert au public. Ce cours s’adresse à quiconque souhaite devenir un courtier agréé. Il s’est inscrit à ce cours uniquement parce qu’il voulait acquérir des connaissances et non pas parce qu’il voulait devenir courtier agréé. Il a suivi le cours pour obtenir les manuels et les documents qui étaient distribués. Le cours n’était pas dispensé dans une salle. Il laissait les rapports le soir après la clôture des marchés et il lisait les journaux.

 

[39]         Pour ce qui est de la carrière sportive de son épouse, il agissait comme entraîneur adjoint et directeur des relations avec les médias et il donnait son avis au sujet de son programme d’entraînement. Il organisait aussi les entrevues auxquelles elle participait. Il s’est rendu en Australie vers le mois d’août 2000 pour la soutenir. Il croyait que, théoriquement, il avait assez d’argent pour le faire.

 

[40]         Lorsqu’il a quitté Emergis, il a reçu neuf mois de salaire, soit 112 500 $, ainsi qu’une indemnité de 800 $ par mois pour utilisation d’un véhicule personnel.

 

[41]         Il a été interrogé au sujet d’une entrevue qu’il avait réalisée avec Radio‑Canada et dans laquelle il aurait déclaré qu’il avait quitté son nouvel emploi pour accompagner sa femme. Il a déclaré qu’il était l’entraîneur adjoint de sa femme, et qu’il était son [traduction] « arme secrète » et son gérant. Elle avait aussi une équipe d’entraîneurs pour l’appuyer.

 

[42]         Il s’occupait de l’horaire d’entraînement de son épouse et a évoqué la possibilité d’organiser des entrevues, en précisant que cela ne prenait pas beaucoup de son temps. Il aidait aussi sa femme sur le plan financier. Il pouvait consulter Internet lorsqu’il participait à des compétitions. Il pouvait vérifier les cours du marché dans des cybercafés.

 

[43]         Il a passé une semaine à Sydney, en Australie, un week-end à Hawaï, quatre semaines aux Jeux olympiques et cinq jours à Cancun, au Mexique.

 

[44]         On l’a renvoyé à son curriculum vitae, pièce R-1, onglet 20, où il disait avoir démissionné de son poste chez Emergis pour devenir courtier en valeurs mobilières. Il a répondu qu’il tentait d’expliquer pourquoi il ne travaillait pas.

 

[45]         Il a reconnu son curriculum vitae, pièce R-1, onglet 20, qu’il avait présenté lorsqu’il avait postulé pour travailler chez Platform, mais il n’a pas indiqué qu’il était courtier en valeurs mobilières. Il a expliqué qu’il ne voulait pas qu’on sache qu’il n’avait pas réussi comme courtier en valeurs mobilières, mais qu’il voulait tabler sur le [traduction] « thème olympique ». Il ne croyait pas non plus qu’il était important de préciser qu’il faisait des opérations sur des actions.

 

[46]         Il a bel et bien déclaré ses revenus d’entreprise de Fridge Rentals dans sa déclaration de revenus de 1996. En 1998 et en 1999, il a déclaré ses revenus d’emploi d’Emergis. Il n’avait pas de revenus d’entreprise. La situation était la même en 2000. Il a également déclaré les gains en capital imposables tirés de la disposition de trois blocs d’actions différents.

 

[47]         Il a déclaré : [traduction] « Je suppose que je mettais mon comptable au courant de mes affaires. Je discutais avec lui de ce que j’avais fait cette année-là. Je lui ai dit que je faisais des opérations sur des valeurs mobilières. Il a commis une erreur : il aurait dû traiter ces gains comme un revenu. Nous n’avons pas discuté des avantages ou des inconvénients de déclarer cette somme comme un revenu d’entreprise ou comme des gains ou des pertes en capital ».

 

[48]         En 2001, il a donné plus de détails à son expert-comptable et lui a dit qu’il devait être considéré comme un courtier en valeurs mobilières en 2001.

 

[49]         Le jour de son départ d’Emergis, il aurait pu vendre ses actions et réaliser entre 7 000 000 $ et 10 000 000 $ de profit. En décembre, lorsqu’il a levé ses options, les actions se négociaient à 42 $ l’action.

 

[50]         Après avoir examiné sa déclaration de revenus de 2001, que l’on trouve à la pièce R-1, onglet 15, il a admis que Nortel lui avait effectivement versé 2 121,06 $ en dividendes en 2001. Il a également déclaré le revenu d’entreprise tiré de sa firme d’experts-conseils, de même que 1 235 550 $ provenant de ventes, de commissions et d’honoraires, et il a fait état d’une perte nette de 586 889,95 $.

 

[51]         Son expert-comptable a fait le soi-disant choix indiqué aux pages 27 et 28 de sa déclaration de revenus de 2001. Mais ce choix ne reposait pas sur ses pertes. Il n’a pas été question de produire une déclaration modifiée pour l’année 2000.

 

[52]         Il n’a déduit aucune dépense pour la maison où il exerçait ses activités de courtier en valeurs mobilières parce que tout l’équipement lui appartenait. Les actions d’Emergis qu’il a vendues en 2000 ne faisaient pas partie des options en question en l’espèce.

 

[53]         Il a admis qu’en 2001, il n’avait pas déduit de dépenses d’affaires pour l’utilisation qu’il avait faite de son domicile pour son entreprise de courtage en valeurs mobilières, mais qu’il en avait déduit pour sa firme d’experts-conseils. Il s’en remettait à son expert-comptable.

 

[54]         Il n’a pas déclaré de gains en capital en 1999 parce qu’il avait essuyé des pertes ou bien ne s’était pas rendu au-delà du seuil de rentabilité.

 

[55]         Il n’a pas fait beaucoup d’opérations sur valeurs, mais il suivait constamment l’évolution du marché parce que celui-ci était très instable et qu’il attendait le moment propice pour vendre. Il cherchait à comprendre ce qui se passait sur le marché.

 

[56]         Il a vendu son premier bloc d’actions en 2001 parce qu’on lui avait suggéré de diversifier son portefeuille ou de rembourser ses emprunts. Les prêteurs étaient au courant que les actions technologiques se portaient mal. Ils ont donc modifié les marges et ont déclaré que, s’il ne vendait pas ses actions à ce moment-là, ils le feraient à sa place.

 

[57]         Dans son réinterrogatoire, il a expliqué que la constitution du compte de placements en direct ne faisait pas partie des mesures qu’il avait prises pour devenir un courtier en valeurs mobilières.

 

[58]         Irving Gurau est expert-comptable agréé depuis trente ans. L’appelant était un de ses clients au cours des années en question. Parfois, l’appelant lui apportait des documents à son bureau et parfois il les lui faisait parvenir. Il l’a présenté comme une [traduction] « personne de dernière minute » ou comme [traduction] « le genre de client qu’on ne voit qu’une fois par année ».

 

[59]         Il ne rencontrait pas systématiquement son client avant la signature de ses déclarations de revenus. Son client n’était pas une personne bien avertie. Il laissait le soin à son expert-comptable de faire ce qu’il estimait juste.

 

[60]         Il a admis que la déclaration de revenus de 2000 de l’appelant ne faisait état d’aucun revenu d’entreprise et que le produit tiré de la disposition des actions avait été déclaré comme un gain en capital.

 

[61]         Au cours de l’année 2000, l’appelant lui aurait parlé de son projet de quitter Emergis, mais il ne se souvient pas s’ils ont effectivement discuté de ses intentions. [traduction] « Comme il était déjà tard, je me suis probablement contenté de reprendre tels quels les renseignements qu’il m’avait donnés ».

 

[62]         Toutefois, au cours de l’année 2001, il a rencontré l’appelant et a discuté de ce qu’il avait fait au cours de l’année. L’appelant lui a dit qu’il était courtier en valeurs mobilières et sa déclaration de revenus de 2001 a été établie en conséquence.

 

[63]         Il a déclaré : [traduction] « En 2000, je ne puis imaginer que je me serais arrêté à cette question. Nous l’avons abordée en 2001 ».

 

[64]         Il a expliqué qu’il avait eu plus de temps pour réfléchir. Il n’est pas revenu sur la façon dont la déclaration de 2000 avait été produite. Il aurait dû déclarer ce montant comme un revenu. Il a ajouté : [traduction] « le ministère ne semblait pas très enthousiaste à l’idée que je produise une déclaration modifiée pour l’année 2000 ».

 

[65]         Il a nié que le montant avait été déclaré comme un revenu plutôt que comme un gain en capital dans la déclaration de revenus de 2001 pour la simple raison qu’il y avait eu des pertes.

 

[66]         En 2001, l’appelant était lourdement endetté. Il a suivi des cours. Il a reçu tous les services et avait le temps de suivre l’évolution des marchés. Il semblait véritablement exercer des activités commerciales.

 

[67]         En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré que les renseignements qu’il possédait étaient le résultat des discussions qu’il avait eues avec l’appelant. Il n’a pas dit qu’il avait eu de la difficulté avec les pertes en question, mais par la suite, il a été question de sa façon de procéder.

 

[68]         C’est lui qui a suggéré à l’appelant de modifier sa façon de déclarer. Il a alors décidé de présenter l’appelant comme un courtier en valeurs mobilières.

 

Arguments avancés au nom de l’appelant

 

[69]         Ainsi que l’avocat de l’appelant l’a expliqué dans son exposé introductif, il a fait valoir que la question que la Cour est appelée à trancher est celle de savoir si les pertes subies à la suite de la disposition des actions (assorties d’une option) que l’appelant possédait dans Emergis étaient des pertes d’exploitation (pertes autres que des pertes en capital) ou des pertes en capital.

 

[70]         Selon le scénario actuel, le ministre a privé le contribuable du droit d’opérer compensation entre les pertes et les revenus tout en imposant les avantages afférents aux options d’achat d’actions comme des revenus.

 

[71]         En 2000, lorsqu’il a quitté l’emploi qu’il exerçait activement, l’appelant s’est lancé dans un projet en vue de faire du courtage en valeurs mobilières dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Parmi les critères à appliquer en l’occurrence, il y a celui consistant à se demander s’il existait des indices permettant de penser qu’on avait affaire à un négociateur d’actions.

 

[72]         Il y a un grand nombre d’éléments de preuve de son intention de devenir un courtier en valeurs mobilières. Il possédait beaucoup de connaissances dans le domaine grâce aux divers emplois qu’il avait exercés et à la formation qu’il avait reçue et qui lui avait permis d’acquérir des connaissances spéciales lorsqu’il travaillait pour Emergis.

 

[73]         En 2000, lorsqu’il a quitté Emergis, il a commencé à planifier la négociation de ses actions assorties d’une option. Il prévoyait vendre ses actions au meilleur prix lors de la levée de ses options, le 2 décembre 2000. L’achat des actions a été entièrement financé et géré par le truchement d’un compte d’emprunt avec effet de levier. Il s’est ensuite lancé dans son entreprise de courtage en valeurs mobilières.

 

[74]         Par suite de l’effondrement du prix des actions des compagnies liées aux nouvelles technologies et de la dévaluation des actions, il a été forcé de vendre ses actions et de rembourser la dette qu’il avait contractée pour les acquérir.

 

[75]         L’acquisition des actions d’Emergis était un risque de caractère commercial. Ce facteur est important pour déterminer l’intention du contribuable au moment de l’acquisition des actions. Pourtant, en contre-interrogatoire, aucune question ne lui a été posée au sujet de ses intentions.

 

[76]         Suivant son témoignage non contredit, l’appelant avait l’intention d’agir comme courtier en valeurs mobilières. Il n’est pas nécessaire de constater l’existence d’indices en ce sens pour appuyer cette intention et ce, même si ces indices peuvent contribuer à justifier une telle conclusion. Dans le cas qui nous occupe, nous disposons de l’intention telle qu’elle ressort du témoignage de l’appelant ainsi que des indices permettant de penser qu’il voulait négocier des valeurs.

 

[77]         La conjoncture du marché est venue contrecarrer les projets de l’appelant. Si l’appelant avait réalisé un bénéfice lors de la vente, le ministre aurait disposé d’arguments accablants pour justifier l’inclusion de ces profits dans les revenus. Dans son témoignage, M. Baird a affirmé qu’il avait l’intention de négocier des valeurs, mais nous disposons aussi d’éléments de preuve suivant lesquels il participait à un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[78]         Lorsque l’appelant a levé ses options, il a emprunté une somme très élevée pour pouvoir payer les actions (au moins 700 000 $). Il s’est lourdement endetté. Il aurait pu vendre les actions à ce moment-là, auquel cas il aurait fait des millions et aurait pu éteindre sa dette. Or, ce n’est pas ce qu’il a fait.

 

[79]         Il aurait pu vendre une partie des actions, rembourser sa dette et conserver le reste des actions comme placement (si son intention était d’investir), mais ce n’est pas ce qu’il a fait.

 

[80]         Se fiant à ses connaissances spécialisées du marché et en particulier de l’industrie de la technologie et d’Emergis, il a risqué le tout pour le tout. Il n’y a qu’une seule raison qui explique pourquoi quelqu’un dans sa situation agirait ainsi. Il s’attendait à faire un profit plus substantiel. Il a spéculé qu’il ferait plus d’argent, ce qui indique qu’on a affaire à un risque de caractère commercial. Voilà qui suffit pour trancher le présent litige.

 

[81]         Aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet de la possibilité de recevoir des dividendes pour qu’on puisse conclure qu’il avait l’intention de faire un placement. Le ministre cherche maintenant à mettre le comble à cette histoire.

 

[82]         Il a cité le jugement Howard v. R.[1], dans lequel la juge Sheridan a donné gain de cause au contribuable dans une affaire qui correspond en tous points à la présente. Dans ce jugement, la juge Sheridan a assimilé les activités exercées par le contribuable à celles d’un courtier et non simplement à celles d’une personne qui participait à un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[83]         Suivant l’avocat, la présente affaire est purement factuelle.

 

[84]         Ce n’est pas parce qu’on ne vend pas qu’on ne participe pas à un projet comportant un risque de caractère commercial s’il existe une raison de ne pas vendre. Le fait que le contribuable n’a pas vendu ses actions est sans intérêt. Seules importent son intention et ses connaissances. Il n’existe aucune présomption voulant que les actions aient un caractère de capital[2].

 

[85]         Le critère applicable est celui de savoir si, au moment de l’achat, le contribuable avait l’intention de revendre ses actions à profit dès que possible[3]. Tout comme dans l’affaire Howard, M. Baird avait, en l’espèce, fait une importante acquisition et risquait le tout pour le tout.

 

[86]         Le fait qu’il n’a pas vendu ses actions à la première occasion n’est pas concluant. Pour ce qui est de la fréquence des transactions, une seule suffit. Le fait qu’il ait conservé ses actions jusqu’à ce qu’il soit forcé de les vendre ne tire pas à conséquence[4].

 

[87]         La meilleure preuve de son intention est le fait qu’il a conservé ses actions jusqu’à ce que l’occasion de les vendre à profit se présente.

 

[88]         Les actions qui ont été vendues en 2000 n’étaient pas des actions assorties d’options. Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel le contribuable a traité les actions d’une certaine manière la première année et d’une manière différente l’année suivante[5].

 

[89]         La présente affaire porte sur le traitement des actions assorties d’options de M. Baird. La façon dont il les a traitées était compatible avec la façon dont son expert-comptable les a traitées. La disposition des actions en 2000 nous met sur une fausse piste. Les seuls éléments de preuve dont nous disposons au sujet de son intention au moment de l’acquisition de ses actions à options tendent à démontrer qu’il cherchait à faire un profit ultérieurement. Aucun dividende n’a été versé sur les actions en question. La présente espèce est identique à l’affaire Howard, précitée.

 

[90]         Outre les connaissances spéciales que l’appelant possédait au sujet du marché et plus particulièrement des actions en question, il y a d’autres indices permettant de conclure à une intention de faire du commerce. L’appelant a ouvert un compte de placements en direct dont il suivait constamment l’évolution; c’était un compte sans droit de regard et il avait accès à des renseignements que seuls des négociants pouvaient posséder. Il est sans intérêt que d’autres personnes aient pu avoir accès aux renseignements, parce qu’il a affirmé qu’il s’était servi de ces renseignements.

 

[91]         Dans l’hypothèse où il s’agit d’un risque de caractère commercial, il importe peu de savoir combien de temps il a consacré à négocier des valeurs. Il a quitté son emploi et n’habitait pas avec son épouse. Même s’il avait travaillé à temps plein, on aurait quand même pu avoir affaire à un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[92]         Ce n’est pas parce qu’il a été contraint de vendre des actions en 2001 et qu’il ne voulait pas se départir de ses actions d’Emergis qu’il s’ensuit nécessairement qu’il n’exploitait pas une entreprise. Le marché était déprimé et il en suivait l’évolution. Au moment de la seconde disposition, en 2002, il avait abandonné la partie. Il a dû vendre ses actions pour rembourser sa dette. Il n’a jamais atteint les objectifs qu’il s’était fixés. La conjoncture l’a obligé à vendre. On ne saurait donc déceler dans ces faits aucune des caractéristiques d’un placement. La nature même du mode d’acquisition des actions ne conduit qu’à une seule conclusion, en l’occurrence qu’il s’agissait d’un risque de caractère commercial.

 

[93]         Il y a lieu d’accueillir les appels avec dépens.

 

Arguments avancés au nom de l’intimée

 

[94]         L’avocat de l’intimée a cité l’arrêt Irrigation Industries Ltd v. Minister of National Revenue[6] pour passer en revue ce qui, selon lui, constituent les principes généraux applicables en la matière. Dans cet arrêt, il est statué ce qui suit, au paragraphe 13 : [traduction] « Il est difficile de concevoir un cas d’achat de titres dans lequel l’acheteur n’aurait pas au moins en partie l’intention de revendre ces derniers si leur valeur augmentait au point où leur vente paraîtrait financièrement souhaitable ».

 

[95]         Il ne suffit pas de plaider que, comme il avait l’intention de vendre les actions à profit, cela suffit pour constituer un risque de caractère commercial. Au paragraphe 14, la Cour suprême ajoute ce qui suit : [traduction] « Je pense qu’il faut plus d’éléments de nature “commerciale” qu’en l’espèce (c’est-à-dire un achat isolé qui ne s’inscrit pas dans le cadre de ses activités habituelles) pour conclure qu’on a affaire à un projet comportant un risque de caractère commercial ».

 

[96]         L’intention de faire du commerce doit être plus évidente. L’intention de vendre à profit ne suffit pas.

 

[97]         Dans le jugement Rajchgot v. R.[7], la Cour déclare, au paragraphe 17 :

 

Le facteur décisif pour déterminer si le contribuable a acquis un bien à des fins d’investissement ou commerciales est son intention au moment de l’acquisition du bien. Il faut déterminer cette intention en se fondant sur l’ensemble de la conduite de l’appelant.

 

L’avocat estime que la levée de l’option n’indique pas qu’on a affaire à des activités commerciales.

 

[98]         En ce qui concerne la fréquence des opérations, dans le jugement Sandnes v. R.[8], la Cour a estimé que les onze opérations qui avaient été effectuées dans cette affaire n’étaient pas suffisantes pour qu’on puisse considérer le contribuable comme un négociant en valeurs mobilières. La Cour a également estimé que la probabilité que des dividendes soient versés ne constituait pas un facteur significatif.

 

[99]         L’avocat a cité le jugement Funk v. Minister of National Revenue[9], au  paragraphe 20, dans lequel le tribunal a conclu ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[…] Il semble qu’il soit maintenant acquis dans la jurisprudence que l’accroissement de valeur du capital ne devient pas un revenu du simple fait que le capital initial a été investi dans l’espoir que sa valeur augmente.

 

 

[100]     Ainsi que la Cour fédérale l’a fait observer dans le jugement Succession Sullivan v. R.[10], au paragraphe 21 :

 

Néanmoins, je me permets de répéter une observation que j’ai déjà faite dans d’autres affaires où il était question de l’intention du contribuable et où la détermination favorable de cette intention constituait l’élément de base sur lequel le demandeur fondait sa cause. Les déclarations ou les affirmations du contribuable ayant pour objet de démontrer l’intention sont toujours recevables en preuve. Cependant, la valeur probante qui devra leur être accordée sera plus ou moins directement proportionnelle à la preuve plus objective qui sera soit plutôt en accord avec l’intention déclarée, ou plutôt en désaccord avec elle. Pris ensemble, ces deux éléments peuvent, d’une manière ou d’une autre, constituer une preuve convaincante, voire parfois concluante.

 

 

[101]     L’avocat estime que le témoignage subjectif de M. Baird contredit les éléments de preuve objectifs.

 

[102]     L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il avait été courtier en valeurs mobilières dès le moment où il avait quitté son emploi, en février 2000, et ce, jusqu’en avril 2001, où il avait commencé à travailler pour Platform. Une lettre de son expert-comptable explique qu’il consacrait énormément de temps à cette entreprise. Pourtant, le curriculum vitae qu’il a produit, pour donner suite à l’engagement qu’il avait pris, ne mentionne pas qu’il négociait des valeurs.

 

[103]     Il n’a également pas mentionné dans son curriculum vitae qu’il avait consacré du temps à aider son épouse dans son entraînement, ce qui lui aurait enlevé du temps qu’il aurait pu par ailleurs consacrer à son entreprise de négociation de valeurs mobilières. Les meilleurs éléments de preuve objectifs de son intention sont dans le curriculum vitae qu’il a soumis à Platform. Il s’agit de la pièce R-2. Il a rédigé ce curriculum vitae pour informer ses éventuels employeurs de son expérience. Il leur a expliqué qu’il avait démissionné du poste qu’il occupait chez Emergis dans le but de participer à l’entraînement de son épouse pour aider celle-ci à faire partie de l’équipe olympique canadienne.

 

[104]     Ce curriculum vitae a été rédigé après que sa présumée entreprise de courtage eut pris fin. Ce sont les éléments de preuve dont nous disposons au sujet de l’intention qui l’animait lorsqu’il a remis sa démission, en février. Il n’a levé les options qu’en décembre de la même année. Il n’a levé ces options que parce qu’elles étaient sur le point de devenir caduques. Comment peut-il prétendre qu’il a quitté son emploi pour se lancer en affaires alors qu’il a attendu jusqu’en décembre 2000 pour lever ses options?

 

[105]     Entre le moment où il a quitté son emploi et celui où il a levé ses options, il s’est occupé des ambitions athlétiques de son épouse.

 

[106]     Quel était le risque lorsqu’il a levé les options en question? Les options valaient des millions et il n’a emprunté que 700 000 $.

 

[107]     L’avocat conteste la thèse de l’appelant selon laquelle la présente espèce est identique à l’affaire Howard, précitée. L’affaire Howard portait sur un contribuable qui travaillait toujours au sein d’une entreprise qui faisait l’acquisition d’actions, tandis qu’en l’espèce, l’appelant avait reçu une indemnité de départ.

 

[108]     Dans l’affaire Howard, précitée, le contribuable n’avait pas vendu ses actions, même lorsque leur prix avait augmenté, parce qu’il ne voulait pas vendre ses actions alors qu’il promouvait activement leur acquisition auprès d’éventuels acheteurs.

 

[109]     En l’espèce, l’appelant n’a pas acheté d’autres actions et il n’en a vendu aucune. Il s’en était tenu à une seule catégorie actions et on a dû lui suggérer de diversifier son portefeuille.

 

[110]     S’il était un courtier en valeurs mobilières, pourquoi alors n’a-t-il pas vendu ses actions avant que leur prix ne tombe sous celui auquel il les avait achetées?

 

[111]     Il se peut qu’il n’y ait pas de lien entre le gain en capital réalisé en 2000 et les actions en cause en l’espèce, mais il faut tenir compte de la conduite que le contribuable a eue au cours des autres années. Lorsqu’il subissait des pertes, il les traitait comme un revenu et, lorsqu’il réalisait un profit, il les considérait comme du capital.

 

[112]     L’avocat cite le jugement Lager v. The Queen[11] en affirmant toutefois que cette affaire est différente parce qu’elle ne portait pas sur une option et que le contribuable risquait réellement de subir une perte lorsque les actions avaient été achetées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. L’appelant ne courait aucun risque dans le cas qui nous occupe. Nous ne disposons en l’espèce que de son témoignage intéressé. Les éléments de preuve qui militent contre lui sont le curriculum vitae qu’il a produit et l’entrevue qu’il a donnée sur les ondes de Radio-Canada. Ce sont là des éléments de preuve clairs et objectifs de son intention d’aider son épouse à atteindre son rêve olympique.

 

[113]     La raison qu’il a invoquée pour expliquer pourquoi il n’avait pas parlé de son entreprise de courtage en valeurs mobilières dans le curriculum vitae qu’il avait soumis à Platform, en l’occurrence qu’il avait honte de son échec, sonne faux, parce qu’il a rédigé son curriculum avant de subir cette perte.

 

[114]     En 2000, il a effectué très peu d’opérations, il a levé ses options en décembre, et il a déclaré le produit de la disposition comme un gain en capital.

 

[115]     En 2001, il a acheté des actions de Celestica (après avoir été embauché par Platform); de Nortel (mars 2001), de Research in Motion (mars 2001), de Dell Computer (2001) et il a vendu son premier bloc d’actions d’Emergis.

 

[116]     En 2002, la seule activité qu’il a effectuée consistait à revendre le reste de ses actions d’Emergis. Il a acheté Vector après avoir commencé à travailler pour Platform.

 

[117]     Il affirme qu’il consacrait le plus clair de son temps à négocier des valeurs. Est-ce là le comportement d’une personne qui affirme avoir quitté son emploi chez Emergis pour aider son épouse, ainsi qu’il ressort de son curriculum vitae et de son entrevue à Radio-Canada?

 

[118]     Il n’a pas fait de recherches avant d’acquérir ces actions. Elles lui ont été offertes sur un plateau d’argent. Il aurait pu en surveiller le rendement parce qu’il devait lever ses options avant une certaine date.

 

[119]     Il a établi sa déclaration de 2000 en avril 2001. Il explique qu’il discutait de ses affaires avec son expert-comptable, mais ce dernier a affirmé ne pas se souvenir d’avoir parlé avec lui des affaires de l’appelant en ce qui a trait à l’année d’imposition 2000.

 

[120]     En ce qui concerne l’année d’imposition 2001, l’expert-comptable de l’appelant a exercé le choix en fonction de la situation fiscale de l’appelant et du traitement fiscal à appliquer. Son expert-comptable avait un autre client dont la situation l’avait incité à recommander certaines mesures à l’appelant. Il n’était pas nécessaire de faire un des choix prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). C’était le geste d’une personne désespérée. Il n’a par ailleurs pas produit de déclaration modifiée pour l’année 2000.

 

[121]     Il s’agit d’une planification fiscale opportuniste déclenchée par les pertes subies au cours des années en question.

 

[122]     Il n’a pas déduit de dépenses pour le bureau qu’il avait à la maison, mais il a demandé une déduction pour son cabinet d’experts-conseils.

 

[123]     La crédibilité joue un rôle capital en l’espèce, et les différences constatées entre le curriculum vitae et les faits sont extrêmement éloquentes. Aucune entreprise n’était exploitée.

 

[124]     L’appelant avait une mémoire sélective. Il a relaté avec force détails son expérience, mais lorsqu’on l’a interrogé sur le temps qu’il passait avec son épouse, il n’arrivait pas à répondre. Il ne se souvient pas quand il a ouvert son compte à intérêts élevés.

 

[125]     On doit tirer une conclusion défavorable à l’égard de l’appelant parce que son épouse n’a pas témoigné. Elle aurait pu corroborer son témoignage.

 

[126]     Les appels devraient être rejetés avec dépens.

 

Contre-preuve

 

[127]     En contre-preuve, l’avocat de l’appelant s’est opposé à la façon dont l’avocat de l’intimée avait traité le témoignage de l’expert-comptable.

 

[128]     Il a en outre avancé que l’intimée faisait reposer toute sa thèse sur deux choses, l’entrevue réalisée avec Radio-Canada et les deux curriculum vitae. Il ne s’agit pas d’une question de crédibilité.

 

[129]     Après la levée des options par l’appelant, ses actions constituent les éléments de preuve les plus objectifs de son intention. Ces agissements indiquent qu’il participait à un risque de caractère commercial. Il a été forcé de lever ses options au moment où il l’a fait et il a attendu pour revendre ses actions parce que le moment propice n’était pas encore venu.

 

[130]     Il n’a pas passé la plus grande partie de son temps avec son épouse. Il y avait un risque. Il avait des actions d’une valeur de 7 000 000 $ et il a décidé de ne pas les revendre. C’était un risque.

 

[131]     Même après avoir quitté Emergis, il possédait plus de connaissances spéciales que la plupart des courtiers en valeurs mobilières, ce qui n’enlève rien au fait qu’il participait à des activités ou à un risque de caractère commercial.

 

[132]     Pourquoi n’a-t-il pas emprunté plus? Il ne le pouvait pas. Son acquisition de 62 000 actions constituait un risque de caractère commercial. Ce fait ne permet pas nécessairement de conclure qu’il n’a pas effectué d’autres opérations. Rien ne permet de penser qu’il faisait un placement. La plus grande partie de la thèse de l’intimée repose sur les activités de négociation de valeurs de l’appelant et non sur son intention.

 

Analyse et décision

 

[133]     Ainsi que les avocats des parties l’ont expliqué, il y a deux questions à trancher en l’espèce. La première est celle de savoir si la conduite qu’a adoptée l’appelant en vendant ses actions d’Emergis au cours des années d’imposition 2001 et 2002 permet de penser qu’on a affaire à un « risque de caractère commercial ». La seconde question est celle de savoir si, au cours de la période en cause, l’appelant exploitait une entreprise de courtage en valeurs (en tant que courtier en valeurs mobilières).

 

[134]     Si elle devait conclure que l’appelant participait à un risque de caractère commercial, la Cour n’aurait pas besoin d’aller plus loin et l’appelant obtiendrait les conclusions qu’il recherche. Toutefois, l’appelant affirme qu’il était un « courtier en valeurs mobilières » et qu’il exploitait donc une « entreprise » au sens de la Loi, de sorte qu’il avait le droit de déduire les pertes subies dans le cours de ces activités en tant que pertes autres que des pertes en capital.

 

[135]     L’avocat de l’appelant soutient énergiquement que l’intention de l’appelant depuis le début était de conserver les actions jusqu’à ce qu’il puisse les revendre à profit et que cette conclusion suffit à elle seule pour lui permettre de se prévaloir des déductions que le ministre lui a refusées.

 

[136]     Cependant, dans l’arrêt Irrigation Industries Ltd., précité, le juge Martland de la Cour suprême du Canada a conclu que la question ne pouvait être tranchée selon ce seul critère. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je pense qu’il faut plus d’éléments de nature “commerciale” qu’en l’espèce pour conclure qu’il s’agissait d’un projet comportant un risque de caractère commercial ».

 

[137]     Il a également expliqué qu’[traduction] « [i]l est difficile de concevoir un cas d’achat de titres dans lequel l’acheteur n’aurait pas au moins en partie l’intention de revendre ces derniers si leur valeur augmentait au point où leur vente paraîtrait financièrement souhaitable ».

 

[138]     En outre, il ne croyait pas que ce facteur était déterminant lorsque les actions étaient achetées avec l’argent du contribuable ou avec de l’argent emprunté.

 

[139]     L’avocat de l’appelant semblait conclure qu’il s’agissait là d’un facteur important qui tendrait à démontrer que son client participait à un projet comportant un risque de caractère commercial.

 

[140]     Il s’est également élevé contre ce qu’il estimait être une importante lacune de la part de l’avocat de l’intimée qui n’avait posé aucune question à l’appelant au sujet de ses intentions, lorsqu’il avait témoigné.

 

[141]     La Cour ne considère pas qu’il s’agisse là d’une faille dans la cause de l’intimée. Depuis le début, l’appelant a toujours affirmé que son intention était de conserver les actions pour les revendre plus tard à profit. Il est extrêmement peu probable qu’il aurait répondu différemment à toute question qui aurait pu lui être posée au sujet de son intention par l’avocat de l’intimée.

 

[142]     L’avocat de l’appelant a expliqué qu’il s’agissait d’une affaire dans laquelle [traduction] « nous avons à la fois une intention et des indices permettant de conclure à l’exploitation d’un commerce ». La Cour est toutefois convaincue que les éléments de preuve les plus substantiels en ce qui concerne l’intention de l’appelant et qui portent sur son intention déclarée, après le fait et le nombre d’opérations effectuées, ne sont pas assez solides pour indiquer clairement qu’on a affaire à un « courtier en valeurs mobilières ».

 

[143]     Son intention déclarée doit être corroborée par l’ensemble de ses agissements. Or, en l’espèce, la Cour est convaincue que les agissements de l’appelant ne permettent pas de conclure qu’il était un courtier en valeurs mobilières.

 

[144]     La Cour conclut que la levée des options n’indique pas en soi qu’on a affaire à un « courtier en valeurs mobilières ». Il est significatif que les options lui aient été offertes dans le cadre de son emploi et non par suite des actes qu’il aurait accomplis sur le marché.

 

[145]     L’appelant soutient qu’il ressort de la preuve qu’il n’a touché aucun dividende sur les actions en question, ce qui corrobore sa thèse que l’acquisition des actions n’avait pas un caractère de capital.

 

[146]     Le contribuable pourrait toutefois tout aussi aisément conserver à des fins d’investissement des actions qui ne donnent pas droit à des dividendes s’il pense que leur valeur finira par augmenter.

 

[147]     L’avocat de l’appelant a fortement tablé sur le jugement Howard v. R., précité, et a affirmé que la présente espèce est identique à Howard. Dans ce jugement, la juge Sheridan a assimilé le contribuable à un courtier en valeurs mobilières en raison des connaissances spéciales qu’il avait du marché.

 

[148]     La Cour ne tire pas de conclusion sur la question de savoir si les « connaissances spéciales » du marché seraient suffisantes à elles seules pour qu’on puisse assimiler un contribuable à un courtier en valeurs mobilières, mais elle est d’avis qu’il ne s’agirait que d’un facteur parmi d’autres, dont notamment le facteur plus important de « l’ensemble de la conduite de l’appelant », pour reprendre l’expression qu’a employée le juge Rip (tel était alors son titre) dans le jugement Rajchgot v. R., précité, dont on doit tenir compte.

 

[149]     Dans l’arrêt Vancouver Art Metal Works Ltd. c. R.[12], la Cour d’appel fédérale déclare, au paragraphe [13] :

 

[…] La question de savoir si une série d’actes équivaut à l’exploitation d’un commerce ou d’une entreprise constitue toutefois une question de fait. Chaque cas sera jugé selon les faits qui lui sont propres. Il est évident que les facteurs tels que la fréquence des opérations, le temps pendant lequel les valeurs ont été conservées, (pour réaliser un bénéfice rapide ou pour en faire un placement à long terme, par exemple), l’intention d’acheter pour revendre à profit, la nature et la quantité des valeurs mobilières détenues ou qui font l’objet de l’opération, le temps consacré à l’activité en question, sont tous des facteurs pertinents et qui aident à déterminer si une personne exerce un commerce ou une entreprise de courtage.

 

 

[150]     Il existe des similitudes entre la présente espèce et l’affaire Howard, précitée, mais ces instances ne sont pas identiques, contrairement à ce que prétend l’avocat de l’appelant. Fait intéressant, ainsi que l’avocat de l’intimée l’a souligné, l’affaire Howard portait sur une personne qui était encore active au sein de l’entreprise. Le savant juge de première instance a d’ailleurs conclu qu’elle jouait le double rôle de directeur et de promoteur. Elle suivait à ce point de près l’évolution du marché qu’elle avait même déclaré : [traduction] « Prêter attention au marché constituait ma tâche vitale quotidienne ».

 

[151]     On ne peut en dire autant en l’espèce.

 

[152]     De plus, comme on l’a déjà dit, dans l’affaire Howard, le contribuable faisait la promotion active de l’acquisition des actions de la société auprès d’acheteurs éventuels.

 

[153]     Il y a fort à parier que la Cour a été impressionnée par les agissements du contribuable pour en arriver à la conclusion qu’elle a tirée dans le jugement Howard, précité. La situation factuelle en l’espèce est différente de celle de l’affaire Howard.

 

[154]     Dans le cas qui nous occupe, l’appelant n’a pas acheté d’autres actions et il n’a vendu ses actions que lorsque Price Waterhouse lui a suggéré de diversifier son portefeuille. Ses agissements ne sont certainement pas ceux d’un courtier en valeurs mobilières. Il était essentiellement confiné à une catégorie bien précise.

 

[155]     La Cour est convaincue que, en conservant ses actions pour une période aussi longue, et ce, alors même que leur valeur diminuait constamment, l’appelant n’agissait pas comme « courtier en valeurs mobilières ». De toute évidence, s’il était, comme il le prétend, un courtier en valeurs mobilières au courant du marché, il aurait vendu ses actions avant d’être forcé de le faire. Voilà comment un « courtier en valeurs mobilières » fait de l’argent et élimine ou réduit ses pertes à un minimum : en achetant et en vendant ses actions.

 

[156]     La Cour abonde dans le sens de l’avocat de l’intimée lorsqu’il fait observer que, même si le traitement fiscal du portefeuille comme un gain en capital pour l’année 2000 était sans rapport avec les actions en cause en l’espèce, le fait qu’au cours des années précédentes, l’appelant avait traité une partie de son portefeuille comme du capital est certainement un élément pertinent.

 

[157]     L’avocat de l’intimée établit une distinction entre la présente espèce et l’affaire Lager v. The Queen, précitée, au motif que, contrairement à l’actionnaire en cause dans l’affaire Lager, l’appelant ne courait aucun risque en l’espèce, parce qu’il avait obtenu les actions par suite de la levée d’une option à un moment où les actions valaient beaucoup plus que ce qu’il avait payé pour les acquérir. L’avocat a raison, mais il n’en demeure pas moins que l’appelant a dû emprunter pour acheter les actions en question et qu’il a finalement dû choisir entre diversifier son portefeuille ou rembourser l’argent qu’il avait emprunté. Il y avait de toute évidence un risque.

 

[158]     Dans l’affaire Lager, la Cour était toutefois convaincue, vu l’ensemble de la preuve, que l’appelant n’agissait pas comme investisseur. Les éléments de preuve dont la Cour dispose en l’espèce ne la convainquent pas que l’appelant agissait en cette qualité dans le cas qui nous occupe.

 

[159]     En l’espèce, la Cour est convaincue que l’appelant a consacré beaucoup de temps à gérer la carrière sportive de son épouse et qu’il s’est considérablement investi dans l’entraînement de cette dernière. Cette conclusion s’accorde avec ce qu’il a dit lors de son entrevue avec Radio-Canada en déclarant qu’il quittait en fait son emploi chez Emergis pour aider son épouse à atteindre ses objectifs d’[traduction] « athlète olympique ».

 

[160]     Cette conclusion s’accorde aussi avec les renseignements contenus dans le curriculum vitae que l’appelant a préparé en vue de l’entrevue que Platform lui a accordée et au cours de laquelle il n’a pas mentionné qu’il était courtier en valeurs mobilières.

 

[161]     La Cour est convaincue, vu l’ensemble de la preuve dont elle dispose, qu’après son départ d’Emergis, l’appelant a passé le plus clair de son temps à épauler son épouse et à suivre sa carrière d’athlète. Il consacrait un peu de temps à vérifier les cours de la bourse et, dans une certaine mesure, à acheter des actions et même à en vendre quelques-unes. Toutefois, la conduite qu’il a adoptée en achetant et en vendant ces actions n’était pas celle d’un « courtier en valeurs mobilières ». La conduite qu’il a adoptée en vérifiant les cours de la bourse lorsqu’il était sur la route avec son épouse et le soir, à la maison, n’est pas celle d’un courtier en valeurs mobilières et elle ne correspond pas à la situation factuelle constatée par la Cour dans l’affaire Howard, précitée.

 

[162]     La Cour n’est pas impressionnée par le témoignage de l’expert-comptable. Son témoignage contredisait jusqu’à un certain point les dires de l’appelant lui‑même. L’expert-comptable a déclaré qu’il ne rencontrait pas nécessairement son client avant la signature de ses déclarations de revenus. Il a également dit qu’il ne se souvenait pas si l’appelant avait parlé de ses intentions avec lui après avoir quitté Emergis mais que, comme les déclarations de revenus avaient été préparées à la dernière minute, il s’était simplement servi des renseignements qui lui avaient été communiqués pour établir les déclarations.

 

[163]     L’appelant a affirmé qu’il avait discuté de ses projets d’affaires avec son expert-comptable. Le fait que l’expert-comptable a déclaré que son client n’était pas une personne bien avertie en matières fiscales n’explique pas cette contradiction.

 

[164]     Il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelant se serait lancé dans une entreprise d’opérations sur valeurs sans en parler avec son expert-comptable. La Cour est par ailleurs convaincue qu’il ne serait pas logique que l’appelant ne parle pas des décisions qu’il avait prises au cours de l’année s’il avait véritablement lancé une entreprise d’opérations sur valeurs.

 

[165]     Il y a lieu de signaler que c’est l’expert-comptable, et non l’appelant, qui a pris l’initiative de qualifier l’appelant de courtier en valeurs mobilières en 2001.

 

[166]     La Cour conclut également que les explications fournies par l’expert‑comptable au sujet des raisons pour lesquelles il avait décidé de qualifier l’appelant de courtier en valeurs mobilières à partir de 2001 ne sont pas raisonnables. Il a expliqué qu’il ne pouvait s’imaginer avoir réfléchi à la question lorsqu’il avait préparé la déclaration de revenus de 2000, mais, si l’on accepte le témoignage de l’appelant, il est évident qu’ils en ont effectivement parlé.

 

[167]     Il est également évident que l’expert-comptable n’a pas produit de déclaration modifiée pour l’année d’imposition 2000, même après avoir décidé que l’appelant était un courtier en valeurs mobilières en 2001. Son explication que l’Agence du revenu du Canada ne semblait pas très enthousiaste à l’idée qu’il produise une déclaration modifiée n’est pas raisonnable en supposant qu’il avait raison de conclure que l’appelant était un courtier en valeurs mobilières.

 

[168]     Il semblerait également qu’il n’a compris la situation que parce qu’un autre de ses clients qui se trouvait dans une situation similaire était un courtier en valeurs mobilières et non parce que l’appelant lui aurait expliqué sa propre situation.

 

[169]     L’explication de l’appelant au sujet des raisons pour lesquelles il n’a pas parlé de ses activités d’opérations sur valeurs dans le curriculum vitae qu’il a soumis à Platform n’est pas satisfaisante.

 

[170]     La Cour est convaincue que l’explication avancée par l’avocat de l’intimée est davantage susceptible de correspondre à la réalité, vu l’ensemble de la preuve présentée au procès. Il a évoqué l’idée qu’il s’agissait d’une planification fiscale opportuniste déclenchée par les pertes subies au cours des années en question.

 

[171]     Il est également révélateur que l’appelant n’a pas déclaré de dépenses de bureau dans ses dépenses personnelles relativement à sa présumée entreprise de courtage en valeurs, alors qu’il a déduit les dépenses en question pour sa firme d’experts-conseils.

 

[172]     La Cour doit également tirer une conclusion défavorable à l’égard de l’appelant du fait que son épouse n’a pas témoigné. On se serait certainement attendu à ce qu’elle soit en mesure de parler des activités commerciales de l’appelant et qu’elle témoigne notamment au sujet du temps que l’appelant avait passé, lors des années en cause, à l’aider dans son entraînement et à l’accompagner aux nombreuses compétitions sportives auxquelles elle avait participé.

 

[173]     Vu l’ensemble de la preuve et compte tenu des conclusions raisonnables qu’elle est en droit de tirer de la preuve, la Cour est convaincue que l’appelant n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était un courtier en valeurs mobilières ou qu’il participait à un projet comportant un risque de caractère commercial au cours des années en question.

 

[174]     Les activités d’achat et de vente d’actions auxquelles l’appelant s’est livré au cours des années d’imposition 2001 et 2002 ne constituent pas une entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et les pertes subies au cours des années en question à la suite de la disposition de ses actions ne constituent pas des pertes découlant d’une entreprise au sens du paragraphe 9(2) de la Loi, mais bien des pertes en capital au sens du paragraphe 9(2) de la Loi.

 

[175]     L’appelant n’a pas le droit de reporter sur une année ultérieure, soit l’année d’imposition 2003, les pertes autres qu’en capital subies par suite de la disposition de ses actions au cours des années d’imposition 2001 et 2002.


[176]     Les appels sont rejetés avec dépens.

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 2e jour de février 2009.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2009.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI24

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-2653(IT)G

 

INTITULÉ :                                       IAN BAIRD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 6 et 7 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable T. E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Howard W. Winkler

Avocats de l’intimée :

Mes André Leblanc et Andrew Miller

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                            Nom :                    Me Howard W. Winkler

                            Cabinet :                Aird & Berlis s.r.l.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

 



[1] [2008] 3 C.T.C. 2398.

[2] Howard v. R.., précité, au paragraphe 31.

[3] Howard v. R.., précité, au paragraphe 33.

Robertson c. R.., [1998] 3 C.T.C. 147 (C.A.F.) au paragraphe 20.

[4] Howard v. R.., précité, au paragraphe 39.

[5] Howard v. R.., précité, au paragraphe 44.

[6] [1962] C.T.C. 215 (C.S.C.).

[7] [2005] 2 C.T.C. 2262.

[8] 2004 DTC 2466.

[9] 1965 CarswellNat 90.

[10] [1990] 1 C.T.C. 170 (C.F. 1re inst.).

[11] [1997] 3 C.T.C. 2119.

[12] [1993] 2 F.C. 179.

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